GAZ ET PÉTROLE DE SCHISTE OU

LA NOUVELLE DONNE GÉOPOLITIQUE

 


Par François-Gérard GUYOT,


Les États-Unis se sont lancés, à grande échelle, dans l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste sur leur territoire national.

L’effet visible et immédiat est la division par deux du coût de ces matières premières pour les utilisateurs. Cet abaissement des coûts entraîne un mouvement de relocalisation d’activités productrices sur le sol américain.

Le propos n’est pas d’animer (ou d’envenimer) le débat sur le bien-fondé ou non de l’exploitation de ces mêmes matières premières qui sommeilleraient en quantité dans notre sous-sol, mais de s’interroger de la possible influence sur l’orientation de la politique étrangère des États-Unis engendré par cette nouvelle donne énergétique.

Nous savons tous que les interventions militaires américaines hors de leurs frontières sont motivées, plus ou moins, officiellement par le souci de « sécuriser » les sources d’approvisionnement en matières premières, le tout sous la pression des lobbies pétroliers et militaro-industriel. Ces nouvelles ressources dont il est dit qu’elles rendront les États-Unis auto suffisants, voire exportateurs nets de ces ressources à l’horizon 2020 (demain en quelque sorte) pourraient, me semble-t-il, engendrer une révision de la politique étrangère des États-Unis pour les raisons exposées ci-après.

Il n’est évidemment pas question de sous-estimer, ni le poids économique des deux secteurs mentionnés dans le PIB américains, ni la puissance de leurs lobbies et ce pour quelques années encore, mais certains éléments méritent d’être pris en considération.

1. On vient de le voir, la dépendance des États-Unis vis-à-vis des sources d’approvisionnements « abroad » se réduit à grande vitesse.

2. Le déficit budgétaire américain va devoir être réduit. L’importance du budget de la défense en fait, de ce point de vue, une cible de choix pour les amateurs de réduction de déficits. Le processus en est à ses débuts. Le budget 2013 (525,4 milliards de $ contre 530 milliards de $ en 2012), est en baisse, certes très légère (-0.1 %) mais l’inflexion par rapport aux années passées, est notable.

3. Le montant des opérations de guerre est en baisse de 25 %. Il passe de 115,1 à 88,5 milliards de $ (fin du conflit en Irak, réduction des effectifs en Afghanistan, etc.).

4. L’opinion publique américaine, qui ne comprend pas pourquoi ses « boys » vont se faire tuer sur des théâtres d’opérations qu’ils auraient le plus grand mal à situer sur une mappemonde, se fait plus critique.

5. Le Defense Strategic Guidance publié par le Pentagone le 5 janvier 2012 titrait « Sustaining US Global Leadership Priorities for 21 st century Defense » résumait l’enjeu : dans le contexte de pression budgétaire qui impose des priorités, comment maintenir l’efficacité stratégique et la puissance militaire des États-Unis.

Les États-Unis ont-ils encore comme priorité première de « sauver le monde » et au-delà en sont-ils capables ? Est-ce un hasard si, dès son installation à la Maison Blanche Barak Obama à pris la direction de l’Asie, devenue région prioritaire pour la diplomatie américaine et si, à l’horizon 2020, 60 % des bâtiments de l’US Navy seront stationnés en Asie ?

Dans ce contexte, est-il si absurde d’imaginer un scénario qui conduirait les États-Unis à se retirer, volontairement ou involontairement (Iran, Irak, Koweït) d’un certain nombre de théâtres d’opérations devenus moins stratégiques du point de vue de l’approvisionnement en matières premières ?

Le mouvement s’opère depuis trois ou quatre ans quand bien même des troupes (pardon des « conseillers ») restent sur le terrain. L’aire de jeu semble se réduire, tout particulièrement au Moyen-Orient.

Dès lors les Européens devront bien finir par s’interroger sur le rôle qu’ils vont avoir à jouer dans une région qui est à leur porte.

La question mérite, me semble-t-il, quelques réflexions.

 
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05.01.2013
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