Compte rendu du dîner-débat du 13 mars 2013

présidé par Jean-Marie DELARUE

ÉTAT DES LIEUX DU SYSTÈME CARCÉRAL FRANÇAIS

ET PROPOSITIONS DE RÉFORMES

 

     par Christine ALFARGE

« L’enfermement de manière générale pose la question cruciale de la protection des droits fondamentaux, des personnes privées de liberté ou hospitalisées en centre de rétention, de tous les lieux dépendants de la décision d’un juge. »

Selon Jean-Marie Delarue qui s’est rendu dans plusieurs lieux de privation de liberté pour savoir les effets de l’enfermement : « La décision d’enfermer n’est pas banale, il y a plusieurs motifs de mise en détention ». Il faut se pencher sur les évolutions de long terme. Le nombre de personnes conduites en prison suite à des gardes à vue est en constante augmentation, à titre comparatif 700.000 personnes étaient incarcérées en 1970 contre 1.200.000 aujourd’hui. Il est donc difficile d’expliquer que notre société enferme plus maintenant sauf que dans un contexte sécuritaire, on considère qu’il vaut mieux enfermer.

Les effets de l’enfermement

On peut penser que l’enfermement est un moyen, comme la garde à vue ou la rétention. Selon Jean-Marie Delarue : « On ne peut pas le regarder comme un résultat, il est impossible de penser que la garde à vue ne laisse pas de traces. L’enfermement, dépossède de soi, de son esprit ». Il n’y a plus aucune intimité, le détenu n’existe plus en tant que personne et devient soumis à la bonne volonté d’un tiers. La dépendance est totale, tout n’est que brimades et humiliations sans pouvoir s’exprimer, on ne peut pas prévoir ce qui va se passer l’heure suivante. L’impact psychiatrique de l’incarcé-ration est très fort. De nombreuses enquêtes montrent une réalité inquiétante sur les troubles psychiatriques plus ou moins sévères que développent après l’enfermement près de 55 % des détenus.

La surpopulation des lieux d’enfermement rend les conditions de surveillance très difficiles pour les agents de l’administration pénitentiaire, notamment l’augmentation constante des malades mentaux incarcérés due à une politique désastreuse des secteurs psychiatriques.

En effet, on voit de plus en plus d’individus mis en détention qui devraient de toute évidence bénéficier davantage d’une hospitalisation que d’une incarcération. Pour Jean-Marie Delarue : « Le rôle de la justice est de dire la loi et non de soigner ». Il ajoute : « La vraie question n’est pas de soigner les fous en prison mais comment faire pour qu’ils n’y entrent pas ».

Dans un cadre législatif, il existe une fringale du politique par la modification répétitive du code de procédure pénale. Au fond peu importe la peine, il est important que la société puisse se défendre au regard de celui qui a commis la faute. Soit c’est le principe du départ à zéro une fois la peine exécutée ou la rétention de sûreté. Pour les condamnations à perpétuité, on ne sort pas, la prison doit être un instrument de supplice pour celui qui a supplicié. En détention, il existe donc de longues et de courtes peines dont une évaluation chiffrée de cent mille peines ne seraient pas exécutées selon le politique en raison de la longueur des jugements. Cependant, il y a aujourd’hui un changement important et une volonté de modifier en profondeur la procédure pénale considérant que la sanction doit être à la hauteur de la faute commise et du devenir de celui qui l’a commise. C’est dans ce contexte qu’un texte de loi est en préparation et prévoit notamment la suppression de la rétention de sûreté. De quoi s’agit-il ? La rétention de sûreté est une procédure pénale de 2008 visant à autoriser le placement dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté tous les prisonniers ayant exécuté leur peine et représentant un risque très élevé de récidive parce qu’ils souffrent d’un trouble grave de la personnalité. On reste donc dans l’institution judiciaire même une fois la peine exécutée.

Cependant, cette procédure doit être conforme au droit de la convention européenne. De manière plus politique, le système est remis en cause car il implique un enfermement de personnes pour une infraction qu’elles n’ont pas encore commis. Selon Jean-Marie Delarue : « Si l’on reprend l’article premier de la loi pénitentiaire, il est question de préparer les condamnés à une vie responsable et exempte d’infraction pénale. Pour y parvenir, il nous faut réduire le recours à la prison, et même si les écarts ne sont pas très importants, les peines alternatives sont plus efficaces que la détention. Il faut trouver des mesures qui correspondent à la fois à la surpopulation carcérale et à la lutte contre la récidive. La solution pour lutter contre les deux, c’est la libération conditionnelle, qui fait consensus au niveau européen. Il faut en France, refonder la libération conditionnelle et la faire passer de 10 %, son niveau actuel à 30 % ou plus ».

Le sens de l’enfermement des enfants

Concernant les jeunes, Jean-Marie Delarue ne parle pas de « mineurs », mais « d’enfants » et de « personnalités en devenir ». Même si le sentiment général est de punir pour la faute, le délit ou le crime commis, la société ne s’est pas pour autant débarrassée du fléau de la délinquance. Selon J.-M. Delarue : « L’enfant ne peut supporter sans dommages des relations avec autrui largement fondées sur le rapport de forces et la menace, la dissimulation et le calcul, l’amitié intéressée et la détestation sans motif ».C’est la réalité de la prison qu’il décrit et tout le sens du travail de prévention contre la récidive après la sanction. Il ajoute : « Beaucoup de ces jeunes arrivent dans des « lieux d’enfermement punitifs profondément désociabilisés » que « certains souffrent d’inadaptations profondes, y compris sous formes de maladies mentales ». À la question de savoir s’il peut être remédié à de telles difficultés par la solution de l’enfermement, le bon sens conduit à répondre par la négative, conclut-il.

La prison est-elle adaptée à toutes les infractions ?

Les extraits de la circulaire de politique pénale de la garde des Sceaux indiquent clairement : « Le recours à l’incarcération doit répondre aux situations qui l’exigent strictement (…) si la gravité de la sanction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ».

La prison est une autre société, il est prouvé que dans les structures pénitentiaires où l’on n’est correctement traité, il y a moins de récidive. La prison n’est pas qu’un simple bouclier contre la délinquance, mais une arme à double tranchant un organisme de coercition à la fois criminophage et criminogène. Il faut varier la réponse pénale en créant notamment des centres éducatifs. L’ordonnance relative à l’enfance délinquante signée le 2 février 1945 par le Général de Gaulle reste toujours le texte de base sur le droit pénal des mineurs devant faire l’objet d’une justice spécifique basée sur un principe fondamental, la primauté de l’éducatif sur le répressif.

Le meilleur service à la sortie est d’aider les personnes à ne plus commettre d’infractions. La détention doit faire place à la réinsertion notamment par le travail. À ce titre, le contrôleur général des lieux de privation de liberté préconise une amélioration des conditions de mise en oeuvre du régime de semi-liberté, modalité d’exécution des peines pouvant contribuer de façon significative à la prévention de la récidive.
 
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05.04.2013

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