Les 50 ans des relations franco-chinoises

« L’intérêt du monde sera de parler avec les chinois »

(Charles de GAULLE)

 

    Par Christine ALFARGE

Les projets pour la Chine étaient inscrits dans le cheminement de la pensée du Général de GAULLE. Après le long et douloureux processus de décolonisation en Algérie, la France bénéficiait notamment d’une grande écoute dans le Tiers monde. Elle incarnait un mélange d’histoire et d’évènement politiques et une vision du monde où sa voix devait pouvoir se faire entendre. Le Général de GAULLE voulait montrer au monde que la France est capable de bouleverser quelque chose et d’établir un nouvel équilibre mondial obligeant d’autres nations à la suivre. Dans son esprit, « en reprenant un jour des relations avec Pékin, il ne s’agirait pas de reconnaître un régime en tant que tel, mais de reconnaître un fait évident, c’est qu’il y a un Etat qui gouverne la Chine ». Le Général s’exprimait ainsi : « L’intérêt du monde sera de parler avec les Chinois, de s’entendre avec eux, de faire des échanges commerciaux avec eux pour leur permettre de sortir de leurs murailles…Ils ne pourront s’en sortir que s’ils s’ouvrent sur le monde entier et que le monde entier vienne les aider ».

La Chine, le géant asiatique.

Le 6 juin 1962, le Général de GAULLE évoque sa rencontre trois jours plus tôt avec Macmillan premier ministre britannique sur l’inquiétude des Anglais concernant la puissance de la Chine vis-à-vis de l’Inde. Pour le Général de GAULLE, la coexistence des blocs n’assure pas la paix, pour lui, les blocs sont par nature hégémoniques. Ils contribuent à l’asservissement ou à la dépendance, d’où toute idée de contestation de bloc à l’Est comme à l’Ouest. L’ouverture des relations régulières entre la Chine et la France était donc normale au regard du pays le plus peuplé du monde et pouvait s’analyser dans une période où la nation française était en paix n’ayant pas d’engagement militaire extérieur, sans renoncer pour autant à disposer d’armes de défense modernes et puissantes.

A travers sa conférence de presse du 31 janvier 1964, le Général de GAULLE exprimait publiquement la raison pour laquelle le gouvernement français avait décidé de reconnaître, de nouer des relations avec la république populaire de Chine : « La Chine, un grand peuple, le plus nombreux de la terre, une race où la capacité patiente, laborieuse, industrieuse des individus, a, depuis des millénaires, compensé le défaut de cohésion et de méthode. Le défaut collectif de cohésion et de méthode, a bâti une  particulière et très profonde civilisation. Un très vaste pays géographiquement compact et pourtant, sans unité. Etendu depuis l’Asie mineure et les marches de l’Europe jusqu’à la rive immense du pacifique et puis des glaces sibériennes jusqu’aux régions tropicales de l’Inde et du Tonkin, un état plus ancien que l’histoire, toujours résolu à l’indépendance, s’est constamment efforcé à la centralisation, d’instinct replié sur lui-même, et dédaigneux des étrangers. Mais consciente et orgueilleuse d’une immuable pérennité, telle est la Chine de toujours. L’entrée en contact de ce pays là avec les nations modernes lui a été très dure et très coûteuse. Les multiples sommations, interventions, expéditions, invasions, européennes américaines japonaises, lui ont été autant d’humiliations et de démembrements. Alors tant de secousses nationales, et la volonté des élites de transformer, coûte que coûte leur pays pour qu’il atteigne à la condition et à la puissance des peuples qui l’avait opprimée, ont conduit la Chine à la révolution…»

L’évidence et la raison.

En reconnaissant le monde tel qu’il est, le Général de GAULLE pensait notamment que les russes et les chinois sont et seront inéluctablement rivaux en Asie, des peuples très différents dont les intérêts ne peuvent être confondus, la Chine s’affirmant et voulant sa politique étrangère. Il disait : « Il est vrai que la Russie soviétique a d’abord prêté à la Chine, un assez large concours….Sans doute demeure entre Moscou et Pékin une certaine solidarité doctrinale qui peut se manifester dans la concurrence des idéologies mondiales, mais sous ce manteau de plus en plus déchiré, apparaît la différence des politiques nationales. Et c’est pourquoi l’attitude et l’action d’un pays de 700 millions d’habitants ne sont réglées que par son propre gouvernement. Du fait que depuis 15 ans, la Chine presque toute entière se trouve rassemblée sous un gouvernement qui lui applique sa loi, et qu’elle se manifeste au dehors comme une puissance indépendante et souveraine, la France était disposée, en principe, et depuis des années à nouer des relations régulières avec Pékin ».

Le Général de GAULLE rappelle que certains échanges économiques et culturels étaient déjà pratiqués, et que des négociations avec les représentants chinois avaient notamment eu lieu sur le règlement du sort de l’Indochine lors de la conférence de Genève en 1954 ainsi qu’en 1962 sur la situation du Laos. La diplomatie était devenue la pierre angulaire des rapports franco-chinois sous l’impulsion d’Edgar Faure, ancien président du conseil, qui de retour d’un voyage privé en Chine en 1957 où il rencontra Mao Tse-toung et Chou En-lai, concluait positivement vers une reprise des relations diplomatiques entre la France et la Chine. Après la signature des accords d’Evian en mars 1962, le Général de GAULLE retrouve la liberté d’action sur sa politique étrangère et décide d’envoyer des missions françaises à caractère politique et économique que Pékin approuvera par consentement mutuel. En octobre-novembre 1963, Edgar Faure en mission secrète, sera personnellement chargé par le Général de GAULLE de le représenter auprès des dirigeants chinois.

La politique étrangère du Général de GAULLE a joué pleinement son rôle pour la continuité du dialogue sur le continent asiatique, fidèle aux principes que chaque nation doit être indépendante et souveraine. Au-delà des futures coopérations économiques et politiques franco-chinoises, le 27 janvier 1964 scellera un respect mutuel et un attrait culturel qui continue d’enrichir notre présent avec l’espoir d’un avenir serein tel que savent l’incarner éternellement les grandes civilisations. La Chine sera toujours cette civilisation splendide pour laquelle le Général de GAULLE en avait une connaissance très juste accompagnée d’une profonde admiration.

Aujourd’hui, l’initiative des relations diplomatiques avec la Chine montre à quel point la vision politique du Général de GAULLE  a bouleversé l’équilibre du monde dans lequel la puissance chinoise est devenue incontournable sur les plans économique, militaire et géostratégique.

 




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08.01.2014
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