POURQUOI PUNIR LES RETRAITÉS ?


par Paul KLOBOUKOFF

 

Résumé et feuille de route

Urgent besoin d'argent ! Alors, pourquoi ne pas aller en ramasser dans les niches des paisibles retraités ? Leur niveau de vie (NDV) moyen, évalué par l'INSEE à 22.950 € en 2010, serait supérieur au NDV moyen de l'ensemble de la population métropolitaine, 22.590 €. Ils ont de gros patrimoines. Ils « sont dans une situation financière plus favorable que les actifs, notamment les jeunes ». Il n'en fallait pas plus pour que la Cour des comptes retrousse les manches, fouille avec minutie les niches suspectées et mette le doigt sur un butin de 12 milliards (Md) €. Le hic est que le plus gros de ce « pactole » est constitué d'abattements et d'exonérations accordés à des personnes pauvres. La Cour a « suggéré » des suppressions « d'avantages » à hauteur d'environ 7 Md € qui restent mal ciblées et/ou discutables. Les gouvernants ont retenu ce qu'ils attendaient: imposer plus les retraités n'est que justice. Cependant, ils n'ont pas suivi la Cour, pour le moment. Mais la menace reste pesante. C'est pourquoi j'ai rédigé le présent article. Ils ont préféré inaugurer une nouvelle taxe sur les retraites assujetties à la CSG à 6,6 %, au taux de 0,15 % en 2013, qui sera porté à 0, 3 % en 2014... avant d'être majoré plus tard, à coup sûr.

N'est-ce pas une supercherie de se servir, sans explications, d'un « niveau de vie », concept inconnu du grand public, nettement plus élevé que le revenu « palpable » des ménages, retraités, particulièrement, notamment parce qu'il inclut des loyers « fictifs » que les ménages propriétaires sont sensés se verser à eux-mêmes ?

Est-il loyal de mettre en balance le revenu moyen des retraités avec celui « d'actifs » comprenant des chômeurs ?

Pourquoi ne pas dire que la contribution fiscale des retraités est consistante, tandis que les prestations sociales dont ils bénéficient sont minces ? Par rapport aux revenus, les retraités sont les seconds contributeurs fiscaux et sociaux, derrière les actifs employés. Et, alors que les accusations d'inégalités pleuvent, surexploitant des cas extrêmes, le nivellement des revenus s'impose, l'égalitarisme gagne. Les retraités n'y échappent pas.

Enfin, il ne faut plus ignorer le coût exorbitant des assurances complémentaires santé pour les retraités qui, injustement, ne peut pas être déduit de leur revenu imposable, ainsi que le poids devenu insupportable de la taxe foncière, qu'il serait bienvenu d'alléger... plutôt que de suggérer de l'aggraver pour les plus pauvres.

S'il s'agit de taxer davantage les plus « riches » des retraités, pourquoi ne pas le dire en face... et oublier que l'on a majoré l'Impôt sur le revenu (tranche à 45 % et désindexation du barème), ainsi que l'ISF que l'on a « réajusté » ? Pour financer la dépendance, doit-on s'en prendre aux retraités, qui comptent le plus de gens qui en souffrent ?

Des retraités veulent bien participer plus à un effort national partagé en cette période de crise surtout s’il s’agit d’assurer une meilleure protection sociale à ceux qui en ont le plus besoin. Ils sont sincèrement solidaires. Encore faudrait-il expliquer honnêtement pourquoi ils sont ainsi visés par des « réformes » improvisées. Et les mauvais prétextes que les médias ressassent avec délectation, « justifiés » à l'aide d'estimations technocratiques suspectes, incompréhensibles par plus de 90 % des Français, ne peuvent les satisfaire. Ils ne veulent pas qu'on les « taxe » indûment d'être plus « riches » qu'ils ne sont. Et, ils ne sont pas moins utiles à la société que les autres citoyens.

Pourquoi ne pas engager un dialogue, une concertation franche, démocratique, avec les représentants des retraités ? Ils n'en ont pas ? Il faudrait peut-être y remédier sans tarder. Inutile, diront d'aucuns, les vieux n'iront pas manifester bruyamment, et encore moins violemment, dans les rues pour se faire connaître et entendre. C'est vrai. Ils n'ont que les urnes pour s'exprimer. Alors, attention quand même !

Des tirs qui manquent leur cible

Voici les niches fiscales mises en cause, avec des questions et des observations... critiques :

- le taux de l'abattement de 10 % applicable aux pensions et aux rentes pour le calcul du revenu imposable; il est injustement égal à celui des travailleurs; il est très profitable aux plus aisés. Manque à gagner: 2,7 milliards €. Observations : il n'est pas vérifié que les frais professionnels des travailleurs atteignent 10% de leurs rémunérations. L'abattement est limité à 3.660 € par foyer fiscal. À partir d'un revenu de 36.600 €, le taux de l'abattement est donc dégressif. Pour un revenu de 50.000 €, il est de 7,32 %; pour 70.000 €, il est de 5,32 %, etc. ;

- l'exonération des majorations de retraites dont bénéficient les parents ayant eu trois enfants ou plus. Coût 0,800 Md €. Question : Sus aux familles nombreuses ?;

- l'exonération de taxe d'habitation et de taxe foncière des retraités qui gagnent moins de 825 € par mois (1.281 € pour un couple). Coût 0,75 Md €. Observations : taxer les plus pauvres = justice sociale ? Sont exonérées de la taxe d'habitation toutes les personnes dont le revenu fiscal annuel est inférieur à 10.024 € (+ 2.676 € pour un couple); pourquoi ne seraient-elles pas toutes taxées également ? Et que décider pour les personnes qui ont droit à un dégrèvement partiel lorsque leur revenu ne dépasse pas 23.572 € (+ 5.507 € pour un couple) ?;

- la Cour propose que le taux de la CSG de 7,5 %, appliqué aux salariés, soit appliqué aussi aux retraités qui sont taxés à 6,6 %. Bénéfice escompté + 1,2 Md €. Plutôt modeste car, selon la Cour, 49 % seulement des retraités sont assujettis au taux de 6,6 %, alors que 12 % le sont au taux réduit de 3,8 % et que 32 % sont exonérés... occasionnant un manque à gagner de 6 Md €. Obs. Cela prouve que nombre de retraités ne sont ni riches, ni même « aisés » ;

- l'exonération de la cotisation patronale des 480.000 particuliers employeurs de plus de 70 ans. Manque à gagner 0,38 Md. Question : la supprimer pour créer plus d'emplois et plus de pouvoir d'achat des plus vieux ?

Plus de 16 millions de retraités de droit direct ou dérivé

Selon les données de la DREES du ministère des Affaires sociales et de la Santé (Etudes et Statistique, mars 2012 : Les retraités et les retraites en 2010), il y a 16,170 millions (M) de retraités de droit direct ou dérivé (réversions) au 31 décembre 2010, dont: 15,080 M perçoivent des pensions de droit direct (au moins une) et 1,090 M ne touchent que des pensions de droit dérivé, tandis que 3,160 M retraités reçoivent des pensions de droit direct et des pensions de réversion. Il y a aussi 0,576 M de bénéficiaires d'une allocation de minimum vieillesse (ASV ou ASPA). Parmi les 16,746 retraités, 15,375 millions (M) résident en France. Il serait intéressant de savoir qui sont et où sont les 1,371 million de retraités (c'est loin d'être négligeable) « vivant (s) » à l'étranger.

Le niveau moyen des retraites de droit direct (de tous les régimes) est de 1.216 € par mois, ou 14.592 € annuels.

Nombre de retraités cumulent une retraite de base avec une ou plusieurs complémentaires. Les principaux régimes de base sont la CNAV (12,936 M ex-salariés), la MSA (2,517 M ex-salariés; 1,708 M non-salariés), la Fonction publique (civile et militaire 2,089 M) et les RSI (commerçants et artisans 1,978 M). Les trois grandes Caisses complémentaires sont l'ARRCO (11,489 M), l'AGIRC (2, 574 mi cadres) et l'IRCANTEC (1,809 M ex FP).

La somme des dépenses associées aux pensions des retraités s'élève à 270 milliards d'euros (Md €) en 2010, dont 2,3 %, soit 6 Md €, correspondent à des retraites supplémentaires facultatives. Le coût associé aux pensions des 15,080 M de retraités de droit direct serait de l'ordre de 233 Md €. Celui afférent aux pensions de réversion, de 32 Md €. Le coût restant serait imputable principalement aux allocations de minimum vieillesse.

Pourquoi l'opulence présumée des retraités est en grande partie fictive

Le montant moyen des retraites de droit direct est très éloigné du « niveau de vie » moyen des individus retraités évalué à 22.950 €. Un tel chiffre ne peut que nourrir des illusions et provoquer des méprises. Pour le comprendre, il faut savoir que le niveau de vie d'un ménage est mesuré par son « revenu disponible » divisé par le nombre d'unités de consommation (UC) qui composent le ménage. Le premier adulte compte pour 1 UC, chaque personne supplémentaire de 14 ans ou plus compte pour 0,5 UC et chacun des enfants de moins de 14 ans, pour 0,3 UC. Le niveau de vie (NDV) ainsi calculé est le même pour chacune des personnes du ménage.

Le revenu disponible du ménage est calculé à partir du revenu net des cotisations sociales en soustrayant de celui-ci les impôts directs payés (Impôt sur le revenu, CSG, CRDS, taxe d'habitation) et en lui ajoutant les prestations sociales reçues. Et le revenu des ménages propriétaires est majoré des loyers imputés ou fictifs qu'ils sont censés se verser à eux-mêmes pour jouir de leur propre logement et de leur résidence secondaire.

En 2010, le montant total de ces loyers imputés, à forte croissance (+ 55 % depuis l'an 2000), est évalué à 154,8 Md €. Le nombre de logements concernés, lui, est estimé à 18,780 millions: 15,660 M résidences principales (possédées par 58 % des 27 millions de ménages) et 3,120 M résidences secondaires. Le loyer fictif (prix) moyen d'un de tous ces logements s'établit ainsi à 8.240 € par an, soit 687 € par mois.

Environ 75 % des ménages de retraités sont propriétaires de leur logement, et 20 % ont une résidence secondaire. Ils possèdent ainsi de l'ordre de 48 % des logements (résidences principales et résidences secondaires) occupés par leur propriétaire. Les loyers fictifs qui leur sont imputés sont donc conséquents et augmentent vite.

Des niveaux de vie trompeurs, bien supérieurs aux revenus nets des retraités

Prenons un couple de « retraités moyens » en 2010, propriétaires de leur logement, chacun d'eux bénéficiant de pensions brutes à hauteur de 14.592 € par an, soit, ensemble, 29.184 €. Sans autres ressources (pour simplifier). Après les prélèvements de 2.189 € au titre de la cotisation santé, de la CSG et de la CRDS, puis de 716 € d'impôt sur le revenu, et après le paiement de 1.200 € (par exemple) de taxe d'habitation, le revenu net sera de 25.019 € (soit 12.510 € pour chacun des deux pensionnés). Avec l'ajout d'un loyer fictif (un peu inférieur à la moyenne) de 7.800 €, par exemple, le revenu disponible et le niveau de vie du ménage seront alors de 32.819 €.

Et le niveau de vie (NDV) individuel de chacun des deux membres du ménage sera de 21.879 € (32.819 € / 1,5). Il sera 1,75 fois supérieur au revenu net d'impôts de chacun d'eux. Cet indicateur utilisé pour mettre en accusation l'opulence « moyenne » présumée des retraités est donc très trompeur. De plus, après paiement d'une taxe foncière « moyenne » de 1.000 € et une cotisation de 1.920 € pour une complémentaire santé bas de gamme (voir la suite de l'article), il restera à notre ménage 22.100 €.

Le « seuil de pauvreté » (correspondant à 60 % du NDV médian des individus en France) est de 964 € par mois en 2010. Aussi, pour autre exemple (théorique), prenons un couple de retraités propriétaires dont les seules ressources sont des pensions se montant pour chacun, charges sociales déduites, à 800 € par mois, soit 19.200 € par an, ensemble. Non imposables à l'IR. Bénéficiant d'un dégrèvement limitant leur taxe d'habitation à 370 €. Des pauvres ? Et bien non. Avec un loyer fictif, très modeste, de 4.800 € pour l'année, par exemple, le revenu disponible du ménage se monte à 23.630 €, et le niveau de vie de chacun des deux retraités s'élève à 15.750 €. Presque enviable ! Voilà aussi pourquoi il y a si peu (10,2 % en 2010) de « pauvres officiels » parmi les retraités.

Niveaux de vie et pauvreté : des comparaisons douteuses usant d'un indicateur inapproprié

Le niveau de vie de vie (NDV) moyen de l'ensemble des individus, 22.590 €, est inférieur à celui des retraités. Simplement parce que les NDV moyens de plusieurs catégories sociales constituant une bonne partie de cet « ensemble », sont plus faibles que celui des retraités. C'est le cas des chômeurs, 15.640 €, des autres inactifs, 18.820 €, des enfants de moins de 18 ans, 20.510 €, des étudiants, 22.010 €. On devrait même s'étonner de la faiblesse des écarts entre ces NDV moyens ainsi que de celui, relativement élevé, des étudiants, que l'on présente couramment comme des malheureux en quête d'autonomie. Le nivellement est passé par là et continue son oeuvre en cette période de crise. À l'excès et avec oeillères ? Il ne faut toutefois pas se méprendre, la définition et le calcul du NDV, nous l'avons vu, sont grandement responsables de ce nivellement... apparent. Ils l'exagèrent. Ainsi, même les actifs occupés n'ont un NDV que de 24.930 €, soit à peine 10,4 % de plus que le NDV moyen.

Quant à la progression des NDV des retraités depuis l'an 2000, + 11 %, elle a été un peu inférieure à la moyenne (+12,6 %). Sans l'augmentation des loyers fictifs, les NDV des retraités ne progresseraient pas. De façon analogue, quand on dit qu'il y a moins de pauvres chez les retraités (9,9 %) en 2009 que dans l'ensemble de la population (13,5 %), il faut préciser que ce dernier taux est dû aux proportions élevées de pauvres parmi les chômeurs (34,7 %), les autres inactifs (30,3 %), les étudiants (20,3 %) et les enfants de moins de 18 ans (17,7 %). Tandis que, parmi les actifs occupés, le taux est de 7,4 %. Là aussi, il faudrait que comparaison devienne raison.

Les personnes âgées bénéficient peu des prestations sociales, mais ne sont pas ménagées par le fisc

Contrairement aux idées répandues, les personnes âgées profitent peu de nos généreuses prestations sociales. Selon l'INSEE (Les revenus et le patrimoine des ménages, édition 2012), sur les 26,701 M ménages vivant en France métropolitaine en 2009, 11,225 M, soit 42 %, bénéficient de prestations. Parmi les 9,376 M ménages dont la personne de référence a 60 ans ou plus, ils ne sont que 1,735 M, soit 18,5 % à en recevoir. Et le montant moyen des prestations reçues, 3.646 €, est un peu inférieur à celui de l'ensemble des bénéficiaires, 3.875 €.

Cela explique pourquoi la part des prestations sociales dans le revenu disponible de ces ménages âgés, 2,2 % seulement, est nettement plus faible que chez les autres ménages: 3,5 % pour les 50-59 ans, 7,9 % pour les 30-49 ans, 9,2 % pour les moins de 30 ans et 5,3 % en moyenne. Dégressivité marquée des prestations avec l'âge, donc.

Le revenu des retraités est bien plus ponctionné (-10,2 %) par la fiscalité directe (IR, taxe d'habitation, CSG, CRDS et impôts sur le patrimoine) diminuée des prestations sociales reçues (cf. ci-dessus) que les employés (- 1,8 %), les ouvriers (- 1,3 %). À l'inverse, le revenu des « autres personnes sans activité professionnelle » est accru de + 22 % (même source, tableau: Composition du revenu disponible du ménage selon la CS {catégorie sociale} de la personne de référence). Les retraités apportent donc une contribution positive au système de redistribution, dont profitent les catégories sociales que je viens de citer. Seules les contributions des catégories « cadres et professions intellectuelles supérieures » (- 16,3 %) et « chefs d'entreprises, commerçants, artisans, agriculteurs » (- 13,3 %) dépassent celles des retraités. Dommage que les Autorités l'ignorent... et les partis d'opposition aussi.

Non, les situations financières des retraités ne s'améliorent pas, au contraire

« La situation de la population retraitée s'est continûment améliorée jusqu'à rejoindre sinon dépasser celle des actifs », a estimé la Cour des comptes (leparticulier.fr, le 13/09/12). Faux ! C'est d'abord oublier que lorsqu'un travailleur prend sa retraite, son revenu chute de plusieurs dizaines de pourcents. Sa situation financière se dégrade. Ensuite, comme nous l'avons vu, si on veut faire des comparaisons sensées, il ne faut pas inclure les chômeurs dans les « « actifs »... et, il vaut mieux ne pas user, sans précautions, des « niveaux de vie ».

Réforme après réforme, pour toucher des

pensions au taux plein, les travailleurs doivent cotiser plus longtemps. Cela n'est pas anormal puisque l'espérance de vie croît. Mais ils paient d'avance plus cher leurs pensions. En outre, les réformes ont réduit les niveaux des pensions des « primoliquidants » (nouveaux retraités) en augmentant le nombre d'années de salaires à prendre en compte pour le calcul des points de retraite acquis.

Les pensions sont revalorisées à la hauteur des variations annuelles de l'Indice des prix à la consommation. Cela signifie qu'un retraité ne connait aucune hausse de ses pensions en termes réels. Et les retraités le savent bien !

Selon la DREES (cf. Les retraités et les retraites en 2010) :

- le montant moyen de la pension de droit direct, tous régimes confondus (1.216 € par mois en 2010), croît à un rythme moyen annuel de + 1,2 % de plus que l'inflation entre 2005 et 2010 ;

- cette croissance de la pension moyenne « résulte donc pour l'essentiel du renouvellement de la population des retraités : l'arrivée de nouveaux retraités disposant généralement de carrières plus favorables {et plus longues} et de pensions en moyenne plus élevées, et le décès de retraités plus âgés percevant des pensions plus faibles, en moyenne, que l'ensemble des retraités ». C'est appelé « l'effet de noria ».

Quant aux revenus financiers de la plupart des retraités, ils proviennent de placements de leur épargne de plus en plus mal rémunérés, qu'il s'agisse des différents comptes et livrets d'épargne ou de l'assurance vie, au point que préserver la valeur réelle de son capital est devenu une gageure. La crise est passée par là également.

Des dépenses de santé qu'il ne faut pas sous-estimer

Selon les comptes de la DREES, la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) en France est de 175 milliards € en2010, égale à 9 % de notre PIB. Ce qui n'a rien de surprenant. Or, dans les comptes nationaux (CN) de l'INSEE, la consommation des ménages au titre de la Santé est seulement de 41,5 Md €, soit de 2,1 % du PIB. Ces chiffres montrent deux facettes d'une même réalité. La CSBM de la DREES représente la dépense totale de Santé des ménages. Les CN excluent les 77 % de la CSBM qui sont financés par la Sécurité Sociale de base et la CMU. En d'autres termes, elle ne retient, à peu de chose près, que la part de la dépense payée directement par les ménages (16,5 Md €) ou via leurs organismes complémentaires (23,6 Md €).

Les retraités dépensent et paient directement nettement plus que la moyenne de la population en soins, médicaments, prothèses... Ils consomment plus de produits « de confort » non remboursés. La Sécu et les complémentaires santé couvrent très mal les soins et les appareils dentaires, oculaires, auditifs... que l'âge leur impose. Quant aux prix des couvertures complémentaires santé, ils sont prohibitifs pour la plupart des retraités.

Je ne parle pas des coûts et des problèmes des « maisons de retraite », qui deviennent inaccessibles aux retraités, parfois obligés de vendre leur logement pour payer leur séjour, et des autres abris accueillant les plus précaires. Comme la dépendance, ils méritent d'être abordés en profondeur de manière spécifique.

Non seulement le coût de la santé est très élevé pour les retraités, mais il croît aussi davantage que leurs revenus et lamine leur pouvoir d'achat. Les déremboursements s'ajoutent aux hausses des prix des soins et des médicaments, tandis que les prix des couvertures complémentaires santé flambent. Les relèvements systématiques des tarifs chaque année sont aggravés par la majoration de ceux-ci avec l'âge. La double peine !

Des complémentaires santé prohibitives pour les retraités, et non déductibles des revenus imposables

Les tarifs pratiqués sont très (trop) progressifs avec l'âge. Ainsi, chez une grande mutuelle de bonne réputation (assez représentative), le tarif annuel TTC d'une couverture relativement bas de gamme est de 1.500 € pour une personne de 80 ans ou plus, d'au moins 1.200 € à partir de 70 ans et d'au moins 960 € à partir de 60 ans. À titre de comparaison, le coût correspondant est de 540 € à 40 ans et de 480 € à 30 ans.

Pour les couples de personnes de 60 ans et plus, les tarifs de chacun des membres se cumulant, la couverture citée ci-dessus coûte de 1.920 € à 3.000 € par an. Pour une couverture un peu « meilleure » (sur les soins dentaires et les lunettes essentiellement), les tarifs affichés vont de 1.320 € par personne à 60 ans jusqu'à 2.160 € à partir de 80 ans.

À ces prix, souscrire un contrat est un luxe que peu de retraités peuvent s'offrir. Et la CMUC (CMU complémentaire) est réservée à des bénéficiaires dont les ressources annuelles ne dépassent pas 7.934 € pour une personne seule, et 11.902 € pour un couple. Certes, il y a aussi l'ACS (Aide à l'acquisition d'une complémentaire santé); mais les plafonds de ressources pour en bénéficier ne sont supérieurs que de 35 % à ceux de la CMUC, soit 10.711 € et 16.067 €. La grande majorité des retraités doit donc se résigner à payer le prix fort ou renoncer à se couvrir. Ce que de plus en plus de personnes font. Surtout si elles constatent que leurs cotisations sont bien supérieures aux remboursements qu'elles obtiennent de leur complémentaire santé.

Ainsi, à la différence de la Sécurité Sociale, l'assurance complémentaire santé n'a que faire de la « solidarité intergénérationnelle » dont on nous rebat les oreilles. Encore faut-il rappeler que lors de la vie professionnelle, les cotisations aux institutions de prévoyance sont versées pour le compte des salariés par leurs employeurs et comportent une part patronale et une part salariale. La seconde est généralement nettement plus faible que la première et elle est déduite du revenu imposable du salarié. Ce qui affaiblit le coût que le salarié doit personnellement supporter... et creuse plus profondément l'écart avec le retraité. Il est anormal que les cotisations des retraités aux complémentaires, bien plus élevées que celles des personnes dites « actives », ne soient pas déductibles de leurs revenus imposables. Il faut mettre fin à cette injustice.

Une taxe foncière élevée, qui grimpe déraisonnablement et épargne peu de retraités

L'impôt sur le revenu (IR) polarise toutes les attentions. Les gouvernants s'ingénient à le tripoter, à le « réformer », et les oppositions à contester, à critiquer et attendre leur tour afin d'apporter leur concours à la déstabilisation endémique de notre fiscalité. Les projecteurs sont aussi braqués sur l'ISF, impôt sur le patrimoine très médiatisé. La taxe foncière, elle, est presque ignorée. Pourtant, sa composante principale, la taxe foncière sur les propriétés bâties, se monte à plus de 30 milliards € en 2011, soit environ 60 % du montant de l'IR et 6 fois plus que celui de l'ISF. Elle croît à une allure folle: + 70 % entre 2000 et 2011. Dans le même temps, la part supportée par les ménages est passée de 10 Md € à 16,6 Md €. Rien à voir, donc, avec l'inflation et avec la modeste progression des revenus. L'impact négatif sur le pouvoir d'achat réel des 16 millions de ménages propriétaires en 2011 dépasse un peu les 1.000 € par ménage en moyenne. Et les retraités se trouvent en première ligne.

Le taux moyen d'imposition aux taxes foncières dépasse 35 % des valeurs locatives des propriétés bâties, et il est question « d'actualiser » ces dernières. De les majorer, donc. Sur le site lesechos.fr/entreprises-secteurs, le 11/10/2012, un article intitulé La taxe foncière a flambé depuis 5 ans cite un dirigeant de l'UNPI (Union nationale des propriétaires immobiliers) disant notamment: « L'impôt foncier pèse de plus en plus lourd sur le budget des ménages propriétaires, allant jusqu'à représenter parfois l'équivalant de trois mois de loyer, de salaire ou de retraite ». Les retraités et les autres contribuables peuvent-ils espérer que les Hautes Autorités Publiques nationales et locales se préoccupent de la question ?

NB. - Pour les plus curieux : Qui sont les retraités, combien sont-ils réellement ?

D'après la DREES, 15,375 millions de pensionnés résident en France au 31/12/2010, contre 15,043 M au 31/12/2009 (chiffres établis à l'aide de données remontant des Caisses).

Dans INSEE Première (n° 1412, septembre 2012), le tableau 3 intitulé Niveau de vie et pauvreté selon le statut d'activité, en France métropolitaine, indique que les retraités représentent 21,9 % de la population en 2010. Celle-ci étant alors de 62,800 millions de personnes, il y aurait 13,750 millions de retraités en 2010. L'année précédente, le même tableau 3 indiquait un nombre de retraités de 13 163 millions en 2009. Curieux !

Une petite partie des écarts entre les deux institutions provient sans doute des retraités d'Outremer (1,85 millions d'Ultramarins en 2010). En outre, la DREES donne des effectifs de pensionnés enregistrés en fin d'année, supérieurs aux effectifs moyens de la même année, normalement retenus par l'INSEE.

Mais, à côté de cela, la définition du « retraité » n'est, visiblement, pas la même. L'INSEE, peut avoir retenu une définition « restrictive »: pour être « retraité », il faut avoir travaillé et bénéficier d'une pension de droit direct (ce qui exclut les bénéficiaires de seules réversions: 1,090 M à fin 2010) et, éventuellement ne plus travailler (ce qui pourrait exclure des pensionnés continuant à travailler).

Ce sont des hypothèses, car je n'ai pas trouvé de définition du retraité sur le site de l'INSEE... ni sur ceux de l'INED, du COR (Conseil d'Orientation des Retraites), d'EUROSTAT, de l'OFCE, de l'OCDE, du BIT, de l'ONU... Concernant leur nombre en France, je n'ai vu (parfois) que des renvois aux données de la DREES. Un effort collectif me semble donc à faire par les statisticiens, afin de définir sans ambiguïté qui sont les « retraités », pensionnés ou non. À défaut, on risque de continuer à ne pas savoir précisément de qui et de quoi on parle.
 
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07.12.2012

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