C’est
Anatole-France qui écrivait : « La République gouverne mal mais se défend bien
». Il n’est pas évident aujourd’hui qu’il eut raison. Qu’elle gouverne mal
semble avéré mais l’affaire Cahuzac témoigne qu’elle
se défend aussi mal qu’elle gouverne.
Comment
peut-on croire que des journalistes, fussent-ils d’investigation et aussi tenace
qu’EdwyPlenel, disposent de
moyens supérieurs à ceux du Président de la République ou du ministre de tutelle
du contrevenant ?
Quant au
Premier ministre, sa défense à l’Assemblée devant les députés avait quelque
chose de pathétique. Sont-ils malhonnêtes ou incompétents ? Les plus sévères
répondront sans doute : « les deux mon général ».
Certes, les
scandales ne datent pas de notre époque. Tous les régimes en connurent. La «
République de Panama » et ses corruptions ou l’on compta Clemenceau bien avant
qu’il devînt « le Tigre » inspira à Barrès Leurs figures et L’appel au soldat.
Dans les années trente la République de Staviski amena
les Ligues dans la rue. Aujourd’hui si l’actuelle majorité entend résonner à en
être assourdie le bourdon des affaires, ses prédécesseurs de l’UMP ne valent
guère mieux. Décliner la litanie des noms qui ont eu ou ont affaire à la Justice
suffirait à faire oraison.
Reste que
l’affaire Cahuzac ébranle à tel point la République et
ses Institutions qu’aucun des membres de ce Gouvernement ne peut dissimuler la
honte d’avoir fait partie du « Gouvernement Cahuzac
»…
Le référendum
alsacien
Cela étant,
aussi éprouvante, traumatisante que soit l’affaire Cahuzac, « la séance continue ». La France ne cesse pas
d’évoluer et de faire l’objet de décisions politiques
majeures.
L’une d’elles
est le référendum qui vient d’avoir lieu en Alsace le 7 avril. Cet éditorial
précède le résultat dont il nous étonnerait qu’il n’ait avalisé la réforme
projetée, à condition toutefois qu’il y ait eu une participation
suffisante
De quoi
s’agit-il ?
Le législateur
entend substituer aux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin une seule région
d’Alsace. Ceci dans un souci de rationalisation et
d’efficacité.
Étant belge
d’origine et voyant l’assaut des indépendantistes flamands dans mon pays, j’ai
consulté plusieurs personnalités alsaciennes et recueilli leur sentiment. À
commencer par Philippe Richert, président du Conseil
général du Bas-Rhin et véritable porteur du projet. À ses yeux, des craintes ne
sont pas justifiées. Le risque d’une « autonomie à la flamande » est tout à fait
exclu. « En cela je n’ai pas le début du commencement d’un doute ». Selon le
président Richert, « l’autonomisme n’a eut une réalité
que…sous le Reich ». Aujourd’hui il s’agit « pour les collectivités locales
d’accompagner l’État ».
En cela
Bernard Deck, directeur d’Ami Hebdo, le principal hebdomadaire alsacien, ne le
contredit pas. Tout ou plus, évoquant l’Histoire, relève-t-il une poussée
autonomiste peu avant les années trente et une résurgence circonstancielle en
1945 avec « les loups noirs », auteurs d’un attentat.
Il estime
aujourd’hui à une bonne cinquantaine les autonomistes résolus. À peine une
poignée et encore « vous ne trouverez personne pour avouer vouloir que l’Alsace
sorte du giron de la République ». Et de poursuivre, « l’autonomisme ne
s’inscrit pas dans le contexte de ce référendum. Il faut distinguer autonomisme
et régionalisme ».
Ce dernier en
accord avec la République et non pas en dissidence avec elle. Pour Bernard Deck
il s’agit dans le cadre de la réforme, de « défendre l’institutionnel existant.
À commencer par le concordat qui s’étend d’ailleurs au-delà de l’Alsace
proprement dite. D’assurer également la permanence du repos dominical auquel les
Alsaciens sont attachés. S’ils votaient contre la réforme cette défense de nos
valeurs pourrait s’en trouver affaiblie ».
Dés lors, qui
sont les opposants et comment définir leurs motivations ? Si Philippe Richert, au passage, comme Bernard Deck, mettent en cause le
« jacobinisme », d’un Mélanchon, dans l’ensemble, les
oppositions s’attachent plutôt à la répartition des pouvoirs. Le maire
socialiste de Strasbourg, Roland Ries, hésitant, s’abstiendra car il renâcle à
voir Colmar et Mulhouse grignoter, voir empiéter, sur les pouvoirs de
Strasbourg. Ce qui provoque des divisions chez les
Socialistes.
Il existe
également la crainte auprès de certains élus, tel le Communiste Francis Wurtz,
de voir dans la foulée de l’ultralibéralisme se constituer des mégapoles.
Bernard Deck rejette l’objection. « Au niveau de l’Alsace le risque n’existe
pas. Nous sommes moins de deux millions ». Et pourtant, à brève ou sans doute à
plus longue échéance, l’Europe des régions ne s ‘avance-t-elle pas masquée
?
Au Parlement
européen les Écologistes, théoriquement pour des raisons techniques et de
financement, se trouvent dans l’ALE, Alliance libre européenne. Celle-ci
regroupe tous les nationalistes régionaux, flamands, catalans, basques, corses
et écossais. François Friederich, président du
Mouvement européen d’Alsace, entend dans le cadre d’une Europe des régions,
inscrire l’Alsace « au côté des grandes régions d’Europe, le Bade-Wurtemberg en
tête ».
Des « grandes
régions » idée chère au Comité des régions d’Europe qui prospère à l’ombre de la
Commission de Bruxelles. Des régions transfrontalières qui existe déjà, comme le
souligne Gérard Stahl, économiste du Bade-Wurtemberg. Des régions où, selon lui,
au nom de la compétitivité, on entend mettre en place « une réglementation du
travail qui dérogerait du cadre national. Et qui par la suite pourrait être
étendue à d’autres domaines. Voilà l’enjeu non avoué de ce référendum
».
Contentons-nous
dans le cadre de cet éditorial de verser les diverses pièces au
dossier.
L’enjeu en
tout état de cause me paraît suffisamment important pour en débattre à défaut de
conclure dans la précipitation.