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ISRAËL-PALESTINE, L’IMPASSE

par Luc BEYER de RYKE

Voici deux ans et demi que je n’étais plus allé à Jérusalem. Le temps écoulé permet de mesurer l’ampleur des changements. Sur le chemin de l’aéroport Ben-Gourion jusqu’à l’entrée de Jérusalem il en est deux qui s’impriment visuellement. Le premier est l’extension considérable des colonies. La première, Modi’in à quelques kilomètres de Ben-Gourion se situe pour moitié sur le territoire d’Israël et pour l’autre sur les terres palestiniennes occupées après 67. C’était une localité, c’est devenu une ville importante où s’érigent quelques tours. Lorsqu’on s’approche de Jérusalem toutes les collines sont couronnées de quartiers neufs qui s’étagent, s’accroissent et enserrent la ville.

Le sherout, taxi collectif, dans lequel j’avais pris place avait à son bord deux juifs orthodoxes. Ils se rendaient à Roumema.. L’intéressant lorsqu’on

prend un sherout c’est qu’il vous fait découvrir au hasard des clients qu’il amène des lieux qu’en d’autres circonstances vous n’auriez pas l’occasion de voir. Roumema en est un. En temps ordinaires rien n’est supposé vous y conduire. Il s »agit d’un faubourg de Jérusalem aux maisons cubiques et sans grâce. Parmi elles de nombreuses synagogues. La découverte c’est l’humanité qui peuple ce faubourg qui est presqu’une ville. En cette veille de shabat les rues grouillent de juifs religieux qui semblent sortis d’un livre des frères Tharaud ou d’une toile de Chagall. Longs cafetans noirs, chapeaux noirs à bords raides ou sortes de chapkas rondes ressemblant à des tartes en fourrure venues tout droit des ghettos de Pologne, d’Ukraine ou de Russie. Ainsi en l’espace de deux heures, dès votre arrivée sur la terre d’Israël et de Palestine se matérialisent deux données essentielles.

La première c’est qu’en une seule année la population des colonies a augmenté de 4,2 %. La seconde c’est qu’il y a désormais d’avantage d’Israéliens d’origine juive à Jérusalem que de Palestiniens dits « arabes-israéliens ». Et d’autre part que parmi les Israéliens les juifs orthodoxes sont de plus en plus nombreux débordant largement le quartier de Mea-Schearim. Au point que les juifs laïcs quittent Jérusalem laissant la place aux religieux. Plus de huit mille sept cents en 2013... Là où il y a quelques années tous les religieux n’étaient pas pour autant des extrémistes une évolution paraît s’affirmer. Beaucoup investissent le Likud, le parti du premier ministre, renforcent les groupes et les associations de colons et prennent leur place dans l’armée. Ce qui accroît la pression sur Benjamin Nétanyahou déjà si marqué par ses options ultra sionistes.

« Jérusalem day »

Je suis arrivé sur place « le jour de Jérusalem ». C’est ainsi qu’on nomme et célèbre la date anniversaire du 7 juin 67 où le shofar résonna au mur des Lamentations célébrant la prise de Jérusalem. Des milliers de jeunes Israéliens, kippa sur la tête, brandissant des drapeaux à l’étoile de David, envahissent la ville et en particulier les artères bordant les murailles de la porte de Damas dans la ville arabe.

Nétanyahou prononça un discours conquérant proclamant qu’Israël s’arrogeait le droit de construire là où il le voulait sans aucune limitation. Illustrant ainsi le mot prêté à feu Sharon à la question où est la frontière d’Israël ?; « c’est là où notre charrue trace son dernier sillon » !

La réconciliation ?

Mon séjour coïncide avec l’annonce de la formation d’un gouvernement d’union sensé réconcilier l’Autorité palestinienne avec le Hamas. À cette occasion à Ramallah avec quelques amis, dont des collègues parlementaires, nous avons rencontré Abou Mazen, le président de l’Autorité. Le jour-même Israël avait signifié qu’il boycotterait ce gouvernement parce qu’il incluait, fut-ce à travers des technocrates, des personnalités proches du Hamas.

Devant nous Abou Mazen s’insurgea. « Ce gouvernement aura pour premier geste la reconnaissance d’Israël et la condamnation de toute violence et terrorisme. » Alors où est l’erreur ? Israël se croyait assuré de voir son boycott avalisé par les Etats-Unis. À sa vive indignation, il n’en n’est pas ainsi. Washington jugera la nouvelle équipe à ses actes et accepte de coopérer avec elle. Fureur, imprécation, rétorsion à Jérusalem. Nétanyahou annonce sur le champ la construction de trois mille logements supplémentaires à Jérusalem et aux alentours.

Les prisonniers

Dans le même temps Israël se refuse à libérer, contrairement aux engagements pris, un dernier contingent de prisonniers détenus depuis avant les accords d’Oslo. Ce qui entraîne de leur part une grève de la faim qui a conduit plusieurs d’entre eux à l’hôpital.

Cette grève a pour objet de protester contre le principe de la détention administrative. Il s’agit de mesures datant du mandat britannique aux termes desquelles un détenu peut demeurer enfermé de manière illimitée sans qu’un procès soit instruit contre lui.

Voilà le contexte dans lequel les négociations israélo-palestiniennes ont été interrompues. Mahmoud Abas nous a dit qu’elles ne reprendraient que si la question des prisonniers trouvait une solution et qu’Israël arrête la colonisation. La réponse a été donnée par Benjamin Nétanyahou. Avant même que le gouvernement palestinien eut prêté serment.

Lorsqu’on évoque le Proche-Orient, et en particulier le problème israélo-palestinien, on a la propension à se monter pessimiste. Et à s’attirer avec justesse cette remarque : « ce qu’on peut reprocher au pessimiste c’est de ne pas l’être assez ».

 




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12.06.2014
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