Ils sont déjà
nombreux sur la ligne de départ : Nicolas Sarkozy, président sortant ; le ou la
futur(e) élu(e) de la primaire PSMRG; Jean-Louis Borloo ; François Bayrou ;
Jean-Luc Mélenchon ; Marine Le Pen et peut-être quelque embusqué (!), plus les
inévitables figurants de Droite, de Gauche ou d’ailleurs dont le système des
partis qui caractérise la Ve République (erreur, s’il en est, du Général qui
pourtant les avait tant critiqués) impose la présence d’un candidat aux
présidentielles, ne serait-ce que pour des questions de « gros sous » que les
initiés connaissent parfaitement.
J’ai eu
l’occasion à plusieurs reprises d’exposer les raisons institutionnelles pour
lesquelles tout en reconnaissant le surplus démocratique de l’élection du
Président de la République au suffrage universel, je préférais pour ma part,
plutôt que l’actuel scrutin uninominal à deux tours qui crée une bipolarisation
de la France et empêche l’expression populaire de s’exprimer dans toute sa
complexité et sa diversité, le scrutin uninominal à un tour, reprenant la
tradition initiale de la monarchie élective - où le roi n’était que le primus inter pares - et élisant un président arbitre (comme
en Allemagne, en Autriche ou en Italie…) équivalent républicain des souverains
d’autres États européens (comme en Angleterre, en Belgique, en Espagne, aux
Pays-Bas ou au Danemark...), par principe au-dessus des partis, qui serait, au
long d’un septennat, particulièrement utile au pays, notamment en temps de
crise, aux côtés d’un premier ministre ou d’un chancelier, chef d’une majorité
législative, par définition plus brève - pourquoi pas à mi-mandat - conduisant
la politique de la nation sous contrôle du Parlement.
Mais
président-chef de l’exécutif(voire hyper président ) ou présidentarbitre flanqué d’un véritable chef du
Gouvernement, il faut tout de même que l’action politique soit conduite par un «
chef » ce qui est dans l’ordre ontologique des choses car les puissants
individualismes qui s’opposent ne peuvent s’accorder sur des compromis
acceptables que si quelqu’un propose un cap confirmé par le peuple, ultime
détenteur de la souveraineté, puis tient fermement la barre pour que les coups
de butoirs donnés à hue et à dia par les uns et les autres ne transforment le
sillage du navire en un ridicule mouvement brownien !
Un bon chef, à
la différence des dictateurs ou même des despotes éclairés, ne doit rien
revendiquer pour lui-même. Il tient son pouvoir momentané de la volonté
populaire. Celle-ci est aujourd’hui lasse de voir des politiciens de tous bords
ne tenir aucune de leurs promesses (qui, comme le rappela Félix Rome à propos de
Jacques Chirac, n’engagent que ceux qui les reçoivent). Une fois la route
tracée, il déploie des trésors d’imagination et une volonté de fer pour
maintenir quoi qu’il en coûte la voie de l’intérêt général, dût-il, au bout du
compte, en périr car la grandeur n’a qu’un temps et bien vite les intérêts
catégoriels et leurs lobbies reprennent le dessus !
Nous en avons
connu de tels êtres dans le passé et l’histoire des peuples est émaillée de
l’apparition salvatrice aux moments les plus sombres, d’hommes ou de femmes qui
s’élevèrent en leur sein et qui, un temps, les conduisirent vers des destinées
augustes ! À nouveau, l’image du Général nous vient naturellement à l’esprit,
suivie bien vite des « dix ans ça suffit » de mai68 ou du « oui mais »
giscardien qui conduisit au 28 avril69 ! Mais à son instar, pour ne prendre que
quelques exemples, des Pierre Mendès-France, des René Lévesque au Canada ou des
Gerhard Schröder en Allemagne n’ont-ils pas, eux aussi, lancé délibérément des
réformes indispensables tout en sachant qu’à terme, elles entraîneraient presque
immanquablement leur défaite électorale. Et pourtant ils l’ont fait car plus que
d’être réélus, ils voulaient être utiles aux hommes.
Aujourd’hui la
situation financière de la France comme celle d’autres pays de l’Europe du Sud
est particulièrement préoccupante. Certes nous ne manquons ni d’intelligences,
ni de ressources, ni d’atouts géographiques mais notre peuple est inquiet. De
Gaulle déjà ne craignait-il pas que la France ne devienne une grande lumière qui
s’éteint ? Ceux qui réclament la justice fiscale sont déçus. La progressivité de
l’impôt sur le revenu par exemple, tire sa légitimité de la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui stipule en son article 13 que, «
pour l’entretien de la force publique, une contribution commune doit être
également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés
».
Or, entre
niches fiscales, parts familiales et déductions diverses chacun sait que si les
pauvres paient peu d’impôts directs (mais ils paient la TVA, la TIPP, la CSG,
les cotisations sociales et les taxes locales…) la pression est surtout exercée
sur la classe moyenne car paradoxalement le 1 % des Français les plus riches
(qui contrôlent 24 % du patrimoine national) voient leur part relative fortement
diminuer (quand ils acceptent encore, pour partie au moins, de déclarer leurs
revenus en France ! Une réforme fiscale d’envergure reste à accomplir et il est
dommage que le président Sarkozy, justifiant à peine élu, du Fouquet’s au yacht de Bolloré, le qualificatif de «
président des riches » ne l’ait pas entreprise. Pour être réélu il faudra qu’il
puisse convaincre les Français de sa volonté inébranlable de « travailler à
l’avènement d’une démocratie apaisée soucieuse de concorde et de compréhension
mutuelle, une démocratie qui libère tout en garantissant la solidarité, qui
attribue à chacun des chances égales de réussite et qui donne à tous la volonté
de vivre ».
Ceux qui
réclament la justice sociale sont également déçus. L’assistanat généralisé a
plombé notre économie. En réalité tout ce qui a été donné sans contrepartie
depuis trente ans aux chômeurs, rmistes et autres bénéficiaires de l’aide
sociale équivaut exactement au montant total de la dette publique accumulée par
les gouvernants successifs de droite et de gauche. On peut certes s’enorgueillir
d’être le pays le plus généreux de la planète mais cette générosité provient de
« l’argent des autres » que nos enfants devront rembourser un jour
!
Or si un État
moderne ne doit laisser personne au bord de la route, rien ne l’empêche, en
échange de la solidarité nationale, de demander aux assistés physiquement et
intellectuellement aptes, passée pour certains une période d’assurance chômage,
de contribuer sur la base du SMIC à des travaux d’intérêt public, sans que cette
proposition qui, comme le disait autrefois René Capitant et Henri Wallon, leur
donnerait, avec le pain quotidien, la dignité quotidienne, ne soulève des tollés
dans l’hémicycle ou dans les médias dès qu’un pauvre ministre ose en évoquer
même partiellement la possibilité. Sont déçus aussi dans cette France aux trois
millions d’illettrés les 120.000 jeunes qui, selon le Rapport de la Cour des
Comptes, quittent chaque année notre système éducatif sans la moindre
qualification. Sont déçus les 4.701.000 chômeurs (juillet 2011) - les
gouvernements successifs s’accrochent à présenter exclusivement les chiffres de
la catégorie A (2.700.000 aujourd’hui) faignant d’oublier les chômeurs à temps
partiel inscrits à Pôle Emploi - désespérément à la recherche d’un travail
stable alors que, victimes d’une mondialisation incontrôlée au seul profit d’un
ultra capitalisme triomphant trouvant meilleur compte à exploiter les esclaves
d’Asie du Sud-est, nous avons bêtement laissé s’instaurer une irréparable
désindustrialisation du pays.
Sont déçus les
citoyens agressés par des incivilités de plus en plus fréquentes dans certains
quartiers, les malades aux prises à un système hospitalier public entièrement à
revoir, les étudiants malmenés dans des universités peu contrôlées qu’un
véritable salaire-jeune sous condition de ressources des familles pourrait enfin
conduire à la responsabilité, les retraités qui à l’heure où s’installe la
dépendance dans une société individualiste qui a oublié les solidarités les plus
élémentaires s’inquiètent pour leur devenir, les immigrés attirés tels les
papillons par les lumières de la ville qu’on ne sait ni réellement dissuader, ni
encadrer, ni intégrer et dont les enfants nés en France nourriront demain la
cohorte de ces bandes qui estiment avoir des droits mais pas de devoirs !
La liste est
longue…
Or ai-je dit
nous ne manquons ni de matière grise, ni de bonnes volontés. Il faut donc faire
jaillir l’étincelle qui créera le choc catalytique nécessaire pour relancer la
machine. Il faudra qu’un candidat présentant les qualités et aptitudes attendues
d’un chef entre en lice posant un diagnostic, proposant des solutions puis s’il
a su convaincre, arrive aux affaires pour conduire à terme le « pacte » proposé
aux Français quoi qu’il lui en coûte, en sachant d’emblée qu’il ne trouvera sa
récompense qu’au regard de l’Histoire.
Il n’est ici
ni le lieu ni l’heure de désigner un tel chef. Il peut s’agir d’un candidat ou
d’une candidate qui dans ce colloque singulier s’établissant entre lui ou elle
et le peuple soit brutalement embrasé par cette vocation de servir la nation. Il
peut s’agir du président sortant qui au vu des erreurs du passé prenne
conscience, s’il en a le profond désir, du rôle éminent qu’il peut continuer à
jouer pour sortir le pays de la crise. Il peut s’agir, car l’Histoire surprend
souvent, de l’arrivée inopinée d’un « inattendu » surgi de l’âme du peuple. Il
peut malheureusement aussi, une fois de plus, s’agir d’un rendez-vous manqué
!
Notre rôle à
nous, dans le total désintéressement, est d’évoquer des pistes, de contribuer à
faire des propositions, d’exposer des manières d’être ou d’agir, pour que ceux
qui prétendent représenter nos concitoyens s’en saisissent, se forgent une
conviction et se préparent à tenir le cap.
C’est pour la
France que nous devons trouver pour les cinq prochaines années ce chef capable
de la conduire avec la représentation populaire, les corps constitués et les
membres engagés de la société civile, sans faiblesse et dans le seul souci de
l’intérêt national vers les réformes indispensables qui espérons-le seront
refondatrices d’une République humaniste.