LA SYRIE

« Entre révoltes et enjeux géostratégiques »

 

    Par Christine ALFARGE

 

Révolutions arabes ou l’aspiration individuelle à plus de justice.

Au fil du temps, les évolutions ont donné un sens moral en faisant apparaître un besoin de justice et de respect de l’individu d’une manière universelle. La signification historique philosophique et humaine des révolutions arabes reste entière. Si l’échec économique, culturel est le catalyseur des révoltes, les sociétés arabes se ressemblent entre elles et sont solidaires entre elles. Le mécontentement populaire auprès de tout le monde arabe prenant les allures d’une révolution se radicalisera malgré les différents régimes politiques, pour réclamer un meilleur équilibre des pouvoirs, un plus grand partage des richesses dans le respect des droits individuels. Dans la foulée des autres printemps arabes, le 15 mars 2011, les jeunes syriens n’écouteront que leurs convictions et risqueront leur vie pour défendre la démocratie et la liberté.

Dès lors, la flamme de la résistance syrienne ne s’éteindra pas. L’ampleur des manifestations conduira très rapidement dans de nombreuses villes au recours à l’armée outre les forces de police. Le 27mars 2013, Lattaquié sera le théâtre d’effusions de sang. L’insurrection fera place aux protestations qui vont s’installer durablement dans tout le pays à Damas, Homs ou Alep. Selon un rapport de la Banque mondiale de 2010, la Syrie est la dernière des pays arabes réformateurs et 30% de la population vivrait sous le seuil de pauvreté.

La force de l’ambition démocratique irréversible.

Quoi qu’il en soit, la donne a changé et l’on voit aujourd’hui des initiatives réformistes au Maroc, en Algérie, en Jordanie, à Bahreïn, où le mouvement qui a été étouffé à ses débuts continue malgré tout à revendiquer droit et justice… Dans le monde arabe, la fièvre démocratique est installée, la souveraineté incontestable des pays concernés doit être le socle de valeurs communes d’équité et de justice sur ce qui va suivre afin d’éviter que les évènements ne prennent une mauvaise tournure. Aussi, ces révolutions ont-elles besoin de temps pour porter leurs fruits. En revanche, les Occidentaux et des puissances régionales interviennent dans cette marche des peuples arabes vers la démocratie, y compris après la victoire des révolutions. L’Arabie saoudite, l’Iran, la Turquie, l’Europe et les Etats-Unis ne veulent pas perdre pied dans une région en pleine reconfiguration. L’impact de la crise syrienne fragilise  le Liban en proie à de nouvelles luttes confessionnelles destructrices ainsi que des répercussions sur les autres voisins immédiats de la Syrie que ce soit en Irak, en Jordanie, en Turquie ou en Israël.

Des intérêts géostratégiques avec en toile de fond le risque de balkanisation.

Dans « l’Orient compliqué » tel que le percevait le Général de GAULLE, des questions se posent sur l’avenir de la Syrie, sa position géostratégique la place dans l’œil du cyclone des puissances régionales et son implosion entraînerait une profonde déstabilisation dans cette partie du monde. Sur le plan régional, la crise syrienne est devenue un enjeu entre l’Iran, le Qatar et l’Arabie saoudite.

A ce titre, la Syrie est le premier conflit multipolaire dont l’action immédiate entre les Etats-Unis et la Russie sera d’assurer la transition politique syrienne gage de stabilité loin de tout contrôle djihadiste hostile. Le Général de GAULLE déclarait dans un message de paix «l’équilibre au Proche-Orient est nécessaire pour l’humanité ». Aujourd’hui, il s’agit d’une redistribution des cartes avec des intérêts partagés sur les risques d’internationalisation du conflit syrien ayant pour dénominateur commun, l’Iran. De ce fait les regards se tournent plus particulièrement vers la Russie dont le rôle sera déterminant pour régler les questions syrienne et iranienne, les deux étant liées par la volonté hégémonique de l’Iran de dominer le Proche et Moyen-Orient sur l’axe Liban, Syrie, Irak par l’islamisation de cette région ainsi que la menace nucléaire permanente. La sécurité des pays de l’Union européenne et la stabilité du Proche et Moyen-Orient sont clairement en jeu concernant les dossiers syrien et iranien. La détermination occidentale doit se concentrer sur la poursuite du programme nucléaire iranien. Il est indispensable à l’Europe d’être crédible militairement pour l’être diplomatiquement pour son influence dans les crises régionales. Chaque décision de déploiement militaire doit s’inscrire dans un rapport de forces nécessaire à la recherche d’une solution diplomatique.

La diplomatie au service de la paix.

La diplomatie jouera un rôle positif et déterminant lorsqu’un accord russo-américain sur le démantèlement de l’arsenal chimique syrien sera trouvé  éloignant la menace de frappes américaine et française. Cet accord sera qualifié « d’avancée importante » par les occidentaux. Cependant, la guerre en Syrie qui oppose depuis 2011 le régime de Bachar Al-Assad aux rebelles, reste de plus en plus meurtrière. Tous les espoirs de paix reposent désormais sur la tenue d’une conférence appelée Genève 2 afin de trouver une solution à la formation d’un gouvernement provisoire et mettre fin à ce conflit tragique qui s’étend dans toute la région.

Les nouvelles relations multilatérales.

De l’enfer syrien va naître un nouvel ordre mondial dont les Etats-Unis et la Russie sont les maîtres du jeu. Le bras de fer russo-américain se dirige vers un nouveau pouvoir d’influence avec lequel se dessinent de nouveaux équilibres géopolitiques. Ce n’est pas la raison du plus fort, mais résoudre la menace nucléaire sur la stabilité régionale d’un monde multipolaire. Selon les Etats-Unis par la voix de John Kerry : « le président syrien Bachar Al-Assad a perdu toute légitimité ». La Russie défend ses intérêts géostratégiques en restant prudente mais intraitable avec la sécurité régionale. S’exprimant sur le problème syrien, le président Vladimir Poutine déclare : « la Russie ne défend pas le gouvernement de Bachar Al-Assad mais le droit international ». Cette année 2013, le président russe a joué un rôle clé dans le règlement de la crise syrienne. Les convergences de vue et d’intérêts entre les Etats-Unis et la Russie seront déterminantes face aux défis du nouveau monde notamment leur présence mutuelle en Asie-Pacifique. Moscou entend résister a-t-il dit « aux tentatives de rétablir le modèle standardisé d’un monde unipolaire et d’effacer les institutions de la loi internationale et de la souveraineté nationale ».

Au peuple syrien courageux : « Soyez assurés que l’enfer de la guerre et sa vérité ne seront jamais passés sous silence ». La vocation de notre diplomatie est d’être au service de la paix et du droit tels que la France a su les incarner depuis le Général de GAULLE.

 




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14.11.2013
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