par
Luc Beyer de ryke
Le
prochain
dîner-débat de l’A c a d é m i e du Gaullisme s’ordonnera autour d’une
interrogation : «
Sommes-nous toujours en démocratie ? ». Vaste
problème, aurait pu répondre le Général de Gaulle altier et dubitatif. Son vieil
ami, adversaire, allié et complice Winston Churchill qui avait, lui aussi, le
sens de la formule et du théâtre eut ce mot : «
De tous les régimes la démocratie est le plus mauvais... à l’exception de tous
les autres ».
Dans
le florilège des « mots » énoncés je retreindrai celui tenu jadis par un de mes
confrères du
Monde spécialiste
de la Grèce.
« Athènes, disait-il,
est
le berceau de la démocratie mais dans le berceau il n’y a jamais eu personne. »
La
boutade vaut ce qu’elle vaut. Elle dit la relativité des choses et des concepts.
Pour ma part je privilégierai la sentence churchillienne. Au risque d’irriter je
confesse que lorsque je siégeais à Strasbourg ce sont les Britanniques qui, dans
les usages, la pratique, les moeurs, témoignaient
davantage que d’autres le respect de l’Institution
parlementaire.
L’héritage
et l’esprit de Wesminster étaient présents. Et cela
indépendamment de ce qu’on pense de la construction européenne et de son
évolution. Ceci étant posé parlons en précisément de cette construction
européenne si enviée et si critiquée à la fois. Aujourd’hui lorsqu’on entend
parler de « Bruxelles » avec colère la Belgique n’y est pour rien. Bien souvent
ignorée, le mot, le nom de Bruxelles ne la vise pas. C’est la Commission
européenne qui est le paratonnerre de ces courroux et
imprécations.
Au
lendemain de la guerre l’Europe fut une idée généreuse. Mais elle pêche, à mon
sens par un vice de forme et une négation de sentiments profondément enracinés
en particulier en France. Le Général de Gaulle plaida, oeuvra pour la réconciliation entre « les Germains et les
Gaulois ». On moqua l’alliance des « Burgraves », de Gaulle et Adenauer. Mais,
héritiers de l’Histoire, ils la faisaient. Pour de Gaulle, plus sans doute que
pour n’importe qui d’autre, l’Europe la sienne, devait épouser les réalités
nationales. C’est le fil d’or ou d’airain si l’on préfère de toute l’Histoire de
France. En sollicitant un peu les mots ne pourrait-on dire que la France
jacobine est l’héritière des Capétiens comme elle se perpétuera dans l’idée
impériale.
Lorsque
viendra l’heure de la décentralisation, celle-ci, hormis quelques minorités, ne
se confondera pas avec le régionalisme nationalitaire
comme on le voit en Espagne, en Italie et même en Grande-Bretagne. La commission
européenne d’une certaine manière, financièrement, a encouragé cette évolution.
J’ai eu connaissance de cartes géographiques sur lesquelles les nations
constituées ont disparus au profit de regroupements
régionaux.
Un
vice de forme congénital
Au-delà
de cela elle pêche par un vice fondamental, congénital.
Elle
n’est pas démocratique.
Elle
est technocratique.
Dès
le départ.
Ne
nous laissons pas aller aux généralisations hâtives ou infondées. Dans son
personnel la Commission européenne emploie des gens compétents et de qualité.
Mais là ou le bât blesse c’est qu’ils oeuvrent et
fonctionnent dans un univers clos, celui de la technocratie. Le Parlement
européen dispose de pouvoirs accrus mais limités.
On
peut certes le critiquer mais aux yeux de la Commission il est considéré comme
un gêneur. La France en particulier a eu le mérite de consulter sa population à
propos de Maestricht et sur le traité constitutionnel
ce qui donna un oui à l’arraché pour le premier, un non pour le second. Les
hiérarques de la technocratie européenne n’eurent de mots assez durs pour
stigmatiser le refus français dû, selon eux, à l’incompétence et à la non information. J’ai encore en mémoire certains propos
louant Jean Monnet de n’avoir pas consulté ou incité à consulter les
populations.
« Il n’eut jamais réussi. » Moralité
: demeurons entre nous, entre initiés. Ce qui abouti à soumettre les États à
passer sous les fourches caudines de la législation
européenne.
De
plus une législation non soumise (ou si peu) à un contrôle démocratique. Peu de
candidats au présidentielles le soulignent. On citera Nicolas Dupont-Aignan mais
quelque puissent être les sympathies qu’il attire chez des gaullistes de
tradition c’est Marine Le Pen qui engrange, s’affirme, progresse. Elle est
intelligente, a le sens du débat mais entraine à sa suite un parti dont on sait
les démons. Il serait nécessaire et urgent que les partis démocratiques et leurs
candidats ouvrent le débat, mettent carte sur table et disent l’Europe à
laquelle ils adhérent et les conclusions qu’ils en tirent.
C’est
notre destin qui est en jeu.