BRÈVES
de mars
par
François LARDEAU
1. Adieu
mon 3 % !
Lui président, on allait voir ce que l’on allait
voir ! Surfant sur les 600 milliards supplémentaires de dette nationale imputés
au quinquennat de Sarkozy, nonobstant la crise, François Hollande se faisait
fort de ramener en deux ans, à fin 2013, le déficit budgétaire chronique de la
France à 3 % du PIB et d’être à l’équilibre budgétaire à la fin de son mandat en
2017. Après dix mois de pouvoir caractérisés par des prélèvements fiscaux
confiscatoires (tel le 75 % rejeté par le Conseil constitutionnel) et des
mesures globalement défavorables aux entreprises, la France est loin d’être en
voie de respecter les règles fixées par le pacte de stabilité européen, accepté
il est vrai plutôt de force que de gré. Les lendemains ne sont pas près de
recommencer à chanter !
Le président a longtemps défendu la possibilité de
réaliser cet objectif des 3 %, même si la Cour des comptes faisait ouvertement
part de ses doutes, même si au sein de ses ministres, Fabius entre autres et
souvent en tête, et parmi les parlementaires de sa majorité s’élevaient des voix
pour l’appeler à plus de réalisme. Ce sera finalement la Commission de Bruxelles
qui s’en chargera, acceptant de reporter provisoirement l’échéance de fin 2013
pour exiger de nouveaux efforts plus contraignants en 2014.
La France n’a pu que prendre acte des prévisions
très pessimistes publiées par la Commission le 27 février, mais celle-ci et
plusieurs pays européens ont très mal pris la réaction de notre ministre de
l’Économie, Pierre Moscovici, qui, au vu du répit obtenu pour 2013, s’était cru
autorisé à reporter d’un an l’échéance, et avait annoncé avec son aplomb
habituel, souvent contredit par les faits, que « le déficit budgétaire français
sera inférieur à 3 % du PIB fin 2014 ». Or, si le commissaire européen chargé
des Affaires économiques, M. Olli Rehn, a effectivement accepté d’accorder un délai à
la France, il exige en contrepartie que son déficit
soit ramené en 2014 « nettement en-deçà de 3 % », soit à 2,8 % maximum pour être
accepté par l’Allemagne. De son côté, la Belgique, confrontée au risque
d’insertion dans sa dette des garanties accordées à Dexia, ce qui porterait son
déficit de l’année à 3,7 % et entraînerait automatiquement des sanctions,
s’insurge contre ce qu’elle considère comme un traitement de faveur fait à la
France qui rompt l’égalité de traitement entre les pays de la zone euro.
La Commission, qui n’attend pas de croissance en
Europe avant 2014, publiera de nouvelles prévisions en mai et imposera aux
États, à leur suite, de nouvelles mesures d’’austérité, ces dernières concernant
spécialement la France. En attendant, elle exige de notre pays qu’il fasse dès à
présent les efforts nécessaires pour réduire plus
rapidement et significativement son déficit budgétaire.
Se basant sur ses prévisions du 27 février, elle
rabaisse de 0,8 % à 0,1 % le taux de croissance retenu pour l’élaboration du
budget français de 2013, ce qui a pour conséquence un déficit prévisible et
inacceptable de 3, 7 % du PIB à la fin de l’année. Plus inquiétant encore,
Bruxelles estime que, si aucune réforme structurelle n’est engagée, le déficit
budgétaire français nefera que croître en 2014,
passant à 3,9 % du PIB, même si la croissance repart. La Commission prévoit de
confirmer cet été ses exigences si la France ne tient pas compte de ses
recommandations. Ce n’est pas dit, mais c’est sous-entendu, elle doute de la
sincérité des projets de budget français pour ce qui concerne les recettes
fiscales dont la Cour des comptes a déjà dénoncé de son côté le gonflement
artificiel !
Autre
sujet d’inquiétude enfin pour la Commission, le chômage dont elle prévoit qu’il
atteindra 11 % de la population active en 2014, « les employeurs…se concentrant
davantage sur la restauration de la productivité au détriment des créations
d’emplois ».
Ne tenant aucun compte de ces analyses et de
celles des économistes les plus sérieux, tel Christian de Boissieu qui estime qu’ « il faudrait une croissance de
1,5 % pour une stabilisation du chômage, au-delà pour le faire reculer », le
président, comptant sur sa « boîte à outils », a réitéré, lors de son interview
du 28 mars sur France 2, sa certitude de parvenir à inverser à la fin de l’année
la tendance haussière du chômage. Est-ce bien sérieux de s’engager ainsi ?
Pour la Commission, 2014 s’annonce en effet comme
une année plus mauvaise encore que 2013 pour la France qu’elle met dès à présent
au pied du mur : ou bien notre pays fera les réformes structurelles
nécessaires pour retrouver sa compétitivité et réduira ses dépenses publiques
comme l’ont fait divers pays de la zone euro, ou bien il deviendra l’homme
malade de l’Europe !
C’est de fait une dangereuse illusion de croire
que la France peut se redresser et rétablir l’équilibre des comptes publics sans
passer par une refonte de l’appareil d’État qui, en son état actuel, multiplie
les dépenses inutiles. Une minutieuse et très sérieuse étude menée par Mme
Verdier-Molinié, directrice de l’Ifrap
(Institut français pour la recherche sur les administrations et les politiques
publiques*) chiffre à 60 milliards par an les économies réalisables à
l’horizon 2017 en traquant ces gaspillages de fonds publics. Ce sont d’ailleurs
les mêmes que le bon peuple dénonce, et il faut sans doute voir dans cette
convergence une manifestation du bon sens qui manque tant à nos élites aux têtes
plus pleines de suffisance que bien faites, au sens de Montaigne.
Cet écart grandissant et de plus en plus
inquiétant entre gouvernants et gouvernés incite à rappeler à ces incorrigibles
techno-bureaucrates que, dès 2014, le budget français qu’ils auront concocté
sera soumis avant son vote par le Parlement français à l’approbation préalable
de Bruxelles qui pourra exiger les modifications jugées nécessaires pour tenir
l’engagement souscrit d’un retour à l’équilibre budgétaire en 2017. Or l’actuel
Gouvernement socialiste croît toujours pouvoir s’en tirer sans toucher au fameux
modèle socio-économique français de redistribution. Il compte toujours sur un
retour miraculeux de la croissance qu’il ne cesse d’annoncer pour demain afin de
ne pas désespérer ses troupes. L’inquiétude, liée aux mauvais sondages, a
cependant fini par gagner l’Elysée : « Frère Moscovici, du hautde ton Bercy, ne vois-tu rien venir ? » ne cesse
d’interroger M. Hollande, mais la réponse répète toujours le même refrain : «
Pour l’heure, il n’y a guère que la neige qui poudroie ! »
2. Incohérences présidentielles
à propos du Mali
Apparemment « Pépère », comme, selon Le Canard
enchaîné, on surnomme à l’Élysée notre grand chef de guerre, n’est plus à une
incohérence près, s’agissant de sa politique au Mali et de sa guerre contre le
terrorisme islamique.
À son arrivée au pouvoir, il avait pour projet
africain annoncé d’en finir avec la Françafrique, ce qui avait déjà été en son temps le projet
du gouvernement Jospin lequel s’était fait notamment l’allié du sinistre Gagbo en Côte-d’Ivoire. L’offensive des djihadistes au Mali et les risques encourus par les personnes et les intérêts nationaux au Sahel l’ont
contraint à agir de façon totalement inverse, à partir notamment des forces
pré-positionnées en Afrique qu’il se proposait précisément de ne plus maintenir.
De plus, la chute du pouvoir en place en Centrafrique vient de l’obliger à y
dépêcher dans l’urgence un renfort de trois cent cinquante hommes pour assurer
la protection de nos ressortissants. Etc. Pour juger de cette nouvelle politique
africaine, remarque préalable doit être faite que combattre efficacement
l’insécurité présente dans l’ensemble du Sahel, de la Mauritanie au lac Tchad -
ce qui correspond à des territoires d’ex-colonisation française et implique donc
une certaine responsabilité de notre pays quant à leur stabilité - demande des
moyens dans la durée qui ne sont plus à l’échelle de ceux dont la France peut
disposer, surtout si on les rogne encore.
En fait, ce combat au Sahel concerne toute
l’Europe, soumise
par ailleurs à une forte immigration en provenance de l’ensemble des pays
africains subsahariens. Avant de s’engager dans leur intervention, il
appartenait aux dirigeants français de s’assurer de la participation des forces
armées de leurs partenaires européens à l’opération devenue nécessaire.
Apparemment, cela n’a pas été fait ou obtenu. Il est possible aussi que ce
manque évident de solidarité ait été une réplique à celui jugé tel de notre
retrait précipité d’Afghanistan (Pologne).
Au Mali, sur le plan opérationnel, l’intervention
au sol a pris le pas non sans pertes sur l’intervention aérienne, l’objectif
étant la reconquête et la sécurisation du Nord Mali. Ce sont là les deux
conditions sine qua non pour que les élections prévues en juillet puissent avoir
lieu et qu’y participent toutes les parties concernées. Rien n’est moins sûr à
ce jour et c’est là qu’en premier lieu se pose la question du maintien dans la
durée du dispositif français, seul capable d’assurer actuellement la
sécurisation de la préparation des élections et leur tenue de telle façon
qu’elles permettent d’établir à Bamako un pouvoir légitime, reconnu comme tel et
capable de refonder l’unité nationale. Le vrai but de la guerre se situe là, et
notre pays ne peut éluder la responsabilité qui en découle pour lui sans
remettre en cause le bien-fondé de son intervention.
De fait, si occuper et sécuriser tout le
territoire est la condition première pour que des élections puissent avoir lieu
dans des conditions normales, les autorités maliennes n’en ont pas les moyens,
de sorte que, nécessité faisant loi en l’absence de ceux-ci et de contingents
africains capables d’assumer la tâche, les forces françaises devront se
substituer à eux encore longtemps, au moins jusqu’à ce que l’ONU prenne le
relais comme l’a demandé notre pays.
Or la chasse aux terroristes et leur élimination
s’annoncent particulièrement difficiles et périlleuses. Leurs combattants sont
aguerris, fortement armés, mobiles et très déterminés. Leurs chefs sont
d’excellents stratèges politiques et opérationnels qui savent utiliser au mieux
un terrain qu’ils connaissent parfaitement. Leur théâtre d’opération n’est
pas le nôtre, limité par les frontières héritées de la colonisation, qui sont
considérées à tort comme des frontières d’État relevant de leur souveraineté,
alors qu’elles n’existent pas pour nos adversaires. S’y ajoute que leur
longueur, qui se mesure en milliers de kilomètres, rend quasiment impossible
leur contrôle, même avec des moyens terrestres et aériens adéquats dont ne
disposent pas et ne dis-poseront pas, en temps utile
et à niveau suffisant, les États bordant le Sahara, hors l’Algérie.
La consolidation des résultats que l’on aura pu
obtenir à l’encontre des groupes djihadistes au Mali
et à ses frontières passera donc nécessairement par le maintien de moyens
occidentaux dans la région, d’où un risque bien réel d’enlisement et
d’apparaître à la longue comme une atteinte à la souveraineté des États
protégés. Les États-Unis s’y emploient cependant à leur manière habituelle,, et l’Union européenne ne devrait pas s’en désintéresser,
car il s’agit certainement là d’une question qui engage son propre avenir.
En attendant, Paris pourra toujours annoncer le
retrait de ses forces à partir d’avril, il lui faudra tenir compte, là comme
ailleurs, de la réalité des temps et ne pas jouer avec les risques encourus du
fait des initiatives présidentielles au Mali et du soutien apporté à la
rébellion syrienne. Il pourrait y avoir de fâcheux retours de flammes, de
fâcheuses surprises stratégiques comme on dit aujourd’hui, et ce n’est pas le
moment de baisser la garde comme y pousse Bercy, de façon totalement
irresponsable.¾
*Cf 60 milliards d’économies, par Agnès
Verdier-Molinié, éditions Albin Michel (18
euros).