LE JUSTE, LE FOU ET LE THÉOLOGIEN

 

par Luc BEYER de RYKE

Stéphane Hessel, Beppe Grillo et Benoit XVI, trois hommes dont la vie et le destin sont ou furent transcendés par l’élan, l’engouement, la ferveur auxquels ils ont donné lieu pour le premier et continuent à susciter pour les deux autres. Stéphane Hessel je l’ai bien connu. Même si je ne partageais pas toujours sa radi-calité, la violence des doux, la Palestine nous rapprochait. Bien avant que son Indignez-vous vendu à plus de quatre millions d’exemplaires le rendit mondialement célèbre. Un de mes premiers et lointains souvenirs est celui d’une rencontre avec lui en compagnie de Lucie et de Raymond Aubrac.

J’eus alors de sentiment de côtoyer l’Histoire.

Tout en se situant clairement à gauche, Stéphane Hessel ancien déporté à Buchen-wald et co-rédacteur de la Déclaration Uni- verselle des Droits de l’Homme aimait invo-

quer le Général de Gaulle voyant en lui « l’Indigné », l’homme qui avait eu le courage de dire non.

On le vit plus tard aux côtés de Pierre Mendes-France dont on se souvient qu’il eut des gaullistes dans son gouvernement qui s’appelaient Jacques Chaban-Delmas et le général Koënig.

N’attirons pas pour autant Stéphane Hessel dans le rang des « Compagnons ». Ce serait malhonnête même s’il fut un ancien, à Londres, du BCRA, les services de rensei-gnement. Contentons-nous de dire qu’il fut un résistant. Sa passion ne fut pas politique. C’était la Justice et l’idée qu’il s’en faisait. Absolue et parfois intolérante. Juif lui-même il ne pardonnait pas à Israël d’abîmer par sa politique conquérante et répressive l’idée même du judaïsme. Ce n’était pas son seul combat. La cause des sans-papiers, des immigrés le trouvait mobilisé et l’Europe en laquelle il croyait était bien éloignée de celle incarnée par une technocratie sans coeur.

Né allemand avant d’être naturalisé français à vingt ans, l’Allemagne qui lui restait chère avait le visage de Rilke plutôt que celui d’Angela Merkel. Dans le kaléidoscope de souvenirs que je garde de Stéphane Hessel l’un des plus lumineux me ramène à cette soirée de mai 2007 ou, au Club des Poètes rue de Bourgogne, je l’entendis réciter Apollinaire et Rilke. Rilke en allemand avec une intensité telle qu’elle abolissait la barrière de la langue.

Un héritage ?

Stéphane Hessel laisse-t-il un héritage ?

Même si, en particulier en Espagne, beaucoup d’Indignés se réclament de lui, je n’en suis pas convaincu. Avec son Indignez-vous il a été, me semble-t-il, le révélateur et, dans une certaine mesure, le fédérateur d’une rébellion sociale.

Mais elle n’a pas atteint la même ampleur dans tous les pays. Peu importante en France ou en Belgique là où elle le fut comme en Israël, au Québec ou au Royaume-Uni les retombées politiques sont demeurées limitées. En Grèce nous sommes dans un autre cas de figure que celui d’un pays naufragé.

Il est un pays ou les indignés ou ce qu’on peut prendre pour tels ont déboulé sur le devant de la scène. C’est l’Italie avec Beppe Grillo.

Faut-il vraiment s’en réjouir ?

Ces derniers années Grillo ravageur et vociférant avait gagné le sobriquet de « clown hurlant ». Sa critique du système n’est sans doute pas sans fondement mais souvent chaotique avec ses allures de gourou illuminé.

Ce disciple de Coluche qu’il a bien connu se montre moins responsable que lui. Coluche aussi eut la tentation de tutoyer la politique. Lorsque je siégeai au Parlement européen il nous avait rendu visite en tant que candidat aux présidentielles en France. Simple coup de semonce, trois petits tours et s’en va … Il nous a laissé « Les Restos du Coeur » acte de générosité dont les Français lui savent gré.

Beppe Grillo, lui, offre à l’Europe un pays rendu ingouvernable. En quoi, convenons-en, l’Europe n’est pas elle-même, sans responsabilité. L’ultralibéralisme exigeant jusqu’à l’extrême une cure d’austérité fait mettre aux plus défavorisés un genou à terre. À travers cette politique chevauchant les frontières l’Europe compte un nouveau pays, les pauvres !

Ainsi soit-il...

Il me reste à évoquer le dernier « indigné » de mon triptyque, Benoît XVI. Cet homme d’une grande intériorité, théologien de renom n’avait pas le charisme de son prédécesseur. La tourmente et les tourments qui assaillent l’Église ne l’ont pas laissé sans voix mais cet homme d’étude était trop discret pour qu’elle fût audible.

Soudain elle le fut. Par un acte inédit depuis des siècles, la renonciation au pontificat. Ainsi demeurera-t-il dans l’histoire de l’Eglise un des papes les plus célèbres. « Fiat Voluntas tua ». Et le destin s’accomplit. Ainsi va le monde…

 




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07.03.2013
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