Urgent besoin d'argent ! Alors,
pourquoi ne pas aller en ramasser dans les niches des paisibles retraités ? Leur
niveau de vie (NDV) moyen, évalué par l'INSEE à 22.950 € en 2010, serait
supérieur au NDV moyen de l'ensemble de la population métropolitaine, 22.590 €.
Ils ont de gros patrimoines. Ils « sont dans une situation financière plus
favorable que les actifs, notamment les jeunes ». Il n'en fallait pas plus pour
que la Cour des comptes retrousse les manches, fouille avec minutie les niches
suspectées et mette le doigt sur un butin de 12 milliards (Md) €. Le hic est que
le plus gros de ce « pactole » est constitué d'abattements et d'exonérations
accordés à des personnes pauvres. La Cour a « suggéré » des suppressions «
d'avantages » à hauteur d'environ 7 Md € qui restent mal ciblées et/ou
discutables. Les gouvernants ont retenu ce qu'ils attendaient: imposer plus les
retraités n'est que justice. Cependant, ils n'ont pas suivi la Cour, pour le
moment. Mais la menace reste pesante. C'est pourquoi j'ai rédigé le présent
article. Ils ont préféré inaugurer une nouvelle taxe sur les retraites
assujetties à la CSG à 6,6 %, au taux de 0,15 % en 2013, qui sera porté à 0, 3 %
en 2014... avant d'être majoré plus tard, à coup
sûr.
N'est-ce pas une supercherie de se
servir, sans explications, d'un « niveau de vie », concept inconnu du grand
public, nettement plus élevé que le revenu « palpable » des ménages, retraités,
particulièrement, notamment parce qu'il inclut des loyers « fictifs » que les
ménages propriétaires sont sensés se verser à eux-mêmes ?
Est-il loyal de mettre en balance le
revenu moyen des retraités avec celui « d'actifs » comprenant des chômeurs
?
Pourquoi ne pas dire que la
contribution fiscale des retraités est consistante,
tandis que les prestations sociales dont ils bénéficient sont minces ? Par
rapport aux revenus, les retraités sont les seconds contributeurs fiscaux et
sociaux, derrière les actifs employés. Et, alors que les accusations
d'inégalités pleuvent, surexploitant des cas extrêmes, le nivellement des
revenus s'impose, l'égalitarisme gagne. Les retraités n'y échappent
pas.
Enfin, il ne faut plus ignorer le
coût exorbitant des assurances complémentaires santé pour les retraités qui,
injustement, ne peut pas être déduit de leur revenu imposable, ainsi que le
poids devenu insupportable de la taxe foncière, qu'il serait bienvenu
d'alléger... plutôt que de suggérer de l'aggraver pour les plus
pauvres.
S'il s'agit de taxer davantage les
plus « riches » des retraités, pourquoi ne pas le dire en face... et oublier que
l'on a majoré l'Impôt sur le revenu (tranche à 45 % et désindexation du barème),
ainsi que l'ISF que l'on a « réajusté » ? Pour financer la dépendance, doit-on
s'en prendre aux retraités, qui comptent le plus de gens qui en souffrent
?
Des retraités veulent bien participer
plus à un effort national partagé en cette période de crise surtout s’il s’agit
d’assurer une meilleure protection sociale à ceux qui en ont le plus besoin. Ils
sont sincèrement solidaires. Encore faudrait-il expliquer honnêtement pourquoi
ils sont ainsi visés par des « réformes » improvisées. Et les mauvais prétextes
que les médias ressassent avec délectation, « justifiés » à l'aide d'estimations
technocratiques suspectes, incompréhensibles par plus de 90 % des Français, ne
peuvent les satisfaire. Ils ne veulent pas qu'on les « taxe » indûment d'être
plus « riches » qu'ils ne sont. Et, ils ne sont pas moins utiles à la société
que les autres citoyens.
Pourquoi ne pas engager un dialogue,
une concertation franche, démocratique, avec les représentants des retraités ?
Ils n'en ont pas ? Il faudrait peut-être y remédier sans tarder. Inutile, diront
d'aucuns, les vieux n'iront pas manifester bruyamment, et encore moins
violemment, dans les rues pour se faire connaître et entendre. C'est vrai. Ils
n'ont que les urnes pour s'exprimer. Alors, attention quand même
!
Des tirs qui manquent
leur cible
Voici les niches fiscales mises en
cause, avec des questions et des observations... critiques
:
- le taux de l'abattement de 10 %
applicable aux pensions et aux rentes pour le calcul du revenu imposable; il est
injustement égal à celui des travailleurs; il est très profitable aux plus
aisés. Manque à gagner: 2,7 milliards €. Observations : il n'est pas vérifié que
les frais professionnels des travailleurs atteignent 10% de leurs rémunérations.
L'abattement est limité à 3.660 € par foyer fiscal. À partir d'un revenu de
36.600 €, le taux de l'abattement est donc dégressif. Pour un revenu de 50.000
€, il est de 7,32 %; pour 70.000 €, il est de 5,32 %, etc.
;
- l'exonération des majorations de
retraites dont bénéficient les parents ayant eu trois enfants ou plus. Coût
0,800 Md €. Question : Sus aux familles nombreuses ?;
- l'exonération de taxe d'habitation
et de taxe foncière des retraités qui gagnent moins de 825 € par mois (1.281 €
pour un couple). Coût 0,75 Md €. Observations : taxer les plus pauvres = justice
sociale ? Sont exonérées de la taxe d'habitation toutes les personnes dont le
revenu fiscal annuel est inférieur à 10.024 € (+ 2.676 € pour un couple);
pourquoi ne seraient-elles pas toutes taxées également ? Et que décider pour les
personnes qui ont droit à un dégrèvement partiel lorsque leur revenu ne dépasse
pas 23.572 € (+ 5.507 € pour un couple) ?;
- la Cour propose que le taux de la
CSG de 7,5 %, appliqué aux salariés, soit appliqué aussi aux retraités qui sont
taxés à 6,6 %. Bénéfice escompté + 1,2 Md €. Plutôt modeste car, selon la Cour,
49 % seulement des retraités sont assujettis au taux de 6,6 %, alors que 12 % le
sont au taux réduit de 3,8 % et que 32 % sont exonérés... occasionnant un manque
à gagner de 6 Md €. Obs. Cela prouve que nombre de retraités ne sont ni riches,
ni même « aisés » ;
- l'exonération de la cotisation
patronale des 480.000 particuliers employeurs de plus de 70 ans. Manque à gagner
0,38 Md. Question : la supprimer pour créer plus d'emplois et plus de pouvoir
d'achat des plus vieux ?
Plus de 16 millions
de retraités de droit direct ou dérivé
Selon les données de la DREES du
ministère des Affaires sociales et de la Santé (Etudes et Statistique, mars 2012
: Les retraités et les retraites en 2010), il y a 16,170 millions (M) de
retraités de droit direct ou dérivé (réversions) au 31 décembre 2010, dont:
15,080 M perçoivent des pensions de droit direct (au moins une) et 1,090 M ne
touchent que des pensions de droit dérivé, tandis que 3,160 M retraités
reçoivent des pensions de droit direct et des pensions de réversion. Il y a
aussi 0,576 M de bénéficiaires d'une allocation de minimum vieillesse (ASV ou
ASPA). Parmi les 16,746 retraités, 15,375 millions (M) résident en France. Il
serait intéressant de savoir qui sont et où sont les 1,371 million de retraités
(c'est loin d'être négligeable) « vivant (s) » à
l'étranger.
Le niveau moyen des retraites de
droit direct (de tous les régimes) est de 1.216 € par mois, ou 14.592 €
annuels.
Nombre de retraités cumulent une
retraite de base avec une ou plusieurs complémentaires. Les principaux régimes
de base sont la CNAV (12,936 M ex-salariés), la MSA (2,517 M ex-salariés; 1,708
M non-salariés), la Fonction publique (civile et militaire 2,089 M) et les RSI
(commerçants et artisans 1,978 M). Les trois grandes Caisses complémentaires
sont l'ARRCO (11,489 M), l'AGIRC (2, 574 mi cadres) et l'IRCANTEC (1,809 M ex
FP).
La somme des dépenses associées aux
pensions des retraités s'élève à 270 milliards d'euros (Md €) en 2010, dont 2,3
%, soit 6 Md €, correspondent à des retraites supplémentaires facultatives. Le
coût associé aux pensions des 15,080 M de retraités de droit direct serait de
l'ordre de 233 Md €. Celui afférent aux pensions de réversion, de 32 Md €. Le
coût restant serait imputable principalement aux allocations de minimum
vieillesse.
Pourquoi l'opulence
présumée des retraités est en grande partie fictive
Le montant moyen des retraites de
droit direct est très éloigné du « niveau de vie » moyen des individus retraités
évalué à 22.950 €. Un tel chiffre ne peut que nourrir des illusions et provoquer
des méprises. Pour le comprendre, il faut savoir que le niveau de vie d'un
ménage est mesuré par son « revenu disponible » divisé par le nombre d'unités de
consommation (UC) qui composent le ménage. Le premier adulte compte pour 1 UC,
chaque personne supplémentaire de 14 ans ou plus compte pour 0,5 UC et chacun
des enfants de moins de 14 ans, pour 0,3 UC. Le niveau de vie (NDV) ainsi
calculé est le même pour chacune des personnes du ménage.
Le revenu disponible du ménage est
calculé à partir du revenu net des cotisations sociales en soustrayant de
celui-ci les impôts directs payés (Impôt sur le revenu, CSG, CRDS, taxe
d'habitation) et en lui ajoutant les prestations sociales reçues. Et le revenu
des ménages propriétaires est majoré des loyers imputés ou fictifs qu'ils sont
censés se verser à eux-mêmes pour jouir de leur propre logement et de leur
résidence secondaire.
En 2010, le montant total de ces
loyers imputés, à forte croissance (+ 55 % depuis l'an 2000), est évalué à 154,8
Md €. Le nombre de logements concernés, lui, est estimé à 18,780 millions:
15,660 M résidences principales (possédées par 58 % des 27 millions de ménages)
et 3,120 M résidences secondaires. Le loyer fictif (prix) moyen d'un de tous ces
logements s'établit ainsi à 8.240 € par an, soit 687 € par
mois.
Environ 75 % des ménages de retraités
sont propriétaires de leur logement, et 20 % ont une résidence secondaire. Ils
possèdent ainsi de l'ordre de 48 % des logements (résidences principales et
résidences secondaires) occupés par leur propriétaire. Les loyers fictifs qui
leur sont imputés sont donc conséquents et augmentent
vite.
Des niveaux de vie
trompeurs, bien supérieurs aux revenus nets des
retraités
Prenons un couple de « retraités
moyens » en 2010, propriétaires de leur logement, chacun d'eux bénéficiant de
pensions brutes à hauteur de 14.592 € par an, soit, ensemble, 29.184 €. Sans
autres ressources (pour simplifier). Après les prélèvements de 2.189 € au titre
de la cotisation santé, de la CSG et de la CRDS, puis de 716 € d'impôt sur le
revenu, et après le paiement de 1.200 € (par exemple) de taxe d'habitation, le
revenu net sera de 25.019 € (soit 12.510 € pour chacun des deux pensionnés).
Avec l'ajout d'un loyer fictif (un peu inférieur à la moyenne) de 7.800 €, par
exemple, le revenu disponible et le niveau de vie du ménage seront alors de
32.819 €.
Et le niveau de vie (NDV) individuel
de chacun des deux membres du ménage sera de 21.879 € (32.819 € / 1,5). Il sera
1,75 fois supérieur au revenu net d'impôts de chacun d'eux. Cet indicateur
utilisé pour mettre en accusation l'opulence « moyenne » présumée des retraités
est donc très trompeur. De plus, après paiement d'une taxe foncière « moyenne »
de 1.000 € et une cotisation de 1.920 € pour une complémentaire santé bas de
gamme (voir la suite de l'article), il restera à notre ménage 22.100
€.
Le « seuil de pauvreté »
(correspondant à 60 % du NDV médian des individus en France) est de 964 € par
mois en 2010. Aussi, pour autre exemple (théorique), prenons un couple de
retraités propriétaires dont les seules ressources sont des pensions se montant
pour chacun, charges sociales déduites, à 800 € par mois, soit 19.200 € par an,
ensemble. Non imposables à l'IR. Bénéficiant d'un dégrèvement limitant leur taxe
d'habitation à 370 €. Des pauvres ? Et bien non. Avec un loyer fictif, très
modeste, de 4.800 € pour l'année, par exemple, le revenu disponible du ménage se
monte à 23.630 €, et le niveau de vie de chacun des deux retraités s'élève à
15.750 €. Presque enviable ! Voilà aussi pourquoi il y a si peu (10,2 % en 2010)
de « pauvres officiels » parmi les retraités.
Niveaux de vie et
pauvreté : des comparaisons douteuses usant d'un indicateur
inapproprié
Le niveau de vie de vie (NDV) moyen
de l'ensemble des individus, 22.590 €, est inférieur à celui des retraités.
Simplement parce que les NDV moyens de plusieurs catégories sociales constituant
une bonne partie de cet « ensemble », sont plus faibles
que celui des retraités. C'est le cas des chômeurs, 15.640 €, des autres
inactifs, 18.820 €, des enfants de moins de 18 ans, 20.510 €, des étudiants,
22.010 €. On devrait même s'étonner de la faiblesse des écarts entre ces NDV
moyens ainsi que de celui, relativement élevé, des étudiants, que l'on présente
couramment comme des malheureux en quête d'autonomie. Le nivellement est passé
par là et continue son oeuvre en cette période de
crise. À l'excès et avec oeillères ? Il ne faut
toutefois pas se méprendre, la définition et le calcul
du NDV, nous l'avons vu, sont grandement responsables de ce nivellement...
apparent. Ils l'exagèrent. Ainsi, même les actifs occupés n'ont un NDV que de
24.930 €, soit à peine 10,4 % de plus que le NDV moyen.
Quant à la progression des NDV des
retraités depuis l'an 2000, + 11 %, elle a été un peu inférieure à la moyenne
(+12,6 %). Sans l'augmentation des loyers fictifs, les NDV des retraités ne
progresseraient pas. De façon analogue, quand on dit qu'il y a moins de pauvres
chez les retraités (9,9 %) en 2009 que dans l'ensemble de la population (13,5
%), il faut préciser que ce dernier taux est dû aux proportions élevées de
pauvres parmi les chômeurs (34,7 %), les autres inactifs (30,3 %), les étudiants
(20,3 %) et les enfants de moins de 18 ans (17,7 %). Tandis que, parmi les
actifs occupés, le taux est de 7,4 %. Là aussi, il faudrait que comparaison
devienne raison.
Les personnes âgées
bénéficient peu des prestations sociales, mais ne sont pas ménagées par le
fisc
Contrairement aux idées répandues,
les personnes âgées profitent peu de nos généreuses prestations sociales. Selon
l'INSEE (Les revenus et le patrimoine des ménages, édition 2012), sur les 26,701
M ménages vivant en France métropolitaine en 2009, 11,225 M, soit 42 %,
bénéficient de prestations. Parmi les 9,376 M ménages dont la personne de
référence a 60 ans ou plus, ils ne sont que 1,735 M,
soit 18,5 % à en recevoir. Et le montant moyen des prestations reçues, 3.646 €,
est un peu inférieur à celui de l'ensemble des bénéficiaires, 3.875
€.
Cela explique pourquoi la part des
prestations sociales dans le revenu disponible de ces ménages âgés, 2,2 %
seulement, est nettement plus faible que chez les autres ménages: 3,5 % pour les
50-59 ans, 7,9 % pour les 30-49 ans, 9,2 % pour les moins de 30 ans et 5,3 % en
moyenne. Dégressivité marquée des prestations avec l'âge,
donc.
Le revenu des retraités est bien plus
ponctionné (-10,2 %) par la fiscalité directe (IR, taxe d'habitation, CSG, CRDS
et impôts sur le patrimoine) diminuée des prestations sociales reçues (cf.
ci-dessus) que les employés (- 1,8 %), les ouvriers (- 1,3 %). À l'inverse, le
revenu des « autres personnes sans activité professionnelle » est accru de + 22
% (même source, tableau: Composition du revenu disponible du ménage selon la CS
{catégorie sociale} de la personne de référence). Les retraités apportent donc
une contribution positive au système de redistribution, dont profitent les
catégories sociales que je viens de citer. Seules les contributions des
catégories « cadres et professions intellectuelles supérieures » (- 16,3 %) et «
chefs d'entreprises, commerçants, artisans, agriculteurs » (- 13,3 %) dépassent
celles des retraités. Dommage que les Autorités l'ignorent... et les partis
d'opposition aussi.
Non, les situations
financières des retraités ne s'améliorent pas, au
contraire
« La situation de la population
retraitée s'est continûment améliorée jusqu'à rejoindre sinon dépasser celle des
actifs », a estimé la Cour des comptes (leparticulier.fr, le 13/09/12). Faux !
C'est d'abord oublier que lorsqu'un travailleur prend sa retraite, son revenu
chute de plusieurs dizaines de pourcents. Sa situation financière se dégrade.
Ensuite, comme nous l'avons vu, si on veut faire des comparaisons sensées, il ne
faut pas inclure les chômeurs dans les « « actifs »... et, il vaut mieux ne pas
user, sans précautions, des « niveaux de vie ».
Réforme après
réforme, pour toucher des
pensions au taux plein, les travailleurs
doivent cotiser plus longtemps. Cela n'est pas anormal puisque l'espérance de
vie croît. Mais ils paient d'avance plus cher leurs pensions. En outre, les
réformes ont réduit les niveaux des pensions des « primoliquidants » (nouveaux retraités) en augmentant le
nombre d'années de salaires à prendre en compte pour le calcul des points de
retraite acquis.
Les pensions sont revalorisées à la
hauteur des variations annuelles de l'Indice des prix à la consommation. Cela
signifie qu'un retraité ne connait aucune hausse de ses pensions en termes
réels. Et les retraités le savent bien !
Selon la DREES (cf. Les retraités et
les retraites en 2010) :
- le montant moyen de la pension de
droit direct, tous régimes confondus (1.216 € par mois en 2010), croît à un
rythme moyen annuel de + 1,2 % de plus que l'inflation entre 2005 et 2010
;
- cette croissance de la pension
moyenne « résulte donc pour l'essentiel du renouvellement de la population des
retraités : l'arrivée de nouveaux retraités disposant généralement de carrières
plus favorables {et plus longues} et de pensions en moyenne plus élevées, et le
décès de retraités plus âgés percevant des pensions plus faibles, en moyenne,
que l'ensemble des retraités ». C'est appelé « l'effet de noria
».
Quant aux revenus financiers de la
plupart des retraités, ils proviennent de placements de leur épargne de plus en
plus mal rémunérés, qu'il s'agisse des différents comptes et livrets d'épargne
ou de l'assurance vie, au point que préserver la valeur réelle de son capital
est devenu une gageure. La crise est passée par là
également.
Des dépenses de santé
qu'il ne faut pas sous-estimer
Selon les comptes de la DREES, la
consommation de soins et de biens médicaux(CSBM) en France est de 175 milliards
€ en2010, égale à 9 % de notre PIB. Ce qui n'a rien de surprenant. Or, dans les
comptes nationaux (CN) de l'INSEE, la consommation des ménages au titre de la
Santé est seulement de 41,5 Md €, soit de 2,1 % du PIB. Ces chiffres montrent
deux facettes d'une même réalité. La CSBM de la DREES représente la dépense
totale de Santé des ménages. Les CN excluent les 77 % de la CSBM qui sont financés par la Sécurité Sociale de base et la CMU. En
d'autres termes, elle ne retient, à peu de chose près, que la part de la dépense
payée directement par les ménages (16,5 Md €) ou via leurs organismes
complémentaires (23,6 Md €).
Les retraités dépensent et paient
directement nettement plus que la moyenne de la population en soins,
médicaments, prothèses... Ils consomment plus de produits « de confort » non
remboursés. La Sécu et les complémentaires santé
couvrent très mal les soins et les appareils dentaires, oculaires, auditifs...
que l'âge leur impose. Quant aux prix des couvertures complémentaires santé, ils
sont prohibitifs pour la plupart des retraités.
Je ne parle pas des coûts et des
problèmes des « maisons de retraite », qui deviennent inaccessibles aux
retraités, parfois obligés de vendre leur logement pour payer leur séjour, et
des autres abris accueillant les plus précaires. Comme la dépendance, ils
méritent d'être abordés en profondeur de manière
spécifique.
Non seulement le coût de la santé est
très élevé pour les retraités, mais il croît aussi davantage que leurs revenus
et lamine leur pouvoir d'achat. Les déremboursements s'ajoutent aux hausses des
prix des soins et des médicaments, tandis que les prix des couvertures
complémentaires santé flambent. Les relèvements systématiques des tarifs chaque
année sont aggravés par la majoration de ceux-ci avec l'âge. La double peine
!
Des complémentaires
santé prohibitives pour les retraités, et non
déductibles des revenus imposables
Les tarifs pratiqués sont très (trop)
progressifs avec l'âge. Ainsi, chez une grande mutuelle de bonne réputation
(assez représentative), le tarif annuel TTC d'une couverture relativement bas de
gamme est de 1.500 € pour une personne de 80 ans ou plus, d'au moins 1.200 € à
partir de 70 ans et d'au moins 960 € à partir de 60 ans. À titre de comparaison,
le coût correspondant est de 540 € à 40 ans et de 480 € à 30
ans.
Pour les couples de personnes de 60
ans et plus, les tarifs de chacun des membres se cumulant, la couverture citée
ci-dessus coûte de 1.920 € à 3.000 € par an. Pour une couverture un peu «
meilleure » (sur les soins dentaires et les lunettes essentiellement), les
tarifs affichés vont de 1.320 € par personne à 60 ans jusqu'à 2.160 € à partir
de 80 ans.
À ces prix, souscrire un contrat est
un luxe que peu de retraités peuvent s'offrir. Et la CMUC (CMU complémentaire)
est réservée à des bénéficiaires dont les ressources annuelles ne dépassent pas
7.934 € pour une personne seule, et 11.902 € pour un couple. Certes, il y a
aussi l'ACS (Aide à l'acquisition d'une complémentaire santé); mais les plafonds
de ressources pour en bénéficier ne sont supérieurs que de 35 % à ceux de la
CMUC, soit 10.711 € et 16.067 €. La grande majorité des retraités doit donc se
résigner à payer le prix fort ou renoncer à se couvrir. Ce que de plus en plus
de personnes font. Surtout si elles constatent que leurs cotisations sont bien
supérieures aux remboursements qu'elles obtiennent de leur complémentaire
santé.
Ainsi, à la différence de la Sécurité
Sociale, l'assurance complémentaire santé n'a que faire de la « solidarité
intergénérationnelle » dont on nous rebat les oreilles. Encore faut-il rappeler
que lors de la vie professionnelle, les cotisations aux institutions de
prévoyance sont versées pour le compte des salariés par leurs employeurs et
comportent une part patronale et une part salariale. La
seconde est généralement nettement plus faible que la première et elle
est déduite du revenu imposable du salarié. Ce qui affaiblit le coût que le
salarié doit personnellement supporter... et creuse plus profondément l'écart
avec le retraité. Il est anormal que les cotisations des retraités aux
complémentaires, bien plus élevées que celles des personnes dites « actives »,
ne soient pas déductibles de leurs revenus imposables. Il faut mettre fin à
cette injustice.
Une taxe foncière
élevée, qui grimpe déraisonnablement et épargne peu de
retraités
L'impôt sur le revenu (IR) polarise
toutes les attentions. Les gouvernants s'ingénient à le tripoter, à le « réformer », et les oppositions à contester, à
critiquer et attendre leur tour afin d'apporter leur concours à la
déstabilisation endémique de notre fiscalité. Les projecteurs sont aussi braqués
sur l'ISF, impôt sur le patrimoine très médiatisé. La taxe foncière, elle, est
presque ignorée. Pourtant, sa composante principale, la taxe foncière sur les
propriétés bâties, se monte à plus de 30 milliards € en 2011, soit environ 60 %
du montant de l'IR et 6 fois plus que celui de l'ISF. Elle croît à une allure
folle: + 70 % entre 2000 et 2011. Dans le même temps, la part supportée par les
ménages est passée de 10 Md € à 16,6 Md €. Rien à voir, donc, avec l'inflation
et avec la modeste progression des revenus. L'impact négatif sur le pouvoir
d'achat réel des 16 millions de ménages propriétaires en 2011 dépasse un peu les
1.000 € par ménage en moyenne. Et les retraités se trouvent en première
ligne.
Le taux moyen d'imposition aux taxes
foncières dépasse 35 % des valeurs locatives des propriétés bâties, et il est
question « d'actualiser » ces dernières. De les majorer, donc. Sur le site
lesechos.fr/entreprises-secteurs, le 11/10/2012, un article intitulé La taxe
foncière a flambé depuis 5 ans cite un dirigeant de l'UNPI (Union nationale des
propriétaires immobiliers) disant notamment: « L'impôt foncier pèse de plus en
plus lourd sur le budget des ménages propriétaires, allant jusqu'à représenter
parfois l'équivalant de trois mois de loyer, de salaire ou de retraite ». Les
retraités et les autres contribuables peuvent-ils espérer que les Hautes
Autorités Publiques nationales et locales se préoccupent de la question
?
NB. - Pour les plus
curieux : Qui sont les retraités, combien sont-ils réellement
?
D'après la DREES, 15,375 millions de
pensionnés résident en France au 31/12/2010, contre 15,043 M au 31/12/2009
(chiffres établis à l'aide de données remontant des
Caisses).
Dans INSEE Première (n° 1412,
septembre 2012), le tableau 3 intitulé Niveau de vie et pauvreté selon le statut
d'activité, en France métropolitaine, indique que les retraités représentent
21,9 % de la population en 2010. Celle-ci étant alors de 62,800 millions de
personnes, il y aurait 13,750 millions de retraités en 2010. L'année précédente,
le même tableau 3 indiquait un nombre de retraités de 13 163 millions en 2009.
Curieux !
Une petite partie des écarts entre
les deux institutions provient sans doute des retraités d'Outremer (1,85
millions d'Ultramarins en 2010). En outre, la DREES donne des effectifs de
pensionnés enregistrés en fin d'année, supérieurs aux effectifs moyens de la
même année, normalement retenus par l'INSEE.
Mais, à côté de cela, la définition
du « retraité » n'est, visiblement, pas la même. L'INSEE, peut avoir retenu une
définition « restrictive »: pour être « retraité », il faut avoir travaillé et
bénéficier d'une pension de droit direct (ce qui exclut les bénéficiaires de
seules réversions: 1,090 M à fin 2010) et, éventuellement ne plus travailler (ce
qui pourrait exclure des pensionnés continuant à
travailler).
Ce sont des hypothèses, car je n'ai
pas trouvé de définition du retraité sur le site de l'INSEE... ni sur ceux de
l'INED, du COR (Conseil d'Orientation des Retraites), d'EUROSTAT, de l'OFCE, de
l'OCDE, du BIT, de l'ONU... Concernant leur nombre en France, je n'ai vu
(parfois) que des renvois aux données de la DREES. Un effort collectif me semble
donc à faire par les statisticiens, afin de définir sans ambiguïté qui sont les
« retraités », pensionnés ou non. À défaut, on risque de continuer à ne pas
savoir précisément de qui et de quoi on
parle.