ZONES D'INFLUENCES VERS UN NOUVEL ORDRE MONDIAL

« Il y a l'histoire et il y a l'urgence »

par Christine ALFARGE

Au regard de l'histoire, le choix de mener une politique étrangère indépendante voulue par le Général de Gaulle permet aujourd'hui à la France de pouvoir faire entendre une voix forte et légitime. Sur les réalités nationales au Proche-Orient, le Général de Gaulle ne cessera de montrer la volonté d'une politique d'équilibre et de paix. De même sa vision politique de « l'Atlantique à l'Oural » confère aujourd'hui à la France une place de premier plan dans le dialogue avec la Russie, pierre angulaire pour mener une action diplomatique à long terme pour le progrès et la paix. Les valeurs chrétiennes qui lient la France et la Russie doivent redonner l'espoir de paix, d'équilibre et de justice sur la terre d'Orient.

Sur les crises irakienne et ukrainienne auxquelles s'ajoute l'intensité du conflit israélo-palestinien, la France puissance européenne la plus entendue peut jouer un rôle de médiateur de la paix par sa longue amitié avec la terre d'Orient et contribuer à apaiser les tensions russo-ukrainiennes.

Où en est l'Irak après 2003 ?

Onze ans après, l'Irak ressemble toujours à une poudrière se trouvant confronté à de nombreux défis qui rendent son avenir incertain. De nombreux conflits à caractère communautaire et politique surgissent. Le pays des deux fleuves sera-t-il mener sa propre révolte ? La soit disant démocratie est restée lettre morte, les souffrances du peuple se sont aggravées, l'injustice tant économique que sociale augmente avec en toile de fond la corruption des dirigeants.

L'Irak semble avoir été oublié des préoccupations sur la scène internationale au profit des révoltes arabes faisant le lit d'un déchainement médiatique sur « le printemps arabe » provoqué par les révolutions tunisiennes et égyptiennes et les évènements qui ont ébranlés le monde arabe dans son ensemble. Le peuple irakien a toujours résisté dans son Histoire, à bout de souffle mais déterminé comme les nombreuses manifestations l'ont montré à travers le pays, la révolte est devenue inéluctable signifiant des bouleversements importants. Les appels à manifester contre le gouvernement se sont multipliés au fil du temps et ont pris les traits d'une contestation nationale. L'ampleur nationale de cette contestation n'est pas le fruit du hasard, elle est le signe d'une population revendiquant des conditions de vie meilleures et l'espoir de croire à un avenir plus digne, face à un pouvoir considéré illégitime agissant pour ses intérêts personnels et non pas dans le sens de l'intérêt général. Le caractère citoyen de la contestation a été bafoué et parfaitement ignoré faisant place à des accords de partage du pouvoir controversé, ayant recours à l'usage de la force pour mater la révolte.

Cependant le risque de contagion du soulèvement populaire continue d'exister et fait peur, témoignant en permanence d'une pratique autoritaire du pouvoir par de la répression sanglante. Cette incapacité à redresser le pays est le symbole d'un régime ne pouvant plus manoeuvrer se reposant sur des comportements identitaires et communautaristes, d'une rupture entre le peuple irakien et le pouvoir contesté qui voulait se maintenir jusqu'au bout par l'instrumentalisation des différentes confessions chiites et sunnites à des fins de domination politique, refusant toute idée d'unité nationale. Il faut naturellement y voir la main de l'Iran dont les ambitions hégémoniques régionales notamment sur le nucléaire impactent gravement la résolution des crises au Proche et au Moyen-Orient.

Aujourd'hui, la situation de l'Irak reste chaotique entraînant des violences perpétuelles et l'avenir extrêmement préoccupant des minorités chrétiennes et yazidis, menacées, tuées ou chassées de leurs territoires par l'État islamique, trouvant refuge au Kurdistan, dans le Nord de l'Irak, où elles bénéficient de la protection des forces armées kurdes. Dans ces circonstances tragiques, la France doit parler d'une voix forte sur le chaos en Irak et le sort de ses derniers chrétiens qui implorent l'aide de la communauté internationale.

Leur avenir est garant de l'équilibre du pays et le rôle de notre diplomatie est de veiller à leur protection comme ce fut toujours le cas dans la grande politique étrangère menée par le Général de Gaulle.

Dans l'immédiat, mener une bataille contre le terrorisme est vital pour la protection de l'ensemble des populations civiles mais cela ne sera pas suffisant politiquement à stabiliser définitivement le pays sans une unité nationale établie mettant fin à un système politique confessionnel.

Stratégiquement, l'enjeu primordial est d'éviter une radicalisation d'autres mouvements islamistes vers l'Etat islamique en Irak. L'avenir du Proche et Moyen-Orient se joue sur ce terrain face à la montée de l'islamisme radical d'un côté et l'Iran nucléarisé de l'autre.

L'impact de la crise ukrainienne en Europe

Menacée par les divisions, l'Europe écrit une nouvelle page de son histoire. Elle craint pour ses approvisionnements en gaz et redoute une forte escalade du conflit dans l'Est de l'Ukraine. L'équilibre économique, industriel, énergétique de l'Europe dépend désormais des relations de l'Union européenne avec la Russie, leurs intérêts économiques et stratégiques communs étant liés à une sortie de crise en Ukraine.

Cependant, la dette gazière ukrainienne envers Moscou risque d'entraver les livraisons de gaz russe en Europe. La sécurité des approvisionnements gaz de l'Union européenne et de l'Ukraine passe nécessairement par une solution politique avec la Russie. La résolution de la crise en Ukraine est donc vitale pour les livraisons du gaz russe sur notre continent malgré la loi venant d'être adoptée par Kiev permettant d'interdire le transit du gaz russe vers l'Europe ainsi que d'imposer différents types de sanctions vers la Russie, ce qui n'est pas de nature à calmer le jeu. L'Europe, qui s'est aussi engagée depuis le début du conflit dans la voie d'une confrontation avec la Russie, a pris des décisions de sanctions qui seront contre-productives sur sa propre croissance. Par ses sanctions économiques, l'Europe prend le risque d'une montée aux extrêmes, renforçant le nationalisme russe.

Le président Vladimir Poutine appelle de son côté au bon sens économique, l'atout énergétique de la Russie est aussi l'allié de l'Europe.

Selon l'ancien diplomate Vladimir Fédorovski, « Dans ce contexte international, si la Russie est repoussé dans son coin, il y aura des répercussions dans d'autres crises, notamment au Proche-Orient. La Russie était un allié sûr en Orient. La vocation historique, civilisationnelle et géopolitique de la Russie est d'être l'allié objectif de l'Occident contre l'islamisme radical. » Concrètement, les relations entre l'Union Européenne et la Russie évolueront en fonction de l'accord d'association exclusif signé entre l'Ukraine et l'Union européenne, la fourniture de gaz, l'organisation interne de l'Ukraine et son statut politique aux frontières de l'Europe et de la Russie.

Sur fond de crise ukrainienne et irakienne, un bras de fer russo-américain est engagé. Au-delà de ces deux crises dominantes, la Russie et les États-Unis doivent parvenir à une vision géopolitique commune face aux nouveaux équilibres. Les États- Unis ont besoin de la Russie pour stabiliser le Proche et Moyen-Orient, assurer la sécurité régionale face à l'Iran et préserver la paix en Europe. À son époque, le Général de Gaulle aura oeuvré à un modèle de relations entre puissances majeures, respectant les intérêts de chacun. Aujourd'hui, la diplomatie française continue de porter la voix de la France au Proche et au Moyen-Orient et protège culturellement ses liens d'amitié avec la Russie tout en préservant ses liens transatlantiques ainsi que vis-à-vis de la Chine.
 



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02.09.2014

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