RETOUR DE CUBA
par Georges AIMÉ
Parcourir les avenues et les rues de la capitale cubaine c’est comprendre
pourquoi lorsque le passé n’éclaire pas le présent l’avenir est dans les
ténèbres. Ce musée en plein air où se côtoient vestiges d’un passé glorieux et
ruines annoncées d’un avenir incertain laisse le visiteur, soucieux de ne pas se
laisser influencer par les propos dithyrambiques de voyagistes en mal de
clients, de nostalgiques des nuits cubaines où mojito
et Hemingway ne font plus qu’un et d’inconditionnels du marxisme, perplexe et
pour tout dire avec un immense sentiment de gâchis.
Ne pas
entretenir ce qui rappelle la période pré-castriste peut, après tout, être une attitude mais
alors il eût mieux fallu tout démolir… Façades fantomatiques, squelettes
flamboyants de palacio, vous nous rappelez à chaque
détour que vous étiez les témoins de la « Perle des Caraïbes
».
Puissance coloniale du XVIIe siècle, bourgeoisie du XIX e siècle, pompe
de la République, société des plaisirs du Vetado,
toutes ces époques ont imprimé leurs marques. Souvenir d’un temps où à La Havane
tout était permis, audaces artistiques et architecturales, excès, extravagances,
trafics en tout genre et argent roi. La Révolution a tout renié… et les Habaneros essaient de
vivre les pieds dans les ruines d’un passé combattu, la tête dans un
présent où la période spéciale s’éternise et avec l’espoir d’un autre futur pour leurs enfants.
Curieuse destinée pour les dirigeants de ce pays aujourd’hui obligés
d’entretenir maison et bateau d’un écrivain étatsunien, d’exhiber ce qui reste
de fauteuils et chaises défoncés datant de l’époque coloniale, oripeaux d’un
passé honni, pour développer un
tourisme pourvoyeur d’emplois et source de devises.
Cette
population, instruite, éduquée et conditionnée par un modèle que Fidel Castro
considère lui-même comme étant devenu chimérique ne se satisfait plus de
promesses assurant des lendemains enchanteurs. Ici, comme ailleurs, internet –
même si la toile est contrôlée – et les touristes exacerbent cette lancinante
envie de liberté.
Les
acquis incontestables de la Révolution – principalement l’enseignement et la
santé – ne suffisent plus à satisfaire une jeunesse avide, à juste titre, de
pouvoir exercer les métiers pour lesquels elle a fait des études et les mères de
famille en ont assez de se poser tous les matins la même question : « Que
vais-je trouver au marché et qu’allons-nous manger ? ».
Carnet
de rationnement, double monnaie, friches industrielles, agriculture et pêche à
l’agonie vont devenir sujets d’angoisse pour les 1.300.000 fonctionnaires que
l’État s’apprêtent à licencier... en les encourageant à faire « des petits boulots » allant de la location aux
touristes de chambres d’hôtes au photographe de mariages en passant par le
système D.
Les
affiches et autres panneaux vantant le Régime ne sont que du papier imprimé sans
valeur et les slogans trop entendus des paroles vides de
sens.
Fidel
et ses compagnons, pour justifier leur politique, ont mis en avant Marti et
Guevara, cela ne suffit plus. Les gens ayant participé à la Révolution
disparaissent et leurs enfants qui n’ont connu que ce Régime aspirent à autre
chose.
Certes, ils sont respectueux de ce qui a été fait mais ils attendent
avec impatience la fin d’un règne devenu trop long et trop décalé par rapport à
leurs aspirations.
Faire
la chasse aux euros non pour se payer le superflu mais l’essentiel ne saurait
perdurer bien longtemps.
Les
dogmes, quels qu’ils soient, s’ils ne se remettent pas en question et ne
tiennent pas compte des évolutions sont appelés à disparaître de quelque façon
que ce soit.
Le
blocus étasunien et la chute de l’empire soviétique n’expliquent pas tout
!
Alors,
Messieurs les hiérarques cubains, laissez votre place à des gens qui
respecteront une partie de votre œuvre mais qui s’engageront dans la voie d’un
renouveau que votre aveuglement idéologique vous a empêchés
d’entreprendre.
Sinon,
sinon… il ne restera rien de votre Histoire.