par
Paul KLOOBOUKOFF
À
quoi jouent les grands manipulateurs de l'Union
européenne
Tandis que la
conviction gagne qu'une UE à 28, et bientôt plus, est« ingouvernable », et que
certains demandent même le retour à six pour repartir d'un bon pied, la course
au grossissement continue. Puisqu'il n'est pas bien vu, pour le moment, «
d'élargir » à tous les candidats déclarés et aux états que l'UE veut attirer
dans son giron, l'extension se fait, le plus discrètement possible, à l'aide«
d'accords d'association ». Ces accords, et notamment ceux avec des pays de
l'est, constituent des étapes dans l'avancée vers l'intégration dans l'UE. Barak
Obama et l'OTAN n'ont rien contre. Plus l'UE « se
rapproche » de la Russie, plus l'influence de cette dernière faiblit auprès de
ses voisins, et la menace d'une nouvelle « Union soviétique dominée par la
Russie » s'éloigne. L'UE fait ainsi œuvre de protection et de paix... que les
Ukrainiens goûtent, ou dégustent, aujourd'hui.
Ces accords
orientaux, « novateurs » vont assez loin dans les intentions de coordonner les
politiques économiques, sociales, étrangères, de pratiquer des coopérations
renforcées, d'harmoniser les normes et d'instituer des zones de libres échanges.
Vers l'est, les visées vont jusqu'au Caucase, au-delà de la mer Noire, aux
confins de la mer Caspienne, aux frontières nord-est de la Turquie... qui
trépigne depuis de longues années aux portes de l'Union. Il reste encore un peu
de chemin pour que l'Europe s'étende de l'Atlantique à
l'Oural.
Qui a dit
Atlantique ? Les « manie tout » de l'UE trouvent infondées les revendications
protectionnistes d'Européens frileux et craintifs. Ils veulent accélérer
l'avancée vers l'Ouest. La
conclusion d'un accord de libre-échange entre l'UE et le Canada a été annoncée
le 18 octobre 2013. Resteà faire avaliser cet accord
par les instances de l'UE et ratifier par les États membres. Au Canada, on pense
qu'il pourra entrer en vigueur en 2015-2016.
Selon des
propos édifiants d'Eric Peters, conseiller au bureau de politique européenne de
la Commission de Bruxelles, exprimés dans lemonde.fr/idées du 30/10/2013, cet
accord «ouvre une nouvelle page de l'histoire commerciale de l'Europe... et
ouvre la voie pour le partenariat transatlantique sur le commerce et les
investissements qui devrait pousser encore plus loin la convergence
règlementaire et la modernisation de règles commerciales communes ». Le
conseiller déclare aussi : « Derrière cette initiative, c'est la consolidation
progressive d'un espace atlantique unissant par des accords bilatéraux et
régionaux les façades [?] américaine, africaine et
européenne qui se dessine ». Il ne faut pas négliger l'Afrique, qui, toujours
selon lui, dispose de 40 % des ressources mondiales en pétrole et 33 % de la
production mondiale de gaz.
« Les opinions
exprimées dans cet article sont personnelles. Elles ne reflètent pas nécessairerement les opinions de la Commission européenne ».
L'UE adore les ambigüités. Pourquoi faire ces révélations provoquantes via un média peu lu par le commun des mortels,
avec lequel il restera « confidentiel », et non via un média grand public ? Il
n'est pas bon que les populations découvrent avant l'heure les manigances des
grands manipulateurs qui se sont appropriés l'UE, la modèlent et la dirigent à
leur guise. Bientôt, fini le temps du grand marché unique européen. Ce n'était
qu'une étape vers plus de mondialisation et d'ouverture. Il faut dire welcome
à une immense et hétérogène zone de libre-échange «approfondie » qui ira, si
Dieu lui prête vie, des rivages pacifiques des États-Unis et du Canada, c'est à
dire de l'Alaska à la Californie, jusqu'à la mer Caspienne, aux portes de la
Russie.
Utopie ? Pas
pour tout le monde. Hollande et Obama, qui se sont,
par ailleurs, bien entendus pour afficher leur détermination (!?) sur l'Ukraine,
ont tenu une conférence de presse le 11 février pour réaffirmer leur volonté
commune de conclure un accord de libre-échange transatlantique. « Les États-Unis
(EU) et l'Union européenne ont tout intérêt à aller vite pour le conclure, sous
peine de voir les crispations et les peurs prendre le dessus » a déclaré
François Hollande. Une profession de foi social-démocrate respectueuse des
peuples et de leurs volontés, qui honore notre Président et ses
« amis » dirigeants de l'UE. Mais, des désaccords et des
oppositions s'expriment tant aux EU que dans l'UE. Des débats, qui seront sans
doute vifs et prolongés, ont commencé. Les résultats des élections européennes
inciteront peut-être à plus de prudence et de modération des ardeurs
libre-échangistes.
Et pourquoi
pas une monnaie, commune d'abord puis unique, l'eurodollar ? Les deux premières
monnaies de réserve mondiales réunies en une, presque universelle! Certains en
rêvent. Mais pour cela, avant de penser à une Banque centrale unique, il
faudrait concilier les politiques monétaires de la FED américaine, qui fait un
usage intensif de la planche à billets, et celle de la BCE de Francfort, dressée
bec et ongles contre l'inflation. Cette opposition des politiques monétaires
est, à mon avis, un de problème majeur du projet de zone de libre-échange
transatlantique. Un tel accord permettrait aux entreprises américaines d'imposer
leurs lois en Europe et les aideraità inonder notre «
marché unique géant » de leurs produits, avec l'appui d'un dollar que la FED
continuerait d'affaiblir autant que nécessaire. « N'ayez pas peur ! », nous
diront les papes de l'UE et leurs serviteurs, « Voilà notre avenir, notre
destin, porteur de croissance et d'emploi pour tous ». Stop ! Il faut
redescendre sur terre, arrêter la fuite en avant et cesser de négocier des
accords tous azimuts en secret, dans le dos des peuples
d'Europe.
Extension
rampante de l'UE vers le sud-ouest de la Russie et la
Turquie
L'actualité a
pointé du doigt les visées de l'UE sur l'Ukraine. Des négociations se sont
déroulées discrètement depuis 2007 pour arrimer l'Ukraine
à l'UE
à l'aide d'un « accord d'association novateur » qui englobe une association
politique, des coopérations renforcées et la constitution d'une zone de
libre-échange (ZLE) « approfondie et complète », avec des règles et des normes
communes.
Le projet
d'accord arrêté en commun devait être signé à Vilnius (Lituanie) les 27 et 28
décembre 2013, à un « sommet » auquel étaient invités aussi l'Arménie,
l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie et la Moldavie... futurs membres
espérés du « Partenariat oriental » de l'UE qui avait été amorcé en 2009 par la
Pologne et la Suède. Huffingtonpost.fr observait,à ce sujet, le 21/03/2014, que l'UE avait décidé
d'accélérer les préparatifs pour signer « au plus tard en juin » des accords d'association avec la Géorgie et la Moldavie, qui souhaitent
sortir de la sphère d'influence russe. L'Arménie s'était déjà rétractée en
septembre 2013, préférant rejoindre la ZLE eurasienne constituée par la Russie
avec le Kazakhstan et la Biélorussie. Incluant les autres pays du Caucase (la
Géorgie et l'Azerbaïdjan), la ZLE de l'UE s'étendrait jusqu'à la mer Caspienne,
Bakou... et ses sites pétroliers.
On peut
rappeler que les Caucasiens ont pour voisins la Russie et la Turquie. Ils sont à
la même latitude que celle-ci et, géographiquement, ils sont plus orientaux
qu'elle. Depuis des décennies, les dirigeants turcs s'efforcent de faire entrer
leur pays dans l'UE, affirmant que cette dernière s'y est engagée. Des
européistes influents les soutiennent. Aussi les négociations se poursuivent, «
chapitre après chapitre ». Sachant que la grande majorité des « citoyens » de
l'UE refusent l'adhésion de la Turquie, les négociateurs de l'Union traînent les
pieds, essaient de « gagner » du temps, sans oser et/ou parvenir à faire admettre à leurs interlocuteurs
qu'il leur faut
renoncer.
La Turquie,
avec plus sept cents mille militaires et une position stratégique, est une pièce
maîtresse de l'OTAN. Elle abrite l'état-major terre de son commandement. Aussi,
poussée par l'Amérique, l'UE ne pourra pas faire moins que proposer à la Turquie
un accord d'association renforcée nouveau style avec, à la clé, ZLE, libre
circulation, et convergence politique, économique, sociale et culturelle. Ce
n'est qu'une question de temps. Alors, la ZLE de l'UE sera au contact direct de
paisibles voisins, aux frontières poreuses, que sont la Syrie, l'Irak et
l'Iran.
Retour en
Ukraine. En décembre 2013, le président Yanoukovitch a
fait volte-face et refusé de signer l'accord d'association avec l'UE. Mal lui en
a pris. N'acceptant pas cette décision, très spontanément, sans incitations ni
aides extérieures, les ukrainiens « pro-européens » se sont soulevés, ont
déclenché les manifestations, les émeutes, la « révolution », qui, après des
affrontements sanglants, ont finalement conduit au départ précipité du président
et l'installation de nouvelles autorités soutenues par l'UE, les EU et le FMI,
notamment. Le 21 mars 2014, le Premier ministre nouvellement désigné signait le
premier volet de l'accord d'association UE-Ukraine.
Cet accord de
plus de mille deux cents pages prévoit, avec la ZLE approfondie, des
coopérations renforcées dans vingt-huit domaines clés ainsi qu'une mise en
cohérence progressive avec les acquis européens et les normes et standards
internationaux (source : Commission européenne). Si ce n'est un accord
d'adhésion de l'Ukraine à l'UE, on peut dire que ça y ressemble... et le
préfigure. Il comporte un préambule, établissant le but poursuivi et la
philosophie sous-jacente, et sept titres, qui concernent: 1° Les principes
généraux ; 2° La coopération politique et la politique étrangère et de sécurité
; 3° La justice, la liberté et la sûreté ; 4° La ZLE ; 5° La coopération
économique et sectorielle ; 6° La coopération financière et les dispositions
anti-fraude ; 7° Les dispositions institutionnelles, générales et finales.
Quarante-trois annexes et trois protocoles lui sont
associés.
Le volet signé
en mars couvre le préambule et les titres 1, 2 et 7, les plus « symboliques » de
l'accord. Le deuxième volet, plus important, qui couvre les quatre autres
titres, devrait être signé après les élections présidentielles et la formation
d'un gouvernement sur des bases démocratiques. L'échéance espérée d'août 2014
paraît bien proche compte tenu des plaies qui ont été ravivées et des combats
qui s'enflamment en Ukraine.
Un
accord de libre-échange UE-Canada passé presque
inaperçu
Les négociations avec le Canada menées en
toute discrétion par la Commission depuis mai 2009 ont abouti à un accord entre
José Manuel Barroso et Stéphan Harper, Premier ministre du Canada,
annoncé le 18 octobre 2013. Ce jour-là, un communiqué de presse de l'UE (cf.
europa.eu
/rapid/press-release_MEMO) présentait en quelques pages les principaux
volets de l'accord économique et commercial global UE-Canada, grâce auquel le
commerce bilatéral des biens et des services pourra bondir de + 22,9 %, et le
PIB de l'Union augmenter de « pas moins de 11,6 milliards € par an ». Soit + 0,1
%. Pas plus ! Le communiqué fait le tour des dix-sept « volets » de cet AECG, en
insistant sur les avantages que tireront les agents européens, en oubliant ceux
qui profiteront aux Canadiens.
Cinq volets
ont trait à l'élimination des droits de douane sur plus de 99 % des lignes
tarifaires. Sur les produits industriels, la libéralisation sera totale. Sur les
produits agricoles jugés « sensibles » (les produits laitiers pour le Canada ;
le bœuf, le porc et le maïs doux pour l'UE), les évolutions des droits et des contingents seront
progressives, tandis que les droits seront totalement supprimés pour les
produits préparés, les vins et les spiritueux, avec lesquels l'UE pourra inonder
les marchés canadiens. La plupart des droits sur les produits de la pêche
disparaîtront, et nos industries alimentaires auront un meilleur accès au
poisson canadien. Et, cerise sur le gâteau, la libéralisation du commerce des
services financiers, des télécommunications, de l'énergie et des transports
maritimes devrait être très bénéfique pour l'UE.
Plusieurs
volets concernent les barrières non tarifaires: l'harmonisation des normes et
des règlementations techniques, des procédures d'évaluation de la conformité (y
compris marquage et étiquetage), notamment dans le secteur automobile, le
commerce des produits végétaux et animaux.
L'AECG
facilitera le déplacement temporaire des personnels d'entreprises entre l'UE et
le Canada, la reconnaissance mutuelle des qualifications et s'attachera à
promouvoir le développement durable. Il égalisera les « règles du jeu
applicables en matière de droits de propriété intellectuelle
».
«Tous les pouvoirs infranationaux du
Canada se sont engagés à ouvrir, de manière bilatérale, leurs marchés publics ».
Voilà un marché de
82 Mds € (en
2011) de plus pour nos entreprises.
« La
Commission a négocié des dispositions visant à protéger les investisseurs
européens au Canada, afin de leur garantir l'absence de discrimination, un
traitement juste et équitable et une indemnisation en cas d'expropriation. »
« Un mécanisme
moderne et efficace de règlement des litiges entre les investisseurs et l'Etat
[canadien] », le garantira. Rien n'est dit sur la protection des
investisseurs canadiens dans l'UE. Secret défense !
Le peu qui est
dit sur le Mécanisme de règlement des litiges, « horizontal et harmonisé
couvrant la plupart des domaines de l'accord »... et fondé « sur un ensemble
bien précis de procédures et délais », sur lesquelles le MEMO est muet, n'est
pas rassurant. En effet, « si les parties ne trouvent pas d'accord au moyen de
consultations formelles, elles peuvent demander la mise sur pied d'une instance
d'arbitrage composée d'experts juridiques indépendants ». L'ouverture de cette
brèche juridictionnelle n'est pas passée inaperçue (voir
ci-après).
Le portail du ministère du Commerce
extérieur, rapporte le 22 octobre 2013 des propos du ministre Nicole Bricq (NB) empreints de réserves, « dans l'attente du texte final et en
l'état actuel des informations connues». Elle a exprimé sa préoccupation quant
aux conséquences sur les filières viandes et demandé à la Commission de «
fournir rapidement tous les éléments sur les conséquences de cet accord sur
l'élevage européen. Au moment où le Président de la République a fait de ce
secteur une priorité nationale... La France ne se prononcera sur cet accord
qu'après un examen approfondi de ces opposants, de
partis de gauche, en particulier, ont, selon Noël Mamère, harcelé le Gouvernement de questions et organisé de
nombreux rassemblements pour dénoncer l'accord. Finalement, l'AMI a été enterré
en 1998.
Moins de
quinze ans plus tard, les dents acérées, Dracula se réincarne. Un Pacte
transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI) est concocté dans le plus
grand secret entre la Commission et les États-Unis. Le mandat des négociations
aété donné par le Conseil des chefs d'États à la
Commission en juin 2013. Cependant, un groupe de travail de haut niveau (GTHN)
sur l'emploi et la croissance a été installé dès le 28 novembre 2011, une «
consultation nationale » a eu lieu en janvier 2013, les négociations ont débuté le 13
février 2013 et les services audiovisuels ont été exclus des négociations le 14
juin 2013 (site du ministère du Commerce extérieur).
Les résultats
de la « vaste » consultation, qui a recueilli 287 réponses ont été « détaillés »
en quinze lignes. Deux « rapports » du GTHN, en anglais, sont trouvables sur le
site du ministère : un provisoire, de juin 2012, pèse trois pages, et le final,
de février 2013, fait six pages... de titres et de généralités insipides et
inodores. Le mandat des
négociations confié à la Commission n'a pas été
rendu public. « Il a fuité sur le site
de
BFM-TV, on trouvera une traduction en français sur le site du PCF) », lit-on sur
rue89.nouvelobs.com/2014/03/29/... Autres miettes d'infos en anglais: un
avant-projet américain de l'accord, du 2 juillet 2013, et des positions
initiales européennes sur six sujets. Bien maigre, tout cela ! Quelle
discrétion, aussi des députés européens (huit, un par groupe parlementaire, sont
« associés » aux négociations), du Gouvernement, des partis ainsi que de médias,
pendant près de deux ans.
Aux
États-Unis, si les citoyens et les journalistes sont tenus à l'écart, les
délégations américaines comptent plus de six cents consultants mandatés par les
multinationales (monde-diplomatique.fr/ 2013/11). Là-bas aussi, on compte
prendre le bon peuple au dépourvu et lui laisser peu de temps pour s'exprimer
lorsque l'accord sera conclu.
De
fortes mises en garde lors des « préliminaires »
Dès le 26 mai
2013, le Parti de gauche de Mélenchon accusait: « ce texte livre notre pays et
l'Union européenne aux intérêts économiques et stratégiques des Etats-Unis »...
« c'est le renoncement officiel et définitif à une
Europe indépendante de l'impérialisme américain »... le
« texte est aussi décisif pour les peuples que les traités de
Rome et de Maastricht... il ne peut en être question ».
Le 3 juin
2013, sur le blog de Noël Mamère un article titrait «
Marché transatlantique : Non à l'Otan de l'économie ». L'auteur avertissait : «
Si le projet aboutit, il réduira l'Europe au statut d'élément subalterne d'un
ensemble occidental dominé par le libre-échange, l'ultralibéralisme et le
dollar. Mais surtout, les règles, les normes et les droits qui régissent
l'économie en seront bouleversés. Ce grand chambardement aura des conséquences
immédiates : fin du moratoire sur les OGM, accentuation de la libéralisation des
services publics, menaces sur les libertés numériques...» Pour lui, la
Commission organise une fuite en avant dérégulatrice
fatale pour le modèle social européen, déjà en crise. Il prédit que « Les
pétroliers s'attaqueront aux mesures d'interdiction du gaz de schiste, les
groupes agro-alimentaires nous refileront leur bœuf aux hormones et leurs
poulets à la chlorine, autorisés aux États-Unis mais
interdits en Europe. Les assurances privées asphyxieront les mutuelles,
l'éducation et la santé seront attaquées comme services publics...» L'existence
même de l'UE est en péril.
Ces «
avertissements » résument assez bien une partie des critiques fondamentales qui
ont été émises par la suite. Les réactions ont été plutôt rares au début, faute
d'information, peut-être. Depuis elles se multiplient, les opinions sont
sévères, la contrariété et la colère montent. Les médias ne peuvent plus
l'ignorer complètement.
Ce
qu'on sait de l'accord, et les graves méfaits qu'on peut lui
attribuer
En peu de
mots, les principaux objectifs du PTCI seraient de réduire à néant, si possible,
les tarifs douaniers (qui ne sont que l'ordre de 2 % à 3 % en moyenne) des deux
côtés de l'Atlantique, d'abaisser les barrières non tarifaires et d'harmoniser
les normes et les réglementations, ainsi que de donner plus de libertés et de
garanties aux investisseurs en plaçant les sociétés et les États sur un pied
d'égalité au plan juridique. Pour cela, serait mis en place un mécanisme de
règlement (« Investor-state dispute settlement
», ISDS) prévoyant l'arbitrage des conflits par un tribunal arbitral
international, localisé de préférence à Washington, sous l'aile de la Banque
mondiale. Comme, par exemple, le
Centre international de règlement des différends liés à l'investissement
(CIRDI).
La réduction
des tarifs inquiète surtout le secteur agricole où subsistent des droits de
douanes élevés, notamment sur les importations de carcasses de bovins congelées.
De nombreux emplois sont menacés.
Une certitude
pour tous : l'harmonisation des normes et des règlementations vise en réalité la
dérèglementation complète dans la plupart des activités. Elle ne peut que tirer
vers le bas celles de l'UE, plus protectrices que celles des EU, notamment en
matière de sécurité alimentaire, numérique et de protection de l'environnement.
Sont craintes des pressions pour autoriser l'exploitation du gaz de schiste,
l'importation et/ou la production d'OGM (maïs et autres),
de
poulet nettoyé au chlore, de lait et de bœuf aux hormones, de porcs « dopés » à
la ractopamine, etc. L'accentuation désirée de la
concurrence et de la privatisation menace aussi nos services publics de
transport, d'éducation, de santé... notre protection sociale et, finalement,
notre « modèle social ».
Peut-on
imaginer, d'autre part, que l'accord tolère longtemps les interventions de
l'État dans l'in-dustrie, comme il le fait en jouant à
l'arbitre
« engagé », défenseur social, entre General Electric et
Siemens, candidats au rachat d'Alstom ? Et Montebourg
a parlé de « nationalisation provisoire » ! Cela n'a pas plu aux Américains.
Est-il pensable que la PAC, qui règlemente et subventionne l'agriculture, ne fasse pas
l'objet d'attaques ? Pourquoi des gouvernants de la France qui sont étatistes et
interventionnistes veulent-ils imposer un tel traité « dérégulateur » ? Les technocrates qui dirigent l'UE
s'échinent à y imposer leurs lois, au nom de leur « bien commun ». Espèrent-ils
faire de même avec l'Administration fédérale et les gouverneurs des États
américains ? Un peu de réalisme, SVP !
La faiblesse du dollar par rapport à
l'euro, qui résulte des dévalorisations orchestrées par la FED américaine, a le
même effet qu'une barrière tarifaire. Elle renchérit les produits (biens et
services) européens pour les américains, tout comme un droit de douane
généralisé. C'est de la concurrence déloyale, pour certains. Ce point majeur ne
fait pas l'objet des négociations. Bizarre !
Il ne faut pas
ignorer ou minimiser les problèmes que posent les différences entre les buts
assignés aux fiscalités et leurs niveaux. En France, le taux des prélèvements
obligatoires (PO) est de 45,3 % du PIB en 2012. Aux États- Il ne faut pas
ignorer ou minimiser les problèmes que posent les différences entre les buts
assignés aux fiscalités et leurs niveaux. En France, le taux des prélèvements
obligatoires (PO) est de 45,3 % du
PIB en 2012. Aux États- Unis, il est
de 24,3 % (source: OCDE). C'est un handicap pour la France et d'autres pays de
l'UE, qui sera encore plus sensible lorsque l'accord sera signé. De gros écarts
existent sur l'imposition des entreprises, 11,1 % du PIB en France contre 4,3 %
aux EU, ainsi que sur les charges de sécurité sociale, 16,9 % contre 5,4 %. Un
rapprochement significatif des fiscalités, qui sera sans doute recherché dans le
prolongement et la logique « d'harmonisation » du PTCI, constitue une menace
réelle pour notre système économique et social dans son
entier.
Le
renforcement du pouvoir des multinationales, par la mise place du mécanisme de
règlement des différends entre les États et les entreprises, qui les place sur un pied d'égalité juridique, soulève maintes
critiques, protestations et indignations. Les exemples ne manquent pas de cas
dans lesquels des États ont été
condamnés (ou pourraient l'être) à de coûteuses « indemnisations
» pour avoir lésé les intérêts de socié- tés en ne se
pliant pas aux normes du libéralisme en modifiant leurs législations. Lori M.
Wallach (Directrice de Public Citizen's Watch,
Washington, DC.) dans un article remarquable intitulé
« Le traité transatlantique, un typhon
qui menace les
Européens », sur le site monde-diploma-tique.fr/2013/ 11, précise que les pays
signataires devront assurer la « mise en conformité de leurs lois, de leurs
règlements et de leurs procédures » avec les dispositions du traité. Cela sera
irréversible. Pour revenir en arrière ou modifier le traité, il faudra l'accord
de tous les signataires. Il s'agit
d'une importante question de principe, de souveraineté... qui ne contrarie pas
tous nos gouvernants.
C'est aussi
une obligation qui peut coûter très cher aux États d'Europe. À titre d'exemple,
l'auteure indique que sous l'égide de traités signés par Washington, « les
procédures en cours - dans des affaires d'intérêt général comme les brevets
médicaux, la lutte antipollution ou les lois sur le climat et les énergies
fossiles - font grimper les demandes de dommages et intérêts à quatorze
milliards de
dollars ».
Elle enfonce le clou sur l'ampleur potentielle de la facture « de cette
extorsion légalisée » en indiquant, notamment, que 14.400 compagnies américaines
ont déployé en Europe un réseau de 50.800 filiales.
Un exemple
donne à réfléchir : « Le fournisseur d'électricité suédois Vatenfall réclame plusieurs milliards d'euros à l'Allemagne pour son ‘‘tournant
énergétique’’, qui encadre plus sévèrement les centrales à charbon et promet une
sortie du nucléaire. ». L'UE est donc sur la bonne voie. Il ne reste plus qu'à
désigner un arbitre indépendant privé.
L'impact
du PTCI sur la croissance de l'UE sera insignifiant
Le principal
argument répété en faveur du PTCI est qu'il favoriserait la croissance et
l'emploi, car il unirait dans une zone de libre-échange « ap-profondie » deux puissances qui, ensemble, représentent
40 % du PIB mondial, 32 % des importations et 25 % des exportations. Le nou-veau marché géant compterait 820 millions de
consommateurs. La même chanson avait été entendue lors de la création du marché
unique européen, qui devait relancer la croissance et éradiquer le chômage. Trop
petit, trop contraint. Il faut voir plus grand, plus loin, maintenant
!
La Lettre du
CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales) du 30
septembre 2013 est consacrée aux « enjeux économiques du partenariat
transatlantique ». Le CEPII a effectué des projections à long terme en prenant
pour hypothèses centrales la suppression totale des barrières tarifaires et la
diminution du quart des obstacles liés aux barrières non tarifaires
(BNF).
À l'horizon
2025, le PTCI « boosterait » les échanges commerciaux bilatéraux États-Unis- UE à
27 de + 50 % environ, et de
trois fois plus pour
les produits agricoles pour lesquels les barrières actuelles sont les plus
élevées.
Les exports
des EU vers l'UE seraient majorés
de + 53
% (agriculture : + 169 % ; industrie :
+ 66 % ;
services : + 14 %).
Les exports de
l'UE à 27 vers les EU le seraient de + 49 % (agriculture : + 150 % ; industrie :
+ 62 % ;
services: + 24 %).
80 % des
progressions des échanges EU-UE proviendraient de l'élimination (partielle) des
barrières non tarifaires.
Rapportés aux
totaux des échanges commerciaux de chacun des deux « partenaires », les
majorations seraient, naturellement, nettement plus faibles. Du côté américain,
elles seraient de + 7,5 % pour les imports et de + 10,1 % pour les
exports.
Du côté de
l'UE à vingt-sept, commerce intracommunautaire compris, elles seraient de + 2,2
% pour les imports et de + 2,3 % pour les exports. Ceci, à l'horizon
2025.
Pour la
France, dont les États-Unis sont le sixième partenaire commercial, les
majorations seraient de + 2,5 % pour les imports et + 2,6 % pour les exports
(agriculture : - 0,3 %; industrie : + 2,6 % ; services : + 3,1
%).
L'impact à
long terme du PTCI sur la croissance du PIB serait de l'ordre de +0,3 %. C'est
un peu moins que les résultats (0,4 ou 05 %) fournis par une étude de l'UE de
mars 2013. Lorsque le mandat de la négociation a été donné par les chefs d'États
à la Commission, tout ce beau monde savait
donc que l'impact du PTCI
sur la croissance et l'emploi serait insignifiant. Les résultats obtenus font
d'ailleurs poser aux auteurs cette question évidente : l'ordre de grandeur des
gains envisageables justifie-t-il de mener une telle négociation ?
Les
motivations tortueuses et les buts réels des promoteurs du
PTCI
De part et
d'autre, on veut « approfondir » la libéralisation du commerce international et
de la gouvernance des états... ainsi que favoriser la « multinationalisation »
des investissements et des entreprises. Pas seulement en Europe et en Amérique
du Nord. Partout, suivant des règles décidées par les États-Unis et l'UE. Il
faut prendre d'urgence le relai de l'OMC, englué dans l'impasse des négociations
multilatérales du Cycle de Doha, et déployer tous azimuts des accords bilatéraux
entre pays et groupements de pays.
Ne nous
cachons pas que le PTCI est pour les États-Unis un moyen de consolider sa
domination sur l'Europe et, en même temps, d'empêcher l'UE d'avancer vers une
union économique avec la Russie, que Vladimir Poutine a proposée plusieurs fois.
Bien joué, Barak Obama! Plus encore, le PTCI est vu
comme une pièce importante dans la stratégie américaine visant à contenir la
montée de la Chine, en essayant de « rassembler, en dehors de la Chine,
l'ensemble des partenaires bordant les deux océans qui baignent les États-Unis,
c'est dire le monde entier », selon les termes de Jean-Pierre Chevènement. À
cette fin, a été mis sur pied en 2012 le « Trans-Pacific Partnership »
associant huit partenaires. Il en compte onze maintenant: l'Australie, Brunei,
le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le
Pérou, Singapour et le Vietnam. Ce n'est qu'un début !
Alors que de
nombreux européens demandent plus de protection, l'UE suit un chemin analogue et
résolument libéral mondialiste... dans leurs dos. Ses dirigeants veulent nouer
des accords de libre-échange autour d'elle, du Pacifique américain et canadien
jusqu'à la mer Caspienne. Mais leurs visées ne s'arrêtent pas là. De nombreuses
négociations ont abouti ou sont engagées par ailleurs. En Amérique du sud, un
ALE avec le MERCOSUR (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Venezuela) serait
bientôt conclu, selon la Présidente du Brésil, et un autre se négocie avec le
Pérou et la Colombie. La Représentation Permanente de la France à l'UE (une des
sources ici) signale aussi des négociations avec des interlocuteurs d'Amérique
centrale, du Moyen Orient, dont le Conseil de Coopération du Golfe, et la
Jordanie aussi, semble-t-il.
En Afrique, un
ALECA (ALE complet et approfondi) avance, qui pourrait servir de modèle
prochainement pour la Tunisie et l'Égypte.
En Asie, l'UE
joue le grand jeu. Un accord avec la Corée est en vigueur depuis 2011. Un autre,
avec le Vietnam, a été voté le 17 avril. Un ALE est prêt à être conclu avec Singapour. Sont aussi dans le tuyau
des ALE avec l'Inde et l'ASEAN (Philippines, Indonésie, Singapour, Thaïlande,
Malaisie, Brunei, Birmanie et Laos). Quels citoyens européens en sont informés ?
Avec tous ces
accords, euro-asiatiques et euro-latino-américains, notamment, l'UE ne
marche-t-elle pas sur les plates-bandes des États-Unis...et réciproquement ?
Quel est le plan et quelle en est la cohérence ?
Cerise sur le
gâteau, un accord global d'investissement est en cours de négociation par l'UE
avec la Chine (L'Express, L'expansion, le 30 mars 2014). Et, « à la demande
pressante » du dirigeant chinois Xi Jimping, lors de
sa récente visite à Bruxelles, l'UE a accepté d'envisager un ALE approfondi et
global avec Pékin... lorsque le premier accord sera en vigueur.
Si David
Cameron (Royaume-Uni) est franchement pour, la France, l'Espagne et l'Italie
seraient plus craintives et réservées. Quant à nos Partenaires Américains, ils
ne peuvent que s'en réjouir !
Toujours
la « pétoche » d'être trop petits, trop faibles, et la fuite en avant vers le
libéralisme mondialiste
« À Washington, on a de bonnes raisons de
croire que les dirigeants européens sont prêts à n'importe quoi pour raviver une
croissance économique moribonde, fût-ce au prix d'un
reniement de leur pacte social ». Ce constat cruel, qui ne manque pas de
réalisme, est rapporté par Lori M. Wallach, précédemment citée. Au contraire, en
France, certains pensent que l'économie des États-Unis est à bout souffle en
raison de l'énorme endettement public et privé, et que Barak Obama pousse le PTCI dans l'espoir de remotiver les
entreprises et les investisseurs.
Ensemble,
plusieurs malades font un bien portant, plus gros, plus puissant. Telle est la
doctrine« rassembleuse » à l'œuvre dans l'UE presque depuis le début de «
l'aventure européenne ». Les dirigeants des États, l'UE et les partis
européistes ont répandu la crainte, la peur, la pétoche, la trouille, les
chocottes (au choix) d'être trop petits, trop faibles, d'être effacés bientôt de
la carte du globe. Même la France, « cinquième puissance mondiale », ne
survivrait pas. « Sans l'Europe, la France n'a aucune chance de s'en sortir ! »
a prononcé Bernard Accoyer (UMP, ex président de
l'Assemblée nationale) le 29 avril. Descendre du « perchoir » peut faire perdre
de la hauteur. Mais à ce point, c'est tragique !
Cette soif
maladive de grossissement a motivé les élargissements inconsidérés (qui se
poursuivent), la création et l'extension du marché unique européen, devenu, lui
aussi, trop petit pour garantir notre avenir. La condition et le prix en ont été
l'abandon des souverainetés nationales et la soumission à des oligarques
technocrates qui méprisent les peuples et leurs représentants. Le PTCI ne peut
pas inverser la tendance. En revanche, il peut déplacer les centres des
décisions qui nous gouvernent vers Washington, ainsi que vers les lobbys (déjà
très actifs Bruxelles) chargés des intérêts de grandes
multinationales.
Pourquoi
un tel imbroglio et des craintes sur les ratifications des
ALE
Le traité de
Lisbonne stipule que lorsqu'un accord a été « conclu » par la Commission,
l'approbation du Parlement européen est requise pour « les accords d'association
entre l'UE et les pays tiers » (source :
europa.eu/legislation...).
Le Conseil
européen (des chefs d'États) doit aussi approuver l'accord
final.
Quant à la
ratification par les parlements nationaux des accords « signés » par la
Commission et « approuvés » par les instances précédentes de l'UE, un « suspense
» est maintenu, artificiellement en ce qui concerne l'accord UE - Canada et le
PTCI. Il semble assuré que la ratification par les pays membres est
indispensable lorsqu'un accord est
dit
« mixte » car il porte sur un domaine de compétence partagée,
qui ne relève donc pas de la compétence exclusive de l'UE. Pour un esprit sain,
vu l'ampleur et le nombre des domaines concernés, les deux accords ne peuvent
être qu'à compétence partagée. Cependant, le doute est entretenu par l'UE et en
Allemagne... au moins.
« Les
parlements nationaux ne seront pas consultés sur la ratification du traité
Transatlantique » titrait un article sur contrelacour.fr du 29 octobre 2013. La
Commission a pu indiquer qu'il « appartiendra au Conseil et au Parlement
européen d'examiner ou de rejeter l'accord
final »,
sans aucune référence à des ratifications par les États membres. D'un document
du ministère fédéral de l'économie et de l'énergie allemand, il ressortirait que
le PTCI sera probablement un accord mixte qui appellera sa ratification par les
États membres...
Or, un accord
de libre-échange entre l'UE et ses États membres a été signé avec la Corée le 6
octobre 2010. Il est entré en vigueur le 1er juillet 2011. Le 25 juillet 2013,
en France, une loi autorisant la ratification de l'accord a été adoptée par le
Sénat. Pouvait-il en être autrement ? Qui oserait dire « pas d'accord » après
deux ans d'application ?
Malgré de
nombreuses oppositions, de cent soixante organisations européennes et
latino-américaines, notamment, un ALE entre l'UE, la Colombie et le Pérou a été signé par
la Commission, puis a été adopté par le Parlement européen le 11 décembre 2012.
L'accord sera appliqué « provisoirement » dès 2013... jusqu'à ce qu'il soit ratifié par tous les États membres. Le
1er avril 2014, le Luxembourg, exemplaire, a ratifié. Il est vrai que JC
Juncker, ex premier ministre du Luxembourg de 1998 à 2013, est candidat à la
présidence de l'UE.
La manœuvre
prévue : Si la ratification par les États membres est nécessaire pour les ALE
avec la Corée ainsi qu'avec la Colombie, il est impensable qu'elle ne le soit
pas pour les ALE avec les États-Unis et le Canada. Alors, à quoi rime ce cinéma
? Pour les deux grands accords en question, la procédure bien huilée prévue en
haut lieu devrait être : signature par la Commission dès que possible (la marche
forcée est engagée), que cela plaise ou non aux citoyens d'Europe. Puis,
approbation, vite fait, sans surprise, par le Parlement européen (PE). Dans la
foulée, entrée en vigueur « provisoire ». L'affaire serait alors dans le sac.
Ensuite, plus les palabres traîneront avant les ratifications par les États
membres, plus il sera difficile à ceux-ci de « faire marche arrière
».
Le
processus est mal engagé, mais les carottes ne sont pas encore
cuites
Le processus
est plutôt mal engagé, puisque les chefs d'États (au Conseil) ont donné mandat à
la Commission de négocier, comme elle l'entend, en secret et, visiblement, sans
rendre compte. Le PE semble sur la touche, ou est « muselé », et ne fait que
prôner la prudence. Reste aux opposants à l'accord l'arme éprouvée du
harcèlement pour la mise en lumière
de Dracula, la pression populaire, médiatique et électorale, pour pousser le
président et les partis politiques « sympathisants » (et les chefs d'États des
autres pays) à se dédire.
Noël Mamère n'a pas été le seul à réclamer un référendum. Il sera
difficile de convaincre le Gouvernement qui peut toujours recourir à
l'échappatoire du vote par le Parlement, comme après le NON de 2005, avec la
certitude que la majorité des UMPSUDI votera OUI à la ratification. Les
européennes, comme les élections nationales suivantes (régionales,
départementales) en auront d'autant plus d'importance pour faire bouger les
lignes.
2014 est
l'année des changements à l'UE. En fonction des résultats des élections
parlementaires de fin mai, un nouveau président de la Commission sera choisi
pour cinq ans. Il lui appartiendra de nommer, à l'automne, un nouveau collège de
commissaires. Le président du Conseil européen changera aussi en
2014.
Aussi, le
mandat de négociation donné à la Commission expire-t-il en octobre 2014. Il sera
renouvelé. Mais en quels termes ? Dans l'attente de cette échéance, les
négociations ont été suspendues, « officiellement » sur le« mécanisme de
règlement des différents », source d'oppositions des deux côtés de
l'Atlantique.
Aux
États-Unis, Obama s'est engagé à augmenter fortement
les exportations. Il n'a que partiellement réussi... et les élections de
mi-mandat sont pour novembre. Il tient beaucoup au PTCI avec l'UE, ainsi qu'au
Partenariat trans-pacifique, que son administration
est en train de négocier également. Mais, l'ALENA, Association de libre-échange
avec le Mexique et le Canada, dont le vingtième anniversaire a été
« célébré » le 1er janvier, a très mauvaise presse. La gauche
lui attribue les délocalisations, la désindustrialisation et la perte d'emplois
aux États-Unis. La méfiance à l'égard de ce type de traités et des négociations
réalisées dans l'opacité ont déclenché une fronde dans
le camp même d'Obama, d'élus démocrates (150 pour les
uns, 170 pour d'autres). Le Congrès a refusé d'ouvrir à l'exécutif le « fast track » (la voie rapide), qui
lui permettrait de négocier directement et de bénéficier d'une procédure
accélérée au Congrès. Ce coup de frein pourrait faire patiner les négociations
un certain temps.
Partisans
ou opposants : pour qui voter le 25 mai
En Europe,
Angela Merkel est résolument pour... accroître les
exportations des entreprises de son pays, bien que l'Allemagne connaisse la
mobilisation populaire contre le traité la plus vive
(contrepoints.org/2014/03/28, une des sources ici). Elle vient, d'ailleurs, de
rendre visite à Obama pour évoquer le sujet, ainsi que
celui de l'Ukraine. Les ministres du commerce de neuf pays (Suède, Irlande,
République Tchèque, Espagne, Danemark, Royaume-Uni, Pays-Bas, Finlande) ont
écrit à la Commission pour l'encourager dans ses démarches. Les partis «
populistes », en pleine ascension dans presque toute l'Europe, sont opposés au
Traité. Beaucoup d'associations et d'ONG aussi.
François
Hollande s'est illustré sur la question à Washington aux côtés de Barak Obama à la conférence de presse du 11 février en prononçant
ces paroles historiques : « Dès lors que les principes sont fixés, que les
mandats sont donnés, que les intérêts sont connus, aller vite n'est pas un
problème, c'est une solution. Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous
savons bien qu'il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations.
Donc, si nous sommes de bonne foi, si nous sommes respectueux des positions des
uns et des autres, si nous sommes attachés... à la croissance, nous pouvons
aller vite ». Traduction en bon français : « Puisque le vin est tiré, il faut le
boire. Même si c'est une piquette qui va nous brûler les entrailles
».
« Merci, Chef.
À la vôtre ! »
Dans les rangs
des centristes de l'UDI et du MoDem, cette
détermination a dû réchauffer les cœurs des dirigeants et des militants, fiers
d'affirmer que leurs partis sont les plus européistes et atlantistes en France.
Une petite tâche, tout de même. Jean Arthuis, ex ministre de l'Économie et des
Finances, tête de de liste UDI-MoDem « Les Européens » en Bretagne, Pays de Loire,
Poitou-Charentes aux élections du
25 mai
s'oppose maintenant au PTCI. Dans une tribune, sur le site
le.figaro.fr/vox/politique/ 2014/04/31, il en a exposé les « sept raisons
précises et concrètes », dont : « En définitive, dans cette négociation,
l'Europe s'avère avoir peur de défendre nos intérêts ».
À l'UMP, on
tente d'être discret sur le sujet. Jean-François Copé a donné son approbation à
la négociation. Mais les avis sont partagés, sur les questions de souveraineté
et de protection du « modèle français », notamment. Parmi les récalcitrants
remarqués, Henri Guaino, ex conseiller de Nicolas
Sarkozy, a déclaré qu'il ne voterait pas pour Alain Lamassoure, candidat UMP en
Ile-de-France.
Inutile de
rappeler que Nicolas Dupont-Aignan (président de Debout la République) est
opposé au traité. D'autres gaullistes le sont aussi
(gaullistelibre.com/2014/04).
Les
socialistes de base sont hostiles au traité. Pour la plupart, ils n'ont pas
encore tout à fait assimilé la sociale démocratie libérale-interventionniste
mondialiste de FH et s'interrogent sans bruit. Tandis que les dirigeants font
profil bas et essayent de convaincre leurs fidèles d'aller voter le 25 mai pour
barrer la route à l'extrême droite.
Protection
alimentaire, sanitaire et environnementale oblige, de nombreuses associations et
les Verts se sont dressées contre le traité. Le candidat EELV tête de liste
dans l'Ouest, Yannick Jadot, dénonce avec force « l'aveuglement du parti socialiste »
favorable à un accord« qui remettrait clairement en cause la perspective même
d'un projet européen spécifique » (le point.fr/européennes 2014, le 16/04/2014).
Jean-Luc
Mélenchon a annoncé que les députés du Front de gauche déposeront une
proposition de loi le 22 mai pour que « s'interrompent les négociations autour
du marché transatlantique» (AFP 05/05/2014). Les communistes sont franchement
hostiles également.
Égal à
lui-même, le vent en poupe, le Front National est vent debout contre le traité.
Marine Le Pen a renouvelé le 1er mai ses appels aux Français pour qu'ils se
mobilisent en masse le 25 mai. Elle espère passer devant la droite et rendre
incontournable la dissolution de l'Assemblée nationale. Une éventualité dont on
parle déjà sans cela.
Les résultats
des européennes dans les vingt-huit pays membres « impacteront » les
négociations et l'avenir des traités. Que l'on soit « pour » ou « contre », si
on considère que la question est primordiale, c'est une raison de plus d'aller
voter. Pour la plupart des électeurs, devant l'éventail des positions, il ne
devrait pas être très difficile de choisir.
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Dernière
minute : l'AFP rapporte le 2 mai ces propos de Nicolas Dupont-Aignan : « Le
16 décembre,
une Commissaire européenne, Mme Malmstrom, a signé un
accord avec la Turquie prévoyant la libre circulation des Turcs sans visa à
partir de 2017. Qui en a parlé en France ? » Voilà encore un pas décisif vers
l'adhésion à l'UE qui va faire chuter le nombre de clandestins venant du Moyen
Orient et réjouir les patrons allemands qui manquent cruellement de main d'œuvre
bon marché. NDA a dit aussi : « Je
peux vous assurer qu'il y aura un tremblement de terre aux européennes dans tous
les pays. ». Croisons les doigts.