LES QUOTAS, LE SÉLECTIONNEUR,

LA TAUPE ET LE BOUC ÉMISSAIRE

 

par Paul KLOBOUKOFF

 

Quel scandale raciste !?

 

Médiapart avait déclenché dans les premiers jours de mai 2011 un tintamarre médiatique en « dénonçant » ce qui est devenu « le scandale des quotas » et aussi « l’affaire Laurent Blanc », sélectionneur de l’équipe de foot française. Pièce à conviction : un enregistrement clandestin de propos tenus par des participants à une réunion de la Direction technique nationale du football ayant eu lieu au mois de novembre 2010. Cet enregistrement, piège prémédité faisait suite, selon son auteur, aussi baptisé « la taupe » par des médias, à des paroles racistes, prononcées lors d’une réunion précédente. L’auteur voulait informer, preuves à l’appui, les dirigeants de cette dérive néfaste… et inacceptable pour un ardent défenseur des minorités. L’enregistrement a alors été remis à un haut dirigeant de la fédération… et « enterré », semble-t-il. Comment et pourquoi s’est-il (original ou double ?) retrouvé chez Médiapart et est-il réapparu six mois après… à l’approche d’élections disputées à la tête de la fédération ? Mystère, resté entier, malgré les deux enquêtes diligentées par la fédération elle-même et par le ministère des Sports. Mais peu importe, puisque l’accusation, la dénonciation, la délation, la diffamation, la condamnation sont devenues des « Valeurs de la République », et qu’il ne faut surtout pas décourager leurs auteurs, les propagateurs et les amplificateurs.

 

Le point de départ de la discussion « à huis clos » incriminée, était une question suscitée par la bi nationalité de joueurs qui ont bénéficié d’une formation gratuite de qualité dans un centre national, ont pu être sélectionnés dans les équipes de France juniors et/ou espoirs, puis, par la suite, être retenus et jouer des matches internationaux dans des équipes étrangères correspondant à leur autre nationalité. Leur proportion ne serait pas négligeable parmi les effectifs de bi nationaux considérés. Une interrogation sur le sujet de la bi nationalité mériterait de dépasser largement le seul domaine du foot, car il concerne toute notre société où la bi nationalité se répand, porteuse de frustrations, de revendications, ainsi que « d’inégalités » entre des citoyens uni ou multinationaux. Il semblerait, d’ailleurs que le Gouvernement ne soit pas très favorable à la prolifération des cumuls de nationalités, et un projet de « réforme » serait à l’étude. Mais, après les couacs récents des « débats » sur la nationalité, mieux vaut avancer à pas de loup. Aussi, les Autorités, les enquêteurs de l’affaire et les médias ont-ils éludé le sujet. Ce dernier reviendra probablement d’ici les élections de 2012, et il ne sera pas limité au sport. Quant au mini problème soulevé dans le football (depuis plusieurs années déjà, semble-t-il), la Fédération internationale de football association (FIFA) clarifierait la situation  en précisant combien de joueurs binationaux peuvent être sélectionnés dans une équipe nationale, d’une part, et si un joueur peut être alternativement ou successivement un membre de deux équipes nationales différentes, d’autre part ?

 

Politiquement déconseillé, le sujet a sans doute aussi été jugé trop  peu excitant pour les médias et les autres amateurs et/ou fanatiques de « buzz ». Aussi, dans la confusion, les attaques contre les membres du comité national et la fédération se sont d’emblée déplacées sur les terrains du racisme et des quotas discriminatoires à l’encontre des jeunes des minorités, car la question de l’institution éventuelle ou la pratique de quotas à l’entrée des centres de formation avait été abordée à la réunion de novembre 2010. Le principe n’avait, semble-t-il, pas soulevé d’objection majeure de la part des présents et avait plutôt recueilli un certain assentiment. Indignation, donc, spécialement d’icônes de l’antiracisme médiatisées et de leurs thuriféraires. Hauts cris, condamnations sans appel, surtout par quelques anciens joueurs emblématiques de l’équipe de France « black, blanc, beur » de 1998, qui ont cloué au pilori le comité, la fédération et Laurent Blanc. Ce dernier avait eu le malheur de constater que s’il y avait besoin de joueurs « costauds », il fallait chercher du côté des « blacks ». Flatteur pour eux ? Non. Manifestation manifeste de racisme ! Aggravée par le fait qu’un peu plus de technicité de nos équipes nationales aurait aussi été jugé utile.

 

Alors, il fallait que les politiques s’en mêlent et s’emmêlent. Aux critiques et accusations d’habituels protestataires de gauche et de leurs sympathisants se sont jointes celles de « mouille cols » (avec et sans contrepèterie ?) du centre et de droite perméables aux « qu’en dira-t-on » divers. Et le ministère des Sports a exprimé un avis sévère, ouvrant la voie à la suspension immédiate par la fédération du sieur Blaquart, organisateur et animateur de la réunion. Bouc émissaire rapidement désigné, l’impétrant n’a pas tardé à « reconnaître ses erreurs » et à se confondre… en excuses. Mais, dans la chaleur du début mai, cela n’était pas suffisant pour les plus virulents et les convaincus d’office. Il fallait que LB paie et s’agenouille, qu’il en voie de toutes les couleurs. Le racisme et la discrimination ne pouvaient pas rester impunis dans notre démocratie républicaine. On a même entendu dire que les Français, en général, étaient racistes.

 

En faisant plus ou moins ouvertement et franchement procès insistant de racisme à Laurent Blanc, les « antiracistes proclamés » et les médias qui leur ont servi de hauts-parleurs ont poussé le bouchon un peu loin et commis des erreurs… salutaires, en fin de compte. Telles ces attaques contre LB, démesurées par rapport aux faits reprochés. Elles ont provoqué des contre-attaques, des déclarations, médiatisées aussi, de la part de personnalités  et de membres éminents de l’ex équipe de France se portant solidaires de LB. Jusqu’à Zinédine Zidane en personne, témoin de moralité prestigieux, qui est venu confirmer que Laurent n’était pas raciste. Le vent a-t-il tourné alors ? Une autre erreur fatale a été de s’en prendre au sélectionneur de l’équipe de France de foot, désigné après la déroute d’août en Afrique du sud… plébiscité jusque-là et « porteur des espoirs de toute une nation » pour la reconstruction et le renouveau de son équipe. Laurent Blanc n’est pas une cible aussi isolée et vulnérable que M. Domenech ou qu’un quidam.  Qu’on se le tienne pour dit !

 

Après une prise de conscience (assez tardive) de la ministre des Sports, il aura fallu deux enquêtes pour décider  qu’il n’y pas d’affaire de quotas, inexistants à ce jour, que LB, qui a aussi formulé des excuses pour le cas où il aurait « heurté certaines susceptibilités », n’est pas raciste et n’encourt aucune sanction. Il  est prié avec ferveur de rester à son poste. M. Blaquart reste suspendu. La fédération doit régler les questions organisationnelles et disciplinaires.

 

Fin de la récréation ! Pas de procès au civil ou au pénal, pas de condamnations autres que celle du bouc émissaire en vue. Peut-être que la taupe sera affectée par un changement d’affectation. Pas de « scandale discriminatoire et raciste ». Incompréhension, déception, dépit de médias pris complètement à contre-pieds dans leur tentative lobbyiste d’influencer les Autorités et l’opinion. Silence radio et télé depuis le 11 mai, après une quinzaine de jours d’acharnement médiatique… inopportun et totalement improductif. Nuisible.

 

Dans cette « affaire » montée en épingle, l’évocation de « quotas », à laquelle des âmes pures et bien intentionnées n’ont pas manqué d’accoler « ethniques », a joué un rôle de détonateur et de polarisateur d’accusations de racisme et de discrimination. Condamnés, les quotas, de but en blanc, forcément néfastes, pour la diversité, en particulier. Pourtant, l’instauration et l’usage de quotas se répandent dans notre pays, sous la pression de partis politiques et d’associations qui, voulant aider ou favoriser certaines catégories de personnes, ne craignent pas de créer des discriminations portant atteinte à d’autres citoyens, à leurs droits, à leurs libertés.

 

 

Des quotas à toutes les sauces en France et dans l’Union européenne

 

Il existe bien des quotas en matière d’immigration tendant, notamment, à limiter les entrées motivées par le regroupement familial, d’un côté, et à « sélectionner » des travailleurs qualifiés dans des domaines où les candidatures à l’emploi sont jugées ( avant tout par le patronat) insuffisantes en France, d’un autre côté.

 

Les quotas sont employés de plus en plus systématiquement par les Autorités pour « promouvoir  l’égalité, la parité hommes-femmes » dans la vie politique, économique et sociale en France et en Europe. Il s’agit « d’opérer » en très peu de temps des changements institutionnels et de comportements que des siècles d’évolutions (et de révolutions) ne réalisent que trop lentement au goût de « réformateurs » pressés ou débordés par des lobbies en France et en Europe.

 

Dès le 6 juin 2000, une loi sur « la parité » a contraint les partis politiques français à présenter autant de femmes que d’hommes lors des scrutins de listes. Des sanctions financières pénalisent les partis qui ne respectent pas la parité de leurs candidats pour les législatives. Faisant un pas de plus, la loi du 11 avril 2003 a imposé l’alternance stricte hommes-femmes aux élections régionales et européennes. Par une loi du 31 janvier 2007, la même contrainte a été imposée dans les listes électorales municipales (communes de 3.500 habitants et plus) ; elle oblige aussi à la parité dans les exécutifs régionaux et municipaux.  

 

Par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 1 de la Constitution a été modifié pour « favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales… ». Il n’en fallait pas plus pour laisser entendre que la parité hommes-femmes pouvait être légitimement imposée partout. Sans opposition vraiment résolue, « en avant toutes » donc.

 

Le site Heteromo.org  indiquait le 27 janvier 2011 qu’après la loi instaurant un objectif de 40 % de femmes dans les grandes entreprises (loi du 20 janvier 2011), une députée UMP prônait des « objectifs clairs et contraignants » de désignation de femmes aux postes de direction dans la fonction publique. On se dirigerait aussi vers la fixation de quotas (30 à 40 % ?) de préfètes et d’ambassadrices… à court moyen terme.

 

Pour de hauts dirigeants de l’UE « faire un meilleur usage des talents des femmes n’est pas seulement une question d’égalité et d’équité. C’est une question d’efficacité économique », a rapporté le site lesoir.be le 1er mars 2011. S’appuyant sur des affirmations aussi peu convaincantes qu’étayées, l’UE entendrait instaurer aussi des quotas de femmes dirigeantes dans les entreprises européennes. Pourquoi pas un objectif de 30 % en 2015 ? Moyennant éventuelle coercition, bien sûr. Et tant pis pour les femmes qui auraient d’autres opinions et/ou qui se sentiraient dévalorisées par une telle « protection ».

 

Dans l’enseignement supérieur, la résistance aux quotas est plus déterminée. Le « modèle » proposé avec les quotas de Sciences Po n’a pas fait école. Et les pressions exercées, en 2010 notamment, pour que l’État impose aux grandes écoles (GE) des quotas de 30 % de boursiers n’ont pas abouti. La conférence des GE a désapprouvé la notion de « quotas » et réaffirmé que les niveaux des concours devaient être les mêmes pour tous. Preuve que la fixation de quotas n’est pas perçue par tous comme la potion magique pour établir « l’égalité des chances ».

 

Autres exemples, pèle-mêle : des quotas sont fixés chaque année pour les instituts de formation en soins infirmiers ; des quotas d’embauche le sont en faveur de personnes handicapées, non sans pénalités financières à la clé ; le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) régit les quotas de diffusion des chansons d’expression française ; en matière de logement social la loi SRU impose un quota, contesté, de 20 % aux communes, et des pénalités aux récalcitrantes ; des quotas de PV pour stationnement illicite et contraventions routières seraient, légalement, imposés aux agents ; au niveau international des « quotas carbone » autorisant l’émission de dioxyde de carbone ont été institués, négociables et échangeables en « bourse », pour le plus grand bien de la planète, sans doute ; des quotas sont censés protéger la filière comté de la surproduction ; n’oublions pas les quotas laitiers et de jachère de l’UE, ceux des pêches du cabillaud, des harengs, des langoustines, du thon rouge… comme bien d’autres encore.

 

Devant cette prolifération tous azimuts de quotas, de portée variable, de buts, de légitimité et d’intérêts inégaux, pourquoi criminaliser toute discussion, évocation, idée de quotas dans les domaines du foot et/ou de la formation ? Visiblement, on s’est oublié et on a pris le racisme et la discrimination comme alibis. À force de crier « au loup » sans raisons valables, afin d’ameuter les populations, le « ras-le-bol » gagne et celles-ci ne croient plus aux alertes, même criées plus fort. Le risque croît aussi de provoquer des réactions hostiles… durablement… parmi la majorité silencieuse. Les réactions affichées sur Internet à la suite d’articles consacrés à ces questions sont assez édifiantes. Attention, donc, aux pompiers pyromanes, aux dangers d’excès d’antiracisme, ainsi qu’à ceux d’une multiplication disproportionnée d’instances publiques et privées, d’associations et d’initiatives individuelles plus ou moins répressives ou agressives. Mieux vaut faire davantage confiance à la Justice et à ses représentants. 

 

Quant aux quotas, ils constituent d’abord, à mes yeux, des aveux de faiblesse, d’impuissance à résoudre autrement que par la contrainte des difficultés, des « inégalités », des problèmes, réels, discutables ou imaginaires, pour lesquels « on » veut faire bouger les lignes. Trop souvent des quotas portent des discriminations, que leurs instigateurs veulent à priori positives… pour les uns. Dans la réalité elles sont aussi négatives pour d’autres. Sauf cas exceptionnels, il est nettement préférable de rechercher d’autres solutions, associer largement les populations aux choix qui les concernent… et non décider en vases clos technocratiques. Nous ne devons pas nous enferrer, nous enfermer dans une «démocratie des quotas ».

 

FLORILÈGE

 

Quand le moment est venu, l'heure est arrivée. Raymond Barre.

 

Même en avion, nous serons tous dans le même bateau. Jacques Toubon.

 

La droite et la gauche, ce n'est pas la même chose. Pierre Mauroy. 

 

Voici que s'avance l'immobilisme et nous ne savons pas comment  l'arrêter. Edgar  Faure.

 

Saint Louis rendait  la justice sous un chêne ; Pierre Arpaillange la rend comme un  gland. André  Santini.

Les socialistes aiment tellement les pauvres qu'ils en fabriquent. Jacques  Godfrain.  

Je me demande si l'on n'en a pas trop fait pour les obsèques de François Mitterrand.  Je ne me  souviens pas qu'on en ait fait autant pour  Giscard". André  Santini.

La  meilleure façon de résoudre le chômage, c'est de travailler. Raymond  Barre.

 

Il  est plus facile de céder son siège à une femme dans l'autobus qu'à l'Assemblée nationale. Laurent  Fabius.   

Villepin fait tout, je fais le reste. Renaud  Muselier.

 

Cette semaine, le  gouvernement fait un sans faute ;  il est vrai que nous ne sommes que mardi. F.  Goulard.

Il doit bien rester un angle de tir pour la paix. Bernard  Kouchner.

Mamère Noël est une  ordure. Michel  Charasse.

La moitié du nuage d'ozone qui sévit dans la région parisienne  est d'importation anglaise et allemande.

Roselyne Bachelot.

C'est l'union d'un postier... et d'une timbrée. Dominique  Strauss-Kahn, à propos de l'alliance  LO-LCR.   

À mon âge, l'immortalité est devenue... une  valeur-refuge. Valéry  Giscard d'Estaing, reçu à l'Académie Française.

Je  ne suis candidat à rien. Nicolas  Sarkozy.

C'est un texte facilement lisible, limpide et assez joliment écrit : je le dis d'autant plus aisément...

que c'est moi qui l'ai écrit. Valéry  Giscard d'Estaing au sujet du projet de Constitution  européenne.

C'est une bonne  idée d'avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui.

Valéry  Giscard d'Estaing au sujet du projet de Constitution  européenne.

Si Bush et Thatcher avaient eu un enfant ensemble, ils l'auraient appelé Sarkozy. Robert  Hue.

J’étais partisan du  non, mais face à la montée du non, je vote oui. Manuel  Valls.

Que l'on soit pour ou contre la Turquie, on ne pourra pas changer l'endroit où elle se  trouve. Michel  Barnier.

Les veuves vivent  plus longtemps que leurs  conjoints. Jean-Pierre Raffarin

Le pétrole est une ressource inépuisable... qui va se faire de plus en plus  rare. Dominique  de Villepin.

Même quand je ne dis rien, cela fait du bruit. Ségolène  Royal

 
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18.06.2011
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