Par
Christine ALFARGE
« La
Méditerranée est un espace unique à la jonction de trois continents, l’européen,
l’africain et l’asiatique »
Une
aire géopolitique extensible.
La
Méditerranée s’articule principalement autour de quatre grands nœuds
stratégiques que sont le détroit de Gibraltar, le canal de Suez, les détroits du
Bosphore et des Dardanelles et le détroit de Sicile.
Au-delà
de cette délimitation géographique, si on prend en compte les facteurs explicatifs (politique,
militaire, économique, culturel), on obtient une aire géopolitique très
extensible de la Méditerranée délimitée comme une vaste zone s’étendant entre
l’Europe, le Sahara africain, le Golfe arabo-persique, la mer Caspienne, la mer
Noire et le Caucase. Un sixième du commerce mondial ainsi qu’un tiers du trafic
pétrolier passent par cette mer, ce qui crée forcément des tensions. Egalement
20 % du pétrole consommé aux Etats-Unis passent par cette zone, qui présente le
pourtour méditerranéen comme un axe de pénétration euro-asiatique. La
Méditerranée, qui représente 28% du produit intérieur brut mondial, est aussi
« une zone de crises » confrontée particulièrement au conflit du
Proche-Orient, à la décolonisation inachevée du Sahara occidental et aux
tensions entre la Grèce et la Turquie.
La
Méditerranée comme espace géostratégique.
Il
n’est pas possible de parler de l’histoire de la Méditerranée sans évoquer le
colonialisme au XIXème et XXème siècle. Cet expansionnisme méridional concerne
avant tout les deux puissances européennes de l’époque : la France et la
Grande-Bretagne. Si Paris prend pied au Maghreb, Londres se tourne davantage
vers la partie orientale du bassin.
Après
la première guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne se partagent les
dépouilles de l’Empire Ottoman, à travers les accords secrets de
Sykes-Picot du 9 mai 1916. La seconde guerre mondiale sonne l’heure des
indépendances et de la décolonisation sur la rive Sud, période qui s’étale
jusque dans les années 1960. C’est le commencement de l’actuelle fracture
Nord-Sud et la montée des contrastes des conditions de vie entre les deux
rives.
La période de la guerre froide de 1947 à
1989.
Dans cette période de guerre froide, la
Méditerranée illustra parfaitement le jeu dialectique des rapports de force et
de la rivalité entre Moscou et Washington. De 1947 à 1989, les deux
superpuissances s’affrontent par adversaires interposés et l’espace
méditerranéen, par l’importance géopolitique qu’il revêt (couloir de
communication, transit du pétrole, lieu de contact entre l’Occident et le monde
arabe), constitue un enjeu stratégique majeur dans la configuration bipolaire du
monde. La Méditerranée offre en effet un champ de manœuvres considérable aux
deux blocs. L’OTAN développe son système de sécurité du «Flanc Sud » : dès
1946, les américains installent leur VIème Flotte dans le bassin pour contrer
les forces navales soviétiques (Eskadra) venues
infiltrées elles aussi les eaux méditerranéennes.
La crise de Suez en 1956, qui redistribue les
cartes en Méditerranée et au Moyen-Orient, provoque une accélération de la
mainmise géostratégique russe et américaine dans la région. Convoitée, la
Méditerranée endure les stratégies dynamiques des deux blocs : pacte de Bagdad en 1955, doctrine Eisenhower en 1957,
alliances stratégiques dans la région, course aux armements, exploitation des
mouvements de décolonisation par les soviétiques et leurs stratégies dans les
guerres israélo-arabes.
La fin de la guerre froide est officialisée à
Malte les 2 et 3 décembre 1989 entre le président américain Bush senior et le
leader soviétique Mikhaïl Gorbatchev. Les traces laissées par la période de
guerre froide sont abondantes. La plus visible est sans doute le leadership de
la puissance américaine sur le bassin méditerranéen depuis le début de la
décennie 1990, aidé il est vrai par la guerre du Golfe qui repositionna encore
un peu plus le maillage géostratégique de Washington dans la
région.
L’approche européenne et
américaine.
L’Union européenne a certainement beaucoup de
domaines qu’elle partage avec les États-Unis, l'UE et les USA, agissant pour
leurs intérêts, en travaillant ensemble, mais l'UE doit aussi déterminer des
espaces qu'elle ne partage pas avec les Etats-Unis d'Amérique touchant à ses
propres intérêts.
Alors que l’Union européenne opte pour des stratégies globales sur
l’ensemble du bassin méditerranéen par la création d’un espace d’économies
stables avec les voisins du sud en fonction de ses propres intérêts, l’intérêt
des USA en Méditerranée se distingue absolument de celui de l’UE car pour les
Américains, la Méditerranée est un axe de pénétration dans la zone
euro-méditerranéenne. C’est un accès aux ressources pétrolières et un accès
permettant la sécurité d’Israël. Donc Il n’y a pas d’intérêt de voisinage. Tout
ce qui est développement durable et sécurité de la Méditerranée n’est pas dans
la priorité des Américains. Autrement dit, la vision américaine, semble moins
figée mais plus sélective. Cette tendance à la sélection s’illustre, comme dans
d’autres régions du monde d’ailleurs, dans le choix délibéré de distinguer entre
Etats amis et Etats voyous. Ce manichéisme, qui répond aux seuls intérêts
américains, est à la source de leur système relationnel en
Méditerranée.
Le projet Américain « Greater Middle East » et L’Islam.
Bien que regroupant l’ensemble des Etats
sud-méditerranéens et plus largement la majorité des pays musulmans d’Agadir aux
montagnes afghanes, ce projet n’est en réalité qu’un apparat pour masquer
l’incapacité des Etats-Unis à agir efficacement dans ce vaste espace du monde,
selon Françoise GERMAIN ROBIN : « Une chose est claire à la fois
pour l’Europe et les Etats-Unis qui ont été dépourvus de ce qui s’est passé lors
des révoltes arabes créant un moment de surprise dans l’attitude des dirigeants.
Les équilibres régionaux sont la hantise des américains, ils veulent régler ce
problème depuis longtemps afin de poursuivre leurs objectifs notamment le
pétrole et l’influence régionale qu’ils comptent disputer à l’Europe et à la
France ». Le Greater Middle East, dont le
seul dénominateur commun est l’Islam, est non pas une action mais une réaction à
l’impuissance américaine dans la région.
L’Union
pour la méditerranée peut-elle devenir une réalité ?
Selon
Amir ALFARGE : « L’Union pour la Méditerranée peut devenir une
réalité dans la mesure où nous allons voir apparaître dans le monde, trois
grands blocs, le bloc Amérique du Nord et Amérique du Sud, le grand bloc
asiatique et l’espoir d’un futur bloc euro-méditerranéen dont le projet a déjà
commencé avec le processus de Barcelone en 1995 suivi du projet de l’Union pour
la Méditerranée ». Bien que, le «
Processus de Barcelone », s’est terminé par une série d'initiatives
préparatoires, la stratégie européenne a essayé de mettre en œuvre pour la
première fois à long terme des coopérations entre les deux rives de la
Méditerranée incluant un accord sur un projet de « partenariat global », qui
comprend un accent particulier sur la «société civile» et la dimension
culturelle. Mais ce processus s’est heurté à l'échec du projet visant à résoudre le conflit israélo-palestinien,
et la pression croissante de la stratégie des Etats-Unis sur la Méditerranée,
par l'Organisation du Traité Atlantique
Nord.
L’Union
pour la Méditerranée lancée sous l’impulsion française visant à intégrer les
Européens et les habitants des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée pour
constituer un ensemble de 1 milliard de personnes vers 2030-2040, incarne cette
volonté politique de relancer le partenariat euro-méditerranéen afin de réaliser
des projets communs basés sur le Co-développement. Plusieurs réflexions sont
menées sur des enjeux incontournables tels que la question de l’énergie, celle
d’une Institution financière euro-méditerranéenne ainsi que sur la création
d’une agence méditerranéenne de l’eau et la mise en place de mesures sur
l’emploi et l’alimentaire, destinées à l'amélioration des conditions de vie des populations afin
de diminuer les flux migratoires entre l’Afrique et l’Europe. Le fondement de la stabilité en Méditerranée passe par le
règlement des problèmes sociaux et économiques des citoyens.
Le
destin de l’Union européenne est lié à celui des pays du sud de la Méditerranée.
Il est important de comprendre que le renforcement de la coopération économique
euro-méditerranéenne est nécessaire pour construire un territoire stable et
durable. Parti de Tunisie fin 2010 avec une ampleur plus ou moins grande selon
les pays, un vent de démocratie a soufflé sur le monde arabe. Dans ce contexte
évolutif sur les plans politique, économique et géostratégique s’inscrit une
nouvelle donne dans l’espace moyen-oriental notamment sur les grands enjeux
territoriaux, sécuritaires et énergétique existants ou à venir. L’Europe, sera-t-elle moins soumise aux intérêts des
États-Unis, plus disposée à un dialogue sur un pied d'égalité avec le monde
arabo-musulman ? Quelle sera une politique française dans un nouveau
monde arabe dont il faudra toujours avoir à l’esprit qu’il demeure une mosaïque
de différents pays dans cette zone, chacun avec ses
particularités.
Nul doute que la France grâce au Général
de GAULLE aura toujours la considération des Etats et des peuples arabes car il
continue d’incarner l’homme qui avait renversé le cours de la politique
française et su établir entre eux-mêmes et la France des relations qui ne
pouvaient exister tant que durait l’ère de la domination.