L’ÉLYSÉE, CITADELLE ASSIÉGÉE

par Luc BEYER de RYKE

Ma grand-mère me disait toujours : « Quand il y a du flou, c’est qu’il y a un loup ».

On se souvient de ce mot Martine Aubry adressé à François Hollande lors des primaires socialistes.

Un an après son élection le « loup » a le pelage terne et la meute ne suit pas. Elle se chamaille et se donne des coups de dent. L’affaire Cahuzac a certes plombé le Gouvernement. Mais pour gravissime qu’elle soit, elle ne suffit pas – et de loin – à expliquer et justifier le désamour qui détourne les Français, à commencer par le « peuple de gauche », de François Hollande.

À la Bastille …

On attendait le 5 mai pour voir si Jean-Luc Mélanchon allait « reprendre » la Bastille. Il l’a fait. Étaient-ils 180.000 comme le prétend « le pyromane de la gauche » comme on le surnomme dans l’entourage de Manuel Vals, sans doute pas. Étaient-ils 30.000 comme l’affirme la police mandatée par le ministre de l’Intérieur pour les compter, sûrement pas. Comme

souvent, la vérité est à mi-chemin. Ils étaient de toute manière des dizaines de milliers à battre le pavé. Et ceux-là étaient des électeurs de François Hollande. Sans eux il ne serait pas à l’Élysée.

Cela suffit-il pour voir en Jean-Luc Mélanchon un nouveau Spartacus ? Le serait-il qu’il ne faut pas oublier que Spartacus fut vaincu…

Quelqu’un a dit de Mélanchon, « Il séduit et il fait peur ». Ce n’est peut-être pas faux. L’autre jour lors de l ‘émission Des paroles et des actes, l’artificier de la gauche extrême s’est surpassé. Devant des journalistes et des « grands témoins » hargneux, avec son talent de tribun, sa meilleure défense fut l’attaque. À chaque argument serti dans un mot percutant, provocant, décapant, jouissif, on se sentait dans la peau d’un badaud esbaudi par « la belle rouge, la belle bleue, la belle verte » et « le bouquet » final. À tel point que le calme et redoutable Langlais lui-même, économiste aux propos mesurés mais tranchants comme un scalpel, s’est trouvé quelque peu interloqué et déstabilisé.

Pourquoi dès lors marquer une réserve, un doute, voire une peur devant Jean-Luc Mélanchon ?

Parce que la provocation, style oratoire, cède la place à la rodomontade faisant douter de la responsabilité. Lorsqu’on entend Mélanchon prôner sans hésitation une inflation de 4 à 5 % on sursaute. Lorsqu’il dit que lui premier ministre – charge pour laquelle il se propose – ferait peur à l’Allemagne et à Angela Merkel, on le croit volontiers. Mais pas comme il l’entend. Il ferait peur à beaucoup d’autres et la France pourrait, selon la formule de Maurras, mais interprétée autrement, se découvrir « la France seule » c’est-à-dire isolée. Tout ceci est tellement vrai que, tout en tenant compte de la relativité des sondages malgré le miroitement et l’éclat du verbe, Mélanchon piétine.

Ou régresse dans la crédibilité que lui reconnaissent les Français. Même si sa capacité de mobiliser les foules demeure comme en témoigne le rendez-vous de la Bastille.

Bleu-Marine

Cela étant, à l ‘heure présente, c’est Marine Le Pen qui l’emporte largement dans le match de popularité qui l’oppose à Jean-Luc Mélanchon.

47 % des Français jugent qu’elle « comprend leurs problèmes ». Il y a an 58 % des Français pensaient de même à l’égard de Mélanchon. Ils sont 44 % aujourd’hui. La chute est brutale.

De plus en plus Marine le Pen, à l’encontre de son père, prend toute sa place sur la scène politique. Elle n’est plus considérée comme une marginale. Sans accorder à la péripétie plus d’importance qu’elle n’en a il convient de relever la « lettre ouverte » que Bertrand Renouvin adresse sur son blog à la présidente du Front National.

Le président de la Nouvelle Action Royaliste, qui fut l’un des hôtes de nos dîners-débats, est très critique à l’égard de l’idéologie frontiste. Mais il voit en Marine Le Pen « une femme du XXIe siècle » bien différente de « l’extrême-droite classique ». Elle revendique le pouvoir ce qui donne, écrit Renouvin, de la « gravité » aux questions qu’il lui pose.

Des questions et des conseils. Il l’exhorte à renoncer à la xénophobie, héritage détestable du frontisme et à l’islamophobie. La vocation d’un Président ou d’un candidat Président est de rassembler et d’éviter le chaos. D’opter pour le patriotisme plutôt que le nationalisme qui se révèle une dérive dangereuse. De la part de Bertrand Renouvin que nous connaissons bien et apprécions, fin analyste de la scène politique, il n’y a là que conseils et avis judicieux. L’innovation est qu’il choisit de les adresser à Marine Le Pen reconnue ainsi une candidate « comme les autres » à l’élection présidentielle. Une démarche qui s’accorde à un sentiment de plus en plus répandu qu’on le conteste ou qu’on l’approuve. Ainsi François Hollande est pris en tenaille entre l’assaut de Jean-Luc Mélanchon et celui de Marine Le Pen.

Encore faut’ il affiner l’analyse. Mélanchon « l’artificier de la Bastille » se différencie de son partenaire Pierre Laurent, secrétaire général du PCF. À moins que ce soit le contraire. Mélanchon veut aller seul aux municipales. Il dynamite les ponts avec le PS. Pierre Laurent, sait lui que sans le PS, le Parti Communiste perdrait des municipalités. « Retiens-moi ou je fais un malheur ». Et de malheur il ne le veut pas. Il affronte le PS mais veille à ce que l’irréparable n’arrive pas. Mélanchon, lui, à brûlé ses vaisseaux.

Le dernier atout

Dans tout cela que reste-t-il à François Hollande ?

Un atout, mais s’il n’était que celui-là, il serait de taille : la division de l’opposition parlementaire. Un ami, parlementaire durant trente ans, blanchi sous le harnais des multiples avatars du gaullisme ou qui se prétend encore tel, confessait que l’UMP n’a plus aucun chef naturel. Pas même Nicolas Sarkozy. «Il y a des hommes de valeur mais aucun ne s’impose ».Comme l’a dit un jour de Gaulle, c’est « le trop plein ». Il déborde malgré les réconciliations recherchées et, prématurément, annoncées. Voilà pourquoi en ce premier anniversaire de son pâle « règne » élyséen, François Hollande peut, malgré tout, souffler la flamme vacillante d’une bougie.
 
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12.05.2013

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