INEXPLICABLES , INEXTRICABLES , INCOMPRÉHENSIBLES

 

 

par Paul Kloboukoff

Durant les élections présidentielles, l’électeur courant est tenu d’absorber des ribambelles d’informations sommaires ou détaillées et chiffrées sur des fragments des « programmes » des candidats. Il est submergé sous les flots des critiques échangées entre les adversaires et des propositions qui ne brillent pas par leur clarté et leur stabilité. Les détails affluent, à la recherche du « concret » que tous réclament, sans pour autant apporter toutes les précisions attendues et lever les ambiguïtés.

 

Comment le quidam pourrait-il faire la synthèse des propositions des candidats susceptibles de l’intéresser si ceux-ci et les super médias ne sont pas capables de le faire eux-mêmes ? En outre, des intentions, des promesses, des décisions annoncées restent floues, équivoques ou indéfinies parce qu’elles sont difficiles à expliquer ou que les candidats concernés n’ont pas forcément les moyens ou la volonté d’être très précis. Parmi les sujets sur lesquels les candidats et leurs partis s’expriment abondamment figurent les « réformes » de la fiscalité. La quinzaine de propositions de modifications fiscales du candidat FH concernant directement les ménages en est l’exemple le plus frappant.

 

Nous en ferons le tour ici, non sans évoquer, au passage, des intentions de ses concurrents. Le but principal du PS est ostensiblement la majoration des contributions, des impôts sur les revenus et les patrimoines des « plus riches », par des mesures spectaculaires, médiatiques, comme l’imposition à 75 % des revenus au-dessus de1million d’euros. Le contexte est propice à une telle démarche, dont les résultats en termes de recettes fiscales sont inconnus ou paraissent minces. La crise fait des ravages et pèse sur les ressources des plus modestes, d’un côté, tandis qu’à l’autre extrémité, des « patrons du CAC 40 » et d’autres personnes très fortunées perçoivent des rémunérations (salaires, stock-options, retraites chapeaux…) disproportionnées, amorales, révoltantes.

 

Cependant, des mesures fiscales préconisées (suppressions de niches fiscales, plafonnement des abattements, imposition des revenus du capital, etc.) pénaliseront aussi des contribuables des classes moyennes. Il en est ainsi de l’imposition des revenus de l’assurance vie, dont la teneur reste à confirmer, sans double langage. Des reculs ont, en outre, été observés, au moins sur trois points majeurs. Le candidat FH a renoncé à supprimer le quotient familial, pour le moment. La fusion de l’impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée (CSG) a été reportée… « à terme ». À la suite des annonces fracassantes d’hyper taxations des revenus et des patrimoines, qui ont pu être considérées comme excessives, confiscatoires, FH a déclaré vouloir introduire un plafonnement à 85 % des impôts sur les revenus. Un « bouclier fiscal » pour les plus riches, a-ton entendu.

 

 

RÉFORMES FISCALES SOCIALISTES : LA CHASSE AU GROS GIBIER EST OUVERTE

 

1 - Création d’une tranche supplémentaire de l’impôt progressif sur le revenu (IR) au taux de 45 %

 

Le taux d’imposition maximal actuel est de 41 % sur les revenus excédant 70.830 € par part fiscale. La nouvelle tranche à 45 % s’appliquera aux revenus supérieurs à150.000 € annuels par part. Ce seuil de 150.000 € sera réservé aux célibataires ou aux personnes seules. Pour les couples (deux parts), le seuil fatidique sera de 300.000 €, pour un couple avec deux enfants, il sera de 450 000 € ; avec quatre enfants (trois parts), il sera de 600.000 €, etc.

Pour apprécier les effets d’une telle décision, prenons un exemple situé dans la zone visée, celui de trois ménages dont le revenu total est identique et se monte à 420.000 €.

 

- Le premier est une personne seule. Son impôt (IR) sera majoré de + 4 % sur 270 000 €, (420.000 € – 150.000 €), soit + 10.800 €. Son IR sera ainsi porté de 158.842 € à169.642 €, ce qui représentera 40,4 % de la totalité de son revenu.

 

- Le second est un couple sans enfants (deux parts). La majoration de son IR sera de + 4 % sur 60.000 € (210.000 €- 150.000 €®) x 2, soit + 4.800 €. Son IR passera de145.488 € à 150.258 €, soit à 35,8 % de son revenu total.

 

- Le troisième, un couple avec deux enfants (trois parts fiscales) ne sera pas « impacté » car le revenu par part, 140.000 €, est inférieur au seuil fatidique de 150.000 €. Son IR restera de 132.127 €, soit 31,5 % de son revenu. À la ponction effectuée par l’IR s’ajoutent celles de la CSG et de la CRDS qui, suivant la composition des revenus, peuvent varier de 12 à 13,5 %.

 

Ainsi, notre célibataire devra subir des prélèvements supérieurs à 50 % de son revenu. Un couple se trouvera à proximité de ce « seuil symbolique » de 50 %. À ces impôts se cumuleront l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et, ne les oublions pas, les taxes foncières et les taxes d’habitation.

 

N’oublions pas, non plus, les prélèvements sur les revenus opérés en amont par les cotisations sociales salariales.

 

2 – Imposition à 75 % des revenus supérieurs à

 

1 million d’euros

 

Les revenus totaux seront pris en compte pour taxer les contribuables à 75 %, au-dessus d’un seuil fixé à1.000.000 €, quelle que soit la composition du foyer fiscal. Pour la taxation à 45 %, ce sont les niveaux des revenus par parts fiscales qui seront déterminants. Pourquoi une telle hétérogénéité, déstructurante pour l’IR ? Suivant les règles actuelles, un ménage constitué d’un couple avec deux enfants gagnant 1 million € doit acquitter un IR égal à 369.927 €, soit [3 x (333.333 x 0,41– 13 357,63) €]. Avec la tranche des 45 % de FH, cet impôt sera majoré de + 40 000 € et atteindra 409 927 € (41 % du revenu).

 

Un autre ménage ayant deux enfants dont le revenu est de1.500.000 €, par exemple, se verra appliquer, lui, les 75 % sur une tranche de 500.000 € ; il devra alors payer un IR de784.927 €, soit plus de la moitié (52,3 %) de son revenu. L’effet du seuil de 1 million € pour être imposé à75 % est considérable, « disproportionné » disent des spécialistes ; une telle « discontinuité » dans le barème créera l’injustice. Si l’on tient à instaurer la taxation à75 %, il faudra donc presque inévitablement réintroduire plus de progressivité en créant, par exemple, des tranches d’imposition marginale à 50 %, à 55 %, à 60 %, à 65 %, à70 % sur les revenus (totaux ou par part fiscale ?) compris entre 150.000 € et 1.000.000 €. Les « très riches » ne seront alors pas les seuls « impactés ».

 

Confiscatoire ? La question peut d’autant plus être posée qu’à cet impôt sur le revenu (IR) s’ajoutent la CSG et la CRDS, ainsi que le prélèvement social et le prélèvement RSA. Ensemble, ils représentent 12,3 % des revenus totaux. Les dividendes d’actions, eux, sont imposés à 13,5 %. En conséquence, l’annonce d’une taxation à 75 % de la partie des revenus dépassant 1 million € cache une imposition à plus de 87 % de ces revenus. Dans notre dernier exemple, le taux d’imposition réel recalculé se monte à plus de 63 % du revenu total du ménage. En outre, si son patrimoine taxable à l’ISF est de 4 millions €, par exemple, ce dernier impôt lui coûtera au moins (suivant les annonces de FH) 1,8 % de son patrimoine. Nous serons alors à plus de 70 % du revenu total… sans compter les impôts locaux.

 

La chasse aux riches a d’autres fervents adeptes. Jean-Luc Mélenchon veut imposer à 100 % les revenus supérieurs à 360 000 € et Eva Joly veut taxer à 70 % les revenus à partir de 500.000 €. Une manifestation de l’unité de la gauche !

 

Combien de contribuables seront touchés par la taxation à 87 % ? « le PS n’en est pas certain », rapportait pudiquement actu.orange.fr le 29 février, en indiquant que Jean-Marc Ayrault (président du groupe PS à l’Assemblée) avait parlé de moins de 3.000 personnes, que Pierre Moscovici (directeur de campagne de FH) penchait plutôt pour 7.000 à 30.000 Français et que la mesure ne rapporterait que 200 à 300 millions € par an. Épatant !

 

3 - Augmentation de l’ISF pour les gros patrimoines…

et pour les classes moyennes

 

En 2010, 562.000 contribuables avaient acquitté l’ISF pour un montant total de 4,5 milliards € correspondant à une imposition moyenne de près de 8.000 € par foyer contributeur (source : Wikipédia). Les changements introduits en 2011 dans le bas du barème ont consisté à relever le seuil du patrimoine imposable à l’ISF de800.000 € à 1.300.000 €, notamment en raison de la hausse pharamineuse des prix des logements, et à baisser les taux de taxation des différentes tranches, de 0,55 % à 0,25 % et de 0,75 % à 0,50 % sur les deux tranches de patrimoine les plus basses. Compte tenu de la conjoncture, cela a conduit en 2011, selon des estimations, à réduire le nombre de contributeurs d’environ – 300.000 foyers (plus de la moitié de ceux de 2010), tandis que le montant des recettes n’aurait baissé que de – 0,3 milliards € pour atteindre 4,2 milliards €. Les prélèvements ISF se sont concentrés sur les plus « grosses fortunes », leur montant moyen par contributeur s’élevant au-dessus de 16.000 €.

 

F. Hollande a dit vouloir « revenir sur les allègements institués en 2011, en relevant les taux d’imposition des plus gros patrimoines ». Manque de clarté sur le sujet pour J. Lefilliâtre (challenges.fr/elections), pour lequel cela semble signifier le retour au barème précédent (six tranches marginales de 0,55 à 1,80 %), tout en maintenant le seuil d’entrée à 1,3 million d’euros. Pour d’autres, au contraire, il s’agit de l’annonce du retour au seuil de 800.000 €. Dans ce cas, le nombre de contribuables payants s’accroîtra de plus de 300.000 foyers, si l’on se fie aux estimations ci-dessus.

 

Quant à l’apport de recettes fiscales de cet impôt sur les « petites fortunes » des classes moyennes, des ménages urbains propriétaires de leur logement, il risque d’être assez modeste. Juste ? Habile ? Avec le barème de 2010, les taux marginaux de l’ISF les plus élevés allaient de 1 % pour un patrimoine taxable de2,52 millions € à 1,80 % pour un patrimoine supérieur à 16,48 millions €, les revenus de ces patrimoines étant déjà imposés, par ailleurs. De combien ces seuils serontils abaissés et ces taux seront-ils relevés par le candidat ? Sans précipiter la délocalisation des avoirs concernés ? Réponses après les élections.

 

Enfin, plus personne n’ignore que la France est le seul pays de l’UE à maintenir un ISF. Son extension et son durcissement ne vont pas dans le sens de l’harmonisation fiscale chère aux européistes du PS. 4 - Majoration de l’imposition des revenus du capital FH a insisté sur son intention d’aligner l’imposition sur les revenus du capital sur celle frappant le travail en les soumettant à l’impôt progressif sur les revenus (IR). Cette mesure qui vise les classes aisées et riches touchera aussi inévitablement les classes moyennes.

 

De son côté, NS préfère le relèvement de 2 % de la CSG sur les revenus du capital, la faisant passer de 13,5 % à15,5 %.

 

5 – Majoration des droits de succession

 

Il s’agit essentiellement, d’après les annonces faites, de baisser à la hauteur de 100.000 € l’abattement sur les droits de succession de chacun des enfants du défunt. En2012, comme en 2011, il est de 159.325 €. Il n’est pas prévu de revenir sur l’exonération complète des droits de succession en faveur des « conjoints » (conjoints ou partenaires pacsés). Cette intention n’a soulevé ni enthousiasme ni indignation. Il est vrai que l’assurance vie offre aussi des possibilités d’allègement des droits de succession pour les bénéficiaires.

 

6 – Menaces sur la fiscalité de l’assurance vie (AV) 17 millions de ménages français ont souscrit des contrats d’assurance vie. Pas seulement des « riches ». Pour les contrats souscrits depuis le 26 septembre 1997, lors du « retrait » par l’assuré, les intérêts acquis sont ajoutés à son revenu et soumis à l’IR. Le souscripteur peut opter pour le « prélèvement libératoire » forfaitaire, dont les taux sont de35 % pendant les quatre premières années de possession, de 15 % entre quatre à huit ans de détention et de 7,5 % audelà. Ces 7,5 % sont atténués par un abattement de 9.200 € pour un couple et de 4.600 € pour une personne seule.

 

Le 29 février 2012, « toutsurmesfinances.com » a relaté l’annonce par M. Sapin des suppressions du prélèvement libératoire et de l’abattement après huit ans. Citant aussi M. Sapin, Le Monde du 1er mars 2012 indiquait que « l’assurance vie serait soumise au barème de l’IR ». À partir d’un revenu de 11.900 €, l’impôt sur les revenus de l’AV passerait ainsi de 7,5 % à 14 %, à30 %, à 41 %, à 45 % ou à 75 % suivant le niveau de revenu du contribuable. Les inquiétudes et les réactions dans les milieux des finances et de l’assurance ont été vives. D’autant plus que l’assurance- vie a vu les dépôts décliner avec la crise.

 

Il a été rappelé que l’AV assurait50 % du financement française. Attention, donc, aux dégâts directs et collatéraux domestique de la dette publique de mesures insuffisamment réfléchies et soupesées, ainsi qu’à leurs annonces qui peuvent alarmer les épargnants aux aguets et les influencer de façon négative. Il semble que FH ait voulu rectifier le tir en annonçant qu’à partir de huit ans de détention la taxation à 7,5 % serait conservée et que, de plus, l’abattement de 4.600 € par personne serait maintenu. La soumission des revenus de l’AV à l’IR progressif ne s’appliquerait aux futurs contrats que pendant les huit premières années de détention. Qui croire, le candidat ou son conseiller fiscaliste ? Que se passera-t-il si le candidat socialiste est élu ?

 

7 – Annulation de 29 milliards de niches fiscales

 

Les « niches » fiscales sont nombreuses et diverses, conjoncturelles ou plus durables. En annuler pour29 milliards € (18 milliards pour les entreprises et11 milliards pour les ménages) a pour but d’augmenter d’autant les recettes fiscales. Pour apprécier l’intérêt de ces suppressions, il conviendra de les regarder une par une, car les niches ne sont pas toutes injustes, inutiles et sans contreparties. Nous verrons, le moment venu, quelles seront les réactions.

 

8 - Limitation à 10.000 € par an de l’avantage fiscal tiré des niches

 

Cette disposition, qui concerne spécialement les ménages, réduira les droits à déductions fiscales accordées sur des dépenses de contribuables ou liées à la nature ou aux niveaux des revenus dont ils bénéficient. Le plafonnement proposé vise à limiter des « avantages fiscaux » de ceux censés en profiter le plus, les ménages aux revenus considérés comme élevés. Mais des contribuables des classes moyennes seront également touchés par le plafonnement.

 

 9 - « Plafonnement » des impôts directs nationaux à85 % des revenus d’un contribuable

 

À la mi-mars, FH a déclaré qu’il rétablirait le plafonnement à 85 % des revenus. À l’UMP, les dirigeants n’ont pas manqué d’ironiser sur l’annonce de ce nouveau « bouclier fiscal »… socialiste. Cette protection serait justifiée, selon le candidat du PS, par l’augmentation de l’ISF qu’il projette (cf. ci-dessus). Elle ne serait pas liée à l’introduction de la « tranche » d’imposition à75 %. « Il n’y aura pas de modulation, il n’y aura pas de plafonnement de l’impôt à 75 % » a assuré FH. Si l’on prend la déclaration au pied de la lettre, l’impôt à 75 % (87 % avec la CSG) s’appliquera intégralement sur les revenus supérieurs à 1 million €.

 

Mais les contribuables concernés pourront voir leur ISF plafonné si pour eux le cumul IR + CSG + ISF dépasse 85 % du montant total de leurs revenus. Il fallait y penser… et le décider. Majorer l’IR et l’ISF des plus « riches » et limiter l’impact de ces majorations, principalement pour les possesseurs des plus gros patrimoines, peut paraître alambiqué et porteur de complications, de contradictions, de contestations lorsqu’il s’agira de mettre en oeuvre ce bouclier.

 

10 – Poursuite des exilés fiscaux en Belgique, au Luxembourg et en Suisse

 

N. Sarkozy veut instituer un « impôt lié à la nationalité » qui soumettrait tout « exilé fiscal » à une contribution à la hauteur de la « différence » entre la somme qu’il verse à l’étranger et ce qu’il aurait payé « sur les revenus de son capital en France » ? Usine à gaz ou projet plus intelligent que la taxation à 75 %, comme on le prétend à l’UMP ?

 

Toujours est-il que F. Hollande s’est emparé du sujet devenu brûlant. Il a déclaré vouloir poursuivre ces exilés fiscaux dans trois pays voisins, la Belgique, la Suisse et le Luxembourg. Dans un bref compte rendu de l’émission du 15 mars, Des paroles et des actes, sur France 2, Le Figaro – Présidentielle, on peut lire que d’après FH, dans la proposition de NS, la taxation s’appliquera « uniquement » aux « revenus du capital », ainsi que ce reproche à son concurrent : « Il ne veut pas faire payer l’impôt sur la fortune aux expatriés en Suisse et en Belgique ». Ceci conduit à penser que FH entend taxer les revenus du capital des expatriés et aussi le capital luimême avec l’ISF.

 

Si le futur président est l’un de nos deux protagonistes, il faudra donc renégocier les conventions fiscales passées avec les pays visés (trois ou plus). Cela ne sera pas une simple formalité et n’est pas « gagné » d’avance.

 

DES RECULS SUR DES PROPOSITIONS CHÈRES AU PS INSUFFISAMMENT MÛRIES

 

11 – « Réforme » du quotient familial.

 

Un des leitmotivs fiscaux à gauche est la volonté de supprimer le quotient familial (QF), accusé d’avantager exagérément les familles aux revenus élevés ayant des enfants par rapport aux familles aux revenus plus modestes, ainsi que de ne pas profiter aux familles qui ne paient pas d’impôt sur le revenu, c’est-à-dire à un ménage sur deux. Le QF serait remplacé par un crédit d’impôt, d’un montant égal pour le même nombre d’enfants, pour tous les ménages, y compris ceux actuellement exonérés de l’IR (par la même exonérés aussi de la taxe d’habitation et bénéficiaires d’aides sociales). Il a été observé, à ce sujet, que des ménages aux faibles revenus touchant ce crédit d’impôt deviendraient imposables à l’IR et perdraient alors les avantages associés au statut de non imposable. Un pavé de l’ours ?

 

De toutes façons, la levée de boucliers a été telle face à un tel projet accusé de porter profondément atteinte à la politique familiale nationale (par ailleurs jugée très efficace en ce qui concerne la natalité, nouvel orgueil de la France en Europe) que FH a dû reculer et renoncer, au moins temporairement, à cette « réforme ». Qu’en sera-t-il s’il est élu… avec des majorités de gauche à l’Assemblée nationale et au Sénat ?

 

12 – Fusion à terme de l’impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée (CSG) : pour quoi faire ?

 

Les gens de gauche aiment la progressivité de l’IR, mais leurs candidats la trouvent insuffisante, trop complaisante envers les riches. Ils veulent la durcir. La CSG, réputée non progressive, présente l’avantage de toucher plus de contribuables (tous, dit-on, à tort). Ah, si on pouvait associer dans un même impôt ces deux « qualités », étendue et progressivité renforcée, ce serait le bonheur ! Devant les réactions défavorables à ce « projet », qui est loin d’être anodin, le candidat FH a préféré évoquer une « fusion à terme ». C’est dire qu’il n’y renonce pas et désire s’ouvrir une porte, « pour le cas où » l’opportunité d’imposer une telle réforme se présente plus tard.

 

Paradoxalement, dans la campagne, l’impôt sur le revenu tient la vedette, et la CSG, cette inconnue, est presque ignorée. Pourtant, selon les données de l’INSEE, en 2010 la CSG a procuré 83 milliards € de recettes, auxquels s’ajoutent 6 milliards € provenant de la CRDS. L’IR, lui, n’a permis d’engranger que 46,9 milliards €. La moitié.

 

J’ai présenté la situation et la problématique sur ces questions dans mon article du début mai 2011 « Fusion de l’IR et de la CSG : pour quoi faire ? ». J’y ai rappelé ou indiqué, notamment, que :

 

- La relative faiblesse du montant de l’IR et sa lente progression sont en grande partie dues à ce que la moitié des contribuables ne paient pas cet impôt et, en outre, que les primes pour l’emploi (PPE) versées par le Trésor à 8,2 millions de foyers en 2009 amputent le montant de l’IR « net » collecté, de - 3,92 milliards €, soit de – 8,6 %. L’IR est également « mité » par des niches fiscales. Des partis de gauche dénoncent le quotient familial. Il y a aussi les crédits d’impôts ouverts par des dépenses ou des emprunts. De plus, certaines catégories de revenus ne sont pas imposables, telles les prestations familiales, les allocations logements, les intérêts des livrets A, des livrets jeunes, etc.

 

- Par sa « progressivité », l’IR est « redistributif ». Ainsi, en 2009, la contribution totale des foyers imposables dont les revenus fiscaux annuels n’ont pas dépassé15 000 € a été négative (- 2,6 milliards €). Pendant ce

temps, les 2,4 millions de ménages des classes moyennes supérieures aux revenus allant de 48.750 € à 97.500 € (6,6 % de tous les contribuables) ont payé 30 % du total de l’IR, soit 5.656 € par foyer en moyenne. Au sommet, 570.000 foyers (1,55 % de l’ensemble) ont déclaré des revenus supérieurs à 97.500 €. Ils ont payé 43,8 % de l’IR total, et 34.470 € par foyer en moyenne. Plus des trois quatrs de l’IR ont ainsi été acquittés par 8,2 % des foyers fiscaux. Nous avons vu ci-dessus que c’est surtout cette minorité (une poule aux oeufs d’or ?) qui est visée par les impositions à 45 % et à 75 %, ainsi que par l’ISF.

 

- En partie pour les mêmes raisons que l’IR (exonérations de certains revenus, notamment), la CSG n’est pas dépourvue de progressivité, contrairement aux idées reçues. En 2009, dans le premier quintile de revenus, la CSG acquittée par les contributeurs a été, en moyenne, de 420 €, soit 4 % du revenu disponible moyen (RDM).

 

Dans le quintile le plus élevé, la CSG a été, en moyenne, de 43 020 €, soit 11,1 % du RDM.

- La progression soutenue du montant de la CSG depuis sa création a pu paraître prometteuse pour l’avenir des recettes fiscales. En fait, ce « dynamisme » passé est dû aux majorations successives de ses taux et l’extension de son champ. La fusion avec l’IR ne peut servir de nouvel accélérateur sans aggravation des taux de prélèvements.

 

- La CSG (avec la CRDS) est un impôt « individuel » prélevé à la source sur les revenus des assujettis par une multitude d’employeurs, de caisses de retraites, de banques, de sociétés d’assurances… Le montant total des sommes rassemblées est calculable. Par contre, le nombre total exact des contributeurs ne peut pas être appréhendé. L’IR, lui est un impôt déclaratif « familialisé ». Il donne lieu à des déclarations annuelles des revenus de la part des foyers fiscaux aux directions des impôts. Les informations relatives aux contribuables, à leurs situations, à leurs revenus, à leurs contributions sont aisément centralisées, accessibles et totalisables.

 

- Les différences entre les deux impôts sont considérables, fiscalement et socialement. Alors, faut-il vraiment vouloir marier la carpe et le lapin, et dans quels buts précisément ? En outre et surtout, une fusion IR – CSG ne peut être conçue hors d’une révision cohérente de l’ensemble des prélèvements obligatoires, impôts et cotisations sociales, ainsi que des politiques sociales et de redistribution. Elle ne relève pas de l’improvisation et d’annonces au coup par coup qui se superposent ou se contrecarrent plus ou moins.

 

TROIS PROPOSITIONS DE PLUS ASSEZ IMPRÉCISES

 

13 – Création d’une « cotisation » pour financer la dépendance

 

Le 27 février, le candidat PS a annoncé sur TF1 la création d’une « cotisation » pour financer la dépendance. De ses propos, actu.orange.fr a retenu : « Il s’agira d’un pacte… c’est une contribution, oui, mais que toutes les personnes auront à payer ». « Si l’on commence très tôt, c’est un coût très faible ». S’agira-t-il d’une annexe spécialisée de la CSG ? Quels coûts faibles supporteront toutes les personnes ? Précisions à suivre…après les élections.

 

14 – Abandon de la TVA à 21,2 % et retour à 19,6 %

 

Affirmer mordicus que le retour de la TVA aux taux antérieurs au dernier relèvement, soit à 19,6 % contre21,2 % et à 5,5 % contre 7 %, fait partie des intentions intangibles de FH est sans doute excessif. Quel intérêt ? On ne peut pas en attendre une incidence « citoyenne » baissière sur les prix… et haussière sur les pouvoirs d’achat. En revanche, la réduction des recettes fiscales ne serait pas négligeable. Quelles en seraient les contreparties ?

 

15 – Blocage des prix des produits pétroliers et retour de la « TIPP flottante »

 

Pour défendre le pouvoir d’achat, FH s’est dit prêt à bloquer temporairement les prix de l’essence si le cours du pétrole brut augmente trop. En même temps, il s’est proposé de réintroduire la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) flottante afin de moduler celle-ci en fonction des variations des cours du pétrole et de « restituer » aux consommateurs les majorations des recettes de la TVA imputables à l’inflation des prix des produits pétroliers.

 

Les recettes de la TIPP (23,6 milliards € en 2010) seraient diminuées en conséquence, a attaqué l’UMP. Mais ce manque à gagner serait compensé par les recettes supplémentaires de la TVA, a-t-on rétorqué au PS. Reste à savoir de quelle ampleur seront les hausses attendues des prix du pétrole, d’une part, et de quelles ressources disposera le futur gouvernement pour les « neutraliser », en tout ou partie, à l’aide de la TIPP flottante, d’autre part.

 

POUR TERMINER

 

En ces tout premiers jours d’avril, instabilité et incertitudes quant à l’avenir entachent donc les propositions du candidat FH et du PS. Il n’est pas exclu que d’ici le 6 mai des précisions, des corrections, des changements et des ajouts soient encore apportés. Attendons.

 

Les médias se sont attardés et appesantis sur la rigueur et le réalisme du programme du « favori des sondages », ainsi que sur la qualité de son « chiffrage ». Après avoir épluché ses propositions fiscales, je commence à avoir des doutes !

 
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15.05.2012
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