Par
pierre CHASTANIER
Chacun
salue aujourd'hui y compris dans les milieux les plus religieux la loi de
séparation des Églises et de l’État votée le 9 décembre 1905 à l’initiative
d’Aristide Briand. Remplaçant le régime du concordat de 1801 (sauf en
Alsace-Moselle où l’on oublie souvent de dire que c’est en réponse à une
exigence des Alsaciens eux-mêmes, qui faisaient, en 1919, du maintien de ce
régime concordataire une des conditions de leur retour à la France), elle allait
mettre fin à trente années d’opposition farouche, depuis la proclamation de la
Troisième République, entre les milieux catholiques désirant restaurer la
monarchie et les républicains anticléricaux, de Jules Ferry au Petit Père Combes
(ancien séminariste comme chacun sait) ! Inventant la
laïcité à la française, substantif mis au goût du jour par Ferdinand Buisson,
président de l’Association Nationale des Libres Penseurs, elle proclama la
liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes.
Régulièrement
toilettée, elle évolua en réponse aux questions religieuses et sociétales qui se
posèrent et qui se posent encore à la société française (enseignement religieux
dans les écoles publiques, port de signes religieux ostensibles à l'école,
contrôle du financement des cultes (en particulier du culte musulman),
formation des prêtres, pasteurs ou imams, etc.
Mais,
aujourd’hui, le problème le plus préoccupant auquel nous sommes confrontés est
lié à la progression rapide dans nos cités des populations musulmanes issues de
l’immigration. Chacun fera ici la différence entre l’Islam, religion monothéiste
ayant droit de Cité au même titre que le Christianisme ou le Judaïsme, ou que
tout autre religion ou philosophie non sectaire et les dérives salafistes djihadistes qui sont le
terreau du terrorisme international de fondamentalistes musulmans arabes ou
convertis, soutenus financièrement par des wahhabites apprentis sorciers
d’Arabie Saoudite ou du Golfe persique.
Certes,
la situation de plus en plus difficile qui prévaut dans les banlieues est en
grande partie due à l’incapacité qui fût la nôtre d’offrir aux populations
immigrées attirées après-guerre pendant les trente glorieuses, une assimilation
digne de la France et de ses traditions humanistes et universalistes mais il
n’est plus temps aujourd'hui de se lamenter sur les erreurs du passé, il faut
réagir tous ensemble, hommes de foi, que ce soit la foi en Dieu ou la foi en
l’Humanité, avec intelligence et imagination, pour qu'à côté de cette loi
de séparation, si utile fût-elle, soit imaginée une loi d’association permettant
de bâtir un nouvel art du « vivre ensemble » .
On
est frappé aujourd’hui, même dans des milieux humanistes où on ne les attendrait
guère, par la prolifération de messages globalisants antimusulmans, pratiquant
un écœurant amalgame entre ceux qui veulent vivre en paix dans le pays d’accueil
devenu celui de leurs enfants et ces fous religieux, souvent esprits simples,
manipulés par de dangereux fondamentalistes.
L’INSEE
en publiant récemment les chiffres de l’immigration « qui représentent, immigrés
et descendants, une population de plus de douze millions d'habitants qu'on ne
peut pas considérer comme « assimilés» au sens républicain et de longue
tradition du terme, mais en voie d'intégration, ce qui n'est pas la même chose
du point de vue de la capacité de la République à maintenir le tissu social »
permet de bien mesurer l’ampleur du problème.
De
tout temps, la France, terre d’asile a su intégrer les étrangers. L’absence de
différences ethniques ou religieuses rendait relativement facile l’assimilation
des Polonais, Italiens, Espagnols ou Portugais, catholiques venus en France
chercher du travail et qui en trouvaient. De même, on a pu intégrer, plus
difficilement, les premiers Magrébins restés après la Seconde Guerre mondiale
qui ont participé à la reconstruction de la France (malgré des conditions
d’accueil en bidons-ville bien dégradantes). Mais l’arrivée massive de
populations immigrées souvent clandestines en provenance d’Afrique
subsaharienne, du Maghreb, d’Asie et même de certains pays d’Europe trop vite
associés à l’Union ALORS QU’IL N’Y A PLUS DE TRAVAIL nous place devant une
impasse.
On
mesure mal à quel point la mondialisation et la désindustrialisation massive qui
en est la conséquence, nous ont plongés dans une dérive mortelle dont on peut se
demander si on en sortira un jour. Le chômage endémique, trois millions de
chômeurs inscrit à Pôle emploi, autant en chômage partiel, sans même parler de
ceux qui ne sont plus dans les statistiques, à la grande joie des politiques,
parce qu’ils ont définitivement désespéré de trouver un travail, nous plombe
d’une manière telle que sans un ultime sursaut il n’y aura plus d’issue. Il est
certes facile de crier sur des estrades qu’il faut repousser les étrangers à la
mer, sortir de l’Europe et de l’Euro, ne plus soigner les immigrés, retirer la
nationalité française à ceux qui par les vertus du jus soli l’ont
automatiquement acquise. Ce discours du Front National s’il était suivi ferait
que la France ne serait plus la France !
Mais
croire que sans une prise de conscience aiguë de la gravité extrême de la
situation, sans maîtrise de l’immigration clandestine ne serait-ce que le temps
nécessaire pour assimiler ces douze millions de nouveaux Français, sans imposer,
si possible au sein de l’Europe et sinon aux frontières de l’hexagone, un
équilibre des échanges commerciaux avec les nouveaux pays exportateurs qui, par
un dumping économique, social, fiscal et environnemental, grâce à la complicité
de gouvernements stupides et à l’avidité insatiable de l’ultra-capitalisme, font
une concurrence déloyale à nos entreprises, sans créer à tout prix du travail
dans nos banlieues mais aussi dans nos ex-départements industrialisés du Nord à
la Lorraine, on ne verra jamais le bout du tunnel.
Les
questions soulevées par des médias aux ordres, cherchant à nous détourner de la
gravité de la situation, qu'on nous parle de la baisse rapide d’opinions
favorables du Président ou du Premier ministre, de la succession à la tête de
l’UMP, de l’exil fiscal d’un multimilliardaire, des aventures juridico-sexuelles
d’un ancien directeur du FMI ou des agitations aériennes d’un ministre du
Redressement Productif… ça suffit !
Quand
allons-nous réagir ?
Une
récente émission de la chaîne Arte, une des rares chaînes publiques encore
regardables, nous montrait l’organisation des trafics dans nos banlieues,
drogues apportées des Pays-Bas par les Go-fast, trafic
d’armes importées de l’ex-Yougoslavie, réseaux de distribution bien organisés
avec leurs « schouf » de douze ans payés 100 €
par jour, leurs gros dealers gagnant 150.000 € par semaine, leurs marchands
d’armes plafonnant plus modestement à 200.000 € par mois : comment voulez-vous
que ces délinquants retournent à l’usine… surtout quand il n’y a plus d’usine
!
Dans
ce qui est un désert d’intégration pour ceux qui, pour des intérêts
géopolitiques qui les dépassent, dont ils sont d’ailleurs plus les jouets que
les promoteurs, ivres d’une religion mal assimilée qui les poussent au djihâd,
voire au suicide, comment ne pas comprendre que des femmes endoctrinées ou
contraintes refusent l’égalité des droits et l’intégration républicaine en
arborant des « burqas » que nos bonnes
religieuses n’auraient jamais osé porter, que des fous d’Allah tuent pour une
caricature du Prophète, que des enfants soient assassinées lorsqu'elles se
rebellent contre ces forces barbares (viols, mariages forcés, excisions)
?
Il
nous faut retrouver nos esprits et redonner du sens à notre vie commune, hommes
et femmes de toutes origines qui partagent ce beau territoire qu'est la France.
Notre modèle de stricte assimilation n’est sans doute plus envisageable compte
tenu de la rapidité des migrations humaines. À nous de rendre à
l’intégration, si l’on veut lutter contre des communautarismes qui partout
mèneront tôt ou tard à l’affrontement, ce contenu minimum de partage des valeurs
républicaines qui font la loi du territoire.
Nul
n’est forcé de choisir la France, ni ses Français de souche (les sous-chiens
comme les appelait si élégamment la présidente du Mouvement des Indigènes de la
République !) qui s’ils le veulent peuvent d’expatrier, ni ceux qui, parmi les
immigrés ou leurs descendants, ne voient en elle qu’une vache à lait (« je
suis Français, j’ai des droits » mais jamais « je suis Français j’ai
des devoirs »).
Que
ceux au contraire, « de souche ou de branches » , comme disait Ségolène Royal,
pour une fois bien inspirée, qui veulent s’inscrire dans sa longue histoire
humaniste et universaliste, que ceux qui veulent pleinement vivre sa belle
devise « Liberté-Égalité-Fraternité » sans en négliger aucun des termes se
reconnaissent au-delà des partis, prennent conscience de la gravité de l’heure,
retrouvent le désir du partage, du « vivre ensemble » , du pouvoir d’une volonté
agissante pour que, comme le craignait le Général, la France ne soit pas un jour
« une petite lumière qui s’éteint » .
N’attendons
plus des seuls politiques des réponses à nos problèmes.
À
l’heure d’internet, débattons, dialoguons, réunissons-nous, non pour seulement
nous indigner mais pour rebâtir, soyons à la suite des pères fondateurs ce sel
de la construction européenne, redonnons espoir à nos jeunes, faisons respecter
partout la loi de la République, maîtrisons nos frontières et nos emplois,
échangeons avec les autres dans la stricte équité, préparons, dès l’école, la
civilisation du futur pour qu’à l’inverse des films de science-fiction notre
société n’oppose pas demain des mondes inconciliables mais permette dans l’Union
des cœurs et des esprits, dans le respect des croyances de chacun, de faire de
cette laïcité à la Française un nouvel art du « Vivre ensemble
». ¾