Compte-rendu du dîner-débat du 15 mai 2013

En présence de Monsieur Farid FERNANDEZ

Le Venezuela d'Hugo Chavez.

 

  Par Christine ALFARGE

« Le Venezuela prépare son avenir à la conquête du nouveau monde »

Véritable mosaïque d’identités culturelles, le Venezuela est un vaste territoire avec 2500 km de côtes constituant à travers l’histoire la charnière entre plusieurs régions. Depuis cinq siècles, le Venezuela fait partie du monde occidental, au centre du commerce triangulaire. Au 19ème siècle, la philosophie des Lumières est venue à ce pays comme une évidence car le maître mot à appliquer sera celui de « donner l’exemple » symbolisé par le « geste libérateur » de Simon Bolivar.


Le Venezuela au cœur de la géopolitique mondiale.

Charnière de l’histoire de l’humanité depuis des dizaines de milliers d’années, l’ambition nouvelle du Venezuela est de porter un message autour de trois idées, celles de l’unité nationale, l’ingérence militaire extérieure et l’indigence des gens. Le Venezuela qui représente presque deux fois la superficie de la France est souvent cité dans la presse. Au-delà de ses positions établies, ce sont des positions sur des millénaires d’un Etat-nation multiethnique depuis quelques siècles. Selon Farid Fernandez qui fait partie de la nouvelle génération de la diplomatie internationaliste bolivarienne : « C’est avec cette assurance que nous avons l’humilité, mais le patriotisme fier dans un monde où nous ne maîtrisons pas tout. Nous faisons partie de l’Occident et partageons les mêmes défis avec la volonté d’affirmer un véritable message de paix auprès des peuples du Sud de la planète accompagné d’une émancipation humaine basée sur la multiplication d’intégrations régionales ». Il aime à penser que nous avons des choses à accomplir ensemble.

Le processus d’indépendance au début du 19ème siècle.

Les dernières forces militaires en présence seront espagnoles jusqu’en 1823. Cette même année James Monroe et sa célèbre doctrine affirmera la volonté des Etats-Unis d’avoir une influence majeure sur l’avenir du continent américain. Le 27 janvier1823, James Monroe cinquième président des Etats-Unis désignera des ambassadeurs dans les pays d’Amérique du Sud. Le 2 décembre de la même année, il énoncera ce qui deviendra la « doctrine Monroe » : « le continent américain se veut libre et indépendant et n’a pas vocation à être colonisé par les puissances européennes ».

Ancienne colonie espagnole, le Venezuela sera à la croisée de la traite négrière, d’un héritage amérindien important et de l’influence du monde arabo-musulman. La position madrilène s’étant déplacée au cœur du monde anglo-saxon, le Venezuela se trouvera de fait sous tutelle états-unienne.

Au regard de l’histoire, le Venezuela connaîtra une succession de régimes et en 1958 la chute de la dernière dictature. En 1961, la constitution sera adossée à un pacte politique pendant quatre décennies avec pour objectif celui d’un pouvoir qui ne quitte jamais ses mains grâce à une stratégie d’endiguement des forces soviétiques marquant le début de la Guerre froide. Le 21 septembre 1964 à Caracas, le général de GAULLE débutera une visite de plusieurs jours à travers une dizaine d’états d’Amérique latine. Au président Leoni, à ses interlocuteurs, il dira : «Nous sommes d’accord vous et nous pour que toute oppression et toute hégémonie soit bannie de notre univers». Au palais de Miraflores, le collier de l’ordre du libérateur sera remis au Général de GAULLE. «Un collier qui nous vient de Bolivar lui-même», dira le président de la république française. http://www.ina.fr/video/I00013974/charles-de-gaulle-voyage-au-venezuela-video.html.

Le Venezuela recevra une dizaine de Plan Marshall et verra une oligarchie de 1980 à 1990 s’enrichir davantage. Les classes moyennes fréquenteront régulièrement les côtes de Floride. Cependant, le premier producteur mondial de pétrole ne sera pas exempt de paradoxes, riche en hydrocarbures, il favorisera une classe aisée au détriment de l’insécurité, de la pauvreté et de la corruption.

Le cataclysme de 1989.

Le Venezuela connaîtra une crise économique d’ampleur et recevra des aides d’urgence des Etats-Unis et d’autres pays. Le président social démocrate Carlos Andrés Pérez réélu pour la deuxième fois en 1988 tentera un plan d’ajustement monétaire qui ne suffira pas à endiguer cette crise. La colère grondera, les vénézuéliens frappés par la hausse du prix de l’essence ne pourront plus aller travailler. Les militaires sortiront le 27 février 1989 en provoquant des répressions sanglantes avec pour conséquences six mille morts en une seule semaine.

La lutte pour l’indépendance.

En 1992, le lieutenant-colonel Hugo Chavez, tendance Bolivar refusera cela et organisera une rébellion avec une tentative de coup d’état qui sera un échec. Il sera capturé puis emprisonné mais lorsqu’il se rendra, il voudra un discours qui marquera les consciences en lançant un « Pour l’instant,… ». Ce qui signifiait dans son esprit, je reviendrai. Après une deuxième rébellion, de nouvelles élections en 1998 le conduiront à la victoire présidentielle après avoir promis une réforme constitutionnelle.

Chavez, c’est une révolution.

Le souhait ardent d’Hugo Chavez était de faire revivre Bolivar dans la continuité d’une tradition politique ancrée à partir de l’héritage des « caudillos » qui ont succédé aux combattants victorieux de l’indépendance, saluant ainsi le « libertador » des débuts du 19ème siècle comme le père de la nation affrontant tous les défis de la modernité, les énormes richesses du pétrole monopolisées par les grands intérêts, la lutte contre la pauvreté, l’insécurité et la corruption. Dès lors, la société sera amenée à changer dans un cadre démocratique prolongé en se radicalisant constamment et s’appuyant sur des composantes de la société très diverses.

Une Constitution très longue.

L’élection de Chavez aura lieu sous la prédominance de la Constitution de 1961. De ce fait, la question juridique de l’élection de la future Assemblée constituante sera soulevée. Après que cette dernière admette la possibilité d’organiser un référendum consultatif afin de connaître l’état d’esprit de la population quant à l’élection d’une Assemblée constituante, Chavez publiera son premier décret présidentiel le 2 février 1999 ordonnant la tenue d’un référendum afin que la population vénézuélienne se prononce sur la convocation d’une Assemblée constituante qui aboutira à la faveur du oui.  Le 25 juillet 1999, cent trente et un  députés seront élus à cette Assemblée. 

Rédaction et approbation de la nouvelle Constitution.

En septembre 1999, l’Assemblée constituante commencera la rédaction de la Constitution dont plusieurs propositions émanant de leaders politiques indépendants lui seront soumises. La  nouvelle Constitution sera approuvée pour la première fois de son histoire par référendum populaire le 15 décembre 1999 et remplacera celle de 1961pour devenir la 26ème Constitution du Venezuela, une des plus longues et des plus complexes du monde avec 350 articles.

La Constitution, un programme politique au service du changement.

De nombreux changements auront lieu notamment sur les droits élémentaires, le travail, l’éducation libre jusqu’au niveau tertiaire, la gratuité des soins, quant au taux de chômage passé de 20% à 7%, il continuera de baisser. L’identification nationale basée sur l’idée de souveraineté populaire avec des référendums fréquents, des responsabilités sociales, le droit de se défendre contre l’injustice et l’indépendance vis-à-vis d’une domination étrangère, constituera avec l’identité culturelle également sous tutelle un des deux points phares du changement. La Constitution garantira par ailleurs certains droits de l’homme notamment pour les minorités de conserver le droit à leur propre culture, religion et langue.

Le soutien populaire à ce gouvernement sera massif car il a su réveiller les consciences sur les notions de dignité, d’identité qui n’avait plus beaucoup de sens pour les gens. Mais au-delà de l’action intérieure, il mènera aussi une action extérieure d’intégration régionale. Bouleversé par les conséquences sociales désastreuses de la politique économique des années 1980-1990, le Venezuela élira à sa tête un gouvernement remettant en cause plus radicalement le modèle économique néolibéral et l’influence américaine. Vingt quatre ans après le premier sommet, Hugo Chavez convoquera l’OPEP pour proposer de réactiver les quotas à la hausse des pays producteurs.

En décembre 2004, le Venezuela lancera conjointement avec Cuba, une construction interétatique radicalement nouvelle : l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), à laquelle seront ensuite incorporés la Bolivie, le Nicaragua, l’Equateur ainsi que trois petits Etats anglophones (La Dominique, Antigua-et-Barbuda, Saint-Vincent-et-les Grenadines). L’originalité de l’ALBA ne sera pas une zone de libre échange, mais un espace politique et économique structuré, basé sur le consensus, la solidarité et la complémentarité afin de lutter contre la pauvreté, le chômage et toutes les formes d’exclusion.

Permanences et ruptures incarnent les complexités du Venezuela, celui d’hier et celui d’aujourd’hui. Selon Farid FERNANDEZ : « Avec sa disparition après seize élections gagnées, Hugo Chavez laisse un pays orphelin y compris dans les quartiers aisés. Au-delà d’une feuille de route, il laisse un peuple qui a conquis sa dignité avec l’espoir pour le Venezuela d’une accession nouvelle multipliant les contacts, la nécessité de dialoguer et profiter de tous les espaces pour les défis qui doivent être partagés maintenant en tissant des manières de réfléchir ensemble ».

 
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08.06.2013
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