TOUJOURS
PLUS DE « FRIC » POUR LES UNS, DE DISPARITION DU SERVICE PUBLIC, DE GENS AU
CHÔMAGE ET DE DISPARITION DE L’ÉTAT...
par
Hélène Nouaille
Je
reproduis ci-dessous la traduction d’un document dont les médias français ne se
sont quasiment pas fait l’écho (« bah » très important sans doute…) : une
lettre<http://www.number10.gov.uk/news/joint-letter-topresident-
van-rompuy-and-president-barroso/> envoyée, le 22 février dernier, par David
Cameron, Mario Monti, Mariano Rajoy, Donald Tusk et huit autres premiers
ministres (conservateurs et libéraux) européens à Herman van Rompuy et José
Manuel Barroso, à l’occasion du prochain sommet européen des 1er et 2
mars.
Il
est assez attristant, quand on ne s’attache pas aux jolies paroles, mais qu’on
comprend ce qui se cache derrière : la poursuite des dérèglementations et des
politiques qui n’ont pas marché, sans tirer les leçons de la crise… Mais aussi
quelques points positifs, en particulier sur « l’assistanat des banques » – mais
nous verrons bientôt ce que valent ces promesses… Traduction Henri Lepage, sur
www.contrepoints.org<http://www.contrepoints.org/> et l’Institut Turgot. «
Nous nous réunissons à Bruxelles en un moment particulièrement crucial pour
l’avenir des économies européennes. La croissance est en panne.
Le
chômage augmente. Citoyens et entreprises sont confrontés aux pires conditions
jamais rencontrées depuis des années. Alors que la situation de nos principaux
concurrents mondiaux ne cesse de s’améliorer après les heures noires de la crise
que le monde vient de connaître, l’instabilité des marchés financiers et le
poids des dettes souveraines continuent d’entraver la reprise économique en
Europe.
Fondamentalement,
l’Europe dispose de nombreux atouts économiques. Mais la crise que nous
connaissons est aussi une crise de la croissance. Il est essentiel que chacun
d’entre nous s’efforce de remettre de l’ordre dans ses finances nationales. Sans
ces efforts, nous ne réussirons jamais à retrouver les conditions d’une
croissance économique forte et durable. Mais il nous faut aussi moderniser nos
structures économiques, améliorer notre compétitivité, et corriger les
déséquilibres macroéconomiques. Il nous faut ramener la confiance, chez nos
concitoyens, dans les entreprises, sur les marché financiers, en la capacité de
l’Europe de retrouver à l’avenir une croissance forte et soutenable, et ainsi de
maintenir son rang dans les échanges et sur les marchés
mondiaux.
Nous
en avons parlé lors de notre dernière rencontre. Il est bon d’en reparler de
nouveau aujourd’hui. Partant des conclusions sur lesquelles nous étions arrivés,
le moment est venu de faire preuve d’un véritable leadership et de prendre les
décisions courageuses qui permettront d’arriver aux résultats que nos peuples
attendent. Nous saluons les efforts déjà accomplis tant aux niveaux nationaux
qu’au niveau européen pour répondre à ce défi, et nous espérons que cette
nouvelle réunion nous permettra de réaliser de nouveaux progrès en focalisant
nos efforts pour relancer la croissance autour de huit grandes priorités
clairement exprimées.
En
premier lieu, il nous faut continuer à progresser dans la réalisation et
l’achèvement du marché unique en en renforçant la gouvernance ainsi que
l’application effective de ses dispositions. Le rapport de la Commission destiné
au Conseil européen du mois de juin devrait donner une liste claire et détaillée
d’actions à entreprendre pour réaliser ce double objectif. En commençant par le
secteur des services. Ceux-ci représentent d’ores et déjà près des quatre
cinquièmes de l’activité économique, et pourtant il reste encore beaucoup à
faire pour que ce marché soit aussi ouvert qu’il le faudrait à la concurrence.
Il est urgent d’agir, tant au niveau national qu’européen, pour éliminer les
restrictions et les obstacles qui continuent d’entraver la concurrence et
l’accès aux marchés, ainsi que pour améliorer la mise en oeuvre effective du
principe de reconnaissance mutuelle au sein du marché unique. Nous comptons sur
la Commission pour nous donner les résultats de ses investigations sur la façon
dont chaque secteur s’acquitte de ces obligations, et pour remplir les
obligations d’information qui lui sont fixées par la directive sur les services
pour ce qui concerne les efforts d’ouverture du marché des services, ainsi que
pour proposer des mesures législatives additionnelles nécessaires à l’achèvement
du marché interne des services, si besoin est.
En
second lieu, nous devons accentuer nos efforts pour la création d’un véritable
marché numérique européen dès 2015. L’économie numérique se développe très
rapidement, mais les échanges transfrontaliers restent relativement limités et
la créativité y est étouffée par un entrelat complexe de régimes nationaux de
droits d’auteur. Il faut agir au niveau de l’Union européenne pour offrir aux
consommateurs et aux entreprises les moyens de commercer online en toute
confiance, en simplifiant les procédures de licence, en modernisant les systèmes
de copyright, en mettant en place des mécanismes de résolution en ligne des
conflits transfrontaliers, et en modifiant le cadre européen de signature
numérique. Sans pour autant rouvrir le dossier de la directive sur le commerce
par internet, nous devrions tirer avantage des récentes propositions de la
Commission pour mettre en place un système qui équilibre les intérêts des
consommateurs, ceux des entreprises et des détenteurs de droits, et stimule
l’innovation, l’activité créatrice, et donc la croissance. Il nous faut aussi
poursuivre nos efforts pour construire une infrastructure moderne qui assure une
meilleure couverture des besoins en services à large bande, pour développer et
élargir l’offre de solutions et de services administratifs en ligne afin de
simplifier les procédures de création d’entreprises et de gestion des affaires,
ou encore pour faciliter la mobilité des travailleurs.
Troisième
point, nous devons tenir notre promesse d’établir un véritable marché unique de
l’énergie, efficace et efficient, pour 2014. Tous les États-membres devraient
rapidement appliquer intégralement le troisième paquet énergétique européen, en
respectant les échéances prévues. L’interconnexion énergétique devrait être
renforcée afin d’améliorer la sécurité des approvisionnements. Il est également
urgent d’agir, de manière nationale ou collective, pour supprimer les obstacles
réglementaires, administratifs et techniques qui freinent l’investissement dans
les infrastructures afin de libérer tout le potentiel du marché unique, soutenir
la croissance verte et encourager la transition vers une économie pauvre en
carbone et efficace énergétiquement.
Nous
attendons le prochain rapport de la Commission sur le fonctionnement du marché
intérieur qui devrait contenir une section évaluant le degré de libéralisation
et d’ouverture du marché de l’énergie dans les pays membres. Nous nous engageons
également à avancer concrètement vers la mise en place de l’Espace unique de
transport européen et la réalisation de l’interconnexion
européenne.
Quatrièmement,
nous devons réaffirmer notre engagement en faveur de la recherche et de
l’innovation en procédant à la mise en place de l’Espace européen de recherche,
en créant le meilleur environnement possible pour que les entrepreneurs et les
innovateurs commercialisent leurs idées et créent des emplois, en mettant
l’innovation mue par la demande au coeur de la stratégie européenne de recherche
et de développement. Il nous faut aussi agir de manière décisive pour améliorer
les possibilités d’investissement des start-ups innovantes, des sociétés à
croissance rapide et des petites entreprises, en créant un régime communautaire
efficace de capital risque qui permette aux fonds de venture capital d’opérer
sur une base réellement européenne, en évaluant la possibilité d’un projet
européen de capital risque s’appuyant sur le Fonds européen d’investissement et
d’autres institutions financières en coopération avec les opérateurs nationaux,
et en donnant le feu vert à un nouveau programme communautaire fondé sur le
modèle du programme de recherche en faveur de l’innovation dans les petites
entreprises (SBIR) afin de stimuler un usage plus efficace des procédures
d’achats publics avant commercialisation au profit des entreprises innovantes et
spécialisées dans la haute technologie.
La
plus haute priorité doit aller aux réformes dont l’objet est d’encourager la
création d’un système de protection de la propriété intellectuelle qui soit
efficace et favorable aux entreprises. Cinq : il nous faut absolument agir pour
assurer et conserver une économie mondiale véritablement ouverte. Cette année,
il est prévu que nous signions des accords de libre-échange avec l’Inde, le
Canada, les pays limitrophes de l’Est européen, et un certain nombre de
partenaires membres de l’Association des nations du sud-est asiatique (ASEAN).
Il nous faut aussi renforcer nos relations commerciales avec les pays voisins du
sud. Un nouvel élan devrait être donné aux négociations commerciales en cours
avec ces partenaires stratégiques que sont le Mercosur et le Japon – les
négociations avec le Japon devant être lancées avant l’été, pour autant que l’on
enregistre des progrès satisfaisants sur l’étendue et l’ambition du projet
d’accord de libre-échange. Les accords en cours de négociation ou en projet
pourraient ajouter près de 90 milliards d’euros au PNB
européen.
Mais
il faut aller au-delà. Nous avons besoin d’une nouvelle impulsion politique pour
renforcer l’intégration économique avec les États-Unis, et envisager toutes les
options possibles, y compris celle d’un traité de libreéchange; pour renforcer
nos relations commerciales et nos investissements en Russie, après son adhésion
à l’OMC; mais aussi pour lancer une réflexion stratégique sur l’avenir de nos
investissements et de nos relations commerciales avec la Chine, avec le souci
d’approfondir nos liens économiques et de renforcer notre engagement en faveur
d’un régime commercial multilatéral fondé sur des règles.
Reconnaissant
les bienfaits que nous apporte l’ouverture des marchés, nous devons continuer
nos efforts pour renforcer le système d’échanges multilatéral, y compris en nous
fondant sur le programme de Doha pour le développement, agir pour la conclusion
d’accords secteurs prioritaires, résister aux tentations protectionnistes et
rechercher pour nos entreprises un meilleur accès aux marchés des pays tiers.
Par-dessus
tout, dans nos relations commerciales, nous devons rejeter la tentation de
recourir à un protectionnisme autodestructeur. Six, nous devons préserver, et
même renforcer notre programme de réduction du poids des réglementations
européennes. Nous saluons l’engagement des institutions de réduire le fardeau
réglementaire qui pèse sur les petites entreprises mais nous tenons à ce que
cette politique progresse plus vite et s’applique plus profondément au coeur de
toutes les institutions européennes tout en sauvegardant l’intégrité du marché
unique et en respectant les objectifs plus larges de l’Union. Nous devrions
évaluer la possibilité de se fixer des objectifs sectoriels plus ambitieux et
nous accorder sur de nouvelles mesures susceptibles de délivrer des résultats
tangibles à l’industrie.
Nous
devrions également afficher de manière claire et visible notre intention
d’apporter notre soutien aux micro-entreprises et demander à la Commission de
préparer un ensemble de mesures détaillées allant dans ce sens, y compris par
voie de possibles amendements à la législation existante. Nous demandons enfin à
la Commission de présenter chaque année un rapport qui évalue et détaille ce que
coûte à l’industrie et aux entreprises l’ensemble des dispositions
réglementaires adoptées et mises en place au cours de l’année précédente. Sept,
nous devons agir sur le plan national et collectivement, tout en respectant les
compétences nationales, pour favoriser le bon fonctionnement d’un marché du
travail qui offre de réelles possibilités d’emploi et, fondamentalement,
permette d’atteindre des taux d’emploi plus élevés pour les jeunes, les femmes
et les travailleurs âgés. Une attention particulière doit être accordée aux
catégories de personnes vulnérables sorties du marché du travail pendant de
longues périodes. Il nous faut aussi renforcer la mobilité du travail afin de
réaliser l’objectif d’un marché européen du travail plus intégré et plus ouvert,
par exemple en faisant avancer le projet de doter les travailleurs migrants de
droits à la retraite supplémentaires, tout en respectant le rôle des partenaires
sociaux. Nous devrions également nous préoccuper de continuer à réduire le
nombre des professions réglementées en Europe, avec l’inscription dans le droit
d’un nouveau test de proportionnalité plus sévère. A cette fin, nous demandons à
la Commission de réunir sans délai un nouveau forum pour procéder à une
évaluation mutuelle des procédures et pratiques nationales pour identifier et
éliminer les barrières réglementaires injustifiées, étudier la possibilité
d’autres voies que la réglementation pour assurer la garantie de hauts niveaux
d’excellence professionnelle, et apprécier les capacités d’alignement des normes
et standards aux fins de faciliter la reconnaissance mutuelle des qualifications
professionnelles.
Finalement,
nous devons agir pour nous doter d’un secteur financier solide, dynamique et
concurrentiel, qui crée des emplois et apporte un ensemble de services
essentiels aux citoyens et aux entreprises. Il faut réduire l’engagement
implicite de soutien en toutes circonstances aux banques en difficulté qui
fausse le fonctionnement du marché unique.
C’est
aux banques, et non aux contribuables, de supporter les coûts de leurs
engagements risqués. Tout en poursuivant l’objectif d’une concurrence
globalement équilibrée, nous devons nous engager de manière irrévocable à
soutenir la mise en place d’un système international de normes touchant les
capitaux, la liquidité et les possibilités d’effet de levier (sans dilution), et
garantir que la législation européenne adhère aux règles de Bâle III afin de
répondre de manière stable aux besoins de financement de nos économies. Il faut
exiger des banques qu’elles mettent le niveau et la composition de leurs actifs
capitalistiques en conformité avec les critères internationaux, sans introduire
de discrimination entre investisseurs privés ou publics. Nous demandons aussi
qu’elles appliquent de manière rigoureuse les principes définis par le G20 pour
ce qui concerne les rémunérations dans le secteur bancaire en conformité avec la
législation existante de l’Union européenne.
Chacun
de nous reconnait qu’un tel programme exige la prise de difficiles décisions
politiques et exige la présence d’un véritable leadership. Mais il s’agit
d’enjeux très importants, et de questions au sujet desquelles il y a déjà
longtemps que nous aurions du agir. Si nous agissons de manière courageuse et
efficace, et si nous faisons preuve de volonté politique, l’Europe peut
retrouver son dynamisme et nous pourrons remettre nos économies sur le chemin de
la croissance économique. Nous nous adressons à vous et aux membres du Conseil
européen pour vous demander de répondre instamment aux exigences de réforme qui
viennent de nos populations, et ainsi de contribuer à restaurer la confiance
dans la capacité de l’Europe à retrouver une croissance forte, saine et durable.
Copie de cette lettre est envoyée à tous nos collègues du Conseil européen.
»
Les
signataires :
David
Cameron, Premier ministre, Grande Bretagne;
Mark
Rutte, Premier ministre, Pays-Bas;Mario Monti,
Premier
ministre, Italie; Andrus Ansip, Premier ministre,
Estonie;
Valdis Dombrovskis, Premier ministre, Lettonie;
Jyrki
Katainen, Premier ministre, Finlande; Enda Kenny,
Taoiseach,
Irlande; Petr Nečas, Priemier ministre,
République
Tchèque; Iveta Radičová, Premier ministre
Slovaquie;
Mariano Rajoy, Premier ministre, Espagne;
Fredrik
Reinfeldt, Premier ministre, Suède; Donald Tusk,
Premier
ministre, Pologne.