BAISSER
DE RIDEAU
par
Luc Beyer de ryke
L’événement
est un sculpteur. Il burine, creuse, marque le visage le contour d’un visage,
dessine son expression, sa joie ou sa souffrance. Il rend humain, dévoile la
réalité, la nudité de l’être. Je le confesse sans ambigüité. L’ultime discours
de Nicolas Sarkozy à La Mutualité, l’adieu à ses partisans, ses équipes de
campagne, ses cohortes militantes m’a ému. J’aurai été ainsi sarkozyste d’un jour, d’une heure, d’un moment. Le temps
vécu dont parle Bergson par opposition au temps durée. Le temps de voir un homme
vivre son rêve fracassé auquel jusqu’à la dernière seconde de la dernière minute
il a voulu croire, il a cru et pour lequel il a combattu. Lorsqu’arrive la défaite
il la revendique.
Il n’est pas
de ceux qui se dérobent et feignent de s’excuser proclamant qu’il était chef et
qu’ « il fallait bien que je les suive ». Il était leur chef. C’est pourquoi il
marchait au devant d’eux. Ranimant les ferveurs défaillantes de son état-major
il rameutait ses grognards lui que, par dérision, ses adversaires nommaient «
Naboléon ».
Je l’ai vu,
entendu, à la Concorde, au Trocadéro, à La Mutualité exalter le courage de ses
troupes. Courage ce mot qu’il prononçait comme s’il se terminait par un « che ». Il parlait de la France, de son identité, des valeurs
qui l’animent. C’est vrai qu’au moment où il tenait ce discours, où il
prononçait ces mots en fin de campagne s’efforçant d’arracher une victoire
incertaine, on les tenait davantage pour une potion magique préparée pour
Astérix que pour ce qu’ils représentaient vraiment.
Mais à La
Mutualité, le rideau une fois tombé, les artifices s’étaient évanouis. L’amour
de la France « à qui j’ai tout donné », « vous qui m‘avez tout donné » brillait
d’un éclat que ne ternissait plus la lutte partisane. Le temps était venu pour
Nicolas Sarkozy de l’Adieu aux Armes.
C’est Albert
Camus qui disait des européens d’Algérie qu’ils « avaient plus de coeur que d’esprit ». On pourrait, à la lecture de mon
éditorial, légitimement, m’adresser ce reproche. S’il en était ainsi je
l’assumerais pleinement. Le sarkozysme, ou ce qu’on a
convenu d’appeler ainsi, n’a jamais trouvé en moi une approbation et moins
encore une adhésion. Sentiment généralement partagé par les Gaullistes de
tradition. Mais cela n’implique pas, comme ce fut trop souvent, le recours à
l’injure et à l’insulte. Beaumarchais nous a appris « la liberté de blâmer ».
Nous en avons usé. Nous continuerons à le faire quel que soit le pouvoir. Très
vite, devant l’état de la France, sa position dans le monde, viendra l’heure du
bilan et des échéances. Il faudra faire face, faire front.
Aujourd’hui,
un court instant le « temps suspend son vol » et je croirais indigne de la
France et des Français de se comporter à l’égard de Nicolas Sarkozy comme le
Brenne s’écriant devant ses ennemis « Vae Victis », « Malheur aux vaincus
».