POUR UNE VÉRITABLE RÉFORME FISCALE

par Pierre CHASTANIER

Rappelons tout d’abord quelques articles de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789) :

Article XIII. - Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés.

Article XIV. - Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.

Article XV. - La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration

Article XVII. - La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

Tirons de cet acte fondateur quelques conséquences évidentes pour éclairer nos concitoyens sur les choix qui doivent présider à l’élaboration d’une réforme fiscale équitable.

A – Chacun doit participer selon ses facultés (impôt progressif) à la contribution commune

Cela signifie que tous les Citoyens doivent selon leurs possibilités contribuer aux dépenses de l’État, même de la façon la plus modeste. En toute logique on devrait demander très peu aux pauvres et beaucoup aux riches mais sans spolier ces derniers de leur droit inviolable et sacré à la propriété.

C’est pourquoi l’impôt ne devrait en aucun cas être confiscatoire et ne pourrait de ce fait dépasser 50 % du total des revenus.

Examinons tout d’abord le caractère, il faut bien le dire, démagogique, de l’impôt exceptionnel de 75 % promis par François Hollande sur les revenus dépassant 1.000.000 € par an, mesure qui vient d’être retoquée par le Conseil Constitutionnel au motif qu’elle concernait les revenus d’une personne physique et non d’un foyer fiscal.

Sans être méchant, je ne peux évidemment imaginer que cette erreur soit involontaire. Il y a de brillants Inspecteurs des Finances à gauche comme à droite et tous ont lu Machiavel !

Elle avait sans aucun doute pour but de faire illusion, le temps d’une campagne électorale, alors que, même si demain, elle devait être rectifiée et appliquée aux foyers fiscaux (ce taux de 75 % devenant le taux marginal d’imposition pour la tranche de revenu supérieure à 1.000.000 € par part) il faudrait pour un couple avec deux enfants dépasser un revenu du foyer fiscal de 3.600.000 € par an (300.000 € par mois tout de même) pour atteindre un taux global de 50 % de l’ensemble des revenus ! Pour être dans ce cas il faudrait appartenir aux 0.01% des Français les plus riches.

Presque personne sinon des individus qui ont tous les moyens légaux et illégaux d’organiser leurs revenus de façon à échapper à la sur taxation et qui de toutes façons l’ont déjà fait (Les avocats fiscalistes coûtent chers mais ils rapportent encore plus !)

En tout machiavélisme, le candidat François Hollande (HEC+ENA) s’est donc attiré la faveur des gogos dans l’attente d’une sanction prévisible (peut-être même négociée à l’avance avec certains membres - de gauche - du Conseil Constitutionnel) qui lui permettrait, une fois élu, de se tirer d’un mauvais pas lourd de consé-quences symboliques.

Certes, Arnaud, Depardieu et déjà paraît-il, mille cinq cents autres depuis Mai 2012… sont partis ou vont partir mais on oublie vite que les Delon, Noah, Peugeot, Mulliez et autres milliardaires étaient déjà à l’abri depuis longtemps et que Bernard Arnaud n’a pas attendu 2012 pour « optimiser », selon le terme consacré, sa parti-cipation fiscale en France...

Or comme le disait Abraham Lincoln il y a plus d’un siècle « On n’enrichit pas les pauvres et appauvrissant les riches » et si la Belgique est devenue la terre d’évasion fiscale privilégiée des Français riches, c’est non pas à cause de l’impôt marginal (dont les assujettis potentiels savent bien qu’il est… marginal) mais pour la taxation des droits de succession dont la Belgique à l’inverse de la France (belle solidarité fiscale d’une Europe de la concurrence !) exonère ses ressortissants.

En réalité, l’IRPP, impôt sur le revenu, n’est qu’une des facettes de la « Contribution commune » dont parle la Déclaration de 1789.

Celle-ci comprend en effet :

- les cotisations sociales et taxes sur les salaires ;

- l’impôt sur la consommation (TVA et taxes diverses) ;

- l’impôt sur le patrimoine (ISF, taxes foncières…) ;

- l’impôt sur les revenus (IRPP, CSG…).

En additionnant toutes ces taxes on s’aperçoit que le pourcentage d’impôt global payé par chaque catégorie sociale est loin d’être progressif. Il stagne autour de 40 % et est même régressif pour les 1 % des revenus les plus élevés !

Il reste du pain sur la planche sans pour autant faire fuir les riches par des déclarations intempestives, effets d’annonce dépourvus de sens !

La courbe ci-dessous empruntée à une revue économique démontre à l’évidence cette absence de progressivité. Pour éclairer les hommes il faut être précis !

B – Les revenus du capital doivent être taxés comme les revenus du travail et il ne doit pas y avoir de double taxation

 

 

 (suppression de l’ISF)

Le principe inviolable des 50 % peut paraître un retour en arrière (on a déjà connu sous Mitter-rand et même sous Chirac des taux supérieurs à 50 %) mais nous allons démontrer en quoi il est supérieur au bouclier fiscal (abandonné en 2011 sous la pression de l’opinion publique).

 

Il faut taxer les revenus du capital au même titre que les revenus du travail !

Cela paraît équitable.

Mais si l’on veut pousser la logique jusqu’au bout, il convient de taxer non pas le patrimoine mais les revenus du patrimoine, exprimés en revenus perçus ou potentiels (revenus financiers ou jouissance gratuite) !

 

En effet, à partir du moment où les revenus potentiels du patrimoine non placé sont intégrés aux revenus du capital placé et taxés selon les mêmes critères que les revenus du travail la taxation du patrimoine lui-même n’a plus de sens. Si l’on compare au travail c’est comme si, taxant les revenus du travail on taxait aussi l’aptitude à travailler !

 

Il est donc normal qu’un patrimoine qui ne rapporterait aucun revenu (mais dont le propriétaire jouirait gratuitement) soit taxé sur la base du revenu correspondant à cette jouissance gratuite.

 

Un exemple : un propriétaire ne paie pas de loyer, un locataire en paie un : il faut donc dans l’évaluation du revenu du capital tenir compte du loyer qu’aurait perçu ce propriétaire si au lieu d’habiter son bien il le louait ou du revenu financier qu’auraient produit les fonds placés correspondant au montant de celui-ci.

 

On pourrait même, sans tomber dans l’inquisition, taxer la jouissance d’une toile de maître célèbre à la valeur locative de celle-ci à un musée (avec une large franchise pour tous les avoirs mobiliers). En revanche, le revenu des actions d’une entreprise ou d’un avoir financier étant taxé comme dividende ou intérêt ne pourrait être taxé deux fois.

 

Revenus du patrimoine ou ISF il faut choisir mais pas les deux !

 

Il serait alors possible qu’un contribuable, tout en respectant la règle intangible de non dépas-sement des 50 % confiscatoires, paie un impôt effectif plus lourd que 50 % de ses revenus financiers seuls si, possédant un important patrimoine, il ne faisait qu’en jouir et, de ce fait, n’ayant aucun revenu, n’aurait à payer d’autres impôts que l’actuel ISF et les impôts locaux (le scandale d’étrangers riches vivant en France sans revenus officiels dans de luxueuses demeures, mais bénéficiant tout de même de la CMU, disparaîtrait aussitôt !).

 

En ces temps de crise où l’effort doit être partagé entre tous il est donc bien inutile de faire peur en parlant de 75 % qui n’existent pas vraiment alors que 50 % du total serait déjà extrêmement lourd et ne devrait s’envisager que pour les tranches les plus élevées des revenus réels ou potentiels du patrimoine et du travail.

 

C – Le droit de transmettre

 

Certains pensent que chaque génération doit repartir à zéro, tel Bill Gates qui envisagerait de déshériter ses enfants (?). Cela paraît bien utopique. Chacun pense à ses enfants. C’est un puissant moteur de l’action. Or si l’on a taxé comme nous venons de le proposer les revenus du travail, les revenus du capital placé et les revenus virtuels du patrimoine non placé dont on jouit, tout a payé l’impôt.

 

Alors pourquoi taxer deux fois en ce qui concerne les héritiers en ligne directe ?

Aujourd’hui, seules les successions entre conjoints sont exonérées. L’abandon des droits de succession pour les héritiers en ligne directe (les enfants) serait donc une mesure incitative au retour en France de nos émigrés fiscaux. La taxation ne subsisterait que pour les héritiers éloignés.

L’Europe serait d’ailleurs bien inspirée si elle harmonisait enfin ses règles fiscales et Bruxelles ne serait plus alors notre plus gros consulat à l’étranger ! De toute façon, à moins de rebâtir un rideau de fer, on ne fermera pas les frontières à ceux qui ont un grand patrimoine à transmettre.

 

N’oublions pas que la taxation actuelle ne concerne que les successions d’une certaine importance puisque les petites, en ligne directe, sont exonérées à hauteur de 100.000 €. Et c’est justement les grandes fortunes et elles seules ou presque qui s’en vont !

 

D – Le droit de contrôler

Payer des impôts est sans doute un mal nécessaire mais voir la contribution commune se perdre dans des dépenses somptuaires ou inutiles est de plus en plus insupportable.

 

Les exemples sont multiples à tous les niveaux de l’État de dépenses stupides quand elles n’ali-mentent pas la corruption, sans aucun bénéfice pour la collectivité qui, heureusement, n’en a souvent pas conscience (sinon le peuple casserait tout) !

 

Je ne me lancerai pas dans une litanie démo-ralisante de ces gâchis irresponsables dont chacun connait de nombreux exemples. Ainsi en est-il d’une personne restée hospitalisée à Lariboisière une semaine entière pour une ponction lombaire et une IRM (coût pour la Sécu au moins 20.0000 € alors que des praticiens de ville pratiquant des dépassements d’honoraires jugés scandaleux aurait fait la même chose pour moins de 1.000 € !).

 

Ce dévoiement de l’argent public fait craindre l’impossibilité des réformes : tout n’est pas perdu pour tout le monde… pourvu que ça dure !

 

Que dire des salaires des élus (500 € par mois pour un maire de petite commune contraint au bénévolat ou au trafic du PLU, 19.000 € par mois pour une jeune ministre, volontiers donneuse de leçon, cumulant son poste avec celui de conseiller régional), des stratifications itératives insensées de l’administration des territoires (État, régions, départements, intercommunalités, cantons, communes…), des postes fictifs ou détournés (trente mille fonctionnaires de l’Éducation nationale dispensés de service pour cause de représentation syndicale soit trois cents en moyenne par département) des dépenses de fonctionnement devant être à tout prix consommées dans l’exercice sous peine de ne pas être reconduites (on brule de l’essence en fin d’année dans les casernes), de ces innombrables ronds-points qui servent d’ajustement de salaires aux fonctionnaires des ponts et chaussées, de ces avantages étonnants des employés d’EDF, de la SNCF, de la Banque de France…

 

Il est donc urgent que le contribuable retrouve son droit de contrôle et puisse demander des comptes à l’Administration et aux élus et pas seulement à travers un rapport annuel de la Cour des Comptes dont chacun sait qu’il est destiné à terminer son existence sur une étagère. Chaque structure de dépense (individu ou collectivité) doit ainsi pouvoir être contrôlée par une commission ad hoc tirée au sort sur une liste d’usagers (ce beau mot de l’Administration qui ferait mieux de considérer ses administrés comme des clients) directement concernés.

 

Quand il s’agit, aux assises, de juger des criminels on tire au sort une liste de jurés ! Pourquoi n’en fait-on pas de même quand il s’agit de juger du bon usage de notre argent par nos élus !

 




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05.02.2013
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