BRÈVES DE FÉVRIER 2013

par François LARDEAU

1.       Le budget européen :

Hollande ne convainc pas à Bruxelles Le candidat Hollande avait promis et assuré par treize fois que, lui président, il y aurait, fin 2013, un renversement des tendances négatives dans tous les domaines, social, déficit budgétaire (le fameux 3 %), européen (refus de l’austérité, priorité à la croissance), etc. Nul réalisme, mais une sorte de méthode Coué, surfant sur un antisarkosisme surmédiatisé …

S’agissant de l’Union européenne (UE) qu’il entendait mettre à son pas, le président, pris au piège de ses propres engagements de campagne, vient de montrer à Bruxelles son impuissance à convaincre ses pairs de le suivre, inquiétant constat de son isolement depuis que s’est creusé par sa faute un fossé avec le partenaire allemand, ce qui a conduit à la formation d’une alliance de circonstance entre Londres et Berlin, bien décidées, ces capitales, à obtenir une baisse significative du budget de l’UE en ces temps d’austérité. La stratégie de Hollande était de fédérer les pays du Sud contre ceux du Nord, mais ça n’a pas marché. Après une nuit d’âpres négociations, les dirigeants des vingt-sept États européens sont parvenus le 8 février à un compromis sur le montant du budget de l’UE pour la période 2014-2020.

Un montant de crédits d’engagement de 960 milliards d’euros a été retenu, en baisse de 15 milliards d’euros par rapport au budget de la période précédente 2007-2013, ce qui est une première, aucun budget européen n’ayant jamais été jusqu’à présent inférieur au précédent. Décision identique s’agissant des crédits de paiement alloués pour la même période, dont la baisse est encore plus sensible : ils passent de 942 à 908 milliards d’euros, soit une baisse de 34 milliards d’euros (- 3,6 %). Ainsi est satisfaite l’exigence du premier ministre britannique, M. Cameron, qui réclamait un budget d’austérité, appuyé en cela par Mme Merkel. Il s’ensuit un écart de 52 milliards d’euros (- 5 %) entre engagements autorisés et dépenses couvertes, ce qui n’est pas sans poser question. De fait, les montants retenus sont très inférieurs à ceux proposés par la Commission (1.060 euros) et défendus par les tenants de la croissance, dont la France en premier lieu qui demandait un budget favorisant les investissements. Mais une autre priorité plus exigeante politiquement existait, celle de parvenir au compromis sans remettre en cause la PAC. Pour cela, faute d’autre solution, on ne pouvait que couper dans l’enveloppe affectée aux politiques de croissance et de compétitivité (- 14 milliards d’euros). C’est ainsi que François Hollande, qui ne pouvait pas laisser remettre en cause la PAC, s’est trouvé contraint d’accepter que son « pacte de croissance » soit pratiquement vidé de sa substance, les investissements d’avenir étant purement et simplement sacrifiés pour parvenir au compromis final. Compte tenu des priorités qu’il avait affichées, notamment ce soutien à la croissance, on ne peut pas dire, comme il a essayé de le faire croire, qu’il s’agit là d’un bon compromis pour la France …

2. Le piège malien

Le Président de la République avait dit et répété lors de son voyage au Mali que les forces françaises y resteraient aussi longtemps que nécessaire, mais pas plus. Cependant, comme à son habitude, il a changé son fusil d’épaule les jours suivants, en annonçant fort imprudemment - car ce sont en fait les événements sur le terrain qui commanderont - que les forces françaises commenceront à se retirer du Mali dès mars prochain, leur mission étant en voie de s’achever et leur relève par des forces africaines étant assurée selon lui. Que voilà une bonne nouvelle pour les djihadistes ! Il leur suffira d’attendre …

M. Hollande se refuse à les appeler ainsi : selon lui, la France ne combat au Mali que des terroristes, des bandits de grands chemins qui instrumentalisent l’Islam et la charia pour soumettre à leur volonté les populations du Sahel, ce qui à la limite relèverait d’une opération de police associée à celle que mène en France M. Vals, le ministre de l’Intérieur, contre des individus ou des groupes de même obédience. Plus réaliste, son ministre de la Défense, M. Le Drian, parle lui sans détour de guerre. Effectivement, c’est le mot qui convient puisque les adversaires des soldats français au Mali se réclament d’une djihad déclarée à l’Occident et plus spécialement à la France. Le mot le plus approprié pour les désigner est donc bien selon nous celui de djihadistes qui permet de les distinguer des Touaregs du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) en rébellion contre le pouvoir central malien pour obtenir leur autonomie et qui, semble-t-il, seraient aujourd’hui désireux de coopérer avec les forces françaises pour chasser les djihadistes de leurs territoires ancestraux : libération de Kidal, arrestation de chefs islamistes à la frontière algérienne… Si ce sont bien là les intentions des Touaregs du MNLA, la situation s’en trouverait évidemment modifiée. Elle cesserait d’être exclusivement militaire pour s’ouvrir sur une opportunité politique majeure, celle d’une négociation entre ces Touaregs et le pouvoir central malien (toutefois encore à reconstituer) pour rechercher une réponse durable aux revendications légitimes, parce que vitales, des premiers.

Toutes les conditions ne sont cependant pas remplies actuellement, du fait même de l’absence d’un pouvoir légitime à Bamako, capable de prendre et de tenir des engagements pérennes envers les Touaregs. Son rétablissement passe notamment par les élections prévues en juillet dont l’organisation ne sera pas simple. D’autre part, si on peut espérer à leur suite une amélioration des rapports entre les deux parties, cela ne règlera pas le problème de la sécurisation du Sahel qui doit être recherchée pour son ensemble et qui pose entre autres la question des frontières artificielles héritées de la colonisation. Là réside une responsabilité particulière de la France dont il faudra tenir compte et qui dépasse celle liée à son intervention au Mali. La communauté internationale devra se saisir des contentieux qui ne manqueront pas de se faire jour (exemple : contentieux frontalier burkinabé-malien à hauteur de Mopti). Peut-être faudra-t-il aller jusqu’à une mise sous tutelle temporaire de l’ONU de toute la zone (de l’ordre d’un quart de siècle ?) en vue de décider des aménagements à opérer. Sans doute faudra-t-il aussi y associer une réhabilitation des sols que l’Union européenne serait bien inspirée de prendre globalement à sa charge au lieu de le faire en ordre dispersé, chaque pays jouant la concurrence, comme il en a été jusqu’à présent, évidemment sans résultat positif.

Cela implique que le Sahel ne soit en aucun lieu laissé au pouvoir de djihadistes et que l’on renforce les moyens des pays qui le composent pour lutter contre cette menace qui n’est pas près de disparaître. Il ne faut donc pas les fragiliser en déstabilisant ici et là des gouvernements qui ignoreraient les règles occidentales de la démocratie et/ou qui - c’est sans doute plus vrai - ne privilégieraient pas prioritairement nos intérêts. La responsabilité historique de la France évoquée plus haut en ce qui concerne les frontières des pays de la zone devrait l’inciter à refonder sa politique africaine sur une telle approche, à laquelle elle devrait s’efforcer d’associer ses partenaires européens, tout aussi concernés qu’elle.

3.La bataille de Gao

Sur le plan militaire, les choses ne semblent pas évoluer aussi favorablement qu’on pouvait l’espérer après les avancées rapides des forces franco-maliennes. Gao et ses environs, les routes qui y mènent ou en partent, se révèlent aujourd’hui totalement insécurisés. On s’aperçoit que les villages environnant la ville sont pour la plupart entièrement ralliés à la cause des djihadistes, d’où une possible stratégie de l’adversaire qui ne semble pas avoir été prise en compte : après avoir évité l’affrontement direct avec les forces franco-maliennes et les avoir laissées poursuivre en direction de Kidal, il s’agirait pour eux de faire de Gao, noeud routier stratégique, un abcès de fixation en insécurisant la ville et ses moyens d’accès (harcèlements (cf. action en centre-ville), itinéraires minés - déjà plusieurs morts militaires et civils du côté malien -, tirs de roquettes et attentats-suicides). Dimanche 10 février, la neutralisation d’un commando du Mujao (mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), vraisemblablement infiltré en centre-ville via le fleuve Niger, puis retranché dans le commissariat central après un affrontement avec des soldats maliens, a nécessité l’intervention d’un hélicoptère français. Le Mujao est une des composantes les plus dures de la coalition djihadiste. Il avait précisément fait de Gao son quartier général et son centre d’opération. Il y avait caché une partie de ses armements que l’on découvre peu à peu, notamment récemment 600 kg d’explosifs reliés à une mise à feu commune et destinés, semble-t-il, à détruire un pont. Les incidents significatifs se multiplient aujourd’hui en ville et aux alentours. Ils ont imposé l’envoi de renforts français depuis Bamako afin de mieux contrôler ce noeud routier stratégique, vital du dispositif franco-malien, car il commande l’accès au Nord Mali dont la réoccupation constitue l’objectif final, en cours de réalisation, des forces franco-maliennes. En contrepartie, les lignes de communication de celles-ci se trouvent dangereusement étirées et fragilisées, d’où la nécessité de les sécuriser autant que faire se peut, ce qui est mangeur d’effectifs et de moyens. La sécurisation de Gao et de ses accès est donc dans ce contexte une obligation. Les événements montrent qu’elle est toujours loin d’être réalisée et effective. Une nouvelle infiltration de djihadistes en ville a eu lieu le 21 février. Elle a donné lieu à de nouveaux affrontements et malheureusement montré que l’armée malienne n’était pas encore en mesure de tenir tête seule à ses adversaires. Un commando d’une quarantaine de djihadistes, venus des villages voisins, a investi le centre-ville de Gao, se retranchant dans la mairie et le palais de justice et leur élimination a de nouveau nécessité une intervention d’hélicoptères français. D’autre part, les attentats à la voiture piégée se multiplient … Ainsi l’insécurité qui règne actuellement à Gao et dans ses environs pose-t-elle avec acuité la question de la sécurisation, après le départ des forces françaises, des villes et territoires repris aux djihadistes. En l’état actuel des armées locales et régionales, celle-ci ne peut être assurée qu’avec l’appui de ces forces, ce qui constitue pour ces dernières un risque évident d’enlisement, même à effectifs réduits.
 




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07.03.2013

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