Les
couloirs bruissent au ministère de la Santé des tensions supposées entre la
ministre, Marisol Touraine et certains de
ses proches qui auraient l’habitude de pratiquer des dépassements d’honoraires
systématiques importants!
Le
problème de la « médecine à deux vitesses » est à nouveau posé dans des termes
qui pour beaucoup de nos concitoyens méritent quelques
éclaircissements.
Si
chacun approuve cet acquis de la Résistance permettant à tous les Français,
grâce à la Sécu, de se soigner « presque » gratuitement, la présentation qui est
faite des « odieux profiteurs » que sont les « hospitalo-universitaires » a
quelque chose de risible.
Pas
question bien sûr de cautionner certaines pratiques excessives bien peu
conformes au serment d’Hippocrate, qu’on retrouve cependant plus souvent chez
les chirurgiens esthétiques que chez les médecins hospitaliers.
Quelques
remarques préliminaires toutefois :
Pour
atteindre le sommet de la hiérarchie hospitalo-universitaire il faut, si tout va
bien, 20 années de dur labeur : 7 ans d’études, 4 ans d’internat, 2 ans de
clinicat, 5 à 10 ans de MCU-PH et enfin pour les plus aptes (ou les plus
chanceux) un poste de PUPH et de chef de service. Une vie de travail
!
Pendant
les 13 premières années, il faut « bouffer de la vache enragée » avec un salaire
mensuel de 0 € pour un étudiant, 200 € pour un externe, 1.300 € pour un interne
débutant à Paris à Bac +7 (pour 60 heures de travail par semaine sans recours
possible aux prud’hommes), 2.300 € pour un chef de clinique (à la trentaine,
souvent marié et père ou mère de famille) qui doit arrondir ses fins de mois par
des gardes incessantes. En pendant toutes ces années, des examens, des concours,
des publications, …le bagne choisi parce qu’on aime ça mais le bagne tout de
même !
Comment
s’étonner que certains au bout du compte refusent les consultations
« spécialistes » du secteur 1 à 25 ou 28 € selon le cas, ou la CMU aux
remboursements souvent tardifs, s’ils veulent dispenser une médecine de qualité
au lieu de se résoudre à faire de l’abattage !
Mais
où la chose devient comique c’est que jamais n’est pris en compte le coût total
d’une pathologie incluant diagnostic et traitement. Je m’explique :
Un
clinicien expérimenté examinant minutieusement un malade aboutira
souvent rapi-dement au bon diagnostic avec
un minimum d’examens complémentaires. Le traitement proposé sera très
fréquemment le bon et le nomadisme médical si souvent observé, de patients
désorientés, sera réduit à sa plus simple expression.
Le
jeune interne au contraire ou le praticien peu entraîné se protègera contre ses
angoisses (et lajudiciarisation croissante de la
profession) en multipliant les examens complémentaires radiologiques ou
biologiques particulièrement coûteux (scanners, IRM, batteries de tests de
laboratoire au moindre doute).
Par
rapport à ces dépenses assez souvent inutiles pour « celui qui sait », que coûte
la consultation ?
J’ai
longtemps proposé que les internes, autorisés à prescrire, la bride sous le cou,
smicards pouvant sans contrôle dépenser des fortunes, soient encadrés au début
par un nombre beaucoup plus élevé de chefs de cliniques et d’agrégés pour
apprendre « au lit du malade » une médecine pratique, ne dépensant qu’à bon
escient, celle-là même qu’on s’ingénie à ne plus leur enseigner à la fac
!
Ah
! ce PACES 1, avec son examen par QCM
tellement déconnecté de la pratique médicale qu’AUCUN professeur de première
année ne serait capable de le réussir (et des autres années non plus
d’ailleurs), ces épreuves prétendument scientifiques (en réalité exclusivement
théoriques) qui ne serviront JAMAIS à l’immense majorité des praticiens et qui
sont de toutes façons bien insuffisantes pour ceux qui, dix ans plus tard,
s’orienteront vers la recherche.
La
méthode de sélection, car ce n’est que ça, puisqu’on n’ose pas faire le tri à
l’entrée de l’université par une Mention B ou TB au Bac S, dans un pays dont les
hôpitaux publics vivent en partie au dépend de médecins étrangers taillables et
corvéables à merci, est pour le moins choquante (encore que la dernière
secrétaire d’État à la Santé, sous Nicolas Sarkozy, ait eu son diplôme de
docteur en Médecine à Alger !).
Après
l’étape diagnostique, le praticien expérimenté sait aussi quelle est la
meilleure conduite à tenir et le traitement le plus adapté.
Et
là encore par rapport au traitement proposé par le néophyte que représente le
prix d’une vraie consultation, dépassements d’honoraires compris, par un
praticien chevronné !
Il
faut être aveugle pour croire que nous avons la meilleure médecine du monde. Par
rapport à l’Afrique, sans doute, raison pour laquelle le tourisme médical
fleurit dans notre pays (la carte Vitale non sécurisée [sic] se prête facilement
aux cousins d’outre- méditerranée). CMU et AME prévues pour 1 million
d’assujettis sont maintenant généralisées à 5 millions de patients
(dont les ayants-droit initialement envisagés mais aussi les clandestins, les «
touristes » de passage et les riches étrangers sans revenus en France même s’ils
disposent d’un important patrimoine ! Tous ces braves gens qui ne
payent strictement rien n’hésitent pas à consulter tous azimuts quand ils
veulent bien venir au rendez-vous!
La
médecine c’est difficile ! Quand je vois parfois quelles prescriptions sont
faites aux cancéreux je ne peux que penser que la doctrine française, non écrite
mais pourtant bien réelle, est « Vous avez un cancer on vous soigne, vous
récidivez, on vous aide à mourir ! ». Et surtout ne réfléchissez pas, appliquez
les décisions standardisées des RCP (réunions de concertation pluri-disciplinaires)!
Est-ce
à dire pour autant que parmi les « dépasseurs » il n’y a que les bons et parmi les
conventionnés que les mauvais : sûrement pas !
Mais
si la médecine ne doit pas être à deux vitesses que dire alors de l’éducation,
du logement, des salaires, des voitures, des restaurants… On sait au pays des
Soviets comment l’Égalité a (mal) fini !
Soyons
sérieux ! Si l’on persiste dans cette voie déraisonnable n’ajustant pas pour la
profession médicale (comme pour la profession d’enseignant d’ailleurs) la
rémunération à la longueur et à la difficulté des études, tôt ou tard le système
explosera.
Et
pourtant la République se doit de soigner avec autant de zèle tous ses enfants
!
Une
solution ?
Dans
chaque profession il existe une grande diversité de profils, chacun adapté à une
clientèle particulière. Le patient comme il choisit son logement ou sa voiture,
choisira le type de médecine qui lui convient selon ses priorités, et ses
moyens.
Dans
Paris où il n’y a pratiquement plus de médecins généralistes (à 23 €
la consultation il faudrait être malade pour s’installer!) il reste
SOS Médecins à 53 € minimum (selon horaires) ou les urgences hospitalières
(comptez 4 à 6 heures d’attentes s’il n’y a pas de risque vital et un prix de
revient de 176 € par passage pour des soins légers, que le malade ne paye pas,
sauf un forfait minime, mais que la Sécu doit bien rembourser à
l’hôpital).
À
côté de la médecine libérale, une médecine sociale doit enfin trouver sa place,
de qualité comparable mais fonctionnant différemment.
L’exemple
de la médecine militaire nous montre la solution. Les étudiants qui intègrent
l’École de Santé des Armées, passeront les mêmes examens que leurs
camarades civils. Ils auront au bout du compte le même diplôme et ne
pourront être qualifiés de médecins au rabais.
Cinq
différences de taille pourtant :
-
ils sont recrutés hors numérus clausus des civils ;
-
pendant leurs études ils sont payés ;
-
à la fin de celles-ci ils doivent dix ans de service à l’armée ;
-
leur salaire de médecin militaire débute à 2.200 € par mois
;
-
après les dix ans ils peuvent soit poursuivre dans l’armée soit partir dans le
civil.
Plutôt
que de faire venir des médecins roumains ou autres, ne parlant même pas notre
langue ou de forcer nos enfants malchanceux, après cette première année débile,
à tenter leur chance en Belgique ou ailleurs, que ne crée-t-on un corps civil de
médecins salariés de la Sécu, capables d’occuper pendant dix ans des postes
de médecine sociale (urgences, malades de la CMU, maisons de retraites, déserts
médicaux…) là où la Nation a besoin d’eux, selon des critères de recrutement
indépendants du numérus clausus des autres .
Comme
pour nos grandes écoles, ils seraient payés pendant leur formation ce qui leur
ferait accepter un salaire moins élevé pendant les dix années suivantes et
l’obligation d’ins-tallation au lieu
d’affectation, après lesquelles ils pourraient s’ils le souhaitent regagner le
secteur libéral.
Ce
serait l’occasion unique d’ouvrir l’accès des professions médicales à des
personnels de santé ayant une certaine ancienneté
(infirmières, kinés, manipulateurs radio, laborantines ou même
aides-soignantes …) qui intègreraient directement après cinq années de pratique
la deuxième année de médecine (type de passerelle qui existe dans de nombreux
autres formations).
Les
années suivantes ils se présenteraient aux mêmes examens que les autres
étudiants et seraient donc aussi qualifiés.
Études
à deux vitesses me direz-vous : la médecine libérale pour les meilleurs, la
médecine sociale pour les autres !
1°
N’est-ce pas la même chose dans d’autres études (tout le monde ne peut pas
réussir l’ENS ou l’X).
2°
Les études sauf la stupide 1re année seraient identiques.
3°
Le fait d’être payé ouvrirait la profession à des catégories sociales
nouvelles.
4°
Au bout de dix ans tous seraient sur un pied d’égalité.
Soyons
sûrs qu’on n’évitera pas, tôt ou tard, l’apparition d’une médecine sociale
salariée.
Quand
98 % de la population relève de la Sécu et des mutuelles où est la médecine
vraiment libérale ?
Qu’on
permette au moins à ceux qui le veulent et le peuvent d’être soignés par ceux
qu’ils ont librement choisis, par ceux qui ont fait l’effort de se hisser au
sommet de la profession, par ceux qui savent alors que tant d’autres hésitent,
par ceux qui, voyant leurs proches, avocats, notaires, industriels, nettement
mieux traités, ne veulent plus brader leurs connaissances !
Terminons
par une histoire drôle :
Une
ménagère appelle un plombier pour changer un joint qui fuit. Le professionnel
arrive et en 5 minutes le joint est changé.