par
Luc BEYER de RYKE
« L’Empire c’est
la paix ». C’est ce que proclamait Émile Olivier avant de faire voter en 1870 la
déclaration de guerre à Bismarck « d’un coeur léger ».
Comparaison n’est pas raison mais on peut néanmoins marquer un doute et une
hésitation en écoutant Angela Merkel faire campagne
sur l’Ukraine proclamant « l’Europe c’est la paix ».
Cela au moment
où son prédécesseur Gerhard Schroeder fêtait à Saint-Pétersbourg son
soixante-dixième anniversaire avec pour invité de marque… Wladimir
Poutine.
Ou en
serons-nous lorsque paraîtra cet éditorial ? Chaque heure qui passe nous éloigne
de la paix. L’Ukraine est écartelée, la Crimée est redevenue russe sans jamais
avoir cessé de l’être, l’Allemagne est le moteur de l’Union Européenne mais un
moteur qui manque de combustible autre que russe depuis que, sous la pression
des Écologistes, elle est sortie du nucléaire. Comment sortir de l’imbroglio
sinon par la négociation. Il est parfois difficile, voire impossible d’enrayer
un engrenage avant d’être broyé par lui.
Un
devoir civique
L’Europe
est-elle la paix ? Espérons-le et agissons pour qu’elle le soit. D’ici quelques
jours nous nous trouverons devant une échéance dans laquelle nous avons notre
mot à dire. Ce seront les élections européennes. Dès à présent les
abstentionnistes sont présumés les grands vainqueurs de la
consultation.
Pour ma part
je le déplore profondément. Qu’il s’agisse des Européennes ou de toute autre
élection. Aussi limité et relatif soit le pouvoir de décision accordé par le
suffrage universel celui-ci fait partie des libertés souvent chèrement
conquises. Ne pas en user revient à s’amputer soi-même des droits acquis et conquis. Après cela, en faire bon usage relève des
sensibilités de chacun et, pour reprendre Pirandello, « À chacun sa vérité ». Si
il est indéniable que l’Europe a déçu ne nions pas l’élan généreux qui a présidé
à sa fondation.
Le général de
Gaulle, dont nous nous inspirons, ne l’a jamais contesté. Il savait qu’après
avoir « taillé » il faudrait « recoudre ».
Technocratie
et élargissement
Si la
construction européenne, au fil des ans, s’est entourée d’un scepticisme qui,
s’est mué souvent en hostilité, c’est parce que l’élan populaire à été confisqué
par une technocratie omnipotente. Même dans les pays fondateurs ou longtemps
l’idée européenne tenait du credo, tels l’Allemagne ou la Belgique, aujourd’hui
la défiance s’est propagée. Ne parlons pas des Pays-Bas et de la France ou des
consultations populaires ont débouché sur un Non à l’Europe. Consultation dont
le pouvoir politique en France n’a pas tenu compte.
Quant à
L’Europe, pratiquement sans concertation, elle s’est élargie, étendue à
vingt-huit pays ce qui, légitime ou non, la rend proprement ingouvernable. Il va
de soi que cela pèse lorsqu’arrivent les exigences et les échéances électorales.
Là où le vote n’est pas obligatoire, comme en France, légion sont les
abstentionnistes.
D’autres – et
ils seront nombreux – écouteront la blonde Walkyrie du Front National appelant
les électeurs à voter aux européennes… pour sortir de l’Europe ! Faut-il en
arriver là ? Pour ma part je ne le pense pas.
Une
autre Europe
Reformer
l’Europe, oui, la détruire, non. Ce qui, j’en conviens, est plus aisé à dire
qu’à faire. Il n’empêche qu’à l’époque de la mondialisation les réalités
économiques imposent des collaborations, des coopérations, des échanges. Tout
autant d’ailleurs en matière politique et culturelle.
Nous avons
besoin d’un monde ouvert. Ce qui implique tout naturellement des protections et
des réciprocités. Pour reprendre l’aphorisme connu du Général de Gaulle il
s’agit la « la nature des choses ». A-t-on jamais vu les États-Unis férus de
libéralisme et de capitalisme oublieux de défendre, parfois avec la plus grande intransigeance, leurs intérêts
économiques ? Ne les accablons pas d’avantage que
d’autres.
La Chine s’est
« éveillée » au point de concurrencer les États-Unis et la Russie de Poutine
reconquiert son statut de grande puissance.
Face à ses
géants l’Europe doit s’affirmer mais elle ne le fera pas en abandonnant son
destin à des technocrates coupés des populations. Elle ne le fera pas en
oubliant ses diversités nées de son Histoire. Des diversités qu’elle se doit –
la chose n’est pas facile – de transformer en complémentarités et en
enrichissement. Le gaullisme ne s’est jamais voulu un repli sur soi-même. Ni sur
le plan international ni sur le plan social.
Rappelons ce
qu’André Malraux ramassait en une formule : « La France et plus de justice
».
Une France
ouverte au monde et l’association capital-travail.
À tout dessein
humain il faut une part d’Utopie. C’est la nôtre. Efforçons nous « d’agir notre
rêve ».