L’HEURE DU RENOUVEAU ?

 

par Pierre Chastanier

J’écrivais il y a cinq ans dans le premier tome de ma Lettre aux Fils et Filles de l’Alouette : « Il y a bien longtemps, venus de l’Est, les lointains descendants indo-européens des hommes de Cro-Magnon ayant envahi ce petit cap du continent asiatique qu’est l’Europe, remplacèrent progressivement les populations de Neandertal qui peuplaient ces régions et repoussèrent les derniers survivants jusqu’au détroit qui plus tard, sous l’Antiquité, sera dénommé les Colonnes d’Hercule puis au Moyen Âge lors de l’invasion maure le djebel Tarik (Gibraltar). « Les Celtes, une des peuplades primitives descendant de ces « envahisseurs » divisés en d’innombrables tribus, les Parisii, les Eduens, les Arvernes, les Allobroges, les Séquanes, et bien d’autres encore s’installèrent dans ces contrées, partageant à défaut de langue unique « un certain esprit fait de hardiesse, de gaieté et de truculence » (saint Paulin). « Leur pays, la Gaule, terre du jus soli (le sol y fait le droit et non le sang comme chez les Germains) capable selon saint Hilaire, évêque de Poitiers ‘’d’absorber, d’assimiler, de faire siens les étrangers’’, avait pour emblème l’alouette (Gallia en latin, d’où la Gaule) et non le coq qui s’est imposé à la suite d’une regrettable confusion de scribe entre Gallia (l’alouette) et Galina (la poule) ! « Cette terre s’illustra sous toutes les époques et dans tous les domaines, politique, religieux, artistique, militaire, au travers de personnages si illustres que Benjamin Franklin puis Jefferson ne purent s’empêcher de dire : ‘’Tout homme a deux patries, la sienne et puis la France’’ !

 

Notre pays, au centre de l’Europe, à toujours été le théâtre de l’arrivée de nouveaux migrants, attirés par son rayonnement, sa prospérité économique, sa puissance militaire, la douceur de son climat et quoi qu’on en dise l’hospitalité de ses habitants. Au cours des siècles derniers, Italiens, Espagnols, Polonais, Portugais, pour ne parler que des principaux mouvements migratoires, s’installèrent à leur tour sur cette terre d’asile, bientôt suivis pendant les Trente glorieuses après démantèlement de notre empire colonial par des vagues d’Africains, d’Arabes, d’Indonésiens, et plus récemment d’Asiatiques de toutes origines. Nombreux parmi ces arrivants appartiennent déjà à notre patrimoine national, de Mazarin à Napoléon, de Marie Curie à Picasso, de Senghor à Aimé Césaire et si la grande majorité reste anonyme, tous ont contribué par leur travail et pour certains par leur sang au développement et à la gloire de notre pays.

 

Aujourd’hui il est de bon ton dans les milieux conservateurs de brocarder une France qui ne serait plus la France, de stigmatiser certains immigrés notamment arabo-musulmans, au mépris de tout ce que notre peuple, si divers, a apporté au monde, la Déclaration des droits de l’homme, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la laïcité favorisant le vivre ensemble dans le respect des convictions de chacun et tellement d’autres choses.

 

En fait pour expliquer sinon admettre les réactions de rejet qui se manifestent chez une partie de nos concitoyens, réactions dont se nourrit le Front National, il faut se dire que finalement, la vraie responsabilité des incivilités de toutes natures dont le spectacle affligeant choque à juste titre les braves gens, des provocations ethniques ou religieuses, du parasitisme d’habiles profiteurs, incombe d’abord et avant tout à l’incurie de nos dirigeants.

 

Un exemple apparemment tout simple :

Dans le métro parisien il suffit de quelques minutes pour voir débarquer des resquilleurs qui vont sauter allègrement les barrières. Pourquoi d’ailleurs les avoir installées, ces barrières, puisqu’elles sont si faciles à franchir ! Pourquoi avoir supprimé les « poinçonneurs » qui autrefois étaient les garants vigilants de la bonne conduite des « usagers » ? Le technocrate de service nous répondra qu’après de savants calculs il s’est avéré que la perte subie par la RATP du fait de la fraude, était très inférieure au coût consécutif à l’emploi de vigiles dans chaque station ! On pourrait bien sûr répliquer : « Pourquoi ne pas embaucher des chômeurs ? Au moins on ne les paierait pas pour rien ! » Mais surtout : « Quel sera le coût induit à terme par l’apprentissage dès le plus jeune âge de l’incivilité qui demain deviendra trafic, délinquance, délit, prison ? » Réfléchissons ! Chaque fois que quelque chose nous choque, souvent à juste titre, on s’aperçoit que les contrevenants qu’ils soient français de souche ou immigrés n’ont fait que profiter de dispositions laxistes imaginées par nos représentants, incapables de faire respecter la loi et ne s’intéressant en fait qu’à une seule chose, leur réélection !

 

On exigera des femmes qui ayant élevé des enfants n’ont pas suffisamment d’annuités de retraite, de travailler jusqu’à soixante-sept ans pour toucher une pension complète alors que dans le même temps on accordera au même âge le fonds de solidarité (740 € par mois) à des immigrants n’ayant jamais cotisé ! On se vante même de cette disposition, dans le recueil Vivre en France du ministère de l’Immigration ! On se laissera entraîner dans la provocation d’islamistes radicaux persuadant leurs fidèles de venir prier dans la rue le vendredi alors qu’on invente toutes les difficultés possibles et imaginables pour retarder les permis de construire de mosquées (sans minaret) que les communautés musulmanes sont prêtes à payer sans faire appel aux fonds sulfureux de nos « amis », émirs du pétrole (ou même au besoin avec l’aide de l’Etat qui possède bien les églises) !

On en finit plus de discuter sur la burqa, alors que les femmes de France, de souche ou immigrées, se sont battues pendant des années pour obtenir l’égalité des droits ne serait-ce que le droit de vote en 1945 (et là encore il n’y a guère lieu d’être fiers dans un pays où 83 % des députés sont des hommes !). Va-t-on continuer à débattre si une femme, à l’hôpital public refuse de se faire soigner par un médecin homme ou si une gamine refuse de se baigner dans une piscine municipale en présence de mâles ? Que la première aille dans une clinique privée, prête, moyennant finance, à satisfaire ses caprices et tant pis pour la seconde si elle n’apprend jamais à nager ! On refuse une vie descente aux clandestins alors que de nombreuses tâches ne trouvent plus preneurs chez les Français même chômeurs. Il est loin le temps où Bécassine venait travailler quelques années à Paris comme « bonne » – on n’ose même plus employer ce terme – avant de retourner quelques années plus tard avec trousseau et gages épouser son breton ! Tout est mélangé, tout est fait par bêtise pour que le pauvre peuple réagisse de façon épidermique en fustigeant l’étranger au lieu de sermonner ses stupides représentants !

 

Ainsi par exemple, alors que des générations de Français sont parties autrefois à l’aventure sur des terres lointaines pour revenir au pays, fortune faite, on n’a pas compris que c’était l’immigration de peuplement qu’il fallait décourager au profit d’une immigration contractuelle favorisant après quelques années le retour au pays d’origine. On pourrait très bien par exemple au moment du retour, restituer aux travailleurs étrangers un capital correspondant aux droits acquis par leurs cotisations pendant leur séjour auxquels ils renonceraient. En cas d’immigration temporaire, l’économie du pays d’origine est favorisée, par les transferts d’argent et la formation des hommes sans que le pays d’accueil n’ait à subvenir aux besoins des familles. On ne devrait permettre le regroupement familial qu’après s’être assuré pendant plusieurs années du réel désir d’intégration et de la bonne conduite du candidat. Mais on oublie que les problèmes rencontrés avec les immigrés émanent le plus souvent de Français de la deuxième, troisième ou quatrième génération. Et là, plus de reconduite aux frontières ! Qu’a-t-on fait pour favoriser véritablement l’intégration de ces concitoyens ? L’accueil dans des bidons-villes au début des Trente glorieuses ou les camps de harkis qui restent une tache indélébile sur notre drapeau ? L’entassement dans des cités insalubres sans aucune mixité sociale si ce n’est le rejet des pauvres à la périphérie des agglomérations pour satisfaire l’appétit féroce de promoteurs immobiliers et le refus de certains maires d’appliquer à la lettre le taux réglementaire de logements sociaux dans leurs belles communes ! Est-ce l’égalité des chances si chère aux républicains que d’enseigner le français dans les banlieues à des enfants de familles étrangères dont les parents ne le parlent pas avec les mêmes moyens que ceux mis en oeuvre dans les cités favorisées où le milieu familial et les répétiteurs viennent combler les carences d’un personnel enseignant dévalorisé ? Est-ce que nos classes défavorisées qu’on cherche à dresser contre d’autres prolétaires, les immigrés, vont enfin comprendre que l’inégalité sociale grandissante dont elles sont aussi victimes, est, plus que la différence de race ou de culture, une des principales causes de la situation dégradée qu’elles subissent. Là encore, la responsabilité est à rechercher dans l’égoïsme des nantis et l’individualisme de leurs représentants ! Alors assez de querelles. On nous répète à longueur de temps, dans cette télé débile qui formate les esprits, que le danger c’est le Front National !

 

Or, le Front National n’existe vraiment que par les médias ! Sur le terrain ses candidats aux dernières cantonales étaient le plus souvent si peu présentables qu’ils affichaient le portrait de Marine Le Pen au lieu du leur ! Ce parti du rejet de l’autre s’effondrera de lui-même le jour où les Français de toutes origines unis et solidaires, désireux de suivre la route tracée par leurs prédécesseurs, reprendront en main leur propre destin sans avoir à écouter les sornettes des bateleurs d’estrades de tous bords, de l’extrême droite à l’extrême gauche !

 

Pour en arriver là il faut redresser la barre.

Le problème de l’immigration qui nous empoisonne et qui n’est pourtant pas le plus important pour les gens d’origine modeste par rapport à ceux de la sécurité, du chômage, du pouvoir d’achat, du logement, des retraites, mais aussi de la dette publique, du partage équitable des richesses, de l’avenir de la jeunesse, doit être rapidement résolu pour qu’on parte enfin sur des bases sérieuses sans dresser des pauvres contre les pauvres ! On doit délivrer clairement un message : l’immigration clandestine sera strictement combattue dans le respect de la dignité humaine avec des zones de rétention aux frontières dans l’attente d’un jugement. On favorisera l’immigration contractuelle, sans regroupement familial, en fonction des besoins du pays et on régularisera tous ceux qui depuis des années vivent en France dans le respect de la loi. On supprimera l’invraisemblable appel d’air des prestations sociales systématiques accordées à des clandestins qui n’y ont nul droit (CMU, aide au logement, assistances diverses).

 

On réglera ensuite une fois pour toutes, quel qu’en soit le coût – si on attend ce sera encore plus cher – le problème des banlieues, ce qui signifie espoir pour les jeunes (travail, formation, logements, culture), lutte contre les trafics (infiltration des réseaux, expulsion des étrangers commettant des délits, peines de prison sévères pour les trafiquants,…), rétablissement d’une mixité sociale en favorisant l’accès à la propriété, effort tout particulier pour l’enseignement maternel et primaire (tutorat scolaire, internats pédagogiques, développement de l’apprentissage, repérage précoce des talents), participation de tous aux responsabilités (associations, conseils municipaux).

 

Il faudra ensuite s’attaquer aux problèmes communs à tous, Français ou immigrés.

Le chômage tout d’abord où toute amélioration remplit bien vite les caisses de l’État. Pour cela il faudra lutter contre la désindustrialisation du pays, conséquence pourtant prévisible d’une mondialisation incontrôlée. Il faudra réguler les cessions d’actifs notamment par les fonds de pension, vampires des temps modernes, qui à la première occasion de profit, se débarrassent sans scrupules de ceux qui pourtant ont largement contribué à les enrichir. Il faudra au sein d’une Europe sans dumping social ou fiscal établir une TVA sociale ne faisant peser sur le travail que ce qui a trait au travail et renvoyant à l’impôt progressif ce qui a trait à la solidarité nationale (Sécurité sociale, allocations familiales).

 

Le pouvoir d’achat qui se dégrade à vue d’oeil doit bénéficier d’une taxation accrue de la spéculation financière sur les matières premières, une nouvelle grille des salaires doit contracter dans de plus justes limites l’échelle des rémunérations, un minimum vital garanti à tous en contre partie d’une participation à des travaux d’intérêt collectif doit permettre aux plus défavorisés une vie décente. L’accès social aux différents fluides (eau, gaz, essence, électricité doit être favorisé par une prime annuelle aux plus modestes correspondant aux taxes perçues sur une consommation de base fixée par la loi). Les circuits de distribution doivent être raccourcis et une part raisonnable garantie aux producteurs notamment dans le secteur agricole où la petite entreprise familiale, gestionnaire de l’espace rural sera favorisée au détriment des industriels de la terre ! Un effort sans précédent doit être consenti en faveur du logement. Chaque fois qu’un emprunt sert à un investissement durable il est rentable à terme. Chaque fois qu’il couvre des déficits de fonctionnement on reporte sur nos enfants la charge de notre incapacité. Or quand le bâtiment va tout va. Ce sera l’occasion de revoir la conception énergétique de nos immeubles, puisque comme chacun sait l’énergie la moins polluante et la moins coûteuse est celle qu’on ne consomme pas, sans tomber dans l’actuel bricolage servant surtout à capter des avantages fiscaux.

 

La chasse au gaspi sera enfin appliquée à la dépense publique car jamais, sans mesures draconiennes, on ne sortira de l’impasse dans laquelle nos incapables de droite et de gauche nous ont enfermés. Alors qu’Angela Merkel va faire ses courses sans garde du corps au supermarché, nos anciens premiers ministres (même ceux qui n’ont fait qu’un bref passage au gouvernement) bénéficient à vie d’une voiture de fonction, gratuite évidemment, avec chauffeur et officier de sécurité. Pour ne prendre que cet exemple plutôt anecdotique mais qui traduit bien l’esprit profiteur de tous nos élus, il concerne tout de même Pierre Mauroy, Laurent Fabius, Michel Rocard, Edouard Balladur, Lionel Jospin, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin, et même Edith Cresson. Il faut voir à quel point sont recherchées les fonctions qui s’accompagnent d’avantages en nature, logement, voiture, chauffeur… Une fois parti c’est à qui obtiendra un logement du parc privé de la ville de Paris, une prébende quelconque, tout ce qui distinguent les nantis des contribuables ! La décentralisation avait déjà coûté bien cher avec ses Hôtels du département, ses véhicules de fonction, son personnel pléthorique. Cela ne suffisait pas. On a inventé les Communautés de communes et les intercommunalités ! Partout c’est le même refrain. À l’Université on se dépêche en fin d’année d’acheter n’importe quoi de peur que ses crédits ne soient pas renouvelés l’année suivante (ce serait trop simple de pouvoir les reporter d’une année sur l’autre !)

 

À l’armée on fait tourner les camions pour finir les stocks d’essence ! Gaspi, gaspi, c’est le contribuable qui paie…ou plutôt ce seront ses enfants et petits enfants ! Partout il faut reconstruire. Le pays est à bout et les réformes tentées par un président actuellement tellement rejeté ne peuvent plus aboutir. La bipolarisation conséquence du scrutin uninominal à deux tours lors de la présidentielle (une malheureuse erreur du Général de Gaulle à qui pourtant on doit tant) a fait son oeuvre dévastatrice. On ne s’écoute plus, chacun enfermé dans son ghetto électoral soucieux de conserver ses petits avantages (Jean-Louis Debré le dernier jour de sa présidence de l’Assemblée nationale a fait voter à l’unanimité par le bureau où TOUS les partis, PC compris, sont représentés cette disposition inique qui maintient son salaire intégral au député battu pendant cinq années !). Si les Français veulent s’en sortir ce n’est pas en « essayant le Front National » qu’ils y parviendront. Très vite ce serait la guerre civile.

 

Ce n’est sans doute plus autour du président Sarkozy qui sera très vite lâché par ses propres troupes (qui n’oublient pas que leurs chances de réélection un mois après sa défaite prévisible seraient pratiquement nulles pour la plupart d’entre eux) Ce sera peut être avec la gauche où DSK, le nanti, représente pourtant bien mal les Français qui souffrent, mais elle reste enfermée dans son alliance avec l’extrême gauche qui ne vaut guère mieux que l’extrême droite. Marine Le Pen ou Mélenchon, mêmes effets de manche sur les plateaux de télévision. Le centre, du Modem au centre droit en passant par le Nouveau centre et les Radicaux est tellement divisé que les ambitions personnelles rendront impossible tout accord. Et puis quoi de nouveau chez tout ces gens là ? Cela fait des décennies qu’ils se reproduisent entre eux.

 

Courage ! À toutes les heures tragiques de son histoire, et l’heure est tragique même si peu s’en rendent vraiment compte, notre pays a vu se lever dans ses rangs des hommes et des femmes nouveaux capables de redresser la barre. Des hommes et des femmes soucieux du bien public, désintéressés et capables. La France regorge de tels talents mais les partis, tels le lit de Procuste sont faits pour leur barrer la route. Rappelons-nous cependant pour garder espoir ce qu’écrivait J.R. Tournoux : « N’en doutons point, toutes les salves du gaullisme ne sont pas encore tirées. Et la dernière viendra d’outre-tombe. »

 

 
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14.04.2011
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