Compte-rendu du dîner-débat du 13 décembre 2011

En présence de Mme Françoise GERMAIN-ROBIN et Mr Amir ALFARGE

Bassin méditerranéen, Europe et Etats-Unis,

Quelles politiques, pour quels buts ?

 

Par Christine ALFARGE

 

« La Méditerranée est un espace unique à la jonction de trois continents, l’européen, l’africain et l’asiatique »

 

Une aire géopolitique extensible.

La Méditerranée s’articule principalement autour de quatre grands nœuds stratégiques que sont le détroit de Gibraltar, le canal de Suez, les détroits du Bosphore et des Dardanelles et le détroit de Sicile.

Au-delà de cette délimitation géographique, si on prend en compte les  facteurs explicatifs (politique, militaire, économique, culturel), on obtient une aire géopolitique très extensible de la Méditerranée délimitée comme une vaste zone s’étendant entre l’Europe, le Sahara africain, le Golfe arabo-persique, la mer Caspienne, la mer Noire et le Caucase. Un sixième du commerce mondial ainsi qu’un tiers du trafic pétrolier passent par cette mer, ce qui crée forcément des tensions. Egalement 20 % du pétrole consommé aux Etats-Unis passent par cette zone, qui présente le pourtour méditerranéen comme un axe de pénétration euro-asiatique. La Méditerranée, qui représente 28% du produit intérieur brut mondial, est aussi « une zone de crises » confrontée particulièrement au conflit du Proche-Orient, à la décolonisation inachevée du Sahara occidental et aux tensions entre la Grèce et la Turquie.

La Méditerranée comme espace géostratégique.

Il n’est pas possible de parler de l’histoire de la Méditerranée sans évoquer le colonialisme au XIXème et XXème siècle. Cet expansionnisme méridional concerne avant tout les deux puissances européennes de l’époque : la France et la Grande-Bretagne. Si Paris prend pied au Maghreb, Londres se tourne davantage vers la partie orientale du bassin.

Après la première guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne se partagent les dépouilles de l’Empire Ottoman, à travers les accords secrets de Sykes-Picot  du 9 mai 1916. La seconde guerre mondiale sonne l’heure des indépendances et de la décolonisation sur la rive Sud, période qui s’étale jusque dans les années 1960. C’est le commencement de l’actuelle fracture Nord-Sud et la montée des contrastes des conditions de vie entre les deux rives.

La période de la guerre froide de 1947 à 1989.

Dans cette période de guerre froide, la Méditerranée illustra parfaitement le jeu dialectique des rapports de force et de la rivalité entre Moscou et Washington. De 1947 à 1989, les deux superpuissances s’affrontent par adversaires interposés et l’espace méditerranéen, par l’importance géopolitique qu’il revêt (couloir de communication, transit du pétrole, lieu de contact entre l’Occident et le monde arabe), constitue un enjeu stratégique majeur dans la configuration bipolaire du monde. La Méditerranée offre en effet un champ de manœuvres considérable aux deux blocs. L’OTAN développe son système de sécurité du «Flanc Sud » : dès 1946, les américains installent leur VIème Flotte dans le bassin pour contrer les forces navales soviétiques (Eskadra) venues infiltrées elles aussi les eaux méditerranéennes.

La crise de Suez en 1956, qui redistribue les cartes en Méditerranée et au Moyen-Orient, provoque une accélération de la mainmise géostratégique russe et américaine dans la région. Convoitée, la Méditerranée endure les stratégies dynamiques des deux blocs : pacte de Bagdad en 1955, doctrine Eisenhower en 1957, alliances stratégiques dans la région, course aux armements, exploitation des mouvements de décolonisation par les soviétiques et leurs stratégies dans les guerres israélo-arabes.

La fin de la guerre froide est officialisée à Malte les 2 et 3 décembre 1989 entre le président américain Bush senior et le leader soviétique Mikhaïl Gorbatchev. Les traces laissées par la période de guerre froide sont abondantes. La plus visible est sans doute le leadership de la puissance américaine sur le bassin méditerranéen depuis le début de la décennie 1990, aidé il est vrai par la guerre du Golfe qui repositionna encore un peu plus le maillage géostratégique de Washington dans la région.

L’approche européenne et américaine.

L’Union européenne a certainement beaucoup de domaines qu’elle partage avec les États-Unis, l'UE et les USA, agissant pour leurs intérêts, en travaillant ensemble, mais l'UE doit aussi déterminer des espaces qu'elle ne partage pas avec les Etats-Unis d'Amérique touchant à ses propres intérêts.

Alors que l’Union européenne  opte pour des stratégies globales sur l’ensemble du bassin méditerranéen par la création d’un espace d’économies stables avec les voisins du sud en fonction de ses propres intérêts, l’intérêt des USA en Méditerranée se distingue absolument de celui de l’UE car pour les Américains, la Méditerranée est un axe de pénétration dans la zone euro-méditerranéenne. C’est un accès aux ressources pétrolières et un accès permettant la sécurité d’Israël. Donc Il n’y a pas d’intérêt de voisinage. Tout ce qui est développement durable et sécurité de la Méditerranée n’est pas dans la priorité des Américains. Autrement dit, la vision américaine, semble moins figée mais plus sélective. Cette tendance à la sélection s’illustre, comme dans d’autres régions du monde d’ailleurs, dans le choix délibéré de distinguer entre Etats amis et Etats voyous. Ce manichéisme, qui répond aux seuls intérêts américains, est à la source de leur système relationnel en Méditerranée.

Le projet Américain « Greater Middle East » et L’Islam.

Bien que regroupant l’ensemble des Etats sud-méditerranéens et plus largement la majorité des pays musulmans d’Agadir aux montagnes afghanes, ce projet n’est en réalité qu’un apparat pour masquer l’incapacité des Etats-Unis à agir efficacement dans ce vaste espace du monde, selon Françoise GERMAIN ROBIN : « Une chose est claire à la fois pour l’Europe et les Etats-Unis qui ont été dépourvus de ce qui s’est passé lors des révoltes arabes créant un moment de surprise dans l’attitude des dirigeants. Les équilibres régionaux sont la hantise des américains, ils veulent régler ce problème depuis longtemps afin de poursuivre leurs objectifs notamment le pétrole et l’influence régionale qu’ils comptent disputer à l’Europe et à la France ». Le Greater Middle East, dont le seul dénominateur commun est l’Islam, est non pas une action mais une réaction à l’impuissance américaine dans la région.

L’Union pour la méditerranée peut-elle devenir une réalité ?

Selon Amir ALFARGE : « L’Union pour la Méditerranée peut devenir une réalité dans la mesure où nous allons voir apparaître dans le monde, trois grands blocs, le bloc Amérique du Nord et Amérique du Sud, le grand bloc asiatique et l’espoir d’un futur bloc euro-méditerranéen dont le projet a déjà commencé avec le processus de Barcelone en 1995 suivi du projet de l’Union pour la Méditerranée ». Bien que, le « Processus de Barcelone », s’est terminé par une série d'initiatives préparatoires, la stratégie européenne a essayé de mettre en œuvre pour la première fois à long terme des coopérations entre les deux rives de la Méditerranée incluant un accord sur un projet de « partenariat global », qui comprend un accent particulier sur la «société civile» et la dimension culturelle. Mais ce processus s’est heurté à l'échec du projet visant à  résoudre le conflit israélo-palestinien, et la pression croissante de la stratégie des Etats-Unis sur la Méditerranée, par l'Organisation du Traité Atlantique Nord.

L’Union pour la Méditerranée lancée sous l’impulsion française visant à intégrer les Européens et les habitants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée pour constituer un ensemble de 1 milliard de personnes vers 2030-2040, incarne cette volonté politique de relancer le partenariat euro-méditerranéen afin de réaliser des projets communs basés sur le Co-développement. Plusieurs réflexions sont menées sur des enjeux incontournables tels que la question de l’énergie, celle d’une Institution financière euro-méditerranéenne ainsi que sur la création d’une agence méditerranéenne de l’eau et la mise en place de mesures sur l’emploi et l’alimentaire, destinées à l'amélioration des conditions de vie des populations afin de diminuer les flux migratoires entre l’Afrique et l’Europe. Le fondement de la stabilité en Méditerranée passe par le règlement des problèmes sociaux et économiques des citoyens.

Le destin de l’Union européenne est lié à celui des pays du sud de la Méditerranée. Il est important de comprendre que le renforcement de la coopération économique euro-méditerranéenne est nécessaire pour construire un territoire stable et durable. Parti de Tunisie fin 2010 avec une ampleur plus ou moins grande selon les pays, un vent de démocratie a soufflé sur le monde arabe. Dans ce contexte évolutif sur les plans politique, économique et géostratégique s’inscrit une nouvelle donne dans l’espace moyen-oriental notamment sur les grands enjeux territoriaux, sécuritaires et énergétique existants ou à venir. L’Europe, sera-t-elle moins soumise aux intérêts des États-Unis, plus disposée à un dialogue sur un pied d'égalité avec le monde arabo-musulman ? Quelle sera une politique française dans un nouveau monde arabe dont il faudra toujours avoir à l’esprit qu’il demeure une mosaïque de différents pays dans cette zone, chacun avec ses particularités.

 Nul doute que la France grâce au Général de GAULLE aura toujours la considération des Etats et des peuples arabes car il continue d’incarner l’homme qui avait renversé le cours de la politique française et su établir entre eux-mêmes et la France des relations qui ne pouvaient exister tant que durait l’ère de la domination.

 
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10.01.2012
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