LA VIe OU UNE RÉPUBLIQUE À L’ITALIENNE ?

 

par Luc BEYER de RYKE

Mon éditorial ce mois-ci vous parlera de l’Italie. Ce qui, de manière détournée, sera vous entretenir de la France.

Lorsque vous arrivez à Rome, sans pour autant vouloir mener une enquête exhaustive, vous n’attendez pas longtemps pour déceler l’état de déliquescence de la vie politique. Dans le terme politique s’inclut l’état général de la société. La confiance a fuit, le dégout l’a remplacé. Je compte des amis italiens depuis longtemps investis dans l’action sociale et politique. Certains à gauche, d’autres à droite. Parmi eux des parlementaires. Aujourd’hui ils refusent d’aborder toute discussion sérieuse sur ce plan. Je songe à mon excellent ami Jas Gawronski que sa notoriété médiatique avait aspiré dans les réseaux de Silvio Berlusconi et son groupe « Forze Italia ».

Il n’est plus parlementaire, s’est détourné de la Res publica pour se réfugier dans le domaine de l’art ou il organise des expositions internationales.

Cette amie, communiste à l’origine, cadre supérieur des Nations Unies étant passée par la Turquie, le Guatemala et Haïti, revenue dans son pays a déserté la vie politique pour trouver abri à l’université. Je pourrais multiplier les exemples.

L’Italie est une société où, en politique, alternent amour et désamour. Parfois avec des conséquences tragiques avec le duce et le fascisme. Ou alors dans le burlesque de la Comedia del arte avec Silvio Berlusconi ou Beppe Grillo. Entre les deux on a vu s’évanouir et disparaître l’expression de deux grands courants politiques, la démocratie chrétienne et le communisme.

 

S’engouffrant dans le vide né du naufrage de la démocratie chrétienne est arrivé Silvio Berlusconi. L’ancien chanteur de bel canto à bord des croisières ne tarda pas à faire fortune. Il avait de l’entregent, du savoir-faire, reléguait ses scrupules à conditions d’en avoir, cultivait ses relations. On parle beaucoup, sans en apporter la preuve, des liaisons avec la mafia. Toujours est-il qu’il fît fortune, conquis les médias, s’en appropria et trouva ainsi la voie qui le conduisit au pouvoir.

Comment expliquer l’engouement durable dont il bénéficia ?

Un ami, bon connaisseur de la société dans laquelle il vit, établissait ce diagnostic « 65 % des Italiens ont plus de 45 ans. C’est à eux que Berlusconi s’adresse. A un public âgé il parle le langage du ‘’bien commun’’. Il fait appel au ‘’sens commun’’ dans lequel beaucoup se reconnaissent parce qu’il parle comme eux. Les jeunes par contre ne l’aiment pas. Rebelles, impatients, ils se rebiffent. Le taux de natalité est bas. Élevé comme partout dans les rangs de l’immigration ».

Une immigration qui, de manière tragique, prend l’Italie à la gorge. Les noyades, les naufrages de Lampedusa provoquent tout à la fois émotion et indignation. Émotion devant les cercueils qui s’alignent et s’additionnent. Indignation devant la passivité de l’Union Européenne. « On nous laisse seuls avec nous-mêmes » entend-on ici.

Mais il faut l’avouer d’autres réactions se font jour sans être vraiment exprimées. Certains enverraient bien des canonnières couler les barcasses d’immigrants. On retrouve alors le livre prophétique de Jean Raspail Le Camp des Saints, ou l’on voit les rivages de l’Europe assaillis par les flots de déshérités.

 

Les partis face à crise

Face à la tragédie et aux crises profondes comment se comporte le monde politique ? Il est dans un état de décomposition avancée. Les partis se déchirent au tour de l’épicentre représenté encore et toujours par Silvio Berlusconi. La chute paraît proche mais personne ne se hasarde à la prédire tant le phénix de la péninsule a ressuscité de nombreuses fois de ses cendres.

Sur un champ de ruines se dessine, de manière hasardeuse, sans gage de réussite, un essai de recomposition de démocratie-chrétienne. Dans plusieurs groupes politiques, à gauche comme à droite, on trouve des hommes issus du vieux courant démocrate-chrétien. C’est vrai avec Enrico Letta, le premier ministre de tendance sociale-démocrate, de son challenger Matteo Renzi qui brigue la tête du Parti Démocrate mais aussi de Gianni Letta, conseiller de Berlusconi. Gianni est l’oncle d’Enrico et lui veut du bien. D’ou les combinazione à l’italienne.

Depuis 1945 l’Italie a connu soixante-deux gouvernements. C’est ici qu’il me faut reprendre ce que je disais en exergue.

 

Demain la VIe République ?

Évoquer l’Italie c’est aussi songer à la France.

Certes les Institutions ne valent que ce que valent les hommes. La Ve : République présidée par François Hollande nous paraît à des années lumières de celle à laquelle le Général de Gaulle a donné vie !

Aussi nombreux sont ceux qui en appellent à une VIe République.

Il est vrai que la Ve : a été vidée d’une partie de sa substance. Il est vrai que lorsque François Holland engage, fut-ce à raison, le pays dans une guerre sans consulter le Parlement, l’autorité du Général lui fait défaut. Il est vrai que voir des partis importants, aussi légitimement contestés qu’ils soient, absents de l’Assemblée nationale, me paraît injuste et, à terme, pernicieux.

Mais il me paraît tout aussi vrai que le retour de la IVe : République, ou une République à l’Italienne, le serait tout autant sinon plus. Un débat serein devrait pouvoir s’ouvrir entre le conservatisme et une fausse novation. La France et les Français en sont-ils capables ?

C’est l’interrogation qui se pose.
 




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14.11.2013

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