Par
Marc Dugois
Les
économistes défilent sur les ondes. Relayés par les politiques, ils attendent
tous le rebond de la croissance mondiale pour en avoir les fruits. Jean Claude
Trichet, Jean-Paul Fitoussi, Alain Minc, Pascal Lamy, Jacques Attali, Pierre
Rosanvallon et tous les autres défilent avec l’unique
message de faire revenir la croissance mondiale pour s’en partager les fruits
avec leurs deux souhaits contradictoires : la confiance et la gouvernance
européenne qu’ils ne s’autorisent pas encore tout à fait à dire clairement
mondiale. Le fascisme et le communisme avaient les mêmes méthodes et tout le
monde se moque aujourd’hui de nos grands-parents qui n’ont rien vu venir, qui
croyaient à leurs balivernes ou qui les ont regarder
s’installer en pensant à autre chose. Pourquoi se gausser d’eux alors que nous
faisons la même chose aujourd’hui ? Comme le fascisme et le communisme, le
capitalisme est en train de devenir désagréable mais ce n’est pas sa faute
puisque c’est la faute de « la crise ».
Or il n’y a
pas de crise, il y a une imbécillité majeure à laquelle tout le monde voudrait
croire et qui essaie de se mettre en place par toute une série d’artifices qui
craquent les uns après les autres et qui n’arrêteront pas de céder un par un
jusqu’à ce que le capitalisme nous entraîne dans les mêmes drames que ses
prédécesseurs. Il le fait avec les mêmes méthodes que ses prédécesseurs, les
médias pour séduire qui deviennent de la propagande et l’administration pour
maîtriser qui devient policière. Mais le peuple est toujours contraint à la
réalité alors que la classe dirigeante peut s’enfermer dans son idéologie, ce
qui la sépare petit à petit de son peuple. La classe dirigeante qui ne s’auto
justifie que par la confiance, réagit toujours à cette distanciation de la même
manière : des médias un peu plus séducteurs et une administration un peu plus
policière, ce qui sépare un peu plus le peuple de sa classe dirigeante. Nous
savons tous que cette spirale mène inéluctablement à la
violence.
L’imbécillité
majeure qui génère « la crise » est de croire que la croissance économique,
l’augmentation du PIB, serait une
augmentation des richesses que nous allons pouvoir nous partager. C’est
tellement agréable à entendre que nous sommes ravis de croire à la possibilité
d’un peuple de rentiers qui vivrait de la croissance mondiale. En fait nous ne
comprenons pas très bien mais pourquoi le dire puisque tout le monde semble
comprendre autour de nous ? Nous revivons l’histoire du roi nu où personne n’a
envie de dire que le roi est nu puisqu’on a dit partout que seuls les imbéciles
ne pouvaient pas voir le merveilleux costume d’apparat. Comme aujourd’hui seuls
les imbéciles ne comprennent pas qu’il faut faire confiance à un système qui
résout tous les problèmes...demain. La triste réalité est qu’en définissant la
rente comme un argent qui rentre automatiquement chaque mois, l’Etat est rentier
et dépense toujours davantage. Les fonctionnaires sont rentiers et sont de plus
en plus nombreux puisque la faible diminution des fonctionnaires nationaux est
balayée par l’énorme augmentation des fonctionnaires régionaux. Les associations
sont très souvent rentières quand elles vivent de subventions pour créer des
emplois, les retraités sont rentiers, les vrais rentiers sont aussi rentiers
mais il y en a heureusement de moins en moins alors que prolifèrent les petits
rentiers malheureux que sont les chômeurs. On remarquera combien tous ces
rentiers sont utile à la croissance puisque, peu
touchés par « la crise », ils font de la croissance par la consommation et tire
notre croissance par l’importation pendant que les allemands moins intelligents
tirent la leur par l’exportation.
On ne répétera
jamais assez qu’on fait de la croissance chaque fois que l’on dépense de
l’argent et surtout que l’on ne fait de la croissance que lorsqu’on dépense de
l’argent. Le fait que l’on mélange dans le PIB l’argent réel ou virtuel,
économisé ou emprunté, utilisé intelligemment ou gaspillé, entraîne
inéluctablement que la facilité l’emporte et que le PIB est de plus en plus de
l’argent virtuel, emprunté et gaspillé. Quand on nous rebat les oreilles sur la
folie de la redistribution équitable de cette fausse richesse, il ne faut pas
s’étonner que la machine résiste en grinçant. On appellera « crise » ces
grincements sans comprendre qu’ils sont inéluctables comme sont inéluctables les
tremblements de terre qui ne font que révéler par moments le continuo de la
tectonique des plaques. Il est impossible d’arrêter la tectonique des plaques et
les séismes continueront mais
nous pouvons arrêter « la
crise » en arrêtant le continuo de notre hypnose par la croissance mondiale et
le redémarrage de l’économie. Si nous ne faisons rien, nous savons que les
prochains séismes arriveront et les économistes nous expliqueront après coup
pourquoi « la crise » eu lieu là.
Il serait
agréable de croire les partisans de la « décroissance » qui sentent bien que ça
ne va pas. Mais ils ne s’attaquent qu’à l’argent gaspillé pour une consommation
effrénée en ne prenant pas en compte l’ampleur du drame de l’argent virtuel et
de l’emprunt à intérêt condamné par toutes les sagesses et pourtant base de la «
science » économique.
La solution
n’est pas dans la décroissance mais dans la redécouverte de trois idées simples
et volontairement perdues car trop dérangeantes :
1) L’argent
est de l’énergie humaine stockée et l’homme n’a jamais su faire de l’énergie
avec de l’énergie. Seuls le travail efficace et la procréation créent une
énergie humaine transformable en monnaie. Le prêt à intérêt, l’usure dans son
vrai sens, est un impôt privé que le peuple paye par la dévaluation et la hausse
des prix.
2) La
démocratie est cette utopie merveilleuse qui consiste à donner le pouvoir à la
majorité des gens responsables c’est-à-dire libres, compétents et engagés. Mais
comme personne n’a jamais été capable de discerner les gens responsables, on a
gardé le mot qui plait pour en habiller la ploutocratie, le pouvoir à l’argent,
par l’indéfendable « un homme, une voix ».
3) L’essentiel est dans l’être et non dans
l’avoir. L’avoir n’est qu’un recours quand on a du mal à être. Les écoles du
comportement ont disparu pour laisser la place à une école de l’avoir, à une
école des diplômes qui omet le discernement et qui ne passionne plus. La mort
devient une ennemie que l’on repousse avec de l’argent que nous n’avons pas
alors qu’elle fait partie de la vie et ne se craint plus dès l’instant où l’on
est serein en regardant le parcours accompli. Cette sérénité s’atteint par
l’effort sur soi qui n’a plus de structure porteuse.
Mais
s’intéresser aux essentiels c’est prendre de front tous les pouvoirs actuels,
très occupés par la gestion de l’accessoire. Il faut évidemment du courage pour
remonter un courant aussi fort, aussi riche, aussi puissant, aussi nombreux et
pourtant aussi mortel. Ce courage est indispensable à tout groupe qui veut
s’intéresser à la vie publique sans se contenter d’être un rassemblement de
courtisans et de badauds. La question essentielle est de savoir qui veut
aujourd’hui prendre le risque de la vérité ou même simplement le risque de
dénoncer le mensonge et d’engager un vrai dialogue. La foule, elle, déteste le
risque et se contente d’approuver les iconoclastes, de loin.