par
Paul KLOOBOUKOFF
Regarder au
loin lorsqu'il s'agit de préparer des décisions concernant les systèmes de
retraite, leurs équilibres, leurs pérennités et leurs impacts n'est pas
déconseillé. À condition de le faire sans oeillères,
d'être suffisamment complet, précis et réaliste. Et à un horizon d'une vingtaine
d'années c'est une gageure. L'avenir proche, à un an, à deux ou trois est déjà
peuplé d'incertitudes. Aussi, se projeter entre 2020 et 2035 ne doit pas
dispenser de montrer assez clairement les mesures déterminantes du chemin qui
sera emprunté et des résultats attendus d'ici 2017, terme de l'actuel mandat
présidentiel. C'est ce que les Français attendent en premier lieu. D'autant plus
qu'avant ce terme, ou juste après, de nouvelles réformes, des vraies,
s'imposeront inévitablement.
Selon
le Premier ministre (Communication en Conseil du 28 août), Jean-Marc Ayrault
(JMA) : « La réforme proposée vise à équilibrer le régime général, le Fonds
de solidarité vieillesse (FSV) et les régimes non équilibrés par subvention,
dont le déficit prévisionnel est de 7,6 Mds € en 2020 ». Sans mesures
appropriées, s'entend.
JMA
indique aussi que : « Si rien n'est fait, le déficit [global] des retraites
atteindra 20,7 Mds € en 2020 et se stabilisera à 27 Mds € jusqu'en 2040 ».
Que de certitudes ! Terrifiant !
Toujours
est-il que la réforme proposée ne vise ni les régimes complémentaires, ni les
régimes de la fonction publique, ni les régimes spéciaux... dont les « déficits
2020 » cumulés sont apparemment chiffrés à 13,1 Mds €. Pourquoi une si grosse
impasse ?
Notamment
pour éviter d'attirer l'attention sur l'agonie de notre sacro-saint « système de
retraite par répartition ». Un système digne d'une telle appellation doit être
caractérisé par le financement des prestations de retraite à l'aide des
cotisations des travailleurs, futurs retraités, qui, le moment venu,
bénéficieront à leur tour de cette « solidarité intergénérationnelle ».
Or,
chez nous, les cotisations financent de moins en moins les pensions versées. Les
« équilibres » sont de plus en plus tributaires des impôts et des subventions
publiques, elles-mêmes financées par l'impôt.
Les
régimes les plus voraces sont les régimes de la fonction publique et les régimes
spéciaux... absents de la réforme 2013.
Notre
système « par répartition » va à vau-l'eau. Et les mesures prévues ne vont pas
changer le cours des choses. Bien au contraire. Les instigateurs de la « réforme
» 2013 ne désirent pas plus évoquer l'inévitable alternative (et/ou complément)
que constitue la capitalisation... alors qu'ayant perdu confiance, les ménages y
recourent de façon croissante en tentant d'épargner pour les vieux jours et de
se doter « d'assurances vie ».
Réforme
2013 : les principales mesures de la réforme 2010 Sarkozy-Fillon sont retenues
jusqu'en 2020
Pourquoi
ne pas dire que, suite à la vraie réforme de 2010, le déficit de la CNAV (régime
général) a diminué de - 8,9 Mds € en 2010, à - 6 Mds en
2011,
à - 4,8 Mds en 2012 (source: CNAV) et à 4 Mds attendus en 2013. Le déficit du
FSV, lui, a baissé de - 4,1 Mds en 2010 à - 2,6 Mds en 2013. Pas assez,
toutefois, pour atteindre les objectifs fixés de retour à l'équilibre en 2018.
Surtout en raison de la crise, de l'arrêt de la croissance et de la montée du
chômage qui affectent les recettes; et qui n'ont pas encore cessé de sévir.
La
« réforme » de 2013 va apporter un
supplément de ressources aux régimes des retraites visés, par :
-
« ... une hausse progressive et modérée des cotisations vieillesse,
atteignant en 2017 + 0,3 points pour les actifs et + 0,3 points pour les
employeurs » (JMA dixit). Elle est censée coûter aux salariés comme
aux entreprises 1 Md en 2014, 2,2 Mds en 2020 (et 3,2 Mds en 2040 !). À ce
propos, lexpress.lexpansion.fr remarque que JMA s'est engagé à rembourser
aux entreprises cette hausse de cotisations retraite sous forme de baisse du
taux de cotisations familiales lors de la réforme du financement de la
protection sociale annoncée pour les semaines à venir. Une manipulation de plus,
pour plus de clarté, de transparence, évidemment ;
-
le décalage de six mois de la revalorisation des pensions des retraités qui aura
lieu désormais au 1er octobre et non plus au 1er avril. « Économies » attendues
: 600 millions € en 2014, 1,4 Md en 2020 (et 2 Mds en 2040 !) ;
-
la soumission à l'impôt sur le revenu des majorations de 10 % des pensions des
parents (un peu plus de 3 millions) de trois enfants jusqu'ici défiscalisées.
Rapport attendu: 1,2Md en 2014 (et 1,7 Md en 2040 !).
Les
suppléments de recettes provenant de ces baisses de pensions et de ces hausses
des cotisations, suffiront à assurer l'équilibre du régime général et du FSV
d'ici 2020, aux dires de JMA. Pourquoi, alors, faire tant de bruit sur cette «
réforme » qui, au fond, est avant tout une adaptation (adéquate ou non) à la
conjoncture... et non un ajustement structurel, comme l'encouragent l'UE, le
FMI, l'OCDE...
Le
Gouvernement n'a, en effet, pas modifié les mesures qui avaient été décidées
lors de la réforme de 2010 concernant l'âge légal de départ à la retraite, d'un
côté, qui va continuer de progresser de 60 ans en 2010 jusqu'à 62 ans en 2018,
ainsi que de la durée minimum de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une
retraite à taux plein, de l'autre côté. Cette durée sera de 41,75 ans (167
trimestres) en 2020. Comme le prévoyait aussi la réforme de 2010, l'âge de
départ à la retraite permettant automatiquement de ne pas subir de décote sur sa
pension augmentera de 65 ans à 67 ans d'ici 2020.
Quelques
« intentions » non chiffrables en plus
Une
mesure phare : « Un compte personnel de prévention (?) de la pénibilité sera créé dés 2015. Il sera ouvert
pour tout salarié du secteur privé exposé à un ou plusieurs facteurs de
pénibilité. Il permettra de cumuler des points donnant droit à des formations, à
un temps partiel en fin de carrière ou au bénéfice de trimestres de retraite
» (JMA au Conseil du 28 août). Combien coûtera cette mesure, qui pourrait
concerner un salarié sur quatre ou cinq, d'après des analystes ? Difficile à
prévoir. Sa mise en oeuvre sera complexe, avec des
difficultés techniques et pratiques. Un vrai choc de simplification pour les
entreprises et l'administration, somme toute !
«
La réforme rendra notre système plus juste pour les femmes »
(même
source) : meilleure prise en compte des trimestres de congés maternité,
validation de plus de trimestres pour les temps partiels.
«
S'agissant des jeunes, le Gouvernement (!?) va
permettre aux apprentis et aux jeunes en alternance de valider tous leurs
trimestres d'apprentissage » (même
source). Jusqu'à quatre trimestres des périodes d'études post bac pourront être
rachetées, à un tarif préférentiel.
Six
autres mesures touchant des populations et des questions diverses sont aussi
énumérées dans la communication en Conseil précitée, avant qu'il soit ajouté que
« la réforme des retraites rendra notre système de retraite plus simple et
plus lisible pour les assurés (compte retraite unique, demande unique
d'ouverture du droit à la retraite) ». Plus facile à dire qu'à faire ! Au
fait, les régimes des fonctionnaires et les autres régimes spéciaux sont-ils
concernés également ?
Une
« giga réforme » FH-JMA de 2013 qui ne commencera qu'en 2020
Les
réformistes de 2013 ne prévoient qu'un changement aux dispositions précédentes à
partir de 2020 : l'augmentation (très) progressive (+ 1 trimestre tous les 3
ans) de la durée de cotisation afin de porter celle-ci à 43 ans en 2035
pour les retraités qui auront alors 62 ans ou plus.
Ainsi,
en 15 ans, cette durée de cotisation aura progressé de + 1,25 ans. Dans le même
temps, l'espérance de vie à 60 ans aura crû de + 3,75 ans, soit trois fois
plus... si elle suit le même rythme que celui observé par l'INSEE entre 1994 et
2009 (montée de 73,6 à 77,7 ans chez les hommes et de 81,8 à 84,4 ans chez les
femmes). En 2035, suivant une telle tendance, l'espérance de vie moyenne pourra
dépasser 86 ans.
En
France métropolitaine, la population des 60 ans et plus va continuer à augmenter
rapidement, passant de 14,3 millions (Mi) en 2010 et 15,3 Mi en 2013 à 17,4 Mi
en 2020, 20,1 Mi en 2030 et 22 Mi en 2040.
Pendant
ce temps, la population des personnes de 20 à 59 ans reculera de 33,0 Mi en 2010
à 32,8 Mi en 2020, à 32,6 Mi en 2030 et reviendra à 33 Mi en 2040.
Aussi,
le ratio démographique: nombre de personnes de 60 ans ou plus/nombre de
personnes de 20 à 59 ans, déjà inquiétant en 2010 (43 %), montera à 50 % en 2020
et à 66 % en 2035... malgré les performances natalistes que nos gouvernants
attendent des résidents en France.
On
peut ajouter que le nombre d'actifs, 28,3 millions en 2010, progressera peu
d'ici 2020, à 28,9 Mi, et montera ensuite, avec l'allongement prévu de la durée
de l'activité, à 30,1 Mi en 2030 et 30,4 Mi en 2040. Bien trop peu pour
équilibrer l'augmentation du nombre des retraités. Toutes ces données sont de
source INSEE (statistiques et projections de population 2010-2060, scénario
central).
Que
ceux qui croient à la pertinence à long terme de la réforme 2013 en gestation
lèvent les bras! Nos gouvernants se disent progressistes et se montrent on ne
peut plus conservateurs. Au détriment de la crédibilité du système par
répartition, en particulier. Et les hypothèses qu'ils ont retenues concernant la
croissance, l'emploi et le chômage, clés des équilibres futurs, manquent de
réalisme.
Pourquoi
les retraites complémentaires sont exclues de la réforme 2013
Tout
simplement parce que, selon les paroles du Président, les « partenaires sociaux
» (les organisations patronales et les trois organisations syndicales, CFDT,
CFTC, et CGT-FO) ont négocié entre eux un accord, conclu le 13 mars 2013, pour
diminuer les déficits de l'ARRCO (salariés du privé) et de l'AGIRC (cadres du
privé). Un accord conservatoire, à court terme, scellé d'urgence, qui
vise à réduire de - 3,1 Md € le déficit cumulé des deux régimes en 2017, pour le
limiter alors à - 5,5 Mds € (- 4,2 pour l'ARRCO et - 1,3 pour l'AGIRC) et à
maintenir les réserves au niveau « acceptable » (60 % du montant des
prestations) de 46 Mds (40 pour l'ARRCO et 6 pour l'AGIRC).
Selon
Les Cahiers de la retraite complémentaire, n° 11, 1er trimestre 2013,
principale source ici, les comptes de 2011 montrent un déficit de - 1,69 Md € à
l'ARRCO et de - 1,77 Md € à l'AGIRC. Sans l'accord de mars, le déficit cumulé de
ces régimes était chiffré à - 8,7 Mds € en 2017. Leurs réserves financières,
42,4 Mds € à l'ARRCO et 8,4 Mds à l'AGIRC à fin 2011, auraient été épuisées en
2016 à l'AGIRC et en 2020 à l'ARRCO.
Pour
redresser la situation, pendant trois ans les allocations (pensions) seront
revalorisées moins que les prix, tandis que le rendement* restera constant. En
plus, une hausse des taux de cotisation contractuels* augmentera les ressources.
L'effort
imposé aux retraités (11,65
millions de personnes à l'ARRCO et 2,65 Mi à l'AGIRC au 31/12/2011) est
important, puisque les valeurs de service du point d'indice, qui n' ont été
revalorisées que de + 0,8% à l'ARRCO et de + 0,5 % à l'AGIRC au 1er avril 2013,
le seront de
1
% de moins que l'inflation en 2014 et en 2015.
Pour
les salariés cotisants (18 Mi à l'ARRCO et 4 Mi à l'AGIRC) et leurs
employeurs les taux des prélèvements sont majorés dans chaque tranche de
revenus. Ensemble, ils atteindront à l'ARRCO 7,75 % des salaires en 2015 (contre
7,5 en 2013) jusqu'au plafond de la SS (3 086 €/mois en 2013), et, à l'ARRCO
comme à l'AGIRC, 20,55 % (contre 20 % en 2013) au-dessus de ce plafond.
À
ces taux s'ajoutent ceux de l'AGFF, pour la gestion du fond de financement, 2 %
jusqu'au plafond et 2,20 % au-dessus, et de la CET, contribution exceptionnelle
temporaire, 0,35 % sur les revenus des cadres.
Est
également prévue la mensualisation des cotisations, à compter du 1er janvier
2016, pour les entreprises de plus de 9 salariés qui versent mensuellement leurs
cotisations aux URSSAF. Gains de trésorerie en vue, donc.
En
2017, la sous-indexation des allocations permettra « d'économiser » 2 Mds €.
L'augmentation des taux des cotisations procurera 1,1 Md de rentrées
supplémentaires. Le déficit annuel sera ainsi réduit de 3,1 Mds.
Ensemble,
les mesures contribueront à augmenter les réserves de + 22,5 Mds €.
Cet
accord précis, qualifié de courageux, n'a pas revendiqué le titre de « réforme
». Il a visé à « repousser des échéances ». Des réflexions pour une réforme
profonde et durable sont déjà engagées... sans tintouin médiatique. Cette
démarche, qui donne la priorité au court terme, est très différente de celle de
la « réforme » en cours de discussion, qui s'intéresse surtout à l'après 2020...
et passe sous silence la situation et les perspectives
des complémentaires. Au fait, pour évaluer le déficit global des régimes de
retraites en 2020 et en 2035, quel déficit des complémentaires les Autorités
ont-elles retenu ?
Les
indispensables réformes des régimes des fonctionnaires (RDF), « c'est pas maintenant »
JMA
l'a dit, la réforme 2013 ne vise pas les régimes subventionnés. Suffisant pour
écarter les RDF et les régimes spéciaux (RS), qui ne survivent que grâce à de
copieuses subventions dont la croissance échappe à tout contrôle. Sans elles,
les déficits réels de ces régimes sont considérables. Comme pour le régime
général, les questions de l'âge effectif de la retraite, la durée de cotisation
et le mode de calcul des pensions sont cruciales, vitales. Le régime de la
fonction publique (et les RS) est aussi plus coûteux parce qu'il est nettement
plus favorable que celui du privé. Aussi, la question de l'alignement du public
sur le privé, question aussi de « justice sociale », est-elle au centre des
débats depuis des décennies. Si de timides avancées ont été réalisées avec les
réformes de 2003 et de 2010, il reste beaucoup à faire. À la mi-juin 2013,
plusieurs sites internet rapportaient cette citation d'Économie Matin «
selon l'Insee, si les règles du privé s'appliquaient au public, la
retraite moyenne des fonctionnaires diminuerait de 10 à 20 %. Sachant que les
régimes des fonctionnaires représentent 66 milliards (3,1 % du PIB), l'économie
réalisée par cet alignement du public sur le privé serait de l'ordre de 10
milliards d'euros ». C'est plausible. Mais je n'en ai pas trouvé
trace sur le site de l'INSEE. Peut-être est-ce dérangeant, et déplacé?
Dans
les comparaisons entre les régimes du secteur privé et celui des fonctionnaires,
les différences des taux et des niveaux des cotisations retraite des salariés,
futurs retraités, ne doivent pas être négligées.
Selon
les données du Rapport annuel sur l'état de la fonction publique 2012,
principale source ici, contrairement à des idées reçues, le
salaire
net mensuel moyen dans le privé en 2010 (2.082 €) était inférieur de 15,4 % à
celui dans la FP d'État (2.459 €). À noter, que cet écart a crû, puisqu'il était
de 11 % en 2007-2008.
Le
régime de la Fonction publique d'État (FPE) : un cas désespérant; désespéré ?
À
l'inverse, les taux des cotisations retraite des fonctionnaires sont plus
faibles que ceux du privé. Pour comparer, prenons un salaire brut annuel de
35.232 €, de part et d'autre. C'était le montant en 2010 du salaire annuel brut
moyen dans la Fonction publique d'État, correspondant à un traitement brut de
base de 26.889 € majoré de 8.335 € de primes et indemnités, toujours en moyenne.
Sur
un tel salaire brut, en 2013, les cotisations salariales pour la retraite dans
la FPE (mêmes taux dans la FP Territoriale et la FP Hospitalière) sont de 8,76 %
du traitement brut de base, soit 2 355 € (cotisation vieillesse) + 5 % du
montant des primes (pour la RAFP: retraite additionnelle de la FP), soit 417 €,
+ 1 % du salaire net (cotisation exceptionnelle de solidarité), soit 297 €. Au
total, 3.069 €, soit 8,71 % du salaire brut...
Du
côté privé, les cotisations portant sur les 35 232 € sont de: 6,75 % pour la
CNAV + 3 % pour l'ARRCO ou l'AGIRC + 2 % pour l'AGFF (gestion des fonds de
financement AGIRC et ARRCO). Total : 11,75% du SAB, soit 4.140 €.
Dans
le privé, le salarié paie aussi deux cotisations que le fonctionnaire ne paie
pas: la cotisation maladie, maternité, invalidité, décès, solidarité de 0,75 %
et la cotisation chômage de 2,40 %. Coût : 1.110 €.
Finalement,
les cotisations du salarié privé sont de 5.250 €, C'est 71 % de plus que
celles de notre fonctionnaire.
Pour
réduire partiellement les inégalités, la réforme de 2010 (encore elle) avait
prévu d'augmenter progressivement le taux de la cotisation vieillesse des
fonctionnaires. Il est passé de 7,85 % du TBB en 2010 à 8,76 % en 2013 et
devrait atteindre 10,55 % en 2020.
Pour
procurer des recettes supplémentaires au régime général, la réforme 2013
prévoit, elle, de majorer de 0,1% en 2014, puis en 2015 et en 2016 la cotisation
à la CNAV. Cela réduira donc de moitié la réduction des écarts !
De
telles différences ont deux causes principales. Le mode de calcul des pensions
est nettement plus avantageux dans la FP. C'est le traitement brut moyen des 6
derniers d'activité qui est retenu (et non le salaire moyen de 25 années de la
CNAV), le taux de remplacement est de 75 % (et non 50 %) et les trimestres de
bonifications familiales sont plus généreuses pour les familles nombreuses.
De
plus, les cotisations aux complémentaires obligatoires, ARRCO et AGIRC, sont
sans commune mesure avec les 5 % du montant des indemnités prélevés pour la
RAFP.
Plus
de retraités que de salariés cotisants dans la FPE et des « déficits masqués »
des retraites qui s'envolent
Dans
la FPE, les effectifs des salariés ont légèrement diminué, de - 4,7 % entre 2000
et 2010 (plus précisément entre 2006 et 2010), notamment en raison de transferts
de personnels vers la FP Territoriale, avec la deuxième vague de la
décentralisation, pour s'établir à 2,30 Mi à fin 2010. Pendant ce temps, les
effectifs de pensionnés ont crû de + 21,7 % pour s'élever à 2,48 Mi en 2011. La
vive progression a été ralentie par celles des pensions militaires et des
pensions de droit dérivé (réversions). Le nombre des pensions civiles de droit
direct, lui, a bondi de + 48,6 %, soit à un rythme de + 3,7 % par an; il est de
1,4454 Mi en 2011.
Entre
2006 et 2007, le nombre de cotisants est devenu inférieur à celui des retraités.
Quelle
discrétion sur cette calamité de la part de nos gouvernants alternatifs, des
technocrates patentés et des médias !
Rien
d'étonnant, alors, à l'évolution alarmante du coût budgétaire des pensions
civiles, militaires et des ouvriers d'État. De 41,4 Mds € en 2007, il est monté
à 50,3 Mds € en 2011, soit de + 21,3 % en quatre ans. Il est ainsi passé de
56,1% à 72,2 % du montant de la rémunération totale du personnel en activité.
Sans vouloir abuser de chiffres dont on ne nous parle pas, ces pensions versées
constituent 18,2 % des dépenses du budget de l'État en 2011 et, sans doute, près
de 20 % en 2013. Où allons-nous en 2017, 2020 et après ? Et qui va payer ?
Inutile
de s'inquiéter, puisque le régime de retraite des fonctionnaires civils et
militaires de l'État ne connait pas le déficit. Et pour cause, en plus de sa
cotisation normale d'employeur (qui est de 27,30 % pour les collectivités
locales), l'État verse des subventions à ce régime pour en assurer l'équilibre.
Les taux de ces « contributions employeur » de l'État réunies ont grimpé de 49,5
% en 2006 à 65,39 % en 2011 pour les ministères, de 33 % à 65,39 % pour les
organismes et établissements de l'État (La Poste, France Télécom...), de
100 % à 114 % pour les pensions militaires. Le « déficit masqué » réel géant de
la FPE peut ainsi être estimé à 38 % des salaires en 2011. Il va en
s'amplifiant. Des mesures « homéopathiques » ne limiteront pas significativement
les dégâts. Est-ce une bonne raison pour ne pas traiter cette lancinante
question avec la réforme de 2013 ?
Quelque
mots sur les régimes de la FP Territoriale et de la FP
Hospitalière
Depuis
2000, les effectifs des personnels des collectivités locales (CL) ont
considérablement augmenté, + 36,3 % jusqu'en 2010, atteignant alors le chiffre
de 1,81 Mi. Les dépenses de personnel ont explosé, + 75,2 %, pour s'élever à
52,99 Mds en 2011. À leur échelle, les différentes catégories de collectivités
(régions, départements, communes, ainsi que communautés) ont toutes participé à
la fête. Nos impôts locaux également.
Il
faut dire aussi que le taux de la cotisation employeur à la CNARCL a été relevée par étapes de 25,6 % en 2000 à 27,3 % en 2011.
Ainsi,
depuis 2000, la CNARCL (qui est également la Caisse de retraite des
agents de la FPH) a « bénéficié » d'une rapide montée des cotisations provenant des CL.
Hélas,
la CNARCL a aussi connu une croissance très forte des effectifs de pensionnés de
la FPT, +72 % de 2000 à 2011. Elle compte alors 504 000 pensionnés de la FPT.
Dans
la Fonction publique hospitalière, les effectifs de personnels ont crû de
+ 19,3 % de 2000 à 2010 (+ 1,8 % par an en moyenne, bien plus que la croissance
démographique), s'établissant à 1,11 Mi en fin 2010. Les charges de personnel
des établissements publics de santé, elles, ont augmenté de + 43,4 % de 2010 à
2011.
Dans
le même temps, le nombre de pensionnés de la FPH est monté de 293.000 à 504.000
en 2011 (+ 72 %), évolution très défavorable à l'équilibre financier de la
CNARCL.
Sur
la période 2006-2011, le compte de résultat de la CNARCL montre que les
prestations versées ont crû de 10,71 Mds en 2006 à 14,98 Mds en 2011 (soit +
39,8 %). Elles sont restées inférieures aux cotisations et aux produits
affectés, qui ont progressé de 13,51 Mds à 16,39 Mds (soit +21,3 %). Mais elles
s'en rapprochent dangereusement. Excédentaire, la CNARCL verse des «
compensations » et effectue des transfert en faveur
d'autres régimes. Nets, ils étaient de 2,45 Mds en 2006 et sont descendus à 1,92
Md en 2011. Compte tenu des autres charges et produits, le « résultat » de la
CNARCL, positif en 2006 (0,37 Md) est devenu négatif, de - 0,38 Md en 2011.
Bref, les régimes
de
la FPT et de la FPH soutiennent d'autres régimes, mais de moins en moins. Le
déficit affiché, « conventionnel », ne reflète en rien l'équilibre entre
cotisations et prestations de la Caisse.
Des
régimes spéciaux de retraite (RSR), dont la survivance est injustifiable
Les
RSR, c'est 1,1 millions de retraités pour 0,5 MI d'actifs. Un rapport
catastrophique. À juste titre, ils sont très décriés depuis des années,
notamment pour les « privilèges » dont bénéficient leurs cotisants et leurs
pensionnés, ainsi que pour leurs déficits pharamineux, payés par les
contribuables. Leur champ couvre une multitude d'établissements, d'entreprises
publiques et de professions, parmi lesquelles figurent les marins, la Comédie
française, les retraités des mines, les clercs de notaires, etc. Il y a surtout
des poids « lourds », que la réforme de 2008, accouchée dans la douleur et les
larmes, a tou-chés, trop légèrement: la SNCF, la RATP,
EDF, GDF, la Banque de France, l'Opéra de Paris et les élus du Parlement. La
réforme a porté la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux
plein (RATP) de 37,5 ans à 40 ans en 2012 et à 41 ans en 2017 (contre 2012 pour
le privé et la FP). L'âge légal de la retraite a été fixé jusqu'en 2017 : à la
SNCF, à 55 ans et 50 ans pour les agents de conduite; à la RATP, à 60, 55 ou 50
ans, suivant la nature du poste; à EDF et GDF, à 60 ou 55 ans suivant la nature
du poste. À partir de 2017, elle passera progressivement à 62 ans pour les
sédentaires et 57 ans pour les actifs.
Pour
la SNCF, le taux de cotisation vieillesse s'aligne, avec un décalage dans le
temps, sur celui de la FP. Maintenu à 7,85 % du salaire hors primes jusqu'en
2017, il montera jusqu'à 10,55 % au 01/01/2026. Pour la RATP, EDF et GDF, qui
ont des conventions avec le régime général ainsi qu'avec l'ARRCO et l'AGIRC, le
taux est de 12 % du salaire hors primes et devrait peu augmenter après 2017.
Les
cotisations recueillies par les régimes spéciaux sont très inférieures aux
pensions versées. Leurs déficits sont couverts par des « contributions de
l'employeur » (le contribuable) qui atteignent 6,5 Mds € en 2013, dont 4,2 Mds
pour la SNCF et la RATP, selon la Cour des comptes. lecercle.lesechos.fr
précise, le 19/06/2013, que « l'addition se monte à 7,7 Mds en ajoutant
le 1,2 Md € de ‘’Contribution tarifaire d'acheminement’ à la charge des
consommateurs, pour financer les régimes des agents d'EDF et GDF ».
Pourtant,
Il faut croire que « tout baigne », ou presque, puisqu'à une émission Capital
de mi-juin le Président de la République a déclaré : « Pour les
régimes spéciaux, la réforme a déjà eu lieu en 2008 ». Quel hommage,
tardif et discret à son prédécesseur, Nicolas Sarkozy! Quel manque de courage ou
quelle faiblesse, aussi ?!
Vers
la fin de notre système de retraite par répartition et plus de capitalisation
Difficile
de qualifier cette « réforme 2013 » de réforme des retraites. Délaissant les
retraites complémentaires du privé, les retraites de la Fonction publique et
celles des régimes spéciaux, elle est incomplète, pour le moins, et sa cohérence
n'est pas vérifiée. Le futur des retraites va encore dépendre essentiellement
des réformes réalisées par le gouvernement précédent ainsi que de l'accord
conservatoire AGIRC-ARRCO conclu par les partenaires sociaux en mars 2013 en
attendant une réforme profonde.
En
mai 2013, le COR a produit des fiches sur les retraites pour l'information et le
débat (la religion des gouvernants était alors déjà faite). La fiche 4
«Pour
aller à l'essentiel » présente
succinctement les dépenses et les ressources du système de retraite. Le coût
total des pensions attribuées à 16,4millions de retraités (dont 15,1Mi de
droit direct) est de 271 Mds € en 2011 (273,6 Mds, d'après la CNAV), soit
13,6 % du PIB. Sur cette somme, un quart est distribué par les régimes
complémentaires et 28,5 % (77,1 Mds) par la FPE et les autres régimes spéciaux.
Ces chiffres donnent un ordre de grandeur de « l'impasse » faite par la «
réforme » 2013.
Sur
l'ensemble des ressources, les cotisations sociales payées par 25,8 Mi de
personnes en
emploi ne représentent plus que 66 % (179 Mds €), avec de fortes
disparités entre les régimes; et ce pourcentage diminue d'année en année. Les
Contributions d'équilibre à des régimes déficitaires augmentent. Elles sont de
42 Mds, soit 16 % des ressources. Les impôts et taxes apportent 31 Mds (11 % de
R), les transferts en provenance de l'assurance chômage et de la branche famille
se montent à 12 Mds (4 %) et les produits de gestion sont de 7 Mds (3 %).
Le
« besoin de financement » (BF) est le déficit non couvert par des subventions
d'équilibre. Il est donc partagé entre les régimes des salariés du privé et des
non titulaires du public (régimes de base : - 6 Mds, complémentaires - 2,5), des
non- salariés du privé (- 1,2 Md) et le FSV (- 3,4Mds). Pas de BF pour le régime
de la Fonction publique et seulement - 0,6 Mds pour les régimes spéciaux. Alors,
pourquoi se prendre la tête pour ces derniers.
Mais,
si on compte les Contributions d'équilibre, le déficit est de -56 Mds en 2011.
Très différent !
Le
COR note à ce propos que « le taux de cotisation d'équilibre à la charge de
l''État pour les pensions civiles (donc hors pensions militaires) est passé de,
entre 2009 et 2011, de 58,5 % à 65,4 %, traduisant le creusement sous-jacent du
besoin de financement du régime ».
Dans
son rapport de mars 2013, le COR indique qu'en l'absence de mesures nouvelles,
le déficit réel du régime de retraite de la FPE s'aggraverait, dans un scénario
« moyen », de - 6,9 Mds en 2020 et de - 6,7 Mds en 2030. Vraiment pas de quoi
nous rassurer sur l'avenir de notre système de retraite par répartition.
D'ailleurs,
jusqu'ici on considère que dans un tel système la masse annuelle des pensions
est égale à la masse annuelle des cotisations. Plus pour longtemps,
semble-t-il, car le COR écrit à la page 63 de son rapport: « L'équilibre d'un
régime de retraite en répartition, c'est à dire l'égalité entre la masse des
ressources et la masse des pensions versées chaque année, impose... »
Subrepticement,
le COR dénature et redéfinit ainsi le système par répartition... pour justifier
et « normaliser » furtivement le financement actuel à l'aide de prélèvements
fiscaux, de ponctions sur d'autres lignes budgétaires et même, pourquoi pas,
d'augmentations des tarifs publics. Il est conscient que le déficit global va
s'aggraver, que les cotisations des travailleurs vont très probablement croître,
tandis que les pensions continueront de reculer... et que ces « efforts »
risquent d'être insuffisants pour assurer un équilibre réel au système.
Pourquoi,
alors, ne pas examiner, sereinement, de préférence, les possibilités de
développement « organisé » de la capitalisation en complément du système par
répartition que l'on veut préserver à n'importe quel prix ! À cet égard,
les gouvernants sont très en retard sur les ménages, qui se fient de moins à
eux.
Notre
système de retraite devient de plus en plus un système de redistribution des
revenus, entre les régimes, leurs cotisants et leurs retraités, donc. Par le
pompage dans les ressources de l'assurance chômage et de la branche famille, par
le jeu des transferts de compensation, ainsi que par la prise en charge par les
contribuables et même les consommateurs de dépenses de certains régimes (par les
contributions d'équilibre) qui permettent à ces derniers de mieux traiter leurs
cotisants et/ou leurs retraités. Sur ce sujet, c'est l'obscurité la plus
complète, pour ne pas dire l'embrouille. Il est grand temps de faire de la
lumière sur cette forme cachée de « justice sociale », sur les niches que la
Cour des comptes ne va pas perquisitionner, sous peine des plus vifs
mécontentements. ¾