L'ÉPARGNE POPULAIRE ESSORÉE, LES ÉPARGNANTS FRANÇAIS MÉPRISÉS

 

par Paul KLOOBOUKOFF

Baisse du taux du livret A et du LDD : merci à saint François et saint Jean-Marc

Une fois de plus les petits épargnants et ceux des classes moyennes sont méprisés et rançonnés. Ce sont eux que l'on frappe au-dessous de la ceinture en baissant de 1,75 % à 1,25 % le taux du livret A, placement « préféré » des Français : 63,3 millions de comptes à fin 2012. Parenthèse : la population de la France étant alors de 64,6 millions de personnes, on comprend que des millions d'entre elles ont plusieurs comptes, ce qui est interdit. Pas grave, sans doute, puisque la situation perdure. Toujours d'après la Banque de France (BDF), l'encours total de ces comptes est de 262,3 milliards (Mds) à fin juin 2013. La moitié de ce montant est déposée sur 90 % de l'ensemble des comptes (de l'ordre de 2.300 € par compte, en moyenne), et 64 % des comptes sont inférieurs à 1.500 €. De gros épargnants, en somme! L'autre moitié est déposée sur seulement 10 % des comptes, qui se montent donc, en moyenne, à environ 20.700 €, c'est à dire pas loin du plafond qui a été relevé par les Autorités à 22.950 € en 2013.

En même temps que le livret A, la baisse touche le livret de développement durable (LDD et ex CODEVI), dont l'encours en juin 2013 est de 98,8 Mds. Ce sont donc 361 Mds € d'épargne qui sont directement « impactés ». Sur un an, la pénalisation sera de - 1,8 Md €. Principal bénéficiaire, l'État. Cela n'évitera pas aux impôts d'augmenter en 2014, soyons rassurés. Par contre, on peut craindre une révision des autres taux « réglementés », tels ceux de l'épargne logement, déjà très faibles, avec 1,25 % pour les CEL et 2,50 % pour les PEL (hors primes à l'emprunt)). On doit surtout s'attendre à des baisses par les banques des taux d'intérêt des livrets soumis à l'impôt, dont l'encours est conséquent, 178,1 Mds €, ainsi que d'autres comptes rémunérés d'appellations diverses.

Pour décider, les gouvernants se sont courageusement abrités derrière des « recommandations » de la BDF et une formule « magique » de calcul que l'on n'a pas hésité à changer plusieurs fois au fil des ans... pour qu'elle fournisse le taux du livret A le plus bas possible. Avec la dernière version, le taux du livret A doit être égal, au choix :

- soit à la moyenne entre le taux de l'inflation sur les 12 derniers mois, et les moyennes annuelles du taux EURIBOR (taux d'intérêt des emprunts interbancaires) à 3 mois et du taux EONIA (Euro Overnight Index Average);

- soit au taux de l'inflation majoré de + 0,25 %.

Entre janvier et août 2013, l'EONIA a fluctué entre 0,067 % et 0,095 %. Le taux EURIBOR à 3 mois, lui, s'est situé entre 0,22 et 0,23 %. Ces taux sont si faibles, « artificiellement », car la Banque centrale européenne (BCE), imitant en cela la Banque fédérale américaine (FED), maintient ses taux directeurs très bas (celui du Refi est à 0,5 %).

L'emploi de la première version (comment a-t-elle pu être imaginée puis votée!?) aurait été très difficile à expliquer au bon peuple. La deuxième aurait conduit à 1,05 %, l'Indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac et alcool de l'INSEE (pris pour représenter l'inflation) ayant « miraculeusement » crû de + 0,8 % seulement depuis un an. Un « effort » a été consenti « en faveur » des ménages, et le taux a été fixé à 1,25 %, sans provoquer de réactions particulièrement vives. Il est vrai que le chef du gouvernement avait déclaré vouloir garantir le pouvoir d'achat des Français, tout en favorisant la construction de logements sociaux et l'investissement. Aussi, la rémunération annuelle d'un livret A moyen de 2.300 € sera de 28,75 €. Voilà bien de quoi « garantir » son pouvoir d'achat. Merci saint François et saint Jean-Marc ! Des épargnants s'en souviendront peut-être encore aux élections de 2014.

En réalité, les revenus du « capital » évoqués ci-dessus sont réduits à peau de chagrin. De plus, à l'exception des livrets réglementés, les intérêts des placements, y compris ceux des CEL et des PEL, sont soumis aux prélèvements sociaux (15,5 % depuis le 1er juillet 2012, retenus à la source). Hormis les CEL et les PEL de moins de 12 ans, ils sont passibles de l'impôt sur le revenu (le prélèvement libératoire est de 24 % depuis 2012). Comptez ce qui reste !

Cela n'a pas empêché les taux des prêts à l'habitat d'une durée supérieure à 1 an et inférieure à 5 ans accordés aux ménages d'être de 3,45 %, en moyenne, en décembre 2012, et les taux des crédits à la consommation de se chiffrer à 6,07 %, en moyenne. Pour leur part, les taux de l'usure sont de 11,48 % pour les prêts à la consommation de plus de 6 000 €, de 16,5 % pour ceux de 3.000 à 6.000 € et de 20,29 % pour ceux de moins de 3.000 € (source : BDF). Du côté emprunts comme du côté dépôts, les épargnants sont perdants.

Mieux vaut des cigales que des fourmis

Hélas, l'épargne est déconsidérée en France et découragée par les gouvernants. Il vaut mieux être cigale que fourmi et dépenser pour faire « tourner la machine et créer des emplois ». Plutôt que de rendre l'épargne logement attrayante, par exemple, afin que les ménages acheteurs aient moins à emprunter, puis à rembourser (principal et intérêts), on préfère les pousser à emprunter plus, avec moins d'apport personnel, sur de plus longues durées. Conséquence: pour rembourser, ils doivent épargner... davantage encore. Mais, cette « épargne de remboursement, de désendettement », pourtant massive, échappe à la vue de nos « analystes » et de nos gouvernants. Ils font l'impasse sur cette épargne forcée, qui conduit à réduire la consommation présente et à venir. La pratique de la dépense qui anticipe sur des revenus et des capacités de remboursement futures hypothétiques a été promue à l'excès tandis que l'épargne volontaire ou de nécessité était mise à l'index. L'endettement public ne suffisait pas; il fallait aussi surendetter les ménages. Un franc succès, d'après la BDF !

Ainsi , la dette des ménages a plus que doublé en dix ans, de 2002 à 2012, pour atteindre 1 140 Mds €, soit 85 % de leur Revenu disponible brut (1 340 Mds) et 56% du PIB, contre seulement 35,6 % en 2002 (sources: INSEE et BDF).

En 2011, 50 % des ménages étaient endettés: 32 % pour l'habitat, 29 % pour la consommation, 10% pour les deux.

En juin 2013, l'encours brut des crédits aux particuliers est de 978 Mds €, pour plus de 80% en crédit à l'habitat.

Sur les 220.836 dossiers déposés aux Commissions de surendettement en 2012, 194.866 ont été jugés recevables, soit + 64,2 % de plus que dix ans auparavant. Et les crédits renouvelables font des ravages.

Les pourfendeurs de l'épargne financière refusent de voir le rôle que celle-ci joue, dans tous les cas et sous toutes ses formes, dans le financement de notre économie. Mise à la disposition des organismes financiers (banques, assurances, Caisse des Dépôts (CDC)...), elle permet à ceux-ci de prêter aux entreprises, à l'État, aux Établissements publics, aux collectivités locales et aux ménages emprunteurs. Et

la grande majorité des ménages épargnants peuvent, à juste titre, déplorer d'être captifs, otages d'un système financier qui, avec le concours orchestré de l'État et de la BCE, leur laisse très peu de choix (malgré la multiplication des intermédiaires financiers et de leurs formules « attractives » calquées les unes sur les autres)... et les rémunère mal. En prime, ils sont présentés comme des « rentiers qui ne prennent aucun risque », voire « qui s'engraissent sur le dos de la société ».

Et la crise s'incruste, avec son gros lot du chômage, de baisses et de menaces sur les salaires et les retraites, d'agressions fiscales... et un avenir incertain, inquiétant, devant lequel les discours et les « pronostics » oiseux des gouvernants révèlent avant tout leur impuissance.

Pas anormal, alors, que l'épargne de précaution augmente, notamment pour compenser la baisse et la faiblesse des taux d'intérêt.

De nombreux épargnants avaient déplacé des avoirs vers leurs livrets A et leurs LDD en fin 2012 et en 2013, lorsque le Gouvernement a relevé les plafonds des dépôts, afin de drainer davantage d'argent vers la CDC. Combien considéreront qu'on les a attirés dans un guet-apens pour mieux les tondre ?

L'assurance vie aussi dans la ligne de mire

Combien seront tentés de réduire leurs avoirs sur ces livrets? Pour les placer où? Les taux qu'offrent les comptes en euros de l'assurance vie (AV) ont beaucoup baissé. Et les plus-values (pv) liquidées sont taxées si les comptes ont moins de 8 ans et si les pv sont supérieures à 4.600 € pour une personne et 9.200 pour un couple. Au-dessus de ces montants, à 8 ans ou plus, la taxation est de 7,5 %. Entre 4 et 8 ans, la taxation des pv est de 15 %. À moins de 4 ans, la taxation est de 35 %. Ainsi, un rendement brut annuel de 2,8 % (courant) peut descendre à 2,59 %, 2,38 % ou 1,82 % suivant la durée de l'immobilisation avant liquidation.

En outre, les « avantages » fiscaux successoraux de l'AV sont dans la ligne de mire. Et les gouvernants caressent l'idée de pousser au déplacement des avoirs détenus sur de « gros » comptes en euros (plus de 500.000 €) vers des comptes titres (à risques) porteurs d'actions, c'est à dire vers le financement d'entreprises. Les gros comptes des « récalcitrants » pourraient perdre l'avantage de la taxation des plus-values à 7,5 %. Devant une telle perspective, les assureurs (qui comptent aussi de grandes banques) sont montés au créneau, alertant sur le fait que les comptes en euros de l'AV avaient pour vocation de financer la dette publique... et qu'il serait inapproprié d'assécher cette source, actuellement très avantageuse pour l'État, d'ailleurs.

Recul en vue ? Probablement! Mais, une partie du mal est déjà faite. La confiance dans l'assurance vie a pris un coup... Malencontreux, au moment où une nouvelle « réforme » des retraites mijote et qu'il n'est pas déraisonnable de penser que nous allons inévitablement vers une augmentation de la part de la capitalisation dans les retraites. Est-il vraiment judicieux de malmener l'épargne, particulièrement dans ces circonstances ?

Il faut également savoir qu'une « grande réforme » du Code des assurances se prépare, dans une grande discrétion, en discussion avec le petit monde de la Finance. Elle pourrait intervenir avant la fin de l'année. Les assureurs pourraient être amenés à jouer le rôle de banquiers et à prêter directement aux entreprises. « Bercy rêve de voir les assureurs prêter 90 milliards d'euros aux PME », titrait Le Monde Éco & Entreprise le 9 juillet, avec un sous-titre: « Les compagnies d'assurance pourront faire crédit aux entreprises, jusqu'à 5 % de leur bilan ». Avant de passer à l'acte, il serait bon que chacun s'interroge (en relation avec l'UE, à toutes fins utiles) sur l'engrenage dans lequel on veut mettre le doigt, dans l'urgence, semble-t-il. Pas de panique! Ne disait-on pas « À chacun son métier et les vaches seront bien gardées ». Et une telle intervention dans l'assurance peut-elle se passer d'autres changements dans le système financier, de la « grande réforme » qui devait y remettre de l'ordre ?

Investissement productif et logement locatifc : c'est mieux quand l'exemple vient d'en haut

Des gouvernants disent souhaiter qu'organismes financiers et particuliers « investissent » davantage en actions, dans l'appareil productif, et dans le logement locatif. Encore faudrait-il, au minimum, que les réglementations, la fiscalité et les prélèvements sociaux soient stables... et plutôt encourageants que punitifs. Il faudrait aussi que les dividendes par action versés soient motivants pour le public. J'ai montré qu'il n'en était rien, chiffres à l'appui, dans un article de septembre 2012 intitulé: "Marchés, investisseurs, le changement, c'est maintenant ". Et si l'on peut se réjouir que le CAC 40 soit remonté à 4.000 points en août 2013, il ne faut pas oublier qu'il était au-dessus de 6.000 points en 2000-2001. Tous les détenteurs d'actions n'enregistrent pas de mirobolantes plus-values, bien au contraire. La bourse reste très imprévisible. Les meilleurs coups semblent toujours réservés aux initiés.

L'examen des patrimoines récemment publiés, grâce à M. Cahuzac, du chef de l'État et des 37 membres du Gouvernement révèle que ces « investisseurs » ont dédaigné ce type de placement « à risques » citoyen. Seuls quelques-uns d'entre eux ont des portefeuilles titres. L'assurance vie n'est la tasse de thé que de quelques « seniors » qui ont souscrit des (confortables) contrats. Presque tous ont une préférence très marquée pour « l'investissement dans la pierre ». C'est plus sûr, et compte tenu de l'hyper inflation immobilière depuis plus de 15 ans (voir ci-après), nettement plus juteux... sans doute. Des résidences principales, des résidences secondaires pour partie d'entre eux, tertiaires, pour quelques-uns. Le cumul des mandats l'encourage peut-être.

N'est-il pas hautement souhaitable que nos gouvernants exemplaires donnent l'exemple? L'État et les collectivités locales sont bien actionnaires. Alors, suivant leurs guides, de nombreux Français regarderont la bourse avec moins de suspicion et s'engageront plus dans cet investissement porteur d'avenir et/ou de rêve.

Devant un tel afflux de capitaux privés français, il sera moins indispensable de vendre les bijoux de famille industriels, les trésors culturels et touristiques... à de riches étrangers, d'aller quêter aux quatre coins du globe à la recherche d'investisseurs Libyens, Qataris, Indiens, Chinois... auxquels on déroulera le tapis rouge et devant lesquels on s'agenouillera en présentant d'alléchantes listes d'avantages fiscaux et d'autres aides nationales et locales... parce qu'ils viennent pour créer des emplois pour nos chômeurs, et non pour faire des profits tant que les conditions s'y prêtent. La France deviendra moins dépendante et aura plus d'assurance. Fin du rêve?

« Et si la relance passait par l'actionnariat individuel » titre un article d'Aldo Sécurant sur Les Echos.fr le 16 août. Il y rappelle que les étrangers détenaient déjà 42,4 % du capital des sociétés cotées en 2010. Les ménages épargnants français, eux, sont négligés quand ce n'est malmenés. Malgré cela, les épargnants en actions (y compris les détenteurs de fonds d'actions et les souscripteurs d'assurances vie en unités de compte) sont engagés à hauteur de 1.100 milliards d'euros. Ils pourraient peut-être faire mieux, si on changeait d'attitude envers eux.

L'indice officiel des prix à la consommation représente mal l'inflation

L'IPC n'est pas approprié pour revaloriser le taux du livret A, ainsi, d'ailleurs que de bien d'autres grandeurs, tels les salaires, les pensions, les minima sociaux... ni même pour représenter l'inflation.

Première anomalie grave, il ne prend pas en compte les coûts des investissements des ménages constitués par leurs achats de logements neufs et d'occasion. Pourtant le nombre annuel de ces derniers varie entre 700.000 et 900.000, dont plus des deux tiers sont « anciens ». Le montant total des transactions concernées (non chiffré) est bien supérieur à celui de la Formation brute de capital fixe (FBCF) des ménages, évaluée par la Comptabilité nationale à 121,5 milliards d'euros en 2012 (contre1.130 pour l'ensemble des dépenses de consommation individuelle). En effet, la FBCF ignore les achats et ventes entre ménages et se concentre sur les investissements en nouveaux logements ainsi qu'en travaux d'amélioration.

Et l'indice des prix des logements anciens, principal indicateur en la matière, a été multiplié en France par 2,45 entre le quatrième trimestre 1998 et le quatrième trimestre 2012. Pendant la même temps, celui des appartements à Paris a été multiplié par 3,53. Il est clair que face à ces hausses géantes l'épargne besogneusement accumulée, sur les livrets A, les LDD, les comptes et plans d'épargne logement... perd énormément de son pouvoir d'achat.

Ensuite, l'indice des prix à la consommation (IPC) sous-estime les niveaux et les hausses de coûts réels que connait une grande partie de la population (des épargnants, notamment). Compte tenu des fluctuations annuelles de l'IPC, pour le vérifier, il est plus significatif de regarder les chiffres que nous donne l'INSEE sur la période assez longue de 1998 à juillet 2013. En 15 ans, l'augmentation de l'indice d'ensemble (censée représenter l'inflation) n'a été que de + 27,1 %. Le même indice sans les boissons alcoolisées et le tabac (BAT, dont les prix ont crû de + 85,3 %) sert de référence pour le livret A. Il montre une hausse de seulement + 24,9 %. Taxer et retaxer les BAT, y compris la bière, ne fait pas monter l'indice de référence. Un bon filon, donc, qui a encore de l'avenir !

Dans l'IPC, les prix des produits alimentaires ont crû de + 33,7 %, ceux des logements, eau, gaz, électricité de + 53 %, ceux des transports, de + 45,4 %, de l'éducation de + 41,6 %, ceux des hôtels, cafés, restaurants de + 44,6 % et ceux des autres biens et services, de + 38,5 %, dont + 52,7 % pour la protection sociale et + 35,4 % pour les assurances. On peut donc comprendre le sentiment largement partagé que l'IPC sous-estime l'inflation. Même si l'on est prêt à admettre que les prix de l'ameublement et de l'équipement ménager ont crû de + 17,4 % et que ceux de la médecine de ville et du paramédical ont augmenté de + 22,3 %. Cela en 15 ans.

Ces produits pris ensemble pèsent presque 80 % de la consommation dans l'IPC (hors BAT). Globalement, toujours selon l'INSEE, leurs prix ont augmenté de + 33,9 %. Nous sommes loin des+ 24,9 % officiels.

Quelques groupes de produits jouent des rôles « efficaces » de ralentisseurs providentiels de l'IPC

Merci aux Chinois et aux autres exportateurs asiatiques, en 15 ans, les prix des articles d'habillement et des chaussures n'auraient crû que de + 12,8 % jusqu'en juin 2013, avant les soldes, et auraient baissé de - 1,7 % selon les chiffres de juillet 2013, pendant les soldes... avec un impact « ralentisseur » de - 1,8 % sur l'IPC ce dernier mois. Le même phénomène se produit lors des soldes d'hiver. Pourtant, si les articles soldés n'ont pas pu être écoulés à leurs prix « antérieurs », peut être trop élevés, en définitive, ces articles n'ont-ils pas été « liquidés » à leur juste prix et non « moins cher » ? Des habits et des chaussures aux prix « abaissés », voire « cassés » sont souvent des fins de séries, des articles démodés, de goût et/ou de qualités médiocres. Et les « contrefaçons » rendent une évaluation crédible des variations des prix plus difficile encore.

Les communications sont un ralentisseur performant. Les prix des services de télécom auraient baissé de - 33,5 %, en 15 ans, ce qu'il est difficile de lire dans nos factures, qui comportent une part croissante d'abonnements qui augmentent plus qu'ils ne baissent. Mais, plus encore, ce sont les équipements de téléphonie et de photocopie qui interpellent. Leurs prix auraient été divisés par 7,7 ! Très difficile à croire... sans le voir.

Questionnement analogue pour les équipements audio...et informatiques, dont les prix auraient été divisés par 3,7. On parle enfin d'obsolescence programmée pour réduire la durée de vie des équipements de toute nature (y compris articles ménagers et automobiles)... qui fait dépenser plus, tout en baissant des tarifs. On ne parle pas assez de la consommation « forcée » avec l'achat d'équipements aux multiples fonctionnalités qui ne

serviront pas, notamment par ce qu'elles sont inutiles, trop complexes et/ou contraignantes pour de nombreux « utilisateurs ». C'est vrai de téléphones « intelligents » ou non, d'ordinateurs, d'appareils photos... et de voitures « suréquipées » dont les pubs nous submergent à la télé. Et la vente de biens dont on n'a qu'un usage partiel, réduit, se généralise et s'amplifie. Évidemment, avec un surcoût pour les nombreux sous-utilisateurs, auxquels on n'offre pas d'autre choix. Pour ces raisons, et d'autres qui conduisent le quidam à changer plus souvent de matériel et désirer augmenter sa puissance, parce que les réseaux de télécoms sont plus encombrés, voire saturés, par exemple, je ne peux pas croire à des baisses de « coûts réels » aussi prononcées que celles retenues dans l'IPC.

Toujours est-il que l'impact baissier de ces services et surtout équipements sur l'IPC est de - 3,8 %.

Nous devons regretter que la plupart de ces articles baissiers soient importés et coulent notre industrie.

Nous devons aussi nous demander si les acquéreurs et utilisateurs principaux de ces produits « technologiques » sont bien les épargnants populaires titulaires de livrets A. Pas si sûr!

Parmi les autres produits baissiers de l'IPC, se distinguent aussi les médicaments et appareils médicaux. En 15 ans, leur prix moyen aurait baissé de - 18,5 %, impactant l'indice global de – 3 %. Cette baisse est plus que suspecte, malgré le report d'une partie de la consommation vers des génériques, si l'on tient compte des centaines de médicaments à « service médical rendu (SMR) insuffisant » qui ont été déremboursés. De 2002 à 2011, 369 d'entre eux ont été totalement déremboursés et 117 remboursés à 15 %. Et le mouvement continue. Or, pour le patient, le prix d'un produit déremboursé jusque-là remboursé à 15 % par la Sécu augmente de + 17,6 %. S'il était remboursé 30 %, la hausse du prix est de + 42,9 %. Comment l'IPC tient-il compte de ces hausses de coût, puisque les prix de vente des produits concernés n'ont, en principe, pas bougé ?

De leur côté, les diminutions qui sont effectuées par la Sécu, sous l'appellation « franchise à retenir » ou « participation forfaitaire », sur les remboursements de médicaments (0,50 € par unité), ainsi, d'ailleurs sur ceux des actes médicaux (1 € pour la consultation d'un médecin et pour un acte technique, 0,50€ par soin infirmier...), réduisent les montants des dépenses remboursées par la Sécu et augmentent considérablement ceux pris en charge par les ménages (directement ou via les mutuelles ou assurances santé qu'ils paient... cher). Exemple 1: deux médicaments payés au pharmacien 5,82 €, remboursés à 65 % par la Sécu reviennent au patient 2,04 €. Franchises déduites, leur coût est de 3,04 €. La majoration du prix pour lui est de presque + 50 %. Exemple 2 : avec un seul médicament, nettement plus cher, à 20 €, toujours remboursé à 65 %. Avant franchise, il revient au patient à 7 €. Avec franchise (si l'on peut dire), il revient à 7,50 €. La majoration est de + 7,1%.

La baisse des prix des médicaments adoptée dans l'indice ne me convainc donc absolument pas.

En conclusion, une évaluation de la hausse des prix équitable pour un calcul du taux du livret A doit prendre en compte le coût de l'investissement en acquisitions de logement par les ménages, d'une part, et chiffrer les impacts des produits « ralentisseurs » de l'IPC de façon réaliste, d'autre part.

Sur Les Echos.fr, le 22 août, dans l'article « Pourquoi nous devons repenser les théories macroéconomiques », Pascal Gaudron aborde ces questions de manière plus large: « Ainsi, la faible inflation aux États-Unis était le produit du déficit du commerce extérieur en raison des importations de biens de consommation de pays émergents. La structure économique se détériorait, alors que les indicateurs restaient au vert. Nous avons donc appris qu'un faible taux d'inflation n'est pas obligatoirement le produit d'une "bonne" politique monétaire, mais le résultat de déséquilibres économiques majeurs. En fait, la stabilité monétaire n'est plus le cadre d'analyse le plus approprié. En situation de crise profonde, il faut étudier la stabilité

financière afin d'intégrer dans l'analyse les fortes variations des prix des actifs {notamment des logements}. Ces derniers sont alimentés par des déséquilibres, mais aussi par les politiques très accommodantes des autorités monétaires luttant contre la crise.

Cette analyse s'applique parfaitement à la situation en France. Puissent nos gouvernants s'en inspirer.

À quoi sert le changement incessant du taux du livret A, un placement stable

La BDF fournit d'intéressantes informations sur les Indices de prix à la consommation harmonisés (au niveau européen). Pour la France, en « glissement » (variation) sur 12 mois, les hausses ont été de + 2,2 % en septembre 2012, puis de + 1,5 % en décembre 2012 et de + 08 % en avril 2013. En moyennes annuelles, les hausses de prix ont été de + 2,3 % en 2011 et de + 2,2 % en 2012. Alors pourquoi fallait-il se hâter, se précipiter, pour abaisser le taux du livret A à 1,25 %. D'autant plus que l'IPC va augmenter plus vite à nouveau vu les annonces de hausses de prix, de l'énergie, notamment, de la TVA et d'autres impôts et charges qui grèvent les prix... qui ne cessent d'affluer.

De 2007 à août 2013, le taux du livret A a été modifié 11 fois! Est-il justifié de le changer aussi souvent ? Pour le soumettre à des fluctuations « conjoncturelles »... des soubresauts, des caprices de prix à la consommation et des décisions de la BCE ? La masse des dépôts est relativement stable, une épargne de long terme peu réactive aux variations du taux. Alors, c'est pour en maintenir la valeur au ras des pâquerettes, trimestre après trimestre, en affichant (dans la formule du calcul) que l'épargne ne mérite d'être rémunérée qu'à un taux de 0,25 % supérieur à l'Inflation (officielle). Le but poursuivi par ces révisions n'est visiblement pas de préserver le « pouvoir d'achat » de l'épargne concernée, mais de procurer des ressources bon marché à l'État et aux CL, via la Caisse des Dépôts en particulier (voir aussi mon article de février 2008 : « Livret A: les petits épargnants paient pour le logement social »).

« Où va l'argent du livret A ? »

C'est le titre d'un article d'août 2013 sur figaro.fr qui présente, avec des données de sources CDC et BDF, la répartition et l'usage de l'argent collecté à l'aide des Livret A, LDD et LEP (encours de 265,2 Mds €).

Les banques disposent de 35 % de cette manne. Elles en prêtent 28 % aux micro-entreprises et aux PME et 3,5 % pour la rénovation thermique des logements anciens.

65 % de l'argent est centralisé aux fonds d'épargne de la CDC. Sur ces ressources, 48 % vont au financement du logement social et de la politique de la ville, 45 % sont placés sur les marchés financiers (28 % en dettes d'État et 1 % en autres placements) et 7 % sont prêtés aux collectivités locales et aux hôpitaux.

Etait-il urgent d'accroître encore de + 2 Mds, par la baisse des taux des livrets, le pactole de la CDC, qui avait déjà bénéficié de substantielles rallonges, acquises partiellement au détriment des autres dépôts auprès des banques avec les deux relèvements des plafonds en 2012 et 2013? Ce n'est pas évident du tout. Selon Jean-Paul Chifflet, président de la Fédération Bancaire Française (FBF), « ... la Caisse n'utilise pas l'excédent des liquidités dont elle a hérité: au total, elle affiche un excédent de 110 milliards d'euros. De ce montant, le Président de la République a promis que 50 milliards d'euros nous seraient restitués d'ici la fin de l'année afin que nous puissions continuer à financer l'économie. » (Les Echos du 29 juillet 2013). Politique financière de gribouille? Les relèvements des plafonds ont été surdimensionnés par rapport aux besoins de la CDC. Alors on s'apprête à rendre aux banques une partie de ce qui leur a été retiré par les déposants. Et il clair que les relèvements supplémentaires du plafond du livret A promis par François Hollande sont très improbables. D'ailleurs, on peut se demander pourquoi le Gouvernement a décidé ces relèvements et fait ces promesses. En effet, selon l'article « Les assureurs à la rescousse du crédit aux PME » (Le Monde du 9 juillet 2013) : « Il y a du point de vue du gouvernement trop d'argent investi dans l'épargne

de précaution (essentiellement sur le Livret A et l'assurance vie) et pas assez dans le financement des entreprises et des PME. ». Moins de précipitation et plus de cohérence ne seraient pas inutiles.

À noter aussi que le dispositif Duflot d'incitation fiscale à l'investissement locatif, bel exemple d'instrument qui chasse trop de lièvres à la fois, semble avoir failli au premier trimestre 2013. Les achats de logements neufs par les investisseurs ont reculé de – 23 % par rapport au premier trim. 2012. Cela pourrait se prolonger, notamment si les nombreuses conditions et restrictions qu'il impose ne sont pas « assouplies, allégées », modifiées. La CDC pourrait donc être encore moins sollicitée que prévu.

 
      Réagir à l'article :
 


08.09.2013
Free counter and web stats
HTML Web Counter