par
Luc BEYER de RYKE
C’est
André Maurois qui mettait en garde. Ne devenez pas, écrivait-il en substance, «
le gardien du statut de vos sentiments». C’est
dire joliment qu’il faut demeurer un esprit libre, éviter de se corseter dans
une pensée figée.
C’est
ce que je ferai aujourd’hui en observant la leçon de l’auteur des Silences du
colonel Bramble. Et cela en ne demeurant pas
silencieux comme le personnage de Maurois.
Parlons
donc de François Hollande. Dans mon précédent éditorial je confesse avoir été
quelque peu désobligeant à son égard. « Flamby »
m’avait ennuyé en présentant des voeux ternes « qui
n’avaient pour vertu que leur brièveté ».
On
me pardonnera ici de me répéter. Et voici que tout est changé. Tout ? Sans doute
pas. L’impuissance du Gouvernement face à Arcelor Mittal, les rodomontades non suivies d’effets à l’égard de
la finance, le chômage qu’on ne parvient pas à juguler caractérisent toujours ce
que vit et subit la France.
Pourtant
tout n’est plus pareil. Le Mali est venu changer la
donne. Il serait désormais mal venu de réexhumer le
mot drôle et féroce de Jean-Luc Mélanchon voyant en
François Hollande « un capitaine de pédalo .
Il
l’était peut-être. Il ne l’est plus.
La
fonction crée l’homme lorsqu’il se montre à la hauteur de l’événement. François
Hollande l’a fait. On pourrait très certainement soumettre à analyse et critique
la politique suivie au Mali depuis une longue durée. Aux experts et aux
africanistes de le dire mais lorsque Bamako s’est trouvé sous la menace des
djihadistes on n’a pas barguigné, atermoyé. En
quelques heures la décision a été prise, les forces rassemblées, l’opération
lancée.
Les
télévisions furent avares d’images. Avarice imposée et non choisie.
Mais
elles ont montré lors de l’arrivée de François Hollande à Tombouctou l’accueil
délirant de la population, la joie du chef de l’État et l’émotion de son
ministre des Affaires étrangères. Pour Laurent Fabius on aurait pu reprendre
l’invocation pascalienne : « Pleurs, pleurs, pleurs de joie… » . L’émotion était
partagée par tous ceux qui, sur place ou simples spectateurs devant l’écran,
vivaient la reconnaissance d’un peuple.
Le
Mali a adoubé François Hollande.
Est-ce
dire qu’on aurait trouvé en lui l’héritier du Général de Gaulle ? Ce serait
naturellement ridicule de le penser. Soyons seulement heureux que le pédalo de
Melanchon ait disparu.
Ne
croyons pas non plus que les Champs-Élysées des triomphes militaires maliens
règlent la question. Pour ceindre les lauriers il y eu peu de combats. Chacun
sait que l’adversaire, plutôt qu’affronter, s’est dissous, évaporé. Le coup de
main tragique d’In Ameinas n’est pas oublié. Il peut
se reproduire. La France le sait. Gagner la paix au Mali sera beaucoup plus
difficile. Il faudra que le pays se reconstruise.
Il
n’est pas de reconstruction qui puisse se fonder sur la
vengeance.
François
Hollande l’a dit. Les djihadistes devront être punis.
Punis ne signifie pas abattus sans jugement. Les amalgames ne doivent pas être
pratiqués. Touareg et djihadistes ne sont pas des
synonymes.
Mais
lorsque Hollande l’a dit et proclamé lors de son discours à Bamako l’approbation
de la foule, lors de ce passage, a été plus discrète. Ce sera aussi
indispensable qu’ardu pour la France d’obtenir d’un pouvoir malien (fragile et
issu d’un coup d’État) l’observation des règles élémentaires du droit
International.
Quelle
l’obtienne sera la preuve ou non de
sa crédibilité. Souhaitons ardemment que cela ne soit pas le mythe de
Sisyphe…