La
politique
est émaillée et ponctuée de coups de cymbales. Mais la partition ne se résume
pas à cet assourdissement. Elle se déroule au son des violons. Elle progresse,
envahit l’espace et nous emporte. C’est ce que réalise le grand orchestre
d’Israël placé sous la baguette de Benjamin Netanyahou. Dans le conflit
israélo-palestinien il est un épicentre nommé Jérusalem. Comme le dit très bien
Avraham Burg, l’ancien président de la Knesset,
«
Jérusalem est une icône ».
L’autre
jour au Sénat lors d’un colloque consacré à la ville sainte, Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine à l’Unesco évoquait
«
la confusion de souverainetés divines et temporelles ». pour
conclure que la seule à devoir être négociée est «
celle de hommes ». Ce
qui n’est pas si simple. Si les sentiments ne sont pas négociables, soit par
conviction, soit au nom d’une volonté politique, ils sont déroulés comme de
bannières. Jérusalem en offre le témoignage. Sans être toujours pleinement
conscient de ce qui s’y passe, on assiste à une double évolution qui aboutit à
un véritable basculement ethnique, religieux et sociologique. Les Juifs laïcs
sont de plus en plus nombreux à quitter la ville en laissant la place aux
religieux. Et ceux-ci, en étendant leur emprise, investissent les quartiers
arabes, chassant ainsi les Palestiniens. Le Gouvernement israélien accentue, en
particulier à Jérusalem, sa politique de colonisation.
Le
Premier ministre vient d’annoncer une dernière tranche de centaines de nouveaux
logements. Mais les choses n’en demeurent pas là. Il est un autre épisode que
l’on pourrait décrire et traduire en paraphrasant le titre de Tenessee Williams, «
Un tramway nommé annexion ». L’histoire
ne date pas d’hier mais elle approche de son épilogue. Le 17 juillet 2005, Ehud
Olmert étant Premier ministre, le Gouvernement
israélien a signé un contrat avec le consortium Citypass
Limited associant
des entreprises françaises et israéliennes. Ce sont Alstom,
Véolia Transport pour
la France, Polar
et
Ashtrom
pour Israël – avec de fonds de banques israéliennesLeamiet
Hapoalimqui
se retrouvent pour construire et exploiter la ligne et le tramway de Jérusalem.
Après trente ans l’entreprise sera transférée aux Pouvoirs publics. Il existait
également un projet de tramway à Tel Aviv. Faute de
moyens financiers il a été provisoirement abandonné. L’enjeu politique explique
pourquoi Jérusalem est prioritaire. Le tracé de la ligne a pour but de
rapprocher et relier Jérusalem-ouest de colonies juives de Jérusalem-est. La
ligne traverse Jérusalem-est.
On
peut imaginer que rares seront les Palestiniens qui accepteront – ou oseront –
monter à bord du « tramway de colons » (1). L’arrivée du tramway, dont la ligne
d’un terminus à l’autre sera mise en service très prochainement, entraîne une
conséquence majeure. Depuis la nuit de temps la porte de Damas constituait
l’entrée de Jérusalem. De vastes travaux sont en passe d’être accomplis. La
porte de Damas va être fermée durant deux ans. Tout le trafic, obligatoirement,
passera par la porte de Jaffa, accès direct à Jérusalem-ouest, c’est-à-dire à
Jérusalemjuive. Deux tunnels doivent être percés. Sur
le trajet du tramway deux églises byzantines ont été détruites et les vestiges
recouverts d’une plaque de béton alors que Jérusalem a été inscrite au
patrimoine mondial de l’humanité. Ses sites dès lors devraient bénéficier d’une
protection.
Tandis
que de plus en plus de colons israéliens s’installent au coeur de quartiers arabes, le tramway prend Jérusalem en
tenaille. Avec la complicité d’entreprises françaises. Tout ceci doit être su et
dénoncé. Ce qui ne doit pas nous empêcher de reconnaître les mérites où ils
sont. Que la France ait appuyé la candidature de la Palestine à l’Unesco est un
geste positif. Mais il faut être très clair. L’Unesco ne reconnaît pas les
États. Par le vote exprimé il accueille le peuple de Palestine. Pas l’État. On
aimerait voir la France concrétiser politiquement son « geste culturel ».
Plusieurs anciens ministres, dont Hubert Védrine que Nicolas Sarkozy tient en
estime, le demandent. Le jour où la Palestine entrera aux Nations Unies, avec
elles, ce sera « un tramway nommé Désir » dont les Palestiniens et tous leurs
amis salueront l’arrivée.
(1)
Depuis le 1er
septembre
2011, le tramway circule à Jérusalem