LA HONGRIE EN QUÊTE D’ELLE-MÊME

 


par Luc BEYER de RYKE

Il y a quelques heures j’étais encore à Budapest. Devant le Parlement, réplique parfaite de Wesminster sur les bords du Danube, plus de vingt mille personnes manifestaient « contre le racisme ».

Ce vaste rassemblement faisait suite à l’intervention d’un parlementaire du Jobik dont l’extrémisme pourrait faire croire qu’en France le Front National se situerait au centre droit…

Ce député hongrois avait demandé que les Juifs au Gouvernement, au Parlement et dans toutes les Institutions, soient « recensés ».

Ce qui nous ramènerait à l’immédiat avant-guerre ou les « Croix fléchées » de Ferenc Szalasi, mouvement fasciste et antisémite répandait la violence.

Le Gouvernement dirigé par Viktor Orban est lui-même accusé de vouloir réhabiliter le régime de l’amiral Horthy qui arrivé au pouvoir en 1920 dirigea la Hongrie jusqu’en 1944 et fit d’elle une des puissances de l’Axe.

Sans avoir été un antisémite convaincu l’amiral avalisa les lois antisémites même s’il accueilli six cents mille Juifs venus de Pologne. Orban laissa ériger ici et là des statues de Horthy. Il organisa avec fastes le retour des cendres de l’écrivain Josef Nyiro mort en Espagne, grand admirateur des « Croix fléchées ». Nyiro vient d’être réinscrit au programme scolaire. Autant d’ambiguïtés

qui font accuser Orban de vouloir mettre ses pas dans ceux de l’amiral Horthy, lui qui se définit comme un « plébéien de droite ». Forte personnalité, vice-président du Parti Populaire Européen, avec habilité Orban associa le Fidesz, son parti, à la manifestation contre le racisme.

Laquelle devint ainsi un rassemblement d’unité nationale rejetant l’extrémisme du Jobik. La partie était gagnée.

Un autocrate intelligent

Qui est Viktor Orban devenu la bête noire de l’Union Européenne même si à Strasbourg il à reçu l’appui de la majorité des droites lorsqu’il est venu s’expliquer ? Davantage qu’un idéologue c’est un homme de pouvoir. Jeune encore, puisque né en 1964, il se situe au centre droit mais son autoritarisme conduit ses adversaires à l’accuser de briser « l’échine de la démocratie hongroise ». Il est vrai que tout un train de mesures législatives érode sérieusement les libertés. Orban qui dispose d’une majorité des deux tiers a modifié le Conseil constitutionnel désormais à sa dévotion. S’il devait être battu lors de prochaines élections une autre majorité aurait le conseil contre lui. Le Conseil de la justice est présidé par la marraine de ses enfants. Le Conseil des médias qui lui est acquis a pour mission de sanctionner « tout contenu contraire à l’intérêt public ». L’arbitraire est flagrant !

Sur le plan économique et social dans ce pays avec près de 11 % de chômeurs la TVA au taux de 27 % est la plus élevée d’Europe. Le revenu moyen de la population calculé en förint, la monnaie nationale, s’élève entre 500 et 800 euros. Le Gouvernement vient de décréter un taux unique d’imposition établi à 16 %. Le budget est en déficit et la consommation continue à chuter. L’inflation est à 6 %, la récession à 1,5 %. Mais le Gouvernement se targue de respecter les critères de Maëstricht avec 2,7 %. Les licenciements désormais ne doivent pas être motivés dans les services publics .

Viktor Orban contrôle tout. Il choisit les députés qui lui font allégeance. Comme me le disait avec humour un observateur de la vie politique hongroise, « s’il décidait demain que les cafés devaient être peints en rose ce serait chose faite après-demain ».

Le poids de l’Histoire

La Hongrie est dirigée par un pragmatique autoritaire. Mais son pragmatisme malgré tout n’est pas exempt d’idéologie. Pour la comprendre il faut se référer au traité de Trianon en 1920 qui amputa la Hongrie des deux tiers de son territoire et de dix millions de ses habitants. Même s’il faut souligner que sur ce nombre seuls deux millions huit cent mille étaient Hongrois.

La « Grande Hongrie » était composée de Serbes, de Ruthènes et de Roumains.

Comme les nationalistes, des plus modérés aux plus extrémistes, Orban se tourne vers un passé tour à tour glorieux et mutilant. Il remet en honneur la tradition « asiatique » de la Hongrie. Celle d’Arpad venu des confins de l’Oural à travers la puzta et l’immensité des plaines à la tête des sept tribus. La naissance d’une nation.

Arpad dont la statue équestre figure à la place des Héros à Budapest. La référence plaît. Elle flatte la fierté nationale. Lorsque Orban s’en prend aux multinationales et aux banques chacun en l’écoutant se prend pour un petit Arpad. Ce nationalisme qui a gommé le terme de République pour ne conserver que celui de Hongrie va de pair avec une forme « d’ordre moral ». La Constitution fait référence à Dieu et sacralise l’embryon qui a droit à la vie. Ce qui rencontre les exigences des Églises catholique et reformée. Tout ce corpus idéologique traditionaliste et moral s’est vu illustré par une manifestation récente au devant une vaste foule Viktor Orban a résumé et coulé en formules l’essence de sa politique. : « Nous sommes une nation de combattants de la liberté. Nous avons résisté aux Habsbourg. Nous avons résisté aux Soviétiques. Nous résisterons à Bruxelles » ! Il a été acclamé.

Imre Kertész le grand écrivain hongrois, prix Nobel en 2002, comparait Viktor Orban au joueur de flûte d’Hamelin. « La Hongrie est envoûtée par lui ». L’envoûtement s’estompe mais les alternatives se dessinent mal. Imre Kertész concluait sur une pirouette en citant le mot du peintre Marcel Duchamp en l’appliquant à son pays : « Il n’y a pas de solution parce qu’il n’y a pas de problème ».
 
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07.12.2012

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