Libye
INDIGNEZ – VOUS !
par
Luc Beyer de ryke,
On
a
beau cravacher les mots ils sont à la traîne de l’actualité lorsqu’elle
s’emballe. C’est le cas en Libye. Lorsqu’ils paraîtront qu’en sera-t-il ? Le
colonel Khadafi aura-t-il avec ses guenillards stipendiés, ses mercenaires
tchadiens, nigériens, maliens, traîne-misère payés pour tuer, vaincu
l’insurrection ? Serat- il installé à Benghazi, ses sicaires se seront-ils
emparés de taxis pour Tobrouk ? Ou, contre toute attente, les occidentaux, les
Américains soutenus par la Ligue arabe aurontils
in extremis élevé
une « ligne Maginot » moins perméable que celle des années 40
?
Je
m’en voudrais de jouer les Bernard Henri Lévy sans pour autant l’exécuter comme
beaucoup le font. Il y a chez lui un mélange de courage et d’ego surdimensionné.
« Indignezvous» proclame Stéphane Hessel. BHL le fait mais sélectionne ses
indignations. Il est Bonaparte à Arcole lorsqu’il va à Benghazi et se tait
lorsque Gaza est écrasée. Il se croit la voix de la France lorsqu’il
courcircuite Alain Juppé. Lui ? Sarkozy et lui. Quelle humiliation qui entache
le retour au quai d’Orsay de celui qui y est revenu en prévenant qu’il
n’accepterait aucune tutelle… Tout cela pourtant ne doit pas occulter les
responsabilités multiples…
En
bien des circonstances la sévérité s’explique et se justifie lorsqu’il s’agit
d’évaluer la politique de l’Élysée. Dans le cas présent il me paraît que la
nuance s’impose. Nicolas Sarkozy pèche trop souvent par impatience et
impulsivité. Fallait-il laisser Khadafi installer sa tente à Paris ? Fallaitil
pour lui complaire installer des kilomètres de luminaires en plein désert pour
arriver à l’oasis de Ghadames ? En contre-point, fallait-il au déclanchement de
l’insurrection fermer l’ambassade de France à Tripoli, rapatrier les diplomates
avant tout le monde ? Et déclarer la guerre à Khadafi avant de consulter les
alliés et évaluer les moyens et la mise en oeuvre d’une telle politique
?
Est-il
pour autant le seul responsable ? S’il à péché par précipitation, à l’exception
des Britanniques plus pondérés, la « communauté internationale » s’est réfugiée
dans l’attentisme et l’indécision. Même les Etats-Unis qui après avoir envoyé la
Ve
flotte
lui font rebrousser chemin. Alors qu’en Tunisie et en Égypte Obama a réagi
positivement. « Now ! » (maintenant) a-t-il signifié à Moubarak. Il a dû se
répéter mais il l’a fait. Pourquoi ce flottement lorsqu’il s’agit de la Libye ?
Peut-être parce qu’en Égypte Washington sait qu’il y a beaucoup d’amis des
Etats-Unis dans l’armée égyptienne. Tout contrôle n’est pas
perdu…
Alors
qu’en Libye, le régime Khadafi renversé on ignore ce que peut être la solution
de rechange. Qui sont les insurgés ? Sans pouvoir évaluer l’importance des
courants politiques l’insurrection est un amalgame (provisoire ?) de
monarchistes, de djihadistes, de nationalistes arabes, de chômeurs diplômés
comme partout et aussi de μpartisans d’Al Quaida. Comment fédérer ces
sensibilités et qui ?
Pour
intervenir, si à la rigueur on pouvait se passer de l’aval du Conseil de
sécurité, une « caution » de la Ligue arabe était indispensable. Là aussi, là
surtout, c’est la valse hésitation. Certes, on met Khadafi au ban mais on tarde
à approuver et plus encore à solliciter une intervention. On envisage une zone
d’exclusion aérienne mais pas de troupes au sol. Khadafi n’a pas que des avions,
il a des blindés et d’excellentes armes venant de la F.N., la Fabrique
Nationale de
Herstal en Belgique ; armes reconnues pour leur efficacité. Ce qui, par
parenthèse, fait débat en Belgique. Un peu tard…
Alors,
intervenir ou pas ? Ce qui se joue en Libye, à propos de la Libye mériterait
d’être donné sur la scène de l’opéra Lyrique, «
Retenez-moi où je fais un malheur ».
La communauté internationale, le G8, les Nations Unies reprennent en choeur et…
le malheur arrive. Il est arrivé.