« Le
Président a-t-il encore sa connaissance ? Non, elle vient de quitter l’Élysée...
»
On
connaît l’histoire et la réplique dignes d’un vaudeville à caleçon à la mort de
Félix Faure.
C’est
à ce style Bouvard et Pécuchet que l’on aurait pu s’attendre si le favori des
sondages... et du Parti Socialiste s’était installé à
l’Élysée.
Aujourd’hui au PS nombre de celles et ceux qui le soutenaient montrent
des mines de bigotes et susurrent comme des punaises de sacristie « heureusement
que cela s’est passé avant, vous vous rendez compte ! ».
C’est
là, pour paraphraser Thomas de Quincey « cultiver
l’hypocrisie comme un des beaux-arts ».
Je
n’entends instruire ni à charge ni à décharge une affaire où les présomptions
sont fortes mais dont beaucoup d’éléments nous échappent.
Par
contre la personnalité de DSK était connue. Ses qualités, son intelligence, son
savoir-faire, mais tout autant ses pulsions irrépressibles pour le beau sexe.
Aujourd’hui les rédactions, les assemblées politiques, les salons bruissent
comme des volières où chacun a « son » histoire à raconter. On en
remet.
Reste
que DSK lui-même savait, et il l’a dit, que s’il se lançait dans la compétition
il aurait à affronter l’évocation de sa vie agitée. Loin de moi l’idée de jouer
au père la vertu. Que Valéry Giscard d’Estaing passait pour faire le mur à
l’Élysée et que François Mitterrand avait une double vie attirait tout au plus
un sourire, une remarque et les regardait. Seuls.
C’était très bien ainsi. Pour autant que chacun témoigne d’une
discrétion de « bon aloi » comme eut dit le Général de Gaulle, personne n’y a
rien à redire. Et pour ma part je me sens peu enclin à prôner ce puritanisme
anglo-saxon qui pourrit la vie et rend l’hypocrisie plus hypocrite encore. En
toute chose il faut raison garder. L’affaire DSK est à la fois un défi à la
mesure et à l’équité.
Sans
nous prononcer sur le fond, le traitement infligé, l’humiliation des menottes et
la parade d’un condamné avant jugement demeurera dans les mémoires et d’abord
dans la mémoire visuelle. Comme l’enfermement à Rikers
Island, cet Alcatraz newyorkais. Mais en contrepoint, ce qui choque également,
c’est la prison dorée, la résidence de luxe due à la fortune d’Anne Sinclair.
Tout est démesure.
En
regard, le village peul, dont est originaire la plaignante, offre la cacophonie,
le chaos de la mondialisation.
Le
voilà, à travers un dossier sordide de droit commun, le choc des civilisations.
Mais c’est aussi une image ravageuse, destructrice du monde politique. Sans
exonérer qui que ce soit, sans oublier le clinquant du sarkozysme, n’est-il pas hallucinant de voir l’ancien parti
de Jaurès se choisir comme favori ce qu’en d’autres temps, le duc d’Orléans
appelait la « fortune anonyme et vagabonde ». Il est loisible à chacun de se
définir politiquement, économiquement. Ici, nous nous inspirons de la pensée du
général de Gaulle et des lignes de force qui inspirèrent son
action.
On
peut nous rejoindre ou différer d’opinion. Là n’est pas la question dans les
propos qui nous inspire. Ce que j’entends mettre en exergue, c’est le gouffre
qui sépare l’idée que se faisait de la France, et donc de l’État, le Général de
Gaulle et celle qui anime aujourd’hui une certaine classe politique. Quelque
fussent ses talents et son entregent.
L’affaire DSK projette sur l’univers politique devenu le nôtre une
lumière crue et cruelle. Une lumière si aveuglante qu’elle explique à défaut de
les justifier tous les populismes. Le vieil adage romain retrouve dès lors son
actualité et son exigence.