Compte-rendu du dîner-débat du 7 janvier 2014

En présence de Monsieur Philippe LAURENT,

Les collectivités locales et territoriales doivent-elles être redéfinies ?

 

 



Par Christine ALFARGE

 

« Un Etat fort doit avoir une vision permanente de développement du pays »

 

Les collectivités locales et territoriales posent à la fois la question de la gestion des finances publiques et leurs responsabilités, aujourd’hui la situation n’est pas satisfaisante. Selon Philippe Laurent : « Il y a une dualité entre deux logiques sans cohérence. Soit une voie fédéraliste avec un transfert de pouvoirs dont l’état ne s’occupe plus, c’est l’exemple de l’Espagne et de l’Allemagne. Cela suppose une révolution culturelle que les décideurs ne veulent pas faire car l’état est très structuré. Soit on prend acte que la France est unique, l’état et la république se trouvent confondus contrairement aux autres pays ».

A quels enjeux sommes-nous confrontés ?

Dans un contexte de grands défis tels que la transition énergétique, l’évolution du modèle d’activité de nos entreprises à l’heure de la décentralisation et de la loi « Métropoles », il est nécessaire de mettre en œuvre une refondation de la solidarité territoriale en lien avec les collectivités locales, fondement de notre politique industrielle.

Nous sommes dans la conquête de la ré-industrialisation, l’essentiel de notre vie économique, sociale et politique se joue encore aux niveaux local, national ou régional. L’Etat doit être inlassablement à l’écoute des projets et des besoins des régions pouvant s’appuyer sur la mobilisation et l’engagement des politiques.

La mondialisation n’a pas fait disparaître les territoires.

Au travers de trente deux années de décentralisation depuis 1982 (loi Deferre), les régions sont devenues des collectivités territoriales à part entière dont les compétences ont été étendues ou diversifiées dans plusieurs domaines tels que le développement économique, la formation professionnelle, l’aménagement du territoire et les transports. Cependant, il faut un Etat développeur continuant le double objectif de plein emploi et de la distribution équitable du revenu dans le respect des contraintes écologiques et ayant une stratégie de développement fondée sur un projet national réalisé démocratiquement.

C’est dans ce contexte qu’il faut examiner l’articulation des pouvoirs entre les différents échelons national, régional et local. Quels sont les enjeux et les limites de la décentralisation ? Comment l’Etat peut-il rééquilibrer les différences de prospérité entre les régions ?

Incontestablement, les rapports entre les différents échelons du pouvoir demandent une renégociation des contrats sociaux. L’avenir appartient à une gestion négociée et contractuelle des ressources et de l’ensemble des affaires publiques, à un nouveau partenariat entre les trois grands groupes d’acteurs sociaux : les pouvoirs publics, les entreprises, la société civile organisée.

Une vision pertinente.

Pendant son exercice du pouvoir, le Général de GAULLE pour qui le rôle de l’Etat devait être exemplaire, signera le 14 février 1963 le décret n°63-112 instituant la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) parce qu’il avait une vision de la réalité locale s’appuyant sur les régions afin d’assurer une meilleure participation des citoyens à la gestion du pays, préservant ainsi l’espace de la démocratie et des solidarités.

Aujourd’hui, il est nécessaire de clarifier à la fois les compétences, les moyens financiers, les rôles de l’Etat, des régions, des départements, des communes et des différentes formes d’intercommunalité. Acte III de la décentralisation, le Conseil constitutionnel a donné son accord à la loi « Métropoles » le 23 janvier 2014, adoptée précédemment par le Parlement le 17 décembre 2013 première loi de décentralisation dite de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles (MAPAM) qui ne concerne que les territoires de plus de 400 000 habitants. Il est utile de rappeler qu’une métropole est « un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre créé par la loi 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réformes des collectivités territoriales ». Les métropoles régionales considérées comme les moteurs du redressement économique avec un taux de croissance de 2 à 3%, lorsque la France fait 0,5%, doivent être en capacité d’attirer les entreprises étrangères.

Quant aux régions, elles interviennent au titre de trois types de compétences: la clause générale de compétence « le Conseil régional règle, par ses délibérations, les affaires de la région », les compétences d’attribution sur « le développement économique qui constitue le domaine d’intervention principal des régions selon la loi du 2 mars 1982, l’aménagement du territoire et les transports, la formation professionnelle et les lycées » et les compétences partagées « parallèlement aux trois niveaux de collectivité, en matière d’aménagement du territoire, d’aides économiques, de protection de l’environnement et de cadre de vie ».

Dans ce contexte, le  nouveau projet de loi prévoit un deuxième volet relatif à la mobilisation des régions pour la croissance, l’emploi, la promotion de l’égalité des territoires et sera présenté lors du Conseil des ministres le 2 avril 2014. Les pouvoirs publics veulent une clarification du « champ de compétence de la région » ainsi que le développement d’une « véritable synergie d’action avec le département ». Les régions se verront notamment confier des responsabilités nouvelles qu’elles seront seules à exercer, appelées « compétences exclusives » et renforcer leur rôle comme vecteur d’équilibre et d’intégration au nom de l’intérêt national dans le domaine du développement économique, de l’innovation, de la recherche et des transports en dehors du réseau urbain. Auparavant, la définition de ces « compétences exclusives » devra faire l’objet d’une concertation avec l’ensemble des élus et leurs associations. Quant à maintenir aux communes, départements et régions la clause de compétence générale qui permet à chaque collectivité d’agir dans tous les domaines concernant son territoire, n’est-ce pas encourager les doublons, les triplons en favorisant la liberté plutôt que la responsabilité notamment au regard de dépenses excessives ou incontrôlées ?

Redéfinir les collectivités territoriales et locales au regard d’une nouvelle loi de décentralisation est une démarche politique s’inscrivant notamment dans un nouveau rapport entre l’Etat et les régions où la question des compétences reste posée entre ces deux entités. Si la plus grande prudence s’impose à l’égard de toute revendication sur l’autonomie financière des régions faisant le lit des régionalistes dans tout le pays, il n’en demeure pas moins que les transformations du monde actuel ont conduit à l’internationalisation de l’activité économique désignant la région comme le niveau le plus pertinent de développement économique. Mais cela ne peut se faire sans cohérence nationale au niveau démocratique car la participation des citoyens est au cœur même de la notion de développement, d’innovation et d’épanouissement.

 
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09.02.2014
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