REPRÉSENTATION,
POUVOIR ET FINANCIARISATION : RISQUE DE DÉCADENCE DÉMOCRATIQUE
REPRESENTACIÓN,
PODER Y FINANCIARIZACIÓN:
EL
PELIGRO DE LA DECADENCIA DEMOCRÁTICA
par
Andrés MENDIOROZ PEÑA et
Iván H. AYALA
paru dans
la revue RelacionesInternacionales, nº 21, octobre 2012 - Groupe
d´Études
de
Relations Internationales (
GERI
) de l´Université Autonome de Madrid (UAM /
Espagne)
Nous
constatons que le pouvoir que la Société, délègue à l´État et aux gouverneurs à
travers sa représentation à l’Assemblée, au Sénat, dans les Conseils régionaux
et dans les mairies a été vidé de son contenu.
L´existence
d´un système politique dans l´ombre, qui dérive du pouvoir d’un système bancaire
dans l´ombre, pose de sérieux problèmes en terme de
légitimité et de procédure démocratique.
Les
raisons qui ont fait avancé ou mené à ce pouvoir politique dans l´ombre, sont
diverses.
1 –
L’éloignement entre la Société et les représentants politiques; c’est la «
désaffection politique ».
2 – Le
modèle démocratique libéral, fondé sur la division des pouvoirs de Montesquieu,
n´a pas été capable de limiter le pouvoir des marchés
financiers.
La
littérature classique libérale fonde ses arguments, sur la conviction et la
nécessité d´empêcher ou d’éliminer l´intervention ou initiative publique, dans
le domaine privé.
On se
demande alors « Où est le pouvoir ? », « Qui détient le pouvoir ?
».
On se
demande aussi, si ceux qui détiennent ce pouvoir caché (dans l´ombre), sont
responsables de leurs actes et si leurs interventions ou décisions ont pour
objectif des bénéfices pour le bien commun.
Les
systèmes politiques soutenus par l´idéal libéral de démocratie, n´ont pas été
capables d´identifier les marchés financiers comme un vrai pouvoir politique ;
pouvoir qu´ils auraient dû limiter ou contrôler. Ces systèmes politiques fondés
sur l´idée du « laissez-faire » et sur la base de la liberté et de la propriété
individuelles, ont abouti au néolibéralisme, qui met en question la conception
publique de la polis (vie en
commun).
William
Domhoff1, qui a étudié la relation entre pouvoir et richesse économique et
financière aux États-Unis d’Amérique, a défini le pouvoir comme la capacité de
mener à bien des objectifs ou réaliser des rêves. Même s´il y a opposition à ces
rêves ou objectifs, il considère que :
a) « La
richesse est un recours très utile pour l´exercice du pouvoir... »
;
b) « Le
pouvoir peut être utilisé pour le contrôle des corporations
professionnelles...»;
c). « La
richesse peut mener au pouvoir et le pouvoir peut mener a la richesse... » ;
d) « La
richesse et sa distribution peuvent être, aussi, des indicateurs de pouvoir...
»
Il
démontre à travers cet indicateur de richesse, que la Société aux USA se dessine
comme une pyramide de pouvoir, où 20 % des membres de la Société, possèdent 84 %
de la richesse; c´est-à-dire, que ce 20 % est 84 fois plus puissant –
économiquement et politiquement – que le 80 % restant.
3 –
Cette iniquité dans la répartition du pouvoir n´est pas exclusive aux USA et, en
plus, la capacité actuelle pour évaluer l´indicateur de richesse, n´importe où,
est très faible (TJN2).
Pourquoi
? Parce que « ...si un actif est caché dans un compte bancaire (offshore) ou
dans une compagnie, ou dans un groupe industriel (offshore trust), et que le
propriétaire ou bénéficiaire ultime de la rétribution ne peut pas être
identifié, alors cet actif et la rétributionque
produit cet actif ne seront jamais comptabilisés dans les statistiques
d´inégalités »….
En conséquence, les statistiques sur
l´inégalité, sous-estiment l´ampleur du problème, ce qui veut dire que la
différence, l’inégalité, est encore plus grande.
On peut ajouter que l´incapacité à
mesurer de façon fiable ces actifs offshor est liée
aux intérêts du système politique dans l´ombre.
La protection juridique de ces
actifs, est un fait politique. Ces actifs sont juridiquement protégés dès leur
création et ce jusqu´à leur extinction. Cette protection et l´incapacité à
mesurer la plupart de variables du système bancaire dans l´ombre, empêchent, ou
rendent difficile, la possibilité de mesurer le pouvoir du système politique
dans l´ombre.
En conséquence en découle un autre
indicateur : « Plus grand est le degré de protection juridique de actifs
offshore; plus grand sera le degré de pouvoir de ceux qui les détiennent
».
Un indicateur de ce type se trouve
dans le Financial Secrecy Index, qui signale que les
principaux fournisseurs du « secret financier » sont les nations riches
appartenant à l’OCDE.
L´opacité de ces actifs instaure une
sorte de privilège a l´intérieur du système
international, grâce à une volonté politique précise. C´est ça – à notre avis –
qui crée les tensions entre un système politique international fragmenté
(nations) et un système économique international intégré
(globalisation).
Sont-ils capables, ces systèmes
politiques actuels, se détruire, en le démantelant ou en le contrôlant ? À notre
avis, comme l’affirment Papadimitrou et Wray3 « Le
grand pouvoir que les finances ont acquis fait que les solutions réelles, sont
politiquement irréalisables ».
Donc, si les systèmes démocratiques à
caractère libéral représentatif sont incapables de trouver des solutions
politiques - puisqu´il ne sont plus des centres de décision politique - l´idée
d´un pouvoir représentatif ne tient plus.
4 – Le problème démocratique que pose
l´existence d´un système politique et financier dans l´ombre est l´influence
que ce système a sur les systèmes démocratiques. Il est évident que l´incapacité
des pouvoirs politiques représentatifs à décider des directrices limitant les
abus, les inégalités et l´injustice mine la confiance et dégrade les relations
entre les différentes couches sociales et mène directement à: l´instauration
d´un system autoritaire (dictature), à l´apparition d´un conflit armé (guerre),
ou aux révoltes populaires (désobéissance civile, grèves,
etc.).
Pour éviter cela il est fondamental
de trouver des idées, de procédures et des réformes politiques qui rendent
pouvoir et crédibilité aux systèmes démocratiques.
Or, pour arriver à cela, il faudrait
penser à un partage et à une répartition du pouvoir plus ample et plus
égalitaire.
Lijphart a démontré, il y a bien longtemps,
dans une importante étude4 la nette supériorité du modèle de démocratie
consensuel, sur les démocraties majoritaires.
Les différences entre les deux
modèles peuvent se percevoir dans le tableau suivant :
Démocratie
majoritaire
1.
Concentration du pouvoir exécutif, dans des cabinets
d´un
seul parti et de faible majorité.
2.
Prévalence d´un seul cabinet.
3.
Système bipartiste.
4.
Système électoral majoritaire et non proportionnel.
5.
Pluralisme des groupes d´intérêt.
6.
Gouvernement unitaire et pouvoir centralisé.
7.
Concentration du pouvoir législatif dans une législature
unicamérale.
8.
Flexibilité constitutionnelle.
9.
Absence de révision judiciaire.
10.
Banque centrale contrôlée par le pouvoir exécutif.
Démocratie
de consensus
1.
Division du pouvoir exécutif entre cabinets
d´une
ample coalition.
2.
Equilibre entre le pouvoir exécutif et le législatif.
3.
Système multipartiste.
4.
Représentation proportionnelle.
5.
Corporatisme des groupes d´intérêt.
6.
Gouvernement fédéral et décentralisé.
7.
Bicaméralisme fort.
8.
Rigidité constitutionnelle.
9.
Révision judiciaire
10.
Indépendance de la banque centrale.
De l´analyse de Lijphart5, on peut
tirer deux conclusions :
1. Les démocraties de consensus
obtiennent de meilleurs résultats que les démocraties majoritaires (évaluations
faites à travers de dix-neuf variables à contenu économique et quatre
indicateurs de violence).
2. Les démocraties de consensus,
obtiennent des meilleurs résultats que les démocraties majoritaires dans tous
les domaines.
Au vu des résultats obtenus par Lijphart, on peut estimer que la façon la plus efficace pour
que les systèmes démocratiques arrivent à créer une opposition au système
financier, oblige à la reconstitution de leur légitimité en modifiant leurs
structures, institutions et procédures afin de les conduire vers un système
démocratique du type consensuel.
CONCLUSIONS :
La Société « post fordiste » a créé
une société fondée sur le risque, et a déplacé la valeur productive vers
l´intérêt pour la valeur rentable de l´argent en circulation (n´importe
où).
De façon plus explicite, les agents
qui habituellement géraient le risque (les banques) ont vu leur rôle se modifier
dans l´économie ; à l’intermédiation traditionnelle ils ont ajouté les
transactions d´investissement. L´obtention de bénéfices à partir de l´enjeu
salarial, uni aux investissements spéculatifs (même fictifs), sont pour nous, un
des éléments fondamentaux de la crise actuelle.
Il y a eu une érosion du pouvoir des
dirigeants, pour faire des lois et pour les faire appliquer, ce qui a permis -
aux « pouvoirs dans l´ombre » - l´accumulation de pouvoir.
L´implantation de ce système a
dégradé la qualité de la démocratie des régimes démocratiques
internationaux.
Il en résulte ainsi que la
financiarisation a créé une sorte de propriété privée particulière, laquelle –
par sa propre nature – est devenue incompatible avec la stabilité et le
fonctionnement correct de systèmes politiques démocratiques, responsables de la
gestion des biens communs.
Dans ces circonstances,
la démocratie n´est qu´un alibi, pour certains gouvernements actuels en
Europe.