par
Luc Beyer de ryke
«
Il faut sauver le citoyen Salah Hamouri »,
titrions-nous
dans la dernière Lettre du 18 Juin. C’est chose faite. Françoise
Germain-Robin et moi-même avons vécu ensemble avec sa famille sa libération et
son retour. Les Hamouri habitent Jérusalem. Mais pour
arriver chez eux il faut franchir le point de contrôle de Kalendia. Ce qui fait qu’on se trouve dans un quartier bordé
par le mur et ses hautes parois de béton enluminées par de tags et de slogans où
habitent 50.000 personnes soumises à la police et à la sécurité
israélienne.
C’est
à Kalendia que Salah Hamouri
fut arrêté pour être passé six mois plus tôt nuitamment avec un ami devant le
domicile d’un rabin extrémiste. Il fut accusé de
préparer un attentat. Ce qu’il a toujours nié et continue à faire. Reste qu’on
lui donna le choix à lui et à son défenseur Léa Tsemel, avocate israélienne, se déclarer innocent et être
condamné à quatorze ans de prison ou s’avouer coupable et s’en tirer avec sept
ans. Léa Tsemel, en son nom, plaida coupable pour
diminuer de moitié la peine de son client. La détention qui vient de s’achever
commença le 13 mars 2005.
Elle
fut dure. Parfois inhumaine. Interrogatoires sans sommeil durant des jours,
transfert de prison en prison, périodes d’isolement. Ajoutons que jugement et
condamnation ont été prononcés par un tribunal militaire siégeant en toute
illégalité en territoire occupé.
La
journée la plus longue
Françoise
et moi avons vécu en compagnie de la famille de Salah la journée tant attendue.
Il y a Denise, la mère, professeur de français au collège des Frères ; le père
qui, lui, est palestinien ; Caroline, dix-huit ans, étudiante en journalisme a
Birzeit ; Amir, dix-sept ans, terminant son secondaire
chez les Frères. Dans le salon où il fait froid, comme souvent en hiver dans les
maisons mal chauffées des pays du sud. Partout, aux murs, sur les meubles, des
photos du fils prodigue.
Dans
la rue, au balcon, on a déroulé des banderoles. Devant la maison une tente
attend des parents et amis. La journée s’étire. Lentement. Interminablement.
Salah doit être libéré à la tombée de la nuit. Où ? Le père sera prévenu peu
avant par téléphone. Seuls les parents auront le droit d ‘aller le chercher. Les
ombres du soir s’étendent. Les journalistes commencent à arriver. Parmi eux,
Charles Enderlin de France 2. Le salon devient
une ruche bourdonnante.
À
chaque coup de téléphone on s‘agite. La tension monte. Un nouvel appel, c’est le
bon. Pendant que les parents s’engouffrent dans leur voiture et que dans la rue
on commence à se presser, arrive le consul général de France. Après une heure
d’attente et une rue devenue noire de monde on entend des klaxons. Ce sont
eux.
Salah
est tiré de la voiture, hissé sur les épaules. Du haut du balcon nous discernons
une silhouette ondulant au rythme d’une procession bruyante, cahotante et des
clameurs de joie assourdissantes. Le voilà enfin, franchissant la porte. Il est
revenu. Il est chez lui. Sa nouvelle vie commence.
Une
chape de plomb : l’occupation
Au
loin, près du barrage de Kalendia, la nuit est
illuminée d’un feu d’artifice. Les bleues, les vertes, les jaunes, les rouges
célèbrent la libération de Salah et celles des cinq cent quarante-neuf
prisonniers relâchés avec lui. Il en demeure cinq mille toujours
incarcérés.
Cette
soirée faite d’angoisse et de joie fut ternie par des incidents violents. Devant
la prison d’Ofer la foule empêchée d’approcher fut
repoussée sans ménagement par l’armée. Lacrymogènes, bousculades, matraquages
firent plusieurs blessés. À tel point que le secrétaire général de Nations unies
s’en est ému condamnant « tant de violence inutile ». Salaf Amouri est libre, mais la
violence qui entraîne tant de violences subsiste : l’Occupation.