Inédits !

LES MESSAGES SECRETS DU GÉNÉRAL DE GAULLE

(Londres de 1940 à 1942)

par Luc Beyer de Ryke

Au temps des imprécations, de rages convulsives qui le saisissait, de aigreurs révolutionnaires qui lui rongeaient les sangs, certains voulaient embastiller Sartre. De Gaulle eut ce mot : « On n’emprisonne pas Voltaire. ». C’est à sa réplique que j’ai songé ce 1er novembre. J’avais accompagné une chercheuse accomplissant une thèse sur Voltaire à Cireysur- Blaise. Là où le philosophe, sec comme un sarment et en ayant la longévité, vécu quinze ans avec la marquise du Châtelet.

 

Cirey est à deux tours de roue de Colombey. À peine l’a-t-on quitté que, surplombant le vallonnement des champs mordorés par la lumière d’automne, se détache la croix de Lorraine. Le ciel était sans nuages. Un soleil de fin de saison nimbait la tombe du Général. Ce qui me ramena en pensées à l’époque où, à la sortie de la messe, j’échangeais quelques mots avec lui. Son contentement d’apprendre que Fidel Castro m’avait confirmé que les Mémoires étaient sur sa table de chevet. Ce moment de recueillement me fit évoquer la journée du 10 novembre.

 

Le Général était mort la veille au soir et le Journal Télévisé belge m’avait envoyé à Colombey. J’y recueillais les confidences de l’abbé Jaugey, curé de Colombey, et assurais le reportage de funérailles. « La France était veuve. » Si, avec émotion, je tourne ainsi une à une les pages d’un livre où la mémoire collective se confond avec celles plus intimes de la mienne, c’est qu’en ces journées de novembre, à Paris, le musée de Lettres et de Manuscrits ouvre une page nouvelle, inédite, se rapportant à « l’Homme du18 juin » (1).

 

Ce sont trois cent treize messages secrets dans lesquels de Gaulle en 41 et 42 donnait de ordres aux Compagnons de la France Libre investis de la mission d’organiser les combats au Moyen- Orient, en Afrique et dans le Pacifique.

 

Ces messages et manuscrits étaient jusque -là demeurés dans la famille et n’avaient pas été publiés pour certains qu’en annexe de Mémoires de guerre ». Leurs destinataires ont nom de Churchill, Staline à titre exceptionnel et plus nombreux lorsqu’ils s’appellent Leclerc, Muselier, d’Argenlieu ou encore Félix Éboué, Pleven, Cassin ou Palewski. Il en est même un adressé à Albert Schweitzer où le général se dit « heureux de vous voir à mon prochain voyage en Afrique ». À Churchill, de Gaulle dit combien « du fond de son malheur la vieille France espère d’abord de la vieille Angleterre ». Il est même de écrits surprenants où l’on voit de Gaulle tancer les plus proches, les plus fidèles, les plus illustres. Ainsi Leclerc qu’il rappelle à l’ordre... « comme je porte la lourde charge de réparer les erreurs de tant d’autres, je dois vous rappeler au respect qui m’est dû ». Fermez le ban ! Si ces orages n’étaient pas « désirés », ils avaient le mérite de ne pas s’éterniser et n’altéraient pas l’estime mutuelle unissant de Gaulle à ses compagnons.

 

Avec cette passionnante exposition qui se prolongera jusqu’en mai 2012, le musée de Lettres et de Manuscrits ouvre une de premières pages d’un livre dont l’épilogue s’écrivit le 8 mai1945.

 

 (1) Du 10 novembre 2011 au 12 mai 2012. 222, boulevard Saint-Germain, 75007 Paris. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 heures à 19 heures, le jeudi, nocturne jusqu’à21 h 30.

 

 

 

 

 
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09.11.2011
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