DE LA NATION À LA RÉPUBLIQUE, VERS UNE PROVINCE DE L'UE

par Paul KLOBOUKOFF

Qui n'est pas républicain?

« Allons enfants de la patrie... ». « La patrie est en danger! ». Trop tard ! Elle n'a plus sa place que sur les stèles des monuments aux morts et lors de commémorations « officielles ». Elle disparait du vocabulaire politicien. Tout comme la nation, jadis si prisée des partis. Dérangeante, avec son nationalisme forcément « populiste », dévaluée, accusée de porter le chauvinisme, la xénophobie, l'étroitesse d'esprit, le repli identitaire, l'égoïsme... et, s'agissant du Front National, la haine, la discrimination et le racisme, entre autres. Au point que la présidente du FN crée l'appellation « dédiabolisée » Rassemblement Bleu Marine, et défend la « priorité nationale » de préférence à la « préférence nationale ». Les dénigrements ont fait abandonner la Nation par les partis, qui se sont repliés sur la République, un « concept » qui présente l'avantage de ne pas nuire à la « transition apaisée » vers l'intégration dans une Union européenne fédérale. Il est déjà loin le temps où Lionel Jospin parlait d'une Europe des États- Nations !

Maintenant, c'est le temps des multinationales, ainsi que des citoyens français plurinationaux. En 2008, selon l'enquête Trajectoires et origines (INED-INSEE), 5 % des français de 18 à 50 ans avaient plusieurs nationalités; c'était presque 50 % chez les immigrés naturalisés français; les descendants d'immigrés gardaient aussi un attachement à la nationalité d'origine de

leurs parents. Pourquoi alors refuser bêtement d'accorder le droit de vote aux étrangers non européens aux municipales... pour commencer? Pourquoi conserver une « Nation » dépassée ? Vive la République et les républicains multinationaux !

Le parti des Républicains Indépendants (RI) créé en 1966 par Giscard d'Estaing a disparu, avec son fils, le Parti Républicain (PR), devenu en 1997 Démocratie Libérale, de Madelin, avant de se fondre dans l'UMP en 2002. À contrecourant de l'histoire, de la multiplication des mouvements qui se déclarent « républicains », tels, pêle-mêle :

- - France Républicaine : réseau désirant promouvoir la République indivisible, laïque, démocratique et sociale ;

- - Union Populaire Républicaine : « digne et loyal qui veut rendre à la France son indépendance et sa démocratie » ;

- Résistance Républicaine : issue de la gauche, contre « les dangers que couraient la République et nos valeurs issues des Lumières à cause des progrès de l'islamisation, du modèle anglo-saxon et du libéralisme »... ;

- Union Républicaine : « le site de la droite républicaine fière de ses valeurs » ;

- Mouvement Républicain et Citoyen de gauche : fondé par J.-P. Chevènement. Avait dit NON à Maastricht ;

- Opposition Républicaine : de droite et du centre droit Républicain qui se prépare pour les municipales 2014 ;

- Force Républicaine : « Think tank » lancé le 27 février 2013 par Fillon.

- Debout la République, de Nicolas Dupont- Aignan.

On peut aussi noter que :

 

- « Nous sommes profondément républicains » a lancé Marine Le Pen lors de son discours du 1er mai 2013 ;

- « Copé est dangereux pour la droite républicaine », selon Malek Boutih, du PS (cf. nouvelobs.com le 23/04/2013). Motif : plusieurs élus UMP ont défilé aux côtés de membres du FN lors de la manif contre le mariage pour tous ;

- Au lendemain de l'élection de Hollande en mai 2012, sur la « transition Sarkozy- Hollande », Pierre Moscovici prophétisait : « Je peux dire que c'est une transition républicaine et apaisée qui se prépare ». Bien vu ?

Jean Jaurès avait dit « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots » (cf. lesmotsontunsens.com). Pas seulement ! Les mots République, républicain, républicaine, chargés d'histoire, ont eu un sens et ont été des repères pour les citoyens dès leur enfance. Ils ont été usés, défigurés par les politiciens et les médias. Mis à toutes les sauces, à tort et à travers, utilisés comme des slogans, des labels pour racoler ou pour masquer la vacuité de discours, de déclarations, de propositions, ils ont été vidés de toute substance et de toute capacité mobilisatrice. Lorsque l'on entend « valeurs », chacun attend « de la République ». Lorsqu'il y a « ordre », c'est forcément « républicain ». De Vaillant, Sarkozy et Guéant à Valls ! Consternant !

 

La République a perdu ses lettres de noblesse

 

La Révolution française a beaucoup séduit dans le monde, puisque sur 193 pays, il y a 136 républiques, 34 royaumes ou sultanats, 3 principautés et 9 unions ou fédérations d'états (cf. Wikipédia). Mais au XXIe siècle, monarchie ne signifie pas dictature. L'Europe compte dix monarchies héréditaires (la Belgique, le Danemark, l'Espagne, le Lichtenstein, le Luxembourg, Monaco, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède). La plupart sont de respectables démocraties. Leurs monarques ont des pouvoirs très limités. Leurs concitoyens les apprécient et estiment qu'ils assurent bien leur représentation ainsi que la continuité de leurs institutions. Nous, Français, n'avons pas de raison de les « snober » et de placer la République plus haut que les formes d'États que leurs peuples ont choisies. Même chose pour les précieuses « valeurs ». Les leurs sont proches des nôtres et pas moins vertueuses. Sinon, pourquoi une Union européenne ?

 

« République » n'est pas une marque déposée à la Révolution française au label de qualité éternel et universel. Avec la prolifération de « républiques » en tous genres, la république n'est pas « le » modèle d'État qui garantit le mieux nos valeurs officielles ainsi que les droits de l'homme, de la femme et des enfants, la concorde et le bonheur des gens. Nous ne pouvons oublier ni la République de Weimar, porteuse du nazisme, ni les « républiques démocratiques », dictatures du monde communiste et post communiste, qui ont sévi en Europe de l'Est et dans d'autres continents. Aujourd'hui aussi, des « républiquesr ne sont pas irréprochables ou « exemplaires », telles : la République polaire de Chine, la République démocratique et populaires de Corée du Nord, les Répu-bliques démocratiques de Somalie et du Soudan, les Républiques arabes d'Égypte et de Libye, les Républiques islamiques d'Iran, de Mauritanie, du Pakistan... ainsi que des Républiques « sans qualification », comme la Biélorussie, avec son président à vie aux pleins pouvoirs, Cuba, de Fidel et Raoul Castro, la Syrie...

La République, en tant que telle, a perdu ses lettres de noblesse, son auréole. Aussi, lorsqu'il s'agit de notre République, il vaut mieux ajouter « française ». Surtout lorsque l'on loue les Valeurs de la République.

 

La République française, une démocratie (?) avec un Exécutif omnipotent

 

Le dictionnaire Hachette 2009 définit la république comme la forme de gouvernement où des représentants élus par le peuple sont responsables devant la nation. Étrange ! Jusqu'ici, la France a connu cinq républiques, chacune étant meilleure et plus adaptée à son temps que la précédente, il va sans dire. La Ve n'est pas encore parfaite. Le président actuel veut en faire une République exemplaire et transparente. Mélenchon, candidat premier ministre, lui, après force coups de gueule, veut donner un grand coup de balai, changer radicalement la politique suivie, les institutions et instaurer la VIe République.

 

Lorsque Michel Debré, sous l'autorité du Général De Gaulle, qui n'adulait pas les partis, a élaboré la Constitution de la Ve République, c'était pour rompre avec l'instabilité gouvernementale de la IVe et non pas afin que deux partis « majoritaires » s'acoquinent pour se partager le pouvoir et écarter les autres d'un jeu politique qui concerne tous les citoyens. C'est pourtant ce qui s'est passé, avec alternances et cohabitations, entre un parti Socialiste Républicain et un Républicain de droite. Au premier tour des présidentielles de 2012, les votes « mélanchonistes » et « lepénistes » ont atteint, ensemble, de l'ordre de 30 % des suffrages exprimés. Le mode de scrutin des législatives n'a laissé à leurs partis que quelque sièges de députés. Une sous représentation, une non représentativité de la sacro-sainte, l'immaculée « représentation nationale », dénoncée depuis des années, et un refus obstiné des deux « partis de gouvernement » d'introduire une dose significative de proportionnelle, malgré des promesses réitérées. Pas urgent ! Par contre, pour imposer l'égalité femmes-hommes, on légifère à la va-vite, on institue des quotas, on sanctionne les récalcitrants. Logiques, ces restrictions aux libertés de choix par les électeurs de leurs représentants ? Ou spécifiques de notre seule « démocratie » ?

 

Le germe de l'omnipotence de l'Exécutif était dans la Constitution dès 1958. Au fil des années, des réformes et des manipulations peu réfléchies l'ont fait prospérer. Décisif, le passage du septennat au quinquennat visait à autoriser le président en exercice à briguer un second mandat, sans accaparer la fonction pendant quatorze ans comme l'avait fait Mitterrand et menaçait de le faire Chirac. Combinée à une mandature de cinq ans d'une Assemblée nationale recomposée au lendemain de l'élection du président, avec une nouvelle « majorité présidentielle », la réforme a fait naître une « hyper présidence ». Grâce à des députés « godillots », le pouvoir législatif, est entre les mains de l'Exécutif. Quant à un pouvoir judiciaire indépendant et neutre, qui y croit encore ?

Premier « omni président », Nicolas Sarkozy s'est vite fait reprocher son hyper activité. Il a pu garder le même premier ministre, Fillon, et conduire sa politique pendant tout le quinquennat, n'en déplaise aux oppositions. En fin de parcours, la droite était minoritaire au Sénat. François Hollande, lui, a hérité de pouvoirs plus grands encore. La gauche et les Verts sont majoritaires à l'AN (largement) et au Sénat (moins). La gauche « gouverne » quasiment toutes les Régions, et préside une grande part des Conseils généraux. De nombreuses communes ont à leur tête des maires socialistes ou alliés. Les « règles de la République » neutralisent donc toutes oppositions « légales ». De plus, beaucoup de fonctionnaires, enseignants en premier lieu, penchent résolument à gauche, et les syndicats sont rarement favorables à la droite. Les médias aussi. Vu de l'extérieur et de l'intérieur, Hollande est le chef d'État qui, dans son pays, a le plus de pouvoir en Europe, voire dans le monde occidental.

 

Demain, on rase gratis !

 

En apparence, du moins. Car il ne faut pas sous-estimer le « jugement » du peuple, qui se lit dans son impopularité record. Il y a aussi les dissensions et les oppositions au sein de la gauche, parmi ceux auxquels il doit sa place. Ce sont surtout sa politique et son « austérité » qu'ils refusent et combattent, désirant, comme Mélenchon, jeter l'austère à terre. Ils ne sont pas les seuls. L'hostilité à l'austérité se répand aussi dans les autres partis. « Non, il n'y a pas austérité », défend encore un quarteron de fidèles. « Hollande lutte contre les déficits [et augmente les impôts]; c'est un "social- démocrate courageux" », distillent des économistes médiatisés flatteurs ou flagorneurs.

 

Il y a les reproches amers des déçus de la croissance et de l'emploi, surtout des naïfs qui avaient cru à ses promesses de campagne électorale. Le 2 mai 2012, c'était : pour inverser la courbe du chômage, « je me donne un an » (Le Figaro – « Flash Présidentielle »). Le 9 septembre 2012, c'était : « Hollande veut inverser la courbe du chômage d'ici un an » (lci.tf1.fr). Début 2013, il s'agissait d'inverser la courbe du chômage « d'ici la fin de l'année 2013 ». Une nouvelle échéance virtuelle à 19 mois de son élection! Une promesse « glissante » qui ne sera pas tenue. Notamment parce que la croissance en France sera « négative » (- 0,1%) en 2013, d'après l'UE et le FMI, ou « positive » (+ 0,1%) pour le Gouvernement. Plus personne ne peut plus croire que « demain on rase gratis ». La crédibilité du président est en chute libre. Et s'ils regardent la lignée Giscard d'Estaing, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, les citoyens peuvent à juste titre se demander si pour accéder aux « plus hautes fonctions de l'État » [encore un cliché!] dans notre démocratie exemplaire il est indispensable d'être un « serial qui leurre ».

 

En France, pour être élu, le candidat président doit faire espérer, rêver, les électeurs. Est-ce possible sans mensonges, sans morsures venimeuses de ses adversaires, sans qu'il se leurre lui-même, sans qu'il ne surestime ses capacités à réaliser les prouesses qu'on exigera de lui ? Des prouesses à la hauteur de ses « promesses » et de ses envolées lyriques de campagne. Dans le cas qui nous occupe, je me garderai de chercher une réponse à la dernière question... trop personnelle ! Par contre, Hollande s'est vigoureusement « planté » sur la gravité de la situation, extrêmement délicate depuis 2008. Pourtant, avant lui, Sarkozy avait été surpris et l'avait éprouvé à ses dépens. Aux nôtres aussi. Hollande n'a pas été lucide et fait la part des choses. Il a surchargé la barque de la mauvaise gouvernance de l'UMP. Son « programme » et ses « 60 engagements » regorgent d'idéologie. Ils manquent de cohérence et de réaliste. Voilà aussi pourquoi il apparaît impréparé et impuissant devant la crise, coincé entre ses engagements de réduction des déficits et ses promesses de relance de la croissance et de l'emploi.

 

Une fois élu, le candidat socialiste n'est pas devenu le président de tous les Français. Un papillon tricolore n'est pas sorti de sa chrysalide rose. Hollande est le chef des

socialistes, « l'arbitre » entre des propositions et des projets de son camp. Il n'est le président des autres citoyens qu'officiellement. Peu importe, il est à l'abri pendant cinq ans ! Il en profite pour se renier et procéder à des remplacements et des nominations de responsables partisanes, « amicales », « reconnaissantes ». C'est le fait du prince, la République des copains et des copines. Exemplaire, sire »!

 

République française ou province européenne

 

Avant de prendre le pouvoir, Hollande et ses assistants n'avaient pas mesuré à quel point la France était devenue soumise à l'UE. Alors, fanfaronnades ! La France est la deuxième puissance d'Europe. Sans notre accord, rien n'est possible ! Le traité de Lisbonne, concocté par le tandem Merkel-Sarkozy, sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire sera renégocié ! Un plan de relance de la croissance ambitieux, sinon rien ! Et puis, il a fallu ouvrir les yeux, signer ce pacte, inchangé... et attendre, aujourd'hui encore, le plan de relance ambitieux et sa mise en oeuvre. Oui, le pouvoir et les décisions stratégiques en France passent dans les mains de l'UE, ainsi que du FMI, de l'OMC et de la BCE, « gestionnaire indépendante » de l'euro.

 

Contrôler notre budget, c'est fixer des limites à nos possibilités d'action économique, d'investissement, mais aussi « encadrer » les moyens à consacrer aux politiques sociales. Contrôler notre déficit public, et pousser à la réduction de la dette, c'est priver l'État de la possibilité d'user copieusement de l'endettement pour « financer la croissance », comme il l'a outrageusement fait au cours de la quarantaine d'années écoulées... et ne laisser comme armes fatales pour relancer et maintenir la croissance que la recherche de « bons créneaux », de gains de compétitivité et de parts des marchés intérieurs et extérieurs. Sachant que la libre concurrence, aveugle, sans contreparties, imposée à l'intérieur du « marché unique » et avec les « partenaires » extérieurs de l'UE, interdit de se protéger contre les concurrences déloyales, les dumping sociaux et les délocalisations qui s'ensuivent.

 

Cela rend aussi indispensable de « rentabiliser » les investissements et les autres dépenses de soutien de l'économie. Et non pas de sous-taxer le diesel, de payer des primes à la casse, de subventionner la coûteuse électricité éolienne, de tomber dans le panneau solaire d'une lutte inégale contre les Chinois, ou encore de développer inconsidérément les infrastructures de transport et favoriser ainsi, à nos frais, la pénétration des produits étrangers sur le territoire, au détriment des productions locales... Il faut dépenser judicieusement.

 

Pour l'UE, il faut inciter les gouvernants qui « traînent les pieds » à réaliser des réformes structurelles qui dégripperont les rouages de l'économie, qui réduiront les dépenses de l'État (et des collectivités locales), qui conduiront aussi au désengagement de l'État (privatisations comprises), à des restrictions dans notre système de protection sociale. Bref, beaucoup de maux dont on accuse le capitalisme et la gouvernance de l'UE, et des « couleuvres libérales » que notre Gouvernement apprend à avaler.

 

Des critiques de plus en plus fortes et nombreuses se font entendre au sein de l'Europe, et surtout dans la zone euro, contre l'austérité choisie ou subie, qui « plombe » la croissance, en berne, qui est insoutenable pour les pays les plus faibles et inapte à résoudre leurs problèmes. Les dirigeants américains, champions du monde de la planche à billets et de l'endettement, s'inquiètent de la récession, des menaces sur l'euro et de la mollesse des importations européennes. Avec le concours du FMI, ils ont convaincu l'UE d'assouplir un peu la politique d'austérité et de réduction des déficits. Comblé, Hollande a été autorisé à reporter de deux ans les objectifs qui avaient été négociés avec l'UE. Ouf ! Sursis ! Pas suffisant toutefois.

 

Car aucun substitut efficace n'a été trouvé par la plupart des États occidentaux à l'endettement. Maintenant que les dettes de la France et d'autres pays de la zone sont jugées « excessives », des propositions d'émissions d'emprunts européens, d'« euro- bonds », de « mutualisation » des dettes, de relance du MES, Mécanisme européen de stabilité, remontent à la surface (cf. mon article de septembre 2012 Marchés, investisseurs : les changements c'est maintenant). Lors de sa conférence de presse du 16 mai, Hollande s'est, évidemment, montré un chaud partisan de tels remèdes... qui, sans un vigoureux sursaut vital du malade, s'apparentent à des soins palliatifs.

 

L'Allemagne et d'autres pays du Nord, résistent aux pressions pour aller plus loin sur cette voie déjà empruntée, en faveur de la Grèce, en particulier, et de Chypre très bientôt. Ce sont eux les vrais garants potentiels des dettes « mutualisées », et ils ne veulent pas prendre des risques démesurés. Ils savent qu'ajouter des dettes communes « solidaires » aux dettes « propres » de chacun des États n'est que poursuivre une fuite en avant dangereuse pour eux, pour l'euro et pour l'Europe. Les marchés financiers ne l'ignorent pas non plus.

 

Le nouveau positionnement de la France de Hollande dans l'Europe

 

Sarkozy s'était beaucoup escrimé (trop) pour relancer l'UE fédéraliste, qu'il a présidée dès son arrivée au pouvoir, pour y enfoncer plus profondément la France et pour revivifier le couple Franco-allemand. Avec un certain succès auprès de Mme Merkel, qui, d'après de mauvaises langues, l'aurait mené par le bout du nez.

 

Hollande, lui, n'a pas eu d'emblée la « franche touche » avec la chancelière, et péripéties après petits incidents et maladresses de sa part, du Gouvernement et du PS, sa cote et celle de sa France ont reculé. Un certain froid s'est installé cet hiver et, fin avril, nous avons frôlé la germanophobie. Heureusement, le cinquantenaire de la réconciliation franco-allemande est arrivé à point nommé. Borloo s'est excusé pour la France auprès de la chancelière. Et les cérémonies du 8 mai, soixante-huitième anniversaire de la reddition de l'Allemagne, ont favorisé le rapprochement... avec les Polonais, invités d'honneur. Sans arrières pensées européennes.

 

Bref, on s'achemine vers la normalité. Et, avant le dernier sommet, Hollande avait affirmé que le « compromis » s'imposerait. Que le compromis soit « de rigueur » ne devrait pas contrarier la chancelière et la Commission. Elles ont pu observer, comme nous, que le compromis est monnaie courante et même valeur refuge au sein du PS, et que notre président est imprégné, comme son parti, d'une culture d'opposition. Même quand il est au pouvoir.

 

Jouant des opportunités ouvertes par les cruelles crises grecque, espagnole, italienne et portugaise, notre président s'est affiché comme le défenseur chaleureux, le héraut des pays pauvres du Sud, face à l'intransigeance, à l'austérité froide de l'Allemagne et de pays nordiques. Un « chef de guerre » des Sudistes contre les Nordistes, en quelque sorte. Depuis, il a laissé percer des intentions de meneur (« leader », dans l'UE) des socialistes, de la gauche progres- siste et solidaire au sein de l'UE. Pour contrer les menées des droites réactionnaires et libérales aux commandes dans des pays de l'Union qui dirigent celle-ci. Insuffisantes, les divisions entre les fédéralistes et les « souverainistes », entre les eurosceptiques et les euro-béats qui voient en l'UE et l'euro leur seul salut. Il est bon d'ajouter une couche de dissensions idéologiques, d'animosité entre les pauvres et les riches, entre les cigales et les fourmis... pour obtenir enfin une Europe exemplaire, enthousiasmante. Génial !

 

Attention, nos partenaires de la zone euro et de l'UE finiront bien par se demander si la France et les Français muent à chaque alternance, ou si leurs présidents légaux sont bien à l'image des citoyens de leur pays. Si leurs paroles ne vont pas plus loin que leur pensée, s'ils ne se laissent pas déborder par leur égo ou ne viennent pas déverser le trop plein de leur impopularité interne dans l'arène européenne, cherchant à mobiliser leurs électeurs contre des ennemis extérieurs. Ou encore pour persuader leurs ouailles qu'ils font des pieds et des mains pour ne pas pratiquer la politique (d'austérité et de compétitivité) que des méchants les forcent à suivre... contre leur gré.

 

Cela dit, nos partis de gouvernement de gauche et de droite, ont soutenu et fait ratifier le traité de Maastricht et ses descendants, jusqu'au traité Sarkozy- Merkel en 2012. Et ils acceptent sans trop rechigner les conséquences des accords élargis de Schengen sur les migrations. Ils vont dans « leur » sens de l'histoire: intégrer, dissoudre la France, trop petite, trop vulnérable (malgré tous les coco-ricos), dans un ensemble plus vaste. Cosmopolite et mondialiste, l'UE à vingt-sept fédérale n'étant probablement qu'une étape. Et il faut confesser qu'à la conférence de presse du 16 mai, Hollande, avec son « coming-out » merkelo-sarkozien, nous a gratifié d'un « choc » européiste grandiose. De retour de Bruxelles, où il s'était peut-être fait remonter les bretelles, a-t-il voulu remercier la chancelière, donner un gage bruyant aux Nordistes, aux banquiers, sur ses convictions fédéralistes et son engagement rigoureux ? Et, en même temps, appeler au secours et rassurer les investisseurs étrangers ? En réclamant un « gouvernement économique de la zone euro » [et pour le « reste » de l'UE ?], il a frappé un grand coup (dans la mâchoire de Mélenchon?). La dépendance actuelle de la France ne suffit pas. Il lui faut plus de directives de Bruxelles. « Bonjour, gouvernement économique européen », « Adieu, reliquats de souveraineté nationale »! Et, une véritable « harmonisation fiscale » ne peut se passer d'une très forte « convergence sociale ». Avant d'aller (éventuellement) jusque-là, des dizaines d'années s'écouleront. Peut-on, alors, prendre au sérieux ses propos et voir en eux un pas vers une proche sortie de la crise en France ? Mais, « la crise est derrière nous », a diagnostiqué le docteur H. Seule la récession nous menace. D'après les derniers sondages, le néo libéral socialiste a fait « flop ».

 

Retour sur des Valeurs de la République exemplaire en souffrance

 

Quelques jours plus tard, façon de contrebalancer son « outing » européiste et pour plus de clarté, sans doute, il a été décidé de faire « apposer » le drapeau français et les symboles de la République « Liberté, Égalité, Fraternité » au fronton des établissements d'enseignement et afficher la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 dans ceux-ci. Ainsi, les élèves curieux découvriront (sur le site de l'Élysée ou d'autres) que le blanc de notre étendard était la couleur du roi et que le bleu et le rouge étaient celles de Paris. Les maîtres expliqueront aisément pourquoi ces trois couleurs symbolisent la République depuis 1794.

La lecture de la déclaration leur montrera que les « Valeurs » n'avaient pas tout à fait les mêmes significations que maintenant. En effet, elles sont remodelées par à-coups, tenues d'être toujours plus « progressistes ».

 

La liberté ? C'est la liberté sexuelle qui a fait les plus grands bonds. Et la sexualité est devenue une clé de la classification des individus et des couples. Il y a les homo- sexuels, les bisexuels, les transsexuels et, par voie de conséquence, les autres sont les « hétérosexuels. Ce progrès ne leur enlève rien, d'ailleurs, comme le « mariage pour tous »... ou presque tous. Car si Sarkozy, traditionnaliste ringard, a éprouvé le besoin, ou le désir, de se marier avec une muse à la voix fluette, modèle de haute couture et de belle facture, son successeur, président normal moderne, n'épouse pas et montre une certaine faiblesse à l'égard des maîtresses-femmes. Exemplaire !

 

Un autre progrès considérable est le règne de la « pensée unique », du « politiquement correct », et la restriction de la liberté d'expression, qui interdirait, si l'on n'y prenait garde, toute critique d'actes ou de décisions d'Autorités publiques administratives ou judiciaires, comme il est reproché à Henri Guaino. Mais qui considérerait des insultes à des personnalités civiles et politiques inscrites sur le « mur des cons » d'un syndicat de la magistrature de gauche comme de simples gamineries de potaches. Qui a dit « justice exemplaire », impartiale? À noter, toutefois, qu'à propos du « mur des cons », Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, a prononcé des paroles historiques : « Il y a des codes qui doivent être respectés. La République a besoin de rites, la démocratie est une véritable religion ». Il a sans doute confondu la religion socialiste avec la démocratie. Révélateur !

 

« Égalité » est devenu égalitarisme. Avec une focalisation sur l'égalité des revenus et des niveaux de vie, ainsi que, plus encore, sur l'égalité hommes-femmes. De l'égalité des droits entre citoyens et citoyennes, on a migré vers l'identité entre les deux sexes, l'interchangeabilité. Pour un enfant, avoir un père et une mère ou « deux papas » ou « deux mamans », c'est pareil [papa et maman sont plus « touchants », plus « affectueux » que père et mère]. Nous l'avons assez entendu. Et dire que certains le croient et que d'autres font mine de le croire !

 

L'égalitarisme a exacerbé la jalousie, mère de réclamations nombreuses et variées, atout inestimable aussi pour stimuler la consommation et l'endettement des ménages. Afin de ne pas faire et avoir moins que les autres.

« Fraternité », trop modeste, pouvait sentir la famille ou le religieux. Aussi, la "Solidarité" est venue ouvrir un boulevard aux ponctions fiscales et à la redistribution, au financement de notre modèle social. Mais, avec les surdoses de prélèvements « obligatoires » et d'endettement, la soli1darité est au bout du rouleau. La protection sociale, menacée comme jamais, subit des coupes pas franches et erratiques. Seuls la croissance et l'emploi pourraient lui redonner un peu d'oxygène. Quand ? « D'ici un an, foi d'animal. »

 

« Laïcité » n'était pas dans le trousseau des révolutionnaires français. Aujourd'hui, sur-vivrait-on sans elle ? C'est une valeur vraiment « républicaine », puisque chacun la comprend et la pratique à sa façon. Avec la création le 5 avril 2013 d'un Observatoire de la laïcité présidé par Jean-Louis Bianco, ex directeur de cabinet de Mitterrand, et le soutien que peut lui apporter le Comité Laïcité République, également truffé d'amis de gauche, l'alerte rose est déclenchée. Reste à s'entendre sur la signification officielle de cette valeur complexe et mouvante.


Elle a séduit, ébloui, Vincent Peillon, ministre de l'Education, qui, sous le vent de la « moralisation de la vie politique » [affaire Cahuzac oblige] et dans le cadre de sa Refondation de l'École de la République [qui soulève pas mal de turbulences] a voulu « faire partager les valeurs de la République » aux élèves et faire enseigner la « morale laïque » à l'école primaire et au collège. Anti religieux ? Ses explications confuses ont déclenché une levée de boucliers. Il a dû battre en retraite et recourir à une autre appellation, qui serait « enseignement moral et civique ». C'est une « morale non confessionnelle » a-t-on ajouté. Pour être plus précis ?

 

Sur le site lefigaro.fr/international/ 2012/09/05, on lit qu'une « morale non confessionnelle » est déjà enseignée en Belgique. J. Lacrosse y indique que « la Belgique n'est pas un État laïc comme la France mais un État neutre. Les cours de morale y ont été instaurés suite à un compromis entre l'Église et les "libéraux" (appelés également laïques) ». « Nos élèves peuvent aujourd'hui choisir entre plusieurs cours de morale: inspirée par la religion catholique, protestante, juive, musulmane, bouddhiste, ou alors non confessionnelle ». Instructif et moral, non ?

 

La laïcité à la française n'a pas rencontré le succès espéré en Occident. Par contre, l'appellation « laïc » a fait flores dans le monde arabo-musulman. On trouve des partis laïcs dans les pays du Maghreb, et du Moyen-Orient, en Égypte, au Pakistan... Sur le site zamanfrance.fr, un article du 12/01/2012 indique que « 50 % des musulmans vivent dans des pays laïcs » et que la Turquie et la Tunisie sont « deux modèles historiques ». En Tunisie, l'islam est religion officielle, et le « printemps arabe » n'y a pas renforcé la liberté de pensée et d'expression. La Turquie, elle, compte 98 % de musulmans. Leur « laïcité » est-elle synonyme de la nôtre, ou seulement homonyme ?

 

Il est malsain de déformer le sens des mots en permanence, d'abuser aveuglément de leur usage, d'abrutir les citoyens avec la langue de bois, des formules ronflantes et des clichés éculés censés remplir le vide de propos tenus, d'en masquer l'incongruité, de créer des illusions et couvrir des mensonges. Nos Valeurs méritent mieux que des accommodements et des bricolages partisans. Le milieu politique doit cesser de s'estimer seul compétent pour définir la morale qui sous-tend nos valeurs. Lorsque sont en jeu des changements importants de nos usages et traditions, de notre vie en commun, de l'équilibre et de la paix sociale ainsi que de la souveraineté de notre gouvernance nationale, la parole doit revenir au peuple. Le président, seul, l'Assemblée nationale ou les deux Chambres réunies ne peuvent se substituer à lui. Seul le référendum peut légitimer des décisions sur de tels sujets. Les procédures retenues pour imposer le traité de Lisbonne, d'une part, et le mariage entre homosexuels, d'autre part, sont condamnables. Il est indispensable d'inscrire en lettres grasses cette obligation incontournable de consultation du peuple dans notre Constitution, de la Ve ou d'une VIe République, puisque la question agite le microcosme. Et ne pas oublier d'introduire une dose raisonnable de proportionnelle aux législatives. ¾

 
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08.06.2013
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