Mon
éditorial ce mois-ci vous parlera de l’Italie. Ce qui, de manière détournée,
sera vous entretenir de la France.
Lorsque
vous arrivez à Rome, sans pour autant vouloir mener une enquête exhaustive, vous
n’attendez pas longtemps pour déceler l’état de déliquescence de la vie
politique. Dans le terme politique s’inclut l’état général de la société. La
confiance a fuit, le dégout l’a remplacé. Je compte des amis italiens depuis
longtemps investis dans l’action sociale et politique. Certains à gauche,
d’autres à droite. Parmi eux des parlementaires. Aujourd’hui ils refusent
d’aborder toute discussion sérieuse sur ce plan. Je songe à mon excellent ami
Jas Gawronski que sa notoriété médiatique avait aspiré
dans les réseaux de Silvio Berlusconi et son groupe « ForzeItalia ».
Il
n’est plus parlementaire, s’est détourné de la Respublicapour se
réfugier dans le domaine de l’art ou il organise des expositions
internationales.
Cette
amie, communiste à l’origine, cadre supérieur des Nations Unies étant passée par
la Turquie, le Guatemala et Haïti, revenue dans son pays a déserté la vie
politique pour trouver abri à l’université. Je pourrais multiplier les exemples.
L’Italie
est une société où, en politique, alternent amour et désamour. Parfois avec des
conséquences tragiques avec le duce et le fascisme. Ou alors dans le burlesque
de la Comediadelarte avec Silvio Berlusconi ou Beppe Grillo. Entre les deux on a vu s’évanouir et
disparaître l’expression de deux grands courants politiques, la démocratie
chrétienne et le communisme.
S’engouffrant
dans le vide né du naufrage de la démocratie chrétienne est arrivé Silvio
Berlusconi. L’ancien chanteur de bel canto à bord des croisières ne tarda pas à
faire fortune. Il avait de l’entregent, du savoir-faire, reléguait ses scrupules
à conditions d’en avoir, cultivait ses relations. On parle beaucoup, sans en
apporter la preuve, des liaisons avec la mafia. Toujours est-il qu’il fît
fortune, conquis les médias, s’en appropria et trouva ainsi la voie qui le
conduisit au pouvoir.
Comment
expliquer l’engouement durable dont il bénéficia ?
Un
ami, bon connaisseur de la société dans laquelle il vit, établissait ce
diagnostic « 65 % des Italiens ont plus de 45 ans. C’est à eux que Berlusconi
s’adresse. A un public âgé il parle le langage du ‘’bien commun’’. Il fait appel
au ‘’sens commun’’ dans lequel beaucoup se reconnaissent parce qu’il parle comme
eux. Les jeunes par contre ne l’aiment pas. Rebelles, impatients, ils se
rebiffent. Le taux de natalité est bas. Élevé comme partout dans les rangs de
l’immigration ».
Une
immigration qui, de manière tragique, prend l’Italie à la gorge. Les noyades,
les naufrages de Lampedusa provoquent tout à la fois émotion et indignation. Émotion devant les cercueils qui s’alignent et
s’additionnent. Indignation devant la passivité de l’Union Européenne. « On
nous laisse seuls avec nous-mêmes » entend-on ici.
Mais
il faut l’avouer d’autres réactions se font jour sans être vraiment exprimées.
Certains enverraient bien des canonnières couler les barcasses d’immigrants. On
retrouve alors le livre prophétique de Jean Raspail Le Camp des Saints,
ou l’on voit les rivages de l’Europe assaillis par les flots de déshérités.
Les
partis face à crise
Face
à la tragédie et aux crises profondes comment se comporte le monde politique ?
Il est dans un état de décomposition avancée. Les partis se déchirent au tour de
l’épicentre représenté encore et toujours par Silvio Berlusconi. La chute paraît
proche mais personne ne se hasarde à la prédire tant le phénix de la péninsule a
ressuscité de nombreuses fois de ses cendres.
Sur
un champ de ruines se dessine, de manière hasardeuse, sans gage de réussite, un
essai de recomposition de démocratie-chrétienne. Dans plusieurs groupes
politiques, à gauche comme à droite, on trouve des hommes issus du vieux courant
démocrate-chrétien. C’est vrai avec Enrico Letta, le
premier ministre de tendance sociale-démocrate, de son challenger Matteo Renzi qui brigue la tête du Parti Démocrate mais aussi de
Gianni Letta, conseiller de Berlusconi. Gianni est
l’oncle d’Enrico et lui veut du bien. D’ou les combinazioneà l’italienne.
Depuis
1945 l’Italie a connu soixante-deux gouvernements. C’est ici qu’il me faut
reprendre ce que je disais en exergue.
Demain
la VIe République ?
Évoquer
l’Italie c’est aussi songer à la France.
Certes
les Institutions ne valent que ce que valent les hommes. La Ve : République
présidée par François Hollande nous paraît à des années lumières de celle à
laquelle le Général de Gaulle a donné vie !
Aussi
nombreux sont ceux qui en appellent à une VIe République.
Il
est vrai que la Ve : a été vidée d’une partie de sa substance. Il est vrai que
lorsque François Holland engage, fut-ce à raison, le pays dans une guerre sans
consulter le Parlement, l’autorité du Général lui fait défaut. Il est vrai que
voir des partis importants, aussi légitimement contestés qu’ils soient, absents
de l’Assemblée nationale, me paraît injuste et, à terme, pernicieux.
Mais
il me paraît tout aussi vrai que le retour de la IVe : République, ou une
République à l’Italienne, le serait tout autant sinon plus. Un débat serein
devrait pouvoir s’ouvrir entre le conservatisme et une fausse novation.
La
France et les Français en sont-ilscapables ?