Hollande ne convainc pas à Bruxelles Le candidat
Hollande avait promis et assuré par treize fois que, lui président, il y aurait,
fin 2013, un renversement des tendances négatives dans tous les domaines,
social, déficit budgétaire (le fameux 3 %), européen (refus de l’austérité,
priorité à la croissance), etc. Nul réalisme, mais une sorte de méthode Coué,
surfant sur un antisarkosisme surmédiatisé …
S’agissant de l’Union européenne (UE) qu’il
entendait mettre à son pas, le président, pris au piège de ses propres
engagements de campagne, vient de montrer à Bruxelles son impuissance à
convaincre ses pairs de le suivre, inquiétant constat de son isolement depuis
que s’est creusé par sa faute un fossé avec le partenaire allemand, ce qui a
conduit à la formation d’une alliance de circonstance entre Londres et Berlin,
bien décidées, ces capitales, à obtenir une baisse significative du budget de
l’UE en ces temps d’austérité. La stratégie de Hollande était de fédérer les
pays du Sud contre ceux du Nord, mais ça n’a pas marché. Après une nuit d’âpres
négociations, les dirigeants des vingt-sept États européens sont parvenus le 8
février à un compromis sur le montant du budget de l’UE pour la période
2014-2020.
Un montant de crédits d’engagement de 960
milliards d’euros a été retenu, en baisse de 15 milliards d’euros par rapport au
budget de la période précédente 2007-2013, ce qui est une première, aucun budget
européen n’ayant jamais été jusqu’à présent inférieur au précédent. Décision
identique s’agissant des crédits de paiement alloués pour la même période, dont
la baisse est encore plus sensible : ils passent de 942 à 908 milliards d’euros,
soit une baisse de 34 milliards d’euros (- 3,6 %). Ainsi est satisfaite
l’exigence du premier ministre britannique, M. Cameron, qui réclamait un budget
d’austérité, appuyé en cela par Mme Merkel. Il
s’ensuit un écart de 52 milliards d’euros (- 5 %) entre engagements autorisés et
dépenses couvertes, ce qui n’est pas sans poser question. De fait, les montants
retenus sont très inférieurs à ceux proposés par la Commission (1.060 euros) et
défendus par les tenants de la croissance, dont la France en premier lieu qui
demandait un budget favorisant les investissements. Mais une autre priorité plus
exigeante politiquement existait, celle de parvenir au compromis sans remettre
en cause la PAC. Pour cela, faute d’autre solution, on ne pouvait que couper
dans l’enveloppe affectée aux politiques de croissance et de compétitivité (- 14
milliards d’euros). C’est ainsi que François Hollande, qui ne pouvait pas
laisser remettre en cause la PAC, s’est trouvé contraint d’accepter que son «
pacte de croissance » soit pratiquement vidé de sa substance, les
investissements d’avenir étant purement et simplement sacrifiés pour parvenir au
compromis final. Compte tenu des priorités qu’il avait affichées, notamment ce
soutien à la croissance, on ne peut pas dire, comme il a essayé de le faire
croire, qu’il s’agit là d’un bon compromis pour la France
…
2. Le piège
malien
Le Président de la République avait dit et répété
lors de son voyage au Mali que les forces françaises y resteraient aussi
longtemps que nécessaire, mais pas plus. Cependant, comme à son habitude, il a
changé son fusil d’épaule les jours suivants, en annonçant fort imprudemment -
car ce sont en fait les événements sur le terrain qui commanderont - que les
forces françaises commenceront à se retirer du Mali dès mars prochain, leur
mission étant en voie de s’achever et leur relève par des forces africaines
étant assurée selon lui. Que voilà une bonne nouvelle pour les djihadistes ! Il leur suffira d’attendre …
M. Hollande se refuse à les appeler ainsi : selon
lui, la France ne combat au Mali que des terroristes, des bandits de grands
chemins qui instrumentalisent l’Islam et la charia pour soumettre à leur volonté
les populations du Sahel, ce qui à la limite relèverait d’une opération de
police associée à celle que mène en France M. Vals, le ministre de l’Intérieur,
contre des individus ou des groupes de même obédience. Plus réaliste, son
ministre de la Défense, M. Le Drian, parle lui sans
détour de guerre. Effectivement, c’est le mot qui convient puisque les
adversaires des soldats français au Mali se réclament d’une
djihad déclarée à l’Occident et plus spécialement à la France. Le mot le
plus approprié pour les désigner est donc bien selon nous celui de djihadistes qui permet de les distinguer des Touaregs du
MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) en
rébellion contre le pouvoir central malien pour obtenir leur autonomie et qui,
semble-t-il, seraient aujourd’hui désireux de coopérer avec les forces
françaises pour chasser les djihadistes de leurs
territoires ancestraux : libération de Kidal, arrestation de chefs islamistes à
la frontière algérienne… Si ce sont bien là les intentions des Touaregs du MNLA,
la situation s’en trouverait évidemment modifiée. Elle cesserait d’être
exclusivement militaire pour s’ouvrir sur une opportunité politique majeure,
celle d’une négociation entre ces Touaregs et le pouvoir central malien
(toutefois encore à reconstituer) pour rechercher une réponse durable aux
revendications légitimes, parce que vitales, des premiers.
Toutes les conditions ne sont cependant pas
remplies actuellement, du fait même de l’absence d’un pouvoir légitime à Bamako,
capable de prendre et de tenir des engagements pérennes envers les Touaregs. Son
rétablissement passe notamment par les élections prévues en juillet dont
l’organisation ne sera pas simple. D’autre part, si on peut espérer à leur suite
une amélioration des rapports entre les deux parties, cela ne règlera pas le
problème de la sécurisation du Sahel qui doit être recherchée pour son ensemble
et qui pose entre autres la question des frontières artificielles héritées de la
colonisation. Là réside une responsabilité particulière de la France dont il
faudra tenir compte et qui dépasse celle liée à son intervention au Mali. La
communauté internationale devra se saisir des contentieux qui ne manqueront pas
de se faire jour (exemple : contentieux frontalier burkinabé-malien à hauteur de
Mopti). Peut-être faudra-t-il aller jusqu’à une mise sous tutelle temporaire de
l’ONU de toute la zone (de l’ordre d’un quart de siècle ?) en vue de décider des
aménagements à opérer. Sans doute faudra-t-il aussi y associer une
réhabilitation des sols que l’Union européenne serait bien inspirée de prendre
globalement à sa charge au lieu de le faire en ordre dispersé, chaque pays
jouant la concurrence, comme il en a été jusqu’à présent, évidemment sans
résultat positif.
Cela implique que le Sahel ne soit en
aucun lieu laissé au pouvoir de djihadistes et que
l’on renforce les moyens des pays qui le composent pour lutter contre cette
menace qui n’est pas près de disparaître. Il ne faut donc pas les fragiliser en
déstabilisant ici et là des gouvernements qui ignoreraient les règles
occidentales de la démocratie et/ou qui - c’est sans doute plus vrai - ne
privilégieraient pas prioritairement nos intérêts. La responsabilité historique
de la France évoquée plus haut en ce qui concerne les frontières des pays de la
zone devrait l’inciter à refonder sa politique africaine sur une telle approche,
à laquelle elle devrait s’efforcer d’associer ses partenaires européens, tout
aussi concernés qu’elle.
3.La bataille de
Gao
Sur le plan militaire, les choses ne semblent pas
évoluer aussi favorablement qu’on pouvait l’espérer après les avancées rapides
des forces franco-maliennes. Gao et ses environs, les routes qui y mènent ou en
partent, se révèlent aujourd’hui totalement insécurisés. On s’aperçoit que les
villages environnant la ville sont pour la plupart entièrement ralliés à la
cause des djihadistes, d’où une possible stratégie de
l’adversaire qui ne semble pas avoir été prise en compte : après avoir évité
l’affrontement direct avec les forces franco-maliennes et les avoir laissées
poursuivre en direction de Kidal, il s’agirait pour eux de faire de Gao, noeud routier stratégique, un abcès de fixation en insécurisant la ville et ses moyens d’accès
(harcèlements (cf. action en centre-ville), itinéraires minés - déjà plusieurs
morts militaires et civils du côté malien -, tirs de roquettes et
attentats-suicides). Dimanche 10 février, la neutralisation d’un commando du
Mujao (mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique
de l’Ouest), vraisemblablement infiltré en centre-ville via le fleuve Niger,
puis retranché dans le commissariat central après un affrontement avec des
soldats maliens, a nécessité l’intervention d’un hélicoptère français. Le Mujao est une des composantes les plus dures de la coalition
djihadiste. Il avait précisément fait de Gao son
quartier général et son centre d’opération. Il y avait caché une partie de ses
armements que l’on découvre peu à peu, notamment récemment 600 kg d’explosifs
reliés à une mise à feu commune et destinés, semble-t-il, à détruire un pont.
Les incidents significatifs se multiplient aujourd’hui en ville et aux
alentours. Ils ont imposé l’envoi de renforts français depuis Bamako afin de
mieux contrôler ce noeud routier stratégique, vital du
dispositif franco-malien, car il commande l’accès au Nord Mali dont la
réoccupation constitue l’objectif final, en cours de réalisation, des forces
franco-maliennes. En contrepartie, les lignes de communication de celles-ci se
trouvent dangereusement étirées et fragilisées, d’où la nécessité de les
sécuriser autant que faire se peut, ce qui est mangeur d’effectifs et de moyens.
La sécurisation de Gao et de ses accès est donc dans ce contexte une obligation.
Les événements montrent qu’elle est toujours loin d’être réalisée et effective.
Une nouvelle infiltration de djihadistes en ville a eu
lieu le 21 février. Elle a donné lieu à de nouveaux affrontements et
malheureusement montré que l’armée malienne n’était pas encore en mesure de
tenir tête seule à ses adversaires. Un commando d’une quarantaine de djihadistes, venus des villages voisins, a investi le
centre-ville de Gao, se retranchant dans la mairie et le palais de justice et
leur élimination a de nouveau nécessité une intervention d’hélicoptères
français. D’autre part, les attentats à la voiture piégée se multiplient … Ainsi
l’insécurité qui règne actuellement à Gao et dans ses environs pose-t-elle avec
acuité la question de la sécurisation, après le départ des forces françaises,
des villes et territoires repris aux djihadistes. En
l’état actuel des armées locales et régionales, celle-ci ne peut être assurée
qu’avec l’appui de ces forces, ce qui constitue pour ces dernières un risque
évident d’enlisement, même à effectifs réduits.