Durant
les
élections présidentielles, l’électeur courant est tenu d’absorber des
ribambelles d’informations sommaires ou détaillées et chiffrées sur des
fragments des « programmes » des candidats. Il est submergé sous les flots des
critiques échangées entre les adversaires et des propositions qui ne brillent
pas par leur clarté et leur stabilité. Les détails affluent, à la recherche du «
concret » que tous réclament, sans pour autant apporter toutes les précisions
attendues et lever les ambiguïtés.
Comment
le quidam pourrait-il faire la synthèse des propositions des candidats
susceptibles de l’intéresser si ceux-ci et les super médias ne sont pas capables
de le faire eux-mêmes ? En outre, des intentions, des promesses, des décisions
annoncées restent floues, équivoques ou indéfinies parce qu’elles sont
difficiles à expliquer ou que les candidats concernés n’ont pas forcément les
moyens ou la volonté d’être très précis. Parmi les sujets sur lesquels les
candidats et leurs partis s’expriment abondamment figurent les « réformes » de
la fiscalité. La quinzaine de propositions de modifications fiscales du candidat
FH concernant directement les ménages en est l’exemple le plus frappant.
Nous
en ferons le tour ici, non sans évoquer, au passage, des intentions de ses
concurrents. Le but principal du PS est ostensiblement la majoration des
contributions, des impôts sur les revenus et les patrimoines des « plus riches
», par des mesures spectaculaires, médiatiques, comme l’imposition à 75 % des
revenus au-dessus de1million d’euros. Le contexte est propice à une telle
démarche, dont les résultats en termes de recettes fiscales sont inconnus ou
paraissent minces. La crise fait des ravages et pèse sur les ressources des plus
modestes, d’un côté, tandis qu’à l’autre extrémité, des « patrons du CAC 40 » et
d’autres personnes très fortunées perçoivent des rémunérations (salaires,
stock-options,
retraites
chapeaux…) disproportionnées, amorales, révoltantes.
Cependant,
des mesures fiscales préconisées (suppressions de niches fiscales, plafonnement
des abattements, imposition des revenus du capital, etc.) pénaliseront aussi des
contribuables des classes moyennes. Il en est ainsi de l’imposition des revenus
de l’assurance vie, dont la teneur reste à confirmer, sans double langage. Des
reculs ont, en outre, été observés, au moins sur trois points majeurs. Le
candidat FH a renoncé à supprimer le quotient familial, pour le moment. La
fusion de l’impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée
(CSG) a été reportée… « à terme ». À la suite des annonces fracassantes d’hyper
taxations des revenus et des patrimoines, qui ont pu être considérées comme
excessives, confiscatoires, FH a déclaré vouloir introduire un plafonnement à 85
% des impôts sur les revenus. Un « bouclier fiscal » pour les plus riches, a-ton
entendu.
RÉFORMES
FISCALES SOCIALISTES : LA CHASSE AU GROS GIBIER EST
OUVERTE
1
- Création
d’une tranche supplémentaire de l’impôt progressif sur le revenu (IR) au taux de
45 %
Le
taux d’imposition maximal actuel est de 41 % sur les revenus excédant 70.830 €
par part fiscale. La nouvelle tranche à 45 % s’appliquera aux revenus supérieurs
à150.000 € annuels par part. Ce seuil de 150.000 € sera réservé aux célibataires
ou aux personnes seules. Pour les couples (deux parts), le seuil fatidique sera
de 300.000 €, pour un couple avec deux enfants, il sera de 450 000 € ; avec
quatre enfants (trois parts), il sera de 600.000 €, etc.
Pour
apprécier les effets d’une telle décision, prenons un exemple situé dans la zone
visée, celui de trois ménages dont le revenu total est identique et se monte à
420.000 €.
-
Le premier est une personne seule. Son impôt (IR) sera majoré de + 4 % sur 270
000 €, (420.000 € – 150.000 €), soit + 10.800 €. Son IR sera ainsi porté de
158.842 € à169.642 €, ce qui représentera 40,4 % de la totalité de son
revenu.
-
Le second est un couple sans enfants (deux parts). La majoration de son IR sera
de + 4 % sur 60.000 € (210.000 €- 150.000 €®) x 2, soit + 4.800 €. Son IR
passera de145.488 € à 150.258 €, soit à 35,8 % de son revenu
total.
-
Le troisième, un couple avec deux enfants (trois parts fiscales) ne sera pas «
impacté » car le revenu par part, 140.000 €, est inférieur au seuil fatidique de
150.000 €. Son IR restera de 132.127 €, soit 31,5 % de son revenu. À la ponction
effectuée par l’IR s’ajoutent celles de la CSG et de la CRDS qui, suivant la
composition des revenus, peuvent varier de 12 à 13,5 %.
Ainsi,
notre célibataire devra subir des prélèvements supérieurs à 50 % de son revenu.
Un couple se trouvera à proximité de ce « seuil symbolique » de 50 %. À ces
impôts se cumuleront l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et, ne les
oublions pas, les taxes foncières et les taxes
d’habitation.
N’oublions
pas, non plus, les prélèvements sur les revenus opérés en amont par les
cotisations sociales salariales.
2
– Imposition
à 75 % des revenus supérieurs à
1
million d’euros
Les
revenus totaux seront pris en compte pour taxer les contribuables à 75 %,
au-dessus d’un seuil fixé à1.000.000 €, quelle que soit la composition du foyer
fiscal. Pour la taxation à 45 %, ce sont les niveaux des revenus par parts
fiscales qui seront déterminants. Pourquoi une telle hétérogénéité, déstructurante pour l’IR ? Suivant les règles actuelles, un
ménage constitué d’un couple avec deux enfants gagnant 1 million € doit
acquitter un IR égal à 369.927 €, soit [3 x (333.333 x 0,41– 13 357,63) €]. Avec
la tranche des 45 % de FH, cet impôt sera majoré de + 40 000 € et atteindra 409
927 € (41 % du revenu).
Un
autre ménage ayant deux enfants dont le revenu est de1.500.000 €, par exemple,
se verra appliquer, lui, les 75 % sur une tranche de 500.000 € ; il devra alors
payer un IR de784.927 €, soit plus de la moitié (52,3 %) de son revenu. L’effet
du seuil de 1 million € pour être imposé à75 % est considérable, «
disproportionné » disent des spécialistes ; une telle « discontinuité » dans le
barème créera l’injustice. Si l’on tient à instaurer la taxation à75 %, il
faudra donc presque inévitablement réintroduire plus de progressivité en créant,
par exemple, des tranches d’imposition marginale à 50 %, à 55 %, à 60 %, à 65 %,
à70 % sur les revenus (totaux ou par part fiscale ?) compris entre 150.000 € et
1.000.000 €. Les « très riches » ne seront alors pas les seuls « impactés
».
Confiscatoire
? La question peut d’autant plus être posée qu’à cet impôt sur le revenu (IR)
s’ajoutent la CSG et la CRDS, ainsi que le prélèvement social et le prélèvement
RSA. Ensemble, ils représentent 12,3 % des revenus totaux. Les dividendes
d’actions, eux, sont imposés à 13,5 %. En conséquence, l’annonce d’une taxation
à 75 % de la partie des revenus dépassant 1 million € cache une
imposition à plus de 87 % de
ces revenus. Dans notre dernier exemple, le taux d’imposition réel recalculé se
monte à plus de 63 % du revenu total du ménage. En outre, si son patrimoine
taxable à l’ISF est de 4 millions €, par exemple, ce dernier impôt lui coûtera
au moins (suivant les annonces de FH) 1,8 % de son patrimoine. Nous serons alors
à plus de 70 % du revenu total… sans compter les impôts
locaux.
La
chasse aux riches a d’autres fervents adeptes. Jean-Luc Mélenchon veut imposer à
100 % les revenus supérieurs à 360 000 € et Eva Joly veut taxer à 70 % les
revenus à partir de 500.000 €. Une manifestation de l’unité de la gauche
!
Combien
de contribuables seront touchés par la taxation à 87 % ? « le PS n’en est pas
certain », rapportait pudiquement actu.orange.fr le 29 février, en indiquant que
Jean-Marc Ayrault (président du groupe PS à l’Assemblée) avait parlé de moins de
3.000 personnes, que Pierre Moscovici (directeur de campagne de FH) penchait
plutôt pour 7.000 à 30.000 Français et que la mesure ne rapporterait que 200 à
300 millions € par an. Épatant !
3
- Augmentation
de l’ISF pour les gros patrimoines…
et
pour les classes moyennes
En
2010, 562.000 contribuables avaient acquitté l’ISF pour un montant total de 4,5
milliards € correspondant à une imposition moyenne de près de 8.000 € par foyer
contributeur (source : Wikipédia).
Les changements introduits en 2011 dans le bas du barème ont consisté à relever
le seuil du patrimoine imposable à l’ISF de800.000 € à 1.300.000 €, notamment en
raison de la hausse pharamineuse des prix des logements, et à baisser les taux
de taxation des différentes tranches, de 0,55 % à 0,25 % et de 0,75 % à 0,50 %
sur les deux tranches de patrimoine les plus basses. Compte tenu de la
conjoncture, cela a conduit en 2011, selon des estimations, à réduire le nombre
de contributeurs d’environ – 300.000 foyers (plus de la moitié de ceux de 2010),
tandis que le montant des recettes n’aurait baissé que de – 0,3 milliards € pour
atteindre 4,2 milliards €. Les prélèvements ISF se sont concentrés sur les plus
« grosses fortunes », leur montant moyen par contributeur s’élevant au-dessus de
16.000 €.
F.
Hollande a dit vouloir «
revenir sur les allègements institués en 2011, en relevant les taux d’imposition
des plus gros patrimoines ». Manque
de clarté sur le sujet pour J. Lefilliâtre(challenges.fr/elections), pour
lequel cela semble signifier le retour au barème précédent (six tranches
marginales de 0,55 à 1,80 %), tout en maintenant le seuil d’entrée à 1,3 million
d’euros. Pour d’autres, au contraire, il s’agit de l’annonce du retour au seuil
de 800.000 €. Dans ce cas, le nombre de contribuables payants s’accroîtra de
plus de 300.000 foyers, si l’on se fie aux estimations ci-dessus.
Quant
à l’apport de recettes fiscales de cet impôt sur les « petites fortunes » des
classes moyennes, des ménages urbains propriétaires de leur logement, il risque
d’être assez modeste. Juste ? Habile ? Avec le barème de 2010, les taux
marginaux de l’ISF les plus élevés allaient de 1 % pour un patrimoine taxable
de2,52 millions € à 1,80 % pour un patrimoine supérieur à 16,48 millions €, les
revenus de ces patrimoines étant déjà imposés, par ailleurs. De combien ces
seuils serontils abaissés et ces taux seront-ils
relevés par le candidat ? Sans précipiter la délocalisation des avoirs concernés
? Réponses après les élections.
Enfin,
plus personne n’ignore que la France est le seul pays de l’UE à maintenir un
ISF. Son extension et son durcissement ne vont pas dans le sens de
l’harmonisation fiscale chère aux européistes du PS. 4 - Majoration
de l’imposition des revenus du capital
FH a insisté sur son intention d’aligner l’imposition sur les revenus du capital
sur celle frappant le travail en les soumettant à l’impôt progressif sur les
revenus (IR). Cette mesure qui vise les classes aisées et riches touchera aussi
inévitablement les classes moyennes.
De
son côté, NS préfère le relèvement de 2 % de la CSG sur les revenus du capital,
la faisant passer de 13,5 % à15,5 %.
5
– Majoration
des droits de succession
Il
s’agit essentiellement, d’après les annonces faites, de baisser à la hauteur de
100.000 € l’abattement sur les droits de succession de chacun des enfants du
défunt. En2012, comme en 2011, il est de 159.325 €. Il n’est pas prévu de
revenir sur l’exonération complète des droits de succession en faveur des «
conjoints » (conjoints ou partenaires pacsés). Cette intention n’a soulevé ni
enthousiasme ni indignation. Il est vrai que l’assurance vie offre aussi des
possibilités d’allègement des droits de succession pour les
bénéficiaires.
6
– Menaces
sur la fiscalité de l’assurance vie (AV)
17 millions de ménages français ont souscrit des contrats d’assurance vie. Pas
seulement des « riches ». Pour les contrats souscrits depuis le 26 septembre
1997, lors du « retrait » par l’assuré, les intérêts acquis sont ajoutés à son
revenu et soumis à l’IR. Le souscripteur peut opter pour le « prélèvement
libératoire » forfaitaire, dont les taux sont de35 % pendant les quatre
premières années de possession, de 15 % entre quatre à huit ans de détention et
de 7,5 % audelà. Ces 7,5 % sont atténués par un
abattement de 9.200 € pour un couple et de 4.600 € pour une personne
seule.
Le
29 février 2012, «
toutsurmesfinances.com » a
relaté l’annonce par M. Sapin des suppressions du prélèvement libératoire et de
l’abattement après huit ans. Citant aussi M. Sapin, Le
Monde du
1er mars 2012 indiquait que «
l’assurance vie serait soumise au barème de l’IR ». À
partir d’un revenu de 11.900 €, l’impôt sur les revenus de l’AV passerait ainsi
de 7,5 % à 14 %, à30 %, à 41 %, à 45 % ou à 75 % suivant le niveau de revenu du
contribuable. Les inquiétudes et les réactions dans les milieux des finances et
de l’assurance ont été vives. D’autant plus que l’assurance- vie a vu les dépôts
décliner avec la crise.
Il
a été rappelé que l’AV assurait50 % du financement française. Attention, donc,
aux dégâts directs et collatéraux domestique de la dette publique de mesures
insuffisamment réfléchies et soupesées, ainsi qu’à leurs annonces qui peuvent
alarmer les épargnants aux aguets et les influencer de façon négative. Il semble
que FH ait voulu rectifier le tir en annonçant qu’à partir de huit ans de
détention la taxation à 7,5 % serait conservée et que, de plus, l’abattement de
4.600 € par personne serait maintenu. La soumission des revenus de l’AV à l’IR
progressif ne s’appliquerait aux futurs contrats que pendant les huit premières
années de détention. Qui croire, le candidat ou son conseiller fiscaliste ? Que
se passera-t-il si le candidat socialiste est élu ?
7
– Annulation
de 29 milliards de niches fiscales
Les
« niches » fiscales sont nombreuses et diverses, conjoncturelles ou plus
durables. En annuler pour29 milliards € (18 milliards pour les entreprises et11
milliards pour les ménages) a pour but d’augmenter d’autant les recettes
fiscales. Pour apprécier l’intérêt de ces suppressions, il conviendra de les
regarder une par une, car les niches ne sont pas toutes injustes, inutiles et
sans contreparties. Nous verrons, le moment venu, quelles seront les
réactions.
8
- Limitation
à 10.000 € par an de l’avantage fiscal tiré des niches
Cette
disposition, qui concerne spécialement les ménages, réduira les droits à
déductions fiscales accordées sur des dépenses de contribuables ou liées à la
nature ou aux niveaux des revenus dont ils bénéficient. Le plafonnement proposé
vise à limiter des « avantages fiscaux » de ceux censés en profiter le plus, les
ménages aux revenus considérés comme élevés. Mais des contribuables des classes
moyennes seront également touchés par le plafonnement.
9 - «
Plafonnement » des impôts directs nationaux à85 % des revenus d’un
contribuable
À
la mi-mars, FH a déclaré qu’il rétablirait le plafonnement à 85 % des revenus. À
l’UMP, les dirigeants n’ont pas manqué d’ironiser sur l’annonce de ce nouveau «
bouclier fiscal »… socialiste. Cette protection serait justifiée, selon le
candidat du PS, par l’augmentation de l’ISF qu’il projette (cf.
ci-dessus).
Elle ne serait pas liée à l’introduction de la « tranche » d’imposition à75 %. «
Il n’y aura pas de modulation, il n’y aura pas de plafonnement de l’impôt à 75 %
» a assuré FH. Si l’on prend la déclaration au pied de la lettre, l’impôt à 75 %
(87 % avec la CSG) s’appliquera intégralement sur les revenus supérieurs à 1
million €.
Mais
les contribuables concernés pourront voir leur ISF plafonné si pour eux le cumul
IR + CSG + ISF dépasse 85 % du montant total de leurs revenus. Il fallait y
penser… et le décider. Majorer l’IR et l’ISF des plus « riches » et limiter
l’impact de ces majorations, principalement pour les possesseurs des plus gros
patrimoines, peut paraître alambiqué et porteur de complications, de
contradictions, de contestations lorsqu’il s’agira de mettre en oeuvre ce bouclier.
10
– Poursuite
des exilés fiscaux en Belgique, au Luxembourg et en
Suisse
N.
Sarkozy veut instituer un « impôt lié à la nationalité » qui soumettrait tout «
exilé fiscal » à une contribution à la hauteur de la « différence » entre la
somme qu’il verse à l’étranger et ce qu’il aurait payé « sur les revenus de son
capital en France » ? Usine à gaz ou projet plus intelligent que la taxation à
75 %, comme on le prétend à l’UMP ?
Toujours
est-il que F. Hollande s’est emparé du sujet devenu brûlant. Il a déclaré
vouloir poursuivre ces exilés fiscaux dans trois pays voisins, la Belgique, la
Suisse et le Luxembourg. Dans un bref compte rendu de l’émission du 15 mars, Des
paroles et des actes, sur France
2, Le Figaro – Présidentielle, on
peut lire que d’après FH, dans la proposition de NS, la taxation s’appliquera «
uniquement » aux « revenus du capital », ainsi que ce reproche à son concurrent
: «
Il ne veut pas faire payer l’impôt sur la fortune aux expatriés en Suisse et en
Belgique ». Ceci
conduit à penser que FH entend taxer les revenus du capital des expatriés et
aussi le capital luimême avec
l’ISF.
Si
le futur président est l’un de nos deux protagonistes, il faudra donc renégocier
les conventions fiscales passées avec les pays visés (trois ou plus). Cela ne
sera pas une simple formalité et n’est pas « gagné » d’avance.
DES
RECULS SUR DES PROPOSITIONS CHÈRES AU PS INSUFFISAMMENT
MÛRIES
11
– «
Réforme » du quotient familial.
Un
des leitmotivs fiscaux à gauche est la volonté de supprimer le quotient familial
(QF), accusé d’avantager exagérément les familles aux revenus élevés ayant des
enfants par rapport aux familles aux revenus plus modestes, ainsi que de ne pas
profiter aux familles qui ne paient pas d’impôt sur le revenu, c’est-à-dire à un
ménage sur deux. Le QF serait remplacé par un crédit d’impôt, d’un montant égal
pour le même nombre d’enfants, pour tous les ménages, y compris ceux
actuellement exonérés de l’IR (par la même exonérés aussi de la taxe
d’habitation et bénéficiaires d’aides sociales). Il a été observé, à ce sujet,
que des ménages aux faibles revenus touchant ce crédit d’impôt deviendraient
imposables à l’IR et perdraient alors les avantages associés au statut de non
imposable. Un pavé de l’ours ?
De
toutes façons, la levée de boucliers a été telle face à un tel projet accusé de
porter profondément atteinte à la politique familiale nationale (par ailleurs
jugée très efficace en ce qui concerne la natalité, nouvel orgueil de la France
en Europe) que FH a dû reculer et renoncer, au moins temporairement, à cette «
réforme ». Qu’en sera-t-il s’il est élu… avec des majorités de gauche à
l’Assemblée nationale et au Sénat ?
12
– Fusion
à terme de l’impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée
(CSG) : pour quoi faire ?
Les
gens de gauche aiment la progressivité de l’IR, mais leurs candidats la trouvent
insuffisante, trop complaisante envers les riches. Ils veulent la durcir. La
CSG, réputée non progressive, présente l’avantage de toucher plus de
contribuables (tous, dit-on, à tort). Ah, si on pouvait associer dans un même
impôt ces deux « qualités », étendue et progressivité renforcée, ce serait le
bonheur ! Devant les réactions défavorables à ce « projet », qui est loin d’être
anodin, le candidat FH a préféré évoquer une « fusion à terme ». C’est dire
qu’il n’y renonce pas et désire s’ouvrir une porte, « pour le cas où »
l’opportunité d’imposer une telle réforme se présente plus
tard.
Paradoxalement,
dans la campagne, l’impôt sur le revenu tient la vedette, et la CSG, cette
inconnue, est presque ignorée. Pourtant, selon les données de l’INSEE, en 2010
la CSG a procuré 83 milliards € de recettes, auxquels s’ajoutent 6 milliards €
provenant de la CRDS. L’IR, lui, n’a permis d’engranger que 46,9 milliards €. La
moitié.
J’ai
présenté la situation et la problématique sur ces questions dans mon article du
début mai 2011 «
Fusion de l’IR et de la CSG : pour quoi faire ? ». J’y
ai rappelé ou indiqué, notamment, que :
-
La relative faiblesse du montant de l’IR et sa lente progression sont en grande
partie dues à ce que la moitié des contribuables ne paient pas cet impôt et, en
outre, que les primes pour l’emploi (PPE) versées par le Trésor à 8,2 millions
de foyers en 2009 amputent le montant de l’IR « net » collecté, de - 3,92
milliards €, soit de – 8,6 %. L’IR est également « mité » par des niches
fiscales. Des partis de gauche dénoncent le quotient familial. Il y a aussi les
crédits d’impôts ouverts par des dépenses ou des emprunts. De plus, certaines
catégories de revenus ne sont pas imposables, telles les prestations familiales,
les allocations logements, les intérêts des livrets
A, des
livrets jeunes, etc.
-
Par sa « progressivité », l’IR est « redistributif ».
Ainsi, en 2009, la contribution totale des foyers imposables dont les revenus
fiscaux annuels n’ont pas dépassé15 000 € a été négative
(-
2,6 milliards €). Pendant ce
temps,
les 2,4 millions de ménages des classes moyennes supérieures aux revenus allant
de 48.750 € à 97.500 € (6,6 % de tous les contribuables) ont payé 30 % du total
de l’IR, soit 5.656 € par foyer en moyenne. Au sommet, 570.000 foyers (1,55 % de
l’ensemble) ont déclaré des revenus supérieurs à 97.500 €. Ils ont payé 43,8 %
de l’IR total, et 34.470 € par foyer en moyenne. Plus des trois quatrs de l’IR ont ainsi été acquittés par 8,2 % des foyers
fiscaux. Nous avons vu ci-dessus que c’est surtout cette minorité (une poule aux
oeufs d’or ?) qui est visée par les impositions à 45 %
et à 75 %, ainsi que par l’ISF.
-
En partie pour les mêmes raisons que l’IR (exonérations de certains revenus,
notamment), la CSG n’est pas dépourvue de progressivité, contrairement aux idées
reçues. En 2009, dans le premier quintile de revenus, la CSG acquittée par les
contributeurs a été, en moyenne, de 420 €, soit 4 % du revenu disponible moyen
(RDM).
Dans
le quintile le plus élevé, la CSG a été, en moyenne, de 43 020 €, soit 11,1 % du
RDM.
-
La progression soutenue du montant de la CSG depuis sa création a pu paraître
prometteuse pour l’avenir des recettes fiscales. En fait, ce « dynamisme » passé
est dû aux majorations successives de ses taux et l’extension de son champ. La
fusion avec l’IR ne peut servir de nouvel accélérateur sans aggravation des taux
de prélèvements.
-
La CSG (avec la CRDS) est un impôt « individuel » prélevé à la source sur les
revenus des assujettis par une multitude d’employeurs, de caisses de retraites,
de banques, de sociétés d’assurances… Le montant total des sommes rassemblées
est calculable. Par contre, le nombre total exact des contributeurs ne peut pas
être appréhendé. L’IR, lui est un impôt déclaratif « familialisé ». Il donne lieu à des déclarations annuelles
des revenus de la part des foyers fiscaux aux directions des impôts. Les
informations relatives aux contribuables, à leurs situations, à leurs revenus, à
leurs contributions sont aisément centralisées, accessibles et
totalisables.
-
Les différences entre les deux impôts sont considérables, fiscalement et
socialement. Alors, faut-il vraiment vouloir marier la carpe et le lapin, et
dans quels buts précisément ? En outre et surtout, une fusion IR – CSG ne peut
être conçue hors d’une révision cohérente de l’ensemble des prélèvements
obligatoires, impôts et cotisations sociales, ainsi que des politiques sociales
et de redistribution. Elle ne relève pas de l’improvisation et d’annonces au
coup par coup qui se superposent ou se contrecarrent plus ou
moins.
TROIS
PROPOSITIONS DE PLUS ASSEZ IMPRÉCISES
13
– Création
d’une « cotisation » pour financer la dépendance
Le
27 février, le candidat PS a annoncé sur TF1
la
création d’une « cotisation » pour financer la dépendance. De ses propos,
actu.orange.fr
a retenu
: «
Il s’agira d’un pacte… c’est une contribution, oui, mais que toutes les
personnes auront à payer ». « Si l’on commence très tôt, c’est un coût très
faible ».
S’agira-t-il d’une annexe spécialisée de la CSG ? Quels coûts faibles
supporteront toutes
les
personnes ? Précisions à suivre…après les élections.
14
– Abandon
de la TVA à 21,2 % et retour à 19,6 %
Affirmer
mordicus que le retour de la TVA aux taux antérieurs au dernier relèvement, soit
à 19,6 % contre21,2 % et à 5,5 % contre 7 %, fait partie des intentions
intangibles de FH est sans doute excessif. Quel intérêt ? On ne peut pas en
attendre une incidence « citoyenne » baissière sur les prix… et haussière sur
les pouvoirs d’achat. En revanche, la réduction des recettes fiscales ne serait
pas négligeable. Quelles en seraient les contreparties ?
15
– Blocage
des prix des produits pétroliers et retour de la « TIPP flottante
»
Pour
défendre le pouvoir d’achat, FH s’est dit prêt à bloquer temporairement les prix
de l’essence si le cours du pétrole brut augmente trop. En même temps, il s’est
proposé de réintroduire la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP)
flottante afin de moduler celle-ci en fonction des variations des cours du
pétrole et de « restituer » aux consommateurs les majorations des recettes de la
TVA imputables à l’inflation des prix des produits
pétroliers.
Les
recettes de la TIPP (23,6 milliards € en 2010) seraient diminuées en
conséquence, a attaqué l’UMP. Mais ce manque à gagner serait compensé par les
recettes supplémentaires de la TVA, a-t-on rétorqué au PS. Reste à savoir de
quelle ampleur seront les hausses attendues des prix du pétrole, d’une part, et
de quelles ressources disposera le futur gouvernement pour les « neutraliser »,
en tout ou partie, à l’aide de la TIPP flottante, d’autre
part.
POUR
TERMINER
En
ces tout premiers jours d’avril, instabilité et incertitudes quant à l’avenir
entachent donc les propositions du candidat FH et du PS. Il n’est pas exclu que
d’ici le 6 mai des précisions, des corrections, des changements et des ajouts
soient encore apportés. Attendons.
Les
médias se sont attardés et appesantis sur la rigueur et le réalisme du programme
du « favori des sondages », ainsi que sur la qualité de son « chiffrage ». Après
avoir épluché ses propositions fiscales, je commence à avoir des doutes !