LA CHINAFRIQUE

par Luc BEYER de RYKE

Il est des images, des lieux, des scènes qui sont des symboles. Le cap de Bonne Espérance, lieu de rencontre des océans, a valeur de mythe. J’y fus le mois dernier point d’orgue d’un long voyage au Zimbabwe et en Afrique du Sud. Lorsque j’arrivai sur les pierrailles et les rochers battus par les flots effrangés d’écumes, derrière la barrière de bois ou s’inscrivent les mots « Cape of Good Hope » se trouvaient alignés, posant fièrement pour leurs amis, caméras au poing, une longue théorie de chinois.

Je me suis souvenu alors que le cap de Bonne Espérance porte un autre nom, redouté celui-là, de cap des Tempêtes. La présence de ces sourires bridés et affables me fit songer à la littérature d’un auteur, aujourd’hui bien oublié, le capitaine Danrit qui, avant la Grande Guerre, écrivait des romans d’anti- cipation dont un s’intitulait « Le péril jaune » ». Sous une forme certes bien différente que l’imaginait l’auteur, ce péril a pris corps.

La Chine s’est « éveillé » comme le prévoyait plus sérieusement Alain Peyrefitte. Elle vient de mettre en service son premier porte-avions, le Liaoning, du nom de cette province située aux confins stratégiques de la mer Jaune et de la Corée du Nord, au coeur de l’an-cienne Mandchourie envahie par les Japonais en 1931… Devrait-on en déduire que la Chine représente désormais un danger militaire ? Certainement pas. Par contre sur le plan économique elle est en passe de devenir « l’universelle arai- gne » étendant ses tentacules, en particulier sur l’ensemble de l’Afrique.

Au Zimbabwe, au Sénégal, au Soudan, en Tanzanie, au Mozambique, en Angola, Pour ne citer que quelques pays, la Chine est présente. Au Zimbabwe le diamant est devenu chinois, en Angola l’aéroport de Luanda a été construit par la Chine. Sa construction n’a rien coûté, pas même un euro symbolique. La Chine a, en contrepartie, obtenu la possession d’un sous-sol qu’elle peut exploiter à sa guise.

Comme le Congo-Kinshasa. Partout les minerais, les métaux rares, l’or, le platine, les diamants, enrichissent la Chine. Le marché de dupe à long terme satisfait à court terme les États africains. Il se traduit par le sol aux Chinois contre l’infrastructure pro deo aux États. Des routes, des aéroports, des loge- ments contre les immenses richesses souterraines.

Une Chine tentaculaire

L’invasion chinoise est plus diversifiée et complexe qu’on l’imagine. La « Chinafrique » ne se résume pas à une mainmise du Gouvernement chi- nois. Il y a certes des organismes tel l’Eximbank destiné à soutenir finan- cièrement les politiques de dévelop- pement, que ce soit en Chine ou à l’étranger, voulues et organisées par le pouvoir central. Mais à côté de cela les acteurs de l’expansion chinoise sont les repré- sentants des grandes entreprises publi- ques. Souvent des cadres, jeunes, dyna- miques, ambitieux. Pour faire fortune ils acceptent de s’expatrier dans des pays pauvres, incertains.

Les investisseurs ne viennent pas tous, loin s’en faut, de Chine Continentale. Il y a aussi les patrons de grandes firmes privées venant de Hong-Kong ou de Macao. Officiellement la Chine est toujours un état communiste. Il y a longtemps que du communisme elle n’a conservé que le caractère totalitaire du pouvoir politique. Economiquement c’est l’exemple même du capitalisme d’État. Lequel est devenu un acteur majeur de l’économie mondiale. Et cela à pas de géants. Nos grands-parents allaient applaudir Le pays du sourire, l’opérette de Franz Lehar. Si ce n’était pas d’hier ce l’était d’avant-hier.

Et nous-mêmes qui découvrions la Chine dessinée par Hergé dans Le Lotus Bleu.…

À le rappeler il y a un côté à la fois attendrissant et dérisoire.

La Chine éveillée ne vient pas frapper à la porte.

Elle l’enfonce.

Notre porte !

 




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09.10.2012
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