«
L’enfermement
de manière générale pose la question cruciale de la protection des droits
fondamentaux, des personnes privées de liberté ou hospitalisées en centre de
rétention, de tous les lieux dépendants de la décision d’un juge.
»
Selon
Jean-Marie Delarue qui s’est rendu dans plusieurs lieux de privation de liberté
pour savoir les effets de l’enfermement : « La décision d’enfermer n’est pas
banale, il y a plusieurs motifs de mise en détention ». Il faut se pencher sur
les évolutions de long terme. Le nombre de personnes conduites en prison suite à
des gardes à vue est en constante augmentation, à titre comparatif 700.000
personnes étaient incarcérées en 1970 contre 1.200.000 aujourd’hui. Il est donc
difficile d’expliquer que notre société enferme plus maintenant sauf que dans un
contexte sécuritaire, on considère qu’il vaut mieux
enfermer.
Les
effets de l’enfermement
On peut penser
que l’enfermement est un moyen, comme la garde à vue ou la rétention. Selon
Jean-Marie Delarue : « On ne peut pas le regarder comme un résultat, il est
impossible de penser que la garde à vue ne laisse pas de traces. L’enfermement,
dépossède de soi, de son esprit ». Il n’y a plus aucune intimité, le détenu
n’existe plus en tant que personne et devient soumis à la bonne volonté d’un
tiers. La dépendance est totale, tout n’est que brimades et humiliations sans
pouvoir s’exprimer, on ne peut pas prévoir ce qui va se passer l’heure suivante.
L’impact psychiatrique de l’incarcé-ration est très
fort. De nombreuses enquêtes montrent une réalité inquiétante sur les troubles
psychiatriques plus ou moins sévères que développent après l’enfermement près de
55 % des détenus.
La
surpopulation des lieux d’enfermement rend les conditions de surveillance très
difficiles pour les agents de l’administration pénitentiaire, notamment
l’augmentation constante des malades mentaux incarcérés due à une politique
désastreuse des secteurs psychiatriques.
En effet, on
voit de plus en plus d’individus mis en détention qui devraient de toute
évidence bénéficier davantage d’une hospitalisation que d’une incarcération.
Pour Jean-Marie Delarue : « Le rôle de la justice est de dire la loi et non de
soigner ». Il ajoute : « La vraie question n’est pas de soigner les fous en
prison mais comment faire pour qu’ils n’y entrent pas ».
Dans un cadre
législatif, il existe une fringale du politique par la modification répétitive
du code de procédure pénale. Au fond peu importe la peine, il est important que
la société puisse se défendre au regard de celui qui a commis la faute. Soit
c’est le principe du départ à zéro une fois la peine exécutée ou la rétention de
sûreté. Pour les condamnations à perpétuité, on ne sort pas, la prison doit être
un instrument de supplice pour celui qui a supplicié. En détention, il existe
donc de longues et de courtes peines dont une évaluation chiffrée de cent mille
peines ne seraient pas exécutées selon le politique en raison de la longueur des
jugements. Cependant, il y a aujourd’hui un changement important et une volonté
de modifier en profondeur la procédure pénale considérant que la sanction doit
être à la hauteur de la faute commise et du devenir de celui qui l’a commise.
C’est dans ce contexte qu’un texte de loi est en préparation et prévoit
notamment la suppression de la rétention de sûreté. De quoi s’agit-il ? La
rétention de sûreté est une procédure pénale de 2008 visant à autoriser le
placement dans un centre socio-médico-judiciaire de
sûreté tous les prisonniers ayant exécuté leur peine et représentant un risque
très élevé de récidive parce qu’ils souffrent d’un trouble grave de la
personnalité. On reste donc dans l’institution judiciaire même une fois la peine
exécutée.
Cependant,
cette procédure doit être conforme au droit de la convention européenne. De
manière plus politique, le système est remis en cause car il implique un
enfermement de personnes pour une infraction qu’elles n’ont pas encore commis.
Selon Jean-Marie Delarue : « Si l’on reprend l’article premier de la loi
pénitentiaire, il est question de préparer les condamnés à une vie responsable
et exempte d’infraction pénale. Pour y parvenir, il nous faut réduire le recours
à la prison, et même si les écarts ne sont pas très importants, les peines
alternatives sont plus efficaces que la détention. Il faut trouver des mesures
qui correspondent à la fois à la surpopulation carcérale et à la lutte contre la
récidive. La solution pour lutter contre les deux, c’est la libération
conditionnelle, qui fait consensus au niveau européen. Il faut en France,
refonder la libération conditionnelle et la faire passer de 10 %, son niveau
actuel à 30 % ou plus ».
Le
sens de l’enfermement des enfants
Concernant les
jeunes, Jean-Marie Delarue ne parle pas de « mineurs », mais « d’enfants » et de
« personnalités en devenir ». Même si le sentiment général est de punir pour la
faute, le délit ou le crime commis, la société ne s’est pas pour autant
débarrassée du fléau de la délinquance. Selon J.-M. Delarue : « L’enfant ne peut
supporter sans dommages des relations avec autrui largement fondées sur le
rapport de forces et la menace, la dissimulation et le calcul, l’amitié
intéressée et la détestation sans motif ».C’est la réalité de la prison qu’il
décrit et tout le sens du travail de prévention contre la récidive après la
sanction. Il ajoute : « Beaucoup de ces jeunes arrivent dans des « lieux
d’enfermement punitifs profondément désociabilisés »
que « certains souffrent d’inadaptations profondes, y compris sous formes de
maladies mentales ». À la question de savoir s’il peut être remédié à de telles
difficultés par la solution de l’enfermement, le bon sens conduit à répondre par
la négative, conclut-il.
La
prison est-elle adaptée à toutes les
infractions ?
Les extraits
de la circulaire de politique pénale de la garde des Sceaux indiquent clairement
: « Le recours à l’incarcération doit répondre aux situations qui l’exigent
strictement (…) si la gravité de la sanction et la personnalité de son auteur
rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement
inadéquate ».
La
prison est une autre société, il est prouvé que dans les structures
pénitentiaires où l’on n’est correctement traité, il y a moins de récidive. La
prison n’est pas qu’un simple bouclier contre la délinquance, mais une arme à
double tranchant un organisme de coercition à la fois criminophage et criminogène. Il faut varier la réponse
pénale en créant notamment des centres éducatifs. L’ordonnance relative à
l’enfance délinquante signée le 2 février 1945 par le Général de Gaulle reste
toujours le texte de base sur le droit pénal des mineurs devant faire l’objet
d’une justice spécifique basée sur un principe fondamental, la primauté de
l’éducatif sur le répressif.
Le
meilleur service à la sortie est d’aider les personnes à ne plus commettre
d’infractions. La détention doit faire place à la réinsertion notamment par le
travail. À ce titre, le contrôleur général des lieux de privation de liberté
préconise une amélioration des conditions de mise en oeuvre du régime de semi-liberté, modalité d’exécution des
peines pouvant contribuer de façon significative à la prévention de la récidive.