TENIR
par
François LARDEAU
Qui
suit à la télévision les « Questions au Gouvernement » ne peut que constater
l’exé-crable violence des échanges avec l’opposi-tion. Rares sont les sujets traités pour eux-mêmes,
avec sérieux et compétence. Et si l’on échappe aux vociférations, c’est
l’hypocrisie qui domine et la volonté d’humilier. Le parti au pouvoir n’a de
cesse de renvoyer l’oppo-sition à son passé aux
affaires, dénoncé comme la juste cause de sa défaite, comme si la campagne
présidentielle avait été un modèle de critique objective d’un bilan et celui
d’un débat d’idées. Tout a été dit du jeu pervers des médias, la télévision
d’État en tête, et de leur incroyable prétention à faire le « président »,
notamment en dénigrant toute initiative du président en
exercice.
Monopole du
sérieux et de la compétence de la gauche ? Seule détentrice de la Vérité vraie ?
Allons donc ! Si l’avenir de notre pays n’était pas en cause, on pourrait rire
de cette prétention idéologique d’un autre temps, mais aujourd’hui, dans le
monde où nous sommes, c’est nier les réalités du temps, ce n’est pas sérieux et
ne prouve a fortiori aucune compétence spécifique. De plus, au-delà des
difficultés quotidiennes et permanentes, pour ne pas dire structurelles, qu’ils
rencontrent, les gens recherchent moins des satisfactions de caractère
politicien qu’ils n’aspirent à des conditions de vie plus humaines et porteuses
d’un avenir moins incertain. L’ignorance
affichée de
contraintes financières et écono- nomiques de l’entreprise et la haine viscérale de celle-ci
conduisent en fait à des aveu-glements fiscaux
destructeurs de l’économie nationale, qui poussent les chefs d’entreprise à
délocaliser moyens de production et sièges sociaux. Tant pis pour l’emploi !
D’une manière générale, s’en prendre constamment avec un manque évident
d’objectivité aux réalisations du quinquennat précédent et les détricoter une à
une dans la précipitation ne suffiront pas à faire le changement promis. De
fait, reprendre à son compte pour le faire ratifier, sans même en changer un
mot, une virgule, le traité européen de discipline budgétaire signé par le
précédent président de la République, n’est pas faire preuve de cohérence quand
on se rappelle qu’il n’y avait pas de mots assez durs, étant dans l’opposition,
pour le condamner. Bien entendu, hypocrisie de mise entre autres contorsions, il
ne s’agira que de respecter la parole de la France…
Jamais
vraiment consultés et donc peu au fait des politiques menées, réputées
transparentes mais en réalité de plus en plus opaques, les citoyens ordinaires
n’y voient goutte et s’en désintéressent, d’où, sans oublier les extrêmes qui se
manifestent vigoureusement, un nombre croissant des abstentions lors des
dernières élections et un vide politique qui se creuse dangereusement. N’y est
pas pour rien et la prise de conscience par le bon peuple des manipulations dont
il est l’objet, quand bien même il n’a pas les moyens de contester la régularité
de ceux employés de part et d’autre pour obtenir ses voix.
De fait, on
n’a pas lésiné sur ces moyens : on lui a évidemment beaucoup parlé de démocratie
et de valeurs de la République à défendre, mais ça, c’était pour les naïfs. Pour
les autres, les initiés, les professionnels du pouvoir, les profiteurs de
prébendes, il s’agissait, par voies et moyens « appro-priés », pour les uns d’arracher le pouvoir à ceux qui
le détenaient jusqu’alors, et pour ces derniers de tout faire pour le conserver.
Ils se sont battus comme des chiffonniers, tous les coups étant permis, et les
plus tordus en premier. Ce n’est pas ainsi que celui qui venait de triompher
pouvait se donner l’autorité morale indispensable pour gouver-ner. On le voit tous les jours et, contrairement à ce
qu’il prétendait, est nulle sa capacité à rassembler au-delà de son électorat de
fonctionnaires dont il est en réalité l’otage. On pourrait presque parler à cet
égard d’une forme de poujadisme...
En fait, à
l’examen, il se révèle de la même eau que son prédécesseur : il est « norma-lement » amoral comme tout homme à la conquête du
pouvoir, puis à son exercice, lequel commence par la distribution de postes et
prébendes à ses commensaux de l’ENA.
Pour en
arriver là, avec l’aide de ces derniers vassalisés, il a mis la main sur l’un
des deux gangs à prétention de parti de gouvernement, le parti socialiste :
longue bataille qui a fait beaucoup de cocus, peut-être plus méritants
!
De tout cela
que ressort-il ? Un, que notre pays est bien malade, que l’on n’a pas encore
trouvé ni même recherché avec conviction le remède à ses maux, à ce qu’il faut
bien appeler ses infirmités, et qu’on en est loin, à voir ce qu’on voit, à
entendre ce qu’on entend et à lire ce qu’on lit … Deux, que les gens qui nous
gouvernent, trop « normaux » sans doute, sont de si piètre envergure que les
mots de démocratie et de république qu’ils invoquent sans cesse n’ont plus de
sens et de contenu dans leurs bouches !
Alors ? De
quoi s’agit-il ? Rien de moins que du destin du peuple français : souveraineté
ou esclavage ! Sacré défi ! En attendant que quelques hommes et femmes de talent
le relèvent, il faudra tenir. Tenir, parce que, comme l’avait dit Charles le
Grand, craignant après lui le retour néfaste au régime des partis, c’est de ce
qui aura tenu que pourra tout repartir. En fait, on voit que tout le malheur
actuel a pour origine les libertés prises avec la Constitution de 1958 qui
n’était certes pas faite pour devenir l’auberge espagnole qu’elle est devenue,
chaque nouvelle majorité se permettant de la modifier à sa guise par des rajouts
qui forcément l’ont dénaturée. Au jour d’aujourd’hui, nous ne sommes plus dans
la Ve République, sa Constitution ayant été notamment trahie par la substitution
du quinquennat au septennat qui a entraîné le retour au rôle prédominant des
partis. Nous sommes en fait déjà dans une VI e République plus ou moins
totalitaire qui se cache hypocritement derrière une Ve République bis de fait …
Viendra bien le jour où nous leur « foutrons la pelle au cul », comme on disait
si bien au temps des Lumières !