Compte-rendu du dîner-débat du 16 novembre 2011

En présence de Monsieur Georges Henri SOUTOU

OU EN EST LE COUPLE FRANCO-ALLEMAND ?

Par Christine ALFARGE

« Rien n’est possible en matière économique au sein de l’Union européenne sans accord franco-allemand »

La crise de la dette a mis en lumière les contradictions de la zone monétaire européenne, une union de dix sept Etats aux conceptions et aux modèles économiques divergents. Dès lors, sa survie va dépendre de plus de solidarité,   plus d’intégration sur le renforcement budgétaire avec des minimas sociaux et fiscaux communs à tout le monde. Est-ce une incantation lorsqu’on évoque « le couple franco-allemand » car l’expression est reprise par tous les Chefs d’Etats ? Pour sa part, Georges Henri SOUTOU préfère « le terme moteur ». Le fonctionnement de l’Union européenne avec le couple franco-allemand comme moteur  s’inscrit dans la continuité d’une réflexion approfondie et d’une action diplomatique menées à son époque par le Général de GAULLE incarnant une vision stratégique pour notre avenir et celle des futures générations.

La volonté franco-allemande.

Au regard de l’Histoire, la visite officielle du Général d GAULLE en Allemagne du 4 au 9 septembre 1962 fut l’accomplissement du rapprochement avec le peuple allemand. Le 22 janvier1963 date de la signature du Traité de l’Elysée, le principe de réconciliation entre la France et l’Allemagne sera accepté grâce aux efforts et au respect mutuel entre le Général de GAULLE et le Chancelier allemand ADENAUER, ce dernier évoquant le Traité : « Comme le couronnement de son œuvre diplomatique, la réconciliation définitive entre la France et l’Allemagne dans le cadre de l’Occident uni ». Ce Traité indiquait notamment une coopération étroite dans les domaines politique, économique, social et militaire. Les relations entre les deux pays se resserrèrent constamment, chacun devint le principal partenaire de l’autre dans son commerce extérieur. Selon Georges Henri SOUTOU : « Les objectifs du Général de GAULLE étaient d’aller de l’avant sur la politique internationale et de défense ainsi que par rapport aux Etats-Unis. Le Traité comportait un important volet stratégique et la volonté du Général de GAULLE était d’être en tête du couple franco-allemand. Contrairement à l’Allemagne, la France n’était pas divisée mais elle affichait clairement ses différences avec les Etats-Unis. Quant à l’Allemagne, elle exerçait un rôle de médiateur avec les Etats-Unis pendant que la France voulait montrer un rôle mondial. Jusqu’à la guerre froide, les Allemands n’ont pas disputé le premier rôle à la France tout en veillant à défendre leurs intérêts ». En même temps, les opinons publiques acceptèrent de plus en plus l’autre comme partenaire et même comme ami. Le tourisme des Allemands en France et réciproquement était devenu un phénomène fréquent, et surtout les rencontres entre les jeunes, ce qui contribua à approfondir la connaissance de l’autre, même si l’enseignement de la langue donnait la priorité de part et d’autre à l’anglais et que des efforts restaient à faire pour développer la coopération universitaire.

Sur le plan économique, les relations franco-allemandes étaient plus complexes. L’industrie française était dopée par la situation excédentaire croissante en faveur de l’Allemagne et voulait se moderniser et devenir plus compétitive, ce qui contribua à des progrès considérables dans ce domaine. Le Premier ministre de l’époque, Georges POMPIDOU ambitionnait même de faire jeu égal avec son partenaire allemand, ce qui connut des limites en raison entre autres des différences entre les structures sociales des deux pays.

L’évolution de la situation depuis 1963.

Au début de l’année 1968, les gouvernements français et allemand trouvèrent un nouvel adversaire commun issu de l’extrême gauche « extra parlementaire » dont la France en connut les effets dévastateurs en mai lorsque la crédibilité des institutions était remise en cause et portait atteinte à la stabilité de sa monnaie. En  novembre de la même année, la question de la dévaluation du franc et celle de la réévaluation du deutsche mark se posèrent. Pour faire face aux difficultés, le Général de GAULLE demanda à l’Allemagne une aide financière qui lui fut refusée par le gouvernement allemand et la Bundesbank, ce qui suscita un vif malaise au sein du couple franco-allemand et la crainte du Général de GAULLE d’une nouvelle force de l’Allemagne au moment où la France connaissait un affaiblissement de sa monnaie. Cependant, le bilan des relations entre la France et l’Allemagne dans les années soixante restait  plutôt positif. Dès le 1er juillet 1968, les droits de douane avaient disparu à l’intérieur de la Communauté économique européenne. Malgré tout, le mariage de raison n’a pas mal fonctionné mais il a fallu veiller à l’équilibre des concessions. L’union économique et monétaire était avant tout un projet politique impulsé par les échanges intergouvernementaux. Lors de la négociation du Traité de Maastricht, en décembre 1991, un expert monétaire français du Ministère des Finances soulignait que « L’équilibre global de la négociation n’était pas forcément en faveur de l’Allemagne, car elle a plus donné en acceptant l’inscription d’une date butoir pour le passage à l’euro qu’elle n’a reçu en termes d’avancées vers l’union politique, qui lui tenait le plus à cœur ». La décision allemande était perçue comme un signe fort d’Helmut KHOL adressé à ses partenaires européens et en particulier à la France sur l’ancrage européen de l’Allemagne fédérale après la chute du mur de Berlin en 1989. Cependant l’Allemagne idéologiquement fédéraliste, cultivait l’ambiguïté sur sa position face à l’Europe politique qu’elle souhaitait ardemment et le refus d’augmenter sa participation financière à l’Union européenne, alors que la France unitaire plaidait pour la nécessité d’un gouvernement économique loin de toute perspective d’institutions supranationales. L’Allemagne a commencé la rigueur salariale avant les autres en donnant la priorité à sa réunification. Puis en 2002, tout en veillant à garder une protection sociale de qualité, elle a commencé un ensemble de réformes importantes afin de renforcer la compétitivité de son industrie représentant 25 % de son Produit intérieur brut, lui permettant ainsi de peser parmi les quelques pays développés compétitifs dans la mondialisation.

Aujourd’hui, l’Allemagne est un exemple par les choix politiques et économiques qu’elle a assumé incarnant une puissance économique partagée entre son unité et la conquête de nouveaux marchés des pays émergents. Pour autant, elle s’est peut-être bercée d’illusion en prenant ses distances avec l’Europe en renonçant  notamment à toute politique de défense et à l’annonce de sa sortie du nucléaire en 2022, contrairement à la France qui n’a cessé d’œuvrer dans la gestion des crises. Elle n’échappe pas non plus à la crise économique, financière et monétaire. Le risque de récession mondiale donne des prévisions de croissance à la baisse. L’implosion de l’euro serait une catastrophe pour l’industrie allemande qui verrait immédiatement ses exportations chutées et la fragilité des emplois. Dans la culture politique de l’Allemagne fédérale, la stabilité de la monnaie est la condition nécessaire de la stabilité politique.  

Pour le fonctionnement d’une économie européenne stable et responsable.

L’avenir de l’Europe dépend d’une prise de conscience des dirigeants européens  faisant le choix de la convergence et d’une solidarité sans faille. Si l’Europe se tourne vers le couple franco-allemand, c’est parce qu’il y a une volonté commune de réciprocité pour défendre l’euro et donc sauver l’Europe. Cela s’est    traduit notamment par une inflexion de l’Allemagne en faveur d’un gouvernement économique européen de la zone euro et d’une révision des Traités européens. Quant au rôle de la banque centrale européenne, il devra être défini en fonction de plus de solidarité, plus de discipline budgétaire accompagnée de sanctions plus rapides ainsi que l’adoption pour chaque pays d’une « règle d’or » et enfin contrer la spéculation sur son terrain.

« L’Allemagne a besoin de la France et la France a besoin de l’Allemagne, ils ont appris à travailler ensemble et doivent mettre toute leur expérience en commun pour l’avenir de l’Europe et de la paix ».

 

 
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14.12.2011
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