HOMMAGE
UNANIME À LUCIEN NEUWIRTH
Avec
Lucien Neuwirth c’est un gaulliste historique qui
disparaît. Fidèle parmi les fidèles mais aussi figure atypique. Son, nom
demeurera pour avoir présenté et fait voter la loi qui porte son nom autorisant
les pilules contraceptives en 1967.
À l’annonce de
sa mort un tweet a fait le buzz : « Il y a
au Paradis une place spéciale pour les hommes qui ont aidé les femmes ».
S’il en est ainsi Lucien Neuwirth la partage avec le Général de Gaulle. Sans lui rien
n’eut été possible. Neuwirth était allé le trouver et
lui avait dit : « Mon Général vous avez donné le droit de vote aux femmes.
Donnez-leur maintenant le droit de maîtriser leur fécondité.
»
Le Général
l’avait écouté. Silencieusement. Longuement. Crispé, Neuwirth attend une réponse. Elle vient enfin. « C’est vrai,
transmettre la vie, c’est important. Il faut que ce soit un acte lucide.
Continuez » ! Ce qu’il fit. Envers et contre tout. Envers et contre tous.
Peut-être pas tous mais les adversaires à ce projet de loi étaient nombreux.
Dans son
propre camp et jusque dans l’entourage du Général. Discrète, Madame de Gaulle
n’intervenait pas dans la vie publique mais on la savait hostile. Georges
Pompidou, alors Premier ministre, dissimulait sa réticence sous l’ironie : «
Alors Neuwirth vous allez être célèbre. Le Général vient
d’inscrire votre proposition de loi
à l’ordre du jour de l’Assemblée. » Malgré les oppositions politiques et les
vexations personnelles la proposition devint loi. Il faudra attendre Simone Veil
et l’IVG pour connaître une telle intensité, une telle âpreté dans un débat parlementaire. Lucien Neuwirth apporta son appui à Simone Veil dans ces heures
difficiles. La loi Neuwirth qui le fait passer à la
postérité occultera un peu l’extraordinaire parcours de cet homme de courage et
de conviction.
Un
sacerdoce, la croix de
Lorraine
Natif de
Saint-Etienne ce fils de fourreur agnostique, mère croyante comme lui- même,
rejoint Londres et la France Libre en 1942. Il a vingt et un ans lorsque membre
de SAS français il est envoyé en Bretagne, combat ensuite en Belgique et,
parachuté aux Pays-Bas, est fait prisonnier en 1945. Il passe devant un peloton
d’exécution, un soldat allemand lui donne le coup de grâce en plein cœur. Son
portefeuille bourré de pièces anglaises lui sauve la vie. Que la vie soit, publié
chez Grasset, Ma guerre à, seize ans chez Plon retraceront son épopée. Légion
d’honneur, Médaille militaire, Croix de guerre et rosette de la Résistance en
feront un des hommes les plus décorés de France. Ce sera l’entrée en politique
en devenant le benjamin du Conseil municipal de Saint-Etienne.
On arrive au
13 mai 1958. Officier de réserve, il accomplit une période de rappel au Bureau
d’action psychologique à Alger. Les ultras complotent. En liaison avec Guy Ribeaud et Léon Delbecque, envoyés
par Chaban, il contribue à ouvrir la voie au Général.
Il deviendra le porte-parole du Comité de salut public auprès de Massu qui le
préside. L’aimée et souffrante Algérie, pour reprendre le titre de Jacques
Soustelle, vivra l’épreuve douloureuse qui la conduira à l’indépendance. Guy
Ribeaud et Léon Delbecque,
Jacques Soustelle lui-même,
déchirés feront sécession. Neuwirth, lui, demeura
fidèle au Général et deviendra député
puis sénateur. Son chemin de croix fut celui de la Croix de Lorraine qui
résume son engagement et sa vie. À l’heure de l’Adieu, à quatre-vingt-neuf ans,
un hommage unanime lui est rendu. Le Monde, L’Humanité, Le Parisien, pour ne pas
citer qu’eux, se retrouvent pour saluer sa mémoire.
Dans la gerbe rares sont les épines. Ce qui est assez exceptionnel
pour être souligné.
Luc Beyer de Ryke