LE TEMPSDE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE

EST SANS DOUTE DÉPASSÉ

 

par Pierre Chastanier

Au moment où quelques nostalgiques de la social-démocratie espèrent encore réformer, tout en maintenant un système qui prétend donner le pouvoir au peuple, il est temps de s’interroger sur le type de régime qui pourrait aujourd’hui convenir à un monde au bord du gouffre incapable de régler avec humanité les problèmes de notre société. L’ultra capitalisme triomphant, la loi du marché, l’individualisme forcené, l’égoïsme des nantis, la mondialisation irresponsable, l’absence de réelle gouvernance onusienne, la crise, mot commode pour masquer nos incapacités, l’épuisement prévisible des ressources de la planète, l’incurie des États dont les dettes deviennent si ingérables qu’elles finiront par faire disparaître l’épargne des classes moyennes, l’incivilité généralisée, les flux migratoires incontrôlés, les nouvelles pandémies, le chômage, la guerre sont sur un des plateaux de la balance.

La science, l’innovation, le brassage intellectuel, social et humain, la volonté de survivre, l’amour, l’humanisme, l’entraide, la coopération, suffiront-ils sur l’autre à sauver notre espèce lui permettant de poursuivre sa route évolutive vers un avenir incertain ? Le temps du gouvernement des Sages est-il advenu ? Depuis Pythagore, on sait à quel point il est plus facile d’instaurer une dictature, qu’elle soit violente ou plus subtile, que de rassembler aux commandes de l’État, des hommes et des femmes totalement désintéressés, uniquement soucieux du bien public, capables pour une brève période de consacrer leur vie au service de l’intérêt général sans attendre une quelconque récompense puis de passer la main à d’autres également désintéressés pour éviter tout risque d’imposer une oligarchie qui immanquablement voudrait protéger ses privilèges.

Notre système actuel de monarchie républicaine, instauré par le scrutin majoritaire à deux tours qui a durablement installé la bipolarisation dans le paysage politique français, bipolarisation aggravée par la concomitance récente des élections présidentielles et législatives, est maintenant tellement peu crédible que le peuple toujours beaucoup plus intelligent que ne le croient les élites a fini par en tirer la conclusion qu’il était inutile de participer à ces mascarades de démocratie que sont devenues nombre de consultations populaires (50 % d’abstentionnistes, 18% de Françaises et de Français qui ne sont même pas inscrits sur les listes électorales, des votes blancs et nuls qui ne sont pas pris en compte). Tout cela pour dire qu’un parti qui au second tour l’emportera avec 51 % des suffrages exprimés ne représentera en fait guère plus de 20 % des citoyens dont à peine plus de10 % au premier tour !

Déçus par tant de promesses électorales non tenues– mais elles n’engagent, dit-on, que ceux qui les reçoivent – nos compatriotes n’espèrent plus que les politiques – profession qui avec celle de journaliste est la plus dévaluée – soient capables d’apporter des solutions durables à leurs problèmes. La persistance du chômage, le sentiment que leurs enfants auront les pires difficultés à s’en sortir, la peur de l’avenir, l’étalage des richesses des nantis, aux intérêts desquels les élus, surtout de droite mais aussi pour certains de gauche, apparaissent souvent comme liés, expliquent ce désenchantement qui aujourd’hui se traduit par l’abstention et qui demain redonnera naissance à de nouvelles jacqueries !

Un temps encore, le pouvoir, en connivence avec les médias, pourra faire croire que, crise oblige, il n’y a pas d’autre politique possible que celle qui est actuellement menée, l’opposition prétendra le contraire. Si le premier gagne, tout continuera comme avant, si la seconde l’emporte très vite la situation redeviendra analogue jusqu’à l’explosion finale. Déjà les indignés donnent dans une faible mesure une idée de ce qui pourrait advenir le jour où 99,99 % de la population c’est-à-dire la quasi-totalité des citoyens exceptée l’oligarchie ploutocratique qui possède presque tout (6.400 personnes au total représentant500 familles) et qui manipule à son service pouvoirs et médias soit un jour submergée ici comme ailleurs par un véritable tsunami du ras-le-bol né de la société civile.

Ne parlons plus de partis, les partis étymologiquement séparent. Or nous avons besoin plus que jamais d’union, sur base de liberté et de responsabilité, de solidarité et de justice, d’égalité des chances, d’intégration crédible pour les plus démunis.

Nous avons besoin de « parler vrai », ce qui devant des médias aux ordres, chargés d’anesthésier le peuple à l’aide d’émissions débiles (Panem et circenses), est plus facile à dire qu’à faire.

Nous avons besoin d’une mobilisation générale où tous ceux, hommes et femmes de bonne volonté, qui jusqu’alors se disaient de droite, de gauche, du centre, des extrêmes, voudront bien se rassembler sans ostracisme pour ENSEMBLE rebâtir une Nation équitable au sein d’une Europe revivifiée.

Nous avons besoin d’échanger, de trouver des solutions acceptables par le plus grand nombre, de réunir sous nos valeurs républicaines tous ceux Français et étrangers qui vivant sur notre sol s’engagent à respecter nos lois. Nous avons besoin de donner l’exemple d’une société équitable sachant exiger de chacun selon ses capacités et récompenser chacun selon ses mérites. Les intelligences ne manquent pas, la volonté de s’en sortir non plus. Mais le système est bloqué.

En effet, les partis font la loi. Ils ne représentent réellement que quelques milliers de militants mais s’arrogent le droit, dans un touchant ensemble, de disposer des investitures, de l’aide financière de l’État, des ressources occultes des grands groupes, des médias, des institutions. Vous voulez participer au sauvetage du Pays ? Si la crise traîne un peu, couvant sous la cendre des atermoiements des sommets successifs, on ira sans doute jusqu’aux élections présidentielles de mai 2012 mais ensuite rien ne sera joué.

Nicolas Sarkozy ou François Hollande avec, entre les deux tours, un éventuel remake de 2002 : rien ne changera vraiment, non qu’ils soient incapables mais parce qu’ils sont prisonniers du système et de ceux qui les soutiennent. Les candidatures des autres Bayrou, Joly, Mélenchon, Le Pen, Morin… inutiles dans ce scrutin uninominal à deux tours, aideront certes ces groupes politiques à compter leurs voix ne serait-ce que pour encaisser aux législatives qui suivront les fruits de leurs profitables investissements (les partis, sans parler du remboursement plus que généreux des frais de campagne, perçoivent en effet en fonction des résultats obtenus aux législatives 1,63 € par voix chaque année pendant cinq ans + 50.000 € environ par parlementaire élu).

C’est alors qu’il faudra, constatant très rapidement qu’une fois de plus tout est pareil, que tous ceux qui aiment la France et qui veulent l’empêcher de sombrer s’unissent, là où ils se trouvent, pour que, hors des affrontements des égos, dans un esprit de dialogue et de concertation, tous les Républicains soient capables de ramener le Pays vers des eaux plus calmes, oubliant délibérément les étiquettes qui hier les divisaient, en parlant vrai, d’une même voix, celle de la fraternité.

Attention ! Aucun rassemblement aussi largement mobilisateur ne pourra naître sous la férule d’un leader politique quel qu’il soit car, dans un mouvement en formation, la désignation d’un chef ne doit en aucun cas apparaître comme une décision « a priori ». Elle ne peut être que le choix ultérieur fait le moment venu par la masse qui reconnaîtra en son sein celui ou celle qui pourra le mieux incarner ses aspirations tout en sachant que cette masse désire participer, forger son propre destin et non s’en remettre à un hypothétique sauveur. Mais à l’heure des réseaux sociaux tout devient possible. Que cherchent-ils donc en effet ces innombrables bateleurs d’estrades, qui avant longtemps ne pourront dégager une majorité en dehors des deux mastodontes durablement en place malgré l’échec patent de leurs politiques successives ?

 

À faire parler d’eux ? À vivoter au gré des campagnes ? À se rassasier de leurs apparitions sur les chaînes de télé ? À jouir d’un salaire confortable et d’une copieuse retraite sans parler des mille petits avantages de la vie d’élu ? Pour quoi faire ?

 

L’histoire ne se souviendra guère du passage de cette petite troupe. Dommage car parmi eux beaucoup auraient pu servir et être utiles à la France s’ils avaient recherché le bien public et non leur intérêt personnel. Si l’UMP l’emporte, l’impossibilité constitutionnelle de réélire le président sortant pour un troisième mandat créera dès 2012 des tensions centrifuges parmi les prétendants au trône. Si le Parti Socialiste est vainqueur la conjonction des forces conservatrices ne lui favorisera guère la tâche. On a vu dans le passé ce que cela avait donné.

 

Car le plus fort dans tout cela c’est qu’à part une minorité de super nantis qui sont aux commandes dans la lumière ou de façon plus occulte, une bonne moitié des Français, surtout parmi ceux qui se disent de droite croit avoir intérêt à faire cause commune avec ces eux. Ils n’acceptent pas l’idée de se retrouver sur les mêmes bancs que les leaders d’extrême gauche ou du Front National et on les comprend tant les discours des extrêmes se rejoignent dans la négation de l’autre.

 

Qu’ont-ils pourtant à voir ces 64 millions de Français avec ceux dont le patrimoine excède 50 millions d’euros ? On leur fait croire, c’est tout, que leurs destins sont liés ! Entre Bernard Arnaud (21 milliards d’€) et le pauvre Jean-Paul Gauthier (60 millions d’€)500 familles parmi lesquelles de nombreux inconnus se situent entre ces deux extrêmes (http://www. challenges.fr/classements/fortune).

 

Or, l’essentiel est que la politique de la France ne se fasse pas à la corbeille comme l’avait pourtant si bien dit le Général. Pas besoin de guillotine ! Ceux qui veulent partir partiront le jour où le gouvernement du renouveau sera en place. En réalité ils l’ont déjà fait, Mulliez (Auchan) est en Belgique, Peugeot en Suisse. Les exilés fiscaux sont légion y compris parmi les chanteurs connus et les vedettes du sport. Un Gouvernement des Sages n’a pas besoin de boucs émissaires. Reconnaître les mérites et les récompenser largement doit rester possible sans affamer les plus humbles.

 

Quand on entend une célèbre enseigne de la grande distribution vanter ses efforts pour promouvoir le pouvoir d’achat des Français que ne commence-telle à en finir avec cette pratique odieuse qui consiste chez elle à recruter des caissières à mi-temps souvent obligées de revenir deux fois par jour pour 500 € par mois.

 

Une réforme fiscale est certes nécessaire. Un impôt sur le revenu progressif, touchant toutes les classes sociales au-dessus du SMIC, incluant les revenus financiers aussi bien que ceux du travail. Un impôt sur le patrimoine au-dessus de 100.000 € à taux faible mais n’exonérant aucun type de biens (toiles de maîtres, actions de société, collections…). Une TVA sociale favorisant l’exportation de nos produits tout en faisant contribuer les importations à la solidarité nationale.

 

Une réforme de l’éducation, commençant dès l’école maternelle, pour en finir avec ces jeunes qui sortent sans diplôme ne maîtrisant même pas les savoirs fondamentaux, pour mieux intégrer les enfants d’immigrés, pour préparer une orientation responsable des jeunes selon leurs désirs et leurs capacités, pour les former aux métiers dont le pays a besoin, pour donner à tous l’accès au savoir et à la culture. Une réforme de l’entreprise pour réhabiliter l’association capital-travail, lutter contre une désindustrialisation coupable aux seuls profits d’une minorité, favoriser l’innovation garante des succès de demain, offrir à chacun avec son salaire quotidien sa dignité quotidienne.

 

Une lutte contre les gaspillages notamment dans les dépenses publiques sans sacrifier la qualité du service rendu au public, par plus de simplification, plus d’intelligence, moins de corruption, plus de contrôle a posteriori, une lutte contre les gaspillages énergétiques en retrouvant un mode de vie plus économe pour la planète.

 

La promotion d’une Europe confédérale forte qui à l’heure des continents organisés s’ouvrant sur une plus large participation de nos voisins de l’Est avec qui nous partageons une histoire et une culture millénaire et qui, avouons-le, regorgent des réserves énergétiques qui nous manquent nous donnerait demain la parité que nous méritons face aux blocs nord et sud américains, indiens ou chinois.

 

Une société fondée sur les valeurs humanistes dont la France est le chantre depuis deux siècles, respectant dans tous les domaines la liberté de chacun mais soucieuse de ne permettre aucune dérive intégriste, aucune incivilité, aucun acte délictueux non sanctionné de la Loi, solidaire mais exigeante demandant à tous, notamment aux assistés, selon leurs aptitudes, de participer, là où ils peuvent être utiles, à l’oeuvre commune.

 

Pour vous qui espérez en ce sursaut salvateur, une seule solution : oublier vos partis d’hier et les cloisons mentales qu’ils ont dressées entre nous, oublier vos étiquettes inadaptées au monde de demain, droite, gauche, centre, extrêmes, oublier vos vieux nationalismes exacerbés que certains confondent avec le noble et généreux patriotisme. L’Union, l’union, l’union !

 

Un seul Rassemblement : celui des hommes et des femmes de bonne volonté pour chercher ensemble ces voies de l’avenir dans le respect de tous, trouvant à chaque problème une solution acceptable, même si c’est momentanément une cote mal taillée car compromis ne veut pas forcément dire compromission. Donner à tous ceux qui veulent s’engager la possibilité de servir là où leur compétence sera utile tout en évitant qu’ils s’installent dans un pouvoir inamovible pour profiter de privilèges injustifiés. Simplifier la vie publique pour la rendre plus participative, plus proche des citoyens, dépoussiérée de tous relents d’ancien régime, au service du Peuple, et faire que chaque élu puisse retourner à sa vie familiale lorsqu’ayant achevé son mandat il passera le témoin à d’autres, avec joie, pour que la démocratie respire et que la France avance.

 

 

 
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10.01.2012
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