DOULOUREUX MYSTÈRES IMMOBILIERS

 

DOULOUREUX MYSTÈRES IMMOBILIERS

 

par Paul Kloboukoff

 

Conclusions résumées sur les principales causes de l’hyper inflation immobilière

 

Seconde partie :

Dans le dédale des marchés de l’immobilier

Notre modèle social amplifie

la demande de logements

L’insee estime à 33 millions le nombre total de logements en2009, dont 18,9 millions de logements individuels, habitat préféré d’une majorité des Français. Sur ces 33 millions, 27,9 millions sont des résidences principales (RP). C’est aussi le nombre total des ménages puisque, par définition, à chaque RP correspond un ménage… et réciproquement. On compte également 3,2 millions de résidences secondaires et 2 millions de logements vacants. Le nombre de ménages croît plus vite que celui de la population : + 31% entre 1985 et 2007 contre + 12 % seulement. L’accroissement de la demande qui en résulte a été accompagné d’une substantielle augmentation de la surface moyenne des logements (de 77 m² en 1978 à 91 m² en 2006).

 

Pendant le même temps, le nombre moyen de personnes par logement a diminué de 2,8 à 2,3 et la surface moyenne occupée par personne s’est étendue de 27,5 m² à 39,6 m². Cette évolution est un des facteurs haussiers structurels des coûts et des prix moyens des logements. Des causes socio démographiques telles les proportions croissantes des effectifs de personnes « isolées », veufs, séparés, célibataires, étudiants et de familles monoparentales sont des explications de cette baisse du nombre de personnes par logement. Par l’éclatement des foyers et leur rétrécissement, notre « modèle social » amplifie la demande de logements bien au-delà de celle qui provient de la seule croissance de la population, immigration comprise. Sur les vingt-deux ans de 1985 à 2007, huit millions de ménages supplémentaires ont dû trouver à se loger. De son côté, l’État a retenu des « normes » généreuses de surfaces et de nombre de pièces en fonction des compositions des familles. Ces normes sont appliquées, non sans difficultés, dans le secteur des logements sociaux. Elles constituent des références pour l’octroi des aides à la location et à l’accession à la propriété. Pas assez de constructions de logements depuis trente ans dans les plus grands centres urbains À l’aide de données de L’insee, le sesp a bâti en 2007 une quinzaine de scénarios destinés à cerner la « demande potentielle » actuelle et à venir.

 

Les principales hypothèses sur lesquelles ces scénarios se basent portent sur les évolutions démographiques (natalité, mortalité, immigration) et sociétales (notamment les « comportements de cohabitation ») permettant d’évaluer les effectifs futurs des ménages. Il est également tenu compte des demandes de résidences secondaires, des logements vacants et des renouvellements (à la suite de démolitions, par exemple). Les résultats s’établissent dans des fourchettes assez larges de346.000 à 437.000 logements par an entre 2005 et 2009, de304.000 à 423.000 logements entre 2010 et 2014 et de 258.000 à 406.000 entre 2015 et 2019. Le scénario correspondant aux demandes potentielles les plus élevées est considéré comme peu vraisemblable car s’appuyant sur trop d’hypothèses« extrêmes ». Cependant, selon les calculs de Batch avec d’autres hypothèses, présentées et contestées par le SESP, la demande potentielle pourrait se monter à 498.000 logements par an entre 2005 et 2009.

 

Il importe de noter que les demandes potentielles ainsi calculées représentent seulement les « nouveaux » besoins, nés essentiellement des augmentations des nombres de ménages et qu’elles excluent les logements supplémentaires qui seraient nécessaires pour répondre aux besoins non ou mal satisfaits actuellement, difficiles à appréhender sans arbitraire normatif sur l’habitabilité des logements existants. Aussi, pour répondre à la totalité des besoins, le nombre annuel des logements à construire est souvent estimé à 500.000 par des « maximalistes » et à 400.000 par des « minimalistes ». Un chiffre de 500.000 mises en chantier (mec) en France métropolitaine n’avait été approché et même dépassé qu’entre1969 et 1977, avant de descendre à 400.000 en 1981, puis de baisser encore pendant une dizaine d’années jusqu’à 310.000. Pour la France entière, il a ensuite oscillé autour de 300.000 de1991 à 1998. Après ces vingt ans de baisse (non sans à-coups), la relance des mises en chantier a commencé en 1999, avec la croissance économique providentielle de la fin du millénaire, pour se situer d’abord autour de 350.000, puis de s’accélérer brusquement en 2004 pour dépasser les 400.000 logements et toucher un nouveau plafond de 466.000 en 2007. Avec la grande crise et l’attentisme inquiet des acteurs, les mec sont tombées à 333.000 en 2009 (sources des données : Siclone, cgdd/soes). Ces observations laissent penser que les besoins totaux n’ont pas été réduits depuis les années 1980 et que la pression de la demande continuera à s’exercer dans les années à venir, d’autant plus fortement que la vétusté, d’une part, et les exigences de qualité des demandeurs et des Autorités, d’autre part, continueront d’augmenter. Ce seront la région parisienne et les grandes agglomérations dynamiques qui continueront de supporter les pressions les plus fortes, au contraire des villes et des régions de la France profonde qui stagnent et se dépeuplent. Toujours plus de propriétaires et des candidats accédants poussés à l’emprunt Les propriétaires des résidences principales sont de plus en plus nombreux : 57,2 % des ménages en 2006 et 58 % aujourd’hui.

 

Dans des pays voisins, ce pourcentage est plus élevé. Mais on n’y retrouve pas des parcs locatifs hlm et sociaux aussi importants et ouverts, ainsi que des aides au logement, personnalisées ou non, aussi consistantes qu’en France. Après de longues hésitations, les gouvernants ont décidé d’afficher un objectif volontariste d’augmentation de la population de propriétaires, particulièrement en donnant davantage de possibilités d’accéder à la propriété aux familles aux revenus modestes : prêt à taux zéro (ptz), encouragement à l’allongement des durées des prêts par les banques jusqu’à trente ans, aides à la constitution des garanties… Ces différentes « aides » favorisent l’acquisition et l’endettement de longue durée. Compte tenu de la situation et des perspectives plutôt ternes en matière d’emploi et de revenus, de la désolidarisation allant avec l’instabilité croissante des couples, ainsi que des niveaux d’endettement déjà atteints, accélérer l’accession populaire à la propriété dans les années à venir paraît ambitieux… et non sans contradiction avec les dispositions changeantes sur les aides au logement locatif, public et privé. À ce propos, un peu plus de pérennité ne serait pas inutile dans le cadre d’une politique du logement qui devrait être à long terme, durable.

 

Les maîtres d’ouvrage et les destinataires des logements

 

Le ministère de l’Équipement et sa source Sitadel permettent de suivre aussi le nombre total de logements autorisés en France, qui était décompté à 299.000 en 1995 et à 344.000 en 2000. Depuis 2003, ce nombre s’est envolé pour atteindre un plafond de 568.000 en 2007, puis a baissé et est revenu à 394.000 en2009. En revanche, il difficile de parvenir à des données récentes sur les maîtres d’ouvrage et les destinataires des logements. Les dernières auxquelles j’ai pu accéder portent sur l’année2005. Elles sont néanmoins utiles pour mieux appréhender le (s) marché (s) immobilier (s), les tenants et les aboutissants.

 

Ainsi, les parts des organismes hlm, des Sociétés d’économie mixte (sem), de l’État et des collectivités locales réunies ne représentaient pas plus de 9 % des autorisations de 2005. La part des Sociétés de construction immobilière (sci), elle, ne dépassait pas 33 %, tandis que celle des autres sociétés s’établissait à 11 %. Les particuliers apparaissaient comme les premiers maîtres d’ouvrage des logements qu’ils acquéraient, avec une part de 46 %. La récente poussée immobilière a vu les logements collectifs progresser plus vite que les logements individuels et la part des sci s’accroître. Du côté des utilisations, près de 39 % des logements autorisés étaient destinés à l’occupation personnelle, près de 40 % à la location et seulement 21 % à la vente. Les ventes de logements neufs sont faibles par rapport au nombre total de logements construits. À noter que seuls les prix des logements neufs vendus peuvent être observés et leurs indices d’évolution calculés, publiés… et souvent interprétés comme des indicateurs des prix de la totalité des logements neufs construits. Méfiance !

 

Des marchés immobiliers des ventes et achats perturbés par la grande crise Des quatre grands marchés de l’immobilier, interdépendants à maints égards, deux concernent la construction, les ventes (et les achats) de logements et deux mettent en relation bailleurs et locataires. Du côté des ventes (et achats) de logements, coexistent un marché de l’occasion et un marché du neuf. Ensemble, ces marchés ont enregistré un nombre total de transactions de929.300 en 2007, de 746.400 en 2008 et de 700.000 en 2009, avant de remonter en 2010.

 

Cette évolution est essentiellement due au marché le plus actif et important, celui de l’occasion. Le nombre de ventes de logements a été de 802.000 en 2007, de 669.200 en 2008 et de 590.000 en 2009 (source : Notaires de France). La mobilité résidentielle a temporairement beaucoup diminué. Causes majeures : la crise, qui a enrayé bien des projets, et le très haut niveau des prix atteint. Quant aux ventes de logements neufs, elles ont chuté de127.300 en 2007 à 79.400 en 2008 pour remonter à 110.000 en2009. La Note de conjoncture immobilière des notaires d’avril2010 signale que « Le dispositif Scellier a eu pour conséquence une inversion de la répartition des acquisitions entre les accédants [à la propriété] et les investisseurs entre 2008 et2009 » : passage de 56 % à 35 % pour les premiers et de 44 % à65 % pour les seconds. La reprise des ventes a donc été initiée par les professionnels.

 

Dans le neuf, la plus grande partie des logements construits ne donne pas lieu à des ventes, des particuliers faisant bâtir des logements destinés à leur propre usage, d’une part, et des particuliers ainsi que des organismes publics et des sociétés privées faisant construire pour louer, d’autre part. Dans sa note Le point sur, n° 49 d’avril 2010, le Commissariat Général au Développement Durable (cgdd) indique que 5,1 millions de ménages sont multipropriétaires et possèdent14,3 millions de logements en 2008, dont 5 millions servent de résidences principales, 2,8 millions sont des résidences secondaires, 5,2 millions sont dédiés à la location et 1,2 millions sont inoccupés. Parmi ces ménages, 17 % possèdent trois logements et 15 % en ont quatre ou plus. Le parc locatif privé est donc en partie non négligeable aux mains de particuliers.

 

 

Quantités et prix des logements vendus :

quelle loi de l’offre et de la demande ?

 

Les achats de logements neufs ont augmenté fortement depuis2001, et plus particulièrement entre 2003 et 2007, malgré une montée frénétique des prix : + 39,5 % pour les appartements et+ 30,9 % pour les maisons durant cette courte période. Mais les réservations (pour achats) ont été moindres que les mises en vente. Les stocks (encours en fin d’année) se sont donc gonflés pour dépasser 102.000 logements en 2007, puis 110.000 en2008. Cet excédent de l’offre sur la demande n’a pas conduit à réduire, ni même à ralentir sérieusement les prix. Ces deux observations (sources : soes, ecln) conduisent à soupçonner que, comme dans bien d’autres domaines, la théorique ou scolaire loi de l’offre et de la demande est inopérante sur le « marché » immobilier du neuf. Les promoteurs et les autres « investisseurs » ont spéculé et anticipé la poursuite de cette miraculeuse envolée simultanée des prix et des quantités vendues.

 

La crise a réduit les appétits le temps que les stocks se résorbent (69.420 logements en fin2009)… et que les réservations dépassent de beaucoup les mises en vente (106.600 contre 78.000) en 2009. L’espoir a alors pu renaître !

 

Nous avons vu que la même « loi » ne jouait pas plus sur le marché des logements anciens et que la flambée des prix n’y refroidissait pas de façon significative l’ardeur des acheteurs. Cette loi est défiée et contournée à l’aide du recours croissant à l’endettement et par la spéculation. Une demande de logements sociaux sans limites et une « socialisation » du parc privé37,5 % de toutes les résidences principales sont louées vides en2006. 17,1 % sont des hlm et d’autres logements sociaux et 20,4% sont du secteur libre ou privé. Après avoir beaucoup diminué, le pourcentage de logements d’autres statuts (meublés, souslocations et logements gratuits) représente 5,3 % des rp.

 

Le secteur libre couvre un peu moins de la moitié des locations et un cinquième de l’ensemble des résidences principales. Le parc de hlm, lui, compte 4,2 millions de logements et héberge plus de dix millions d’habitants. Le parc locatif social progresse peu ; il comptait 4,18 millions de logements en 2005, 4,2 millions en 2008 et 4,24 millions en 2009. Les deux tiers comportent trois ou quatre pièces. Près de 750.000 logements datent d’avant 1960 et plus de la moitié du parc a été construite au cours années 1960 à 1980. Depuis, pendant dix-sept ans jusqu’à 2007, 1,46 millions de logements ont été terminés, ce qui représente une moyenne voisine de 85.000 par an. En 2009, 120.000 logements sociaux ont été édifiés (cf. Déclaration de politique générale de M. Fillon du 24 novembre). L’État veut poursuivre l’effort au cours des prochaines années. En aura-t-il les moyens, et sera-ce suffisant pour répondre à toutes les demandes en instance : 1,2 millions, dont 550.000 émanant de ménages en place et 650.000 d’autres postulants ? Combien de demandes supplémentaires à attendre, compte tenu de l’immigration, des changements sociétaux qui stimulent l’augmentation du nombre des ménages, et des craintes relatives à la paupérisation des classes moyennes et modestes de la société ?

 

Pour augmenter le parc des logements sociaux (ls : hlm et autres), les gouvernants comptent, notamment, sur la loi sru et son obligation pour les communes sous tension de disposer d’au moins 20 % de ls. Cela dirige vers une bipolarité partagée entre la propriété, d’un côté, et la location sociale publique (ainsi que privée conventionnée), de l’autre. C’est déjà ce qui se passe dans certaines localités (du 93, par ex.) où les parcs de logements sociaux sont très dominants et bondés. La « pénurie » de hlm tient aussi à ce que des locataires en place qui ne répondent plus aux critères d’attribution (revenus nettement plus forts et/ou familles plus réduites que lors de leur entrée en hlm) s’incrustent, malgré les surloyers qu’on leur demande.

 

En conséquence, la « mobilité résidentielle » ou rotation des locataires, n’est que de 10 % par an entre 2005 et 2007, et tend à diminuer, tandis qu’elle est de 18 % et progresse dans le parc locatif privé (Commissariat Général au Développement durable). Les exigences en matière de solvabilité s’accentuent en raison des difficultés financières des offices et de la raréfaction des ressources provenant de leurs donateurs locaux, régionaux et nationaux. Les prix plus faibles des hlm et les orientations données par l’État pour développer la mixité et la diversité dans le logement public et privé compliquent les tâches des gestionnaires des offices. D’après Le Parisien du29 septembre, « Des milliers de logements hlm habitables sont laissés vides par certains bailleurs sociaux » qui affichent des taux de vacance très supérieurs à la moyenne de 3 à 4 %, qui atteignent les 7 à 10 % et peuvent aller dans certaines communes jusqu’à 18 %. Parmi les explications de ce fâcheux état de fait, figure la construction localement de trop d’hlm en face d’une demande affaiblie, voire déclinante, dont l’évolution avait été surestimée. Il est difficile pour certains bailleurs de répondre à des directives visant à loger les plus nécessiteux, d’un côté, à promouvoir la diversité de leurs occupants, d’un autre côté, tout en améliorant leurs équilibres financiers défaillants.

 

Le secteur public est complètement réglementé pour la sélection des locataires des hlm et des autres logements sociaux, pour la fixation des loyers modérés et la détermination des taux de croissance annuels des loyers, comprimés autant que possible. L’État et les collectivités locales tentent également de pousser les promoteurs à devenir des acteurs de la politique sociale du logement, par exemple en imposant 20 % de logements sociaux dans tous les programmes privés de construction… et des prix maîtrisés pour les locataires bénéficiaires visés.

 

En contrepartie du respect de ces obligations, qui ont aussi pour but de développer la mixité sociale, les programmes peuvent accéder au prêt social location-accession (psla), au Pass foncier ou à d’autres facilités de financement pouvant faire l’objet de conventions entre les parties en présence. Les collectivités peuvent également imposer des contraintes de forme urbaine touchant, par exemple, à la densité et à la hauteur des édifices, aux parkings, aux nombres de pièces des logements, etc.

 

 

Un secteur locatif libre hétérogène.

Variable d’ajustement ?

 

Cet asservissement réduit ainsi les dimensions du secteur privé que l’on peut considérer comme véritablement libre et capable d’adapter son offre de sa propre initiative. Le locatif privé est amené à s’adresser à des ménages « aisés » aux revenus trop élevés pour accéder aux hlm, à des personnes éligibles qui piétinent pendant des années dans les files d’attente des offices locaux et se résignent à voir servis avant elles des candidats plus récents mieux introduits ou considérés comme plus nécessiteux, comme les familles nombreuses ou monoparentales, par exemple. Il reçoit également des personnes aux revenus ou aux garanties jugés insuffisants par les offices publics. Il est ainsi très hétérogène, véritable variable d’ajustement qui va de logements somptueux très chers à des logements considérés comme indignes. Sa vocation, pas évidente, mériterait d’être reprécisée.

 

Des taux d’effort insupportables

de locataires du secteur libre

 

En moyenne et compte tenu des aides publiques reçues, le taux d’effort (loyer et charges / revenu) des locataires du parc privé est de 22,4 %, contre 17,9 % dans le parc public. Les taux d’efforts les plus élevés sont supportés par les locataires du parc privé aux revenus les plus bas. Ils dépassent 25 % pour plus de la moitié de ceux-ci, et vont jusqu’à 39 %, en moyenne, pour les 10 % des ménages les plus pauvres. C’est insupportable, et ce problème majeur appelle la question : pourquoi n’ont-ils pas accédé aux logements sociaux ?

 

 

Les relocations poussent à la hausse

les loyers de marché

 

Pour modérer la révision des loyers de marché (du secteur privé) l’État impose aux bailleurs de limiter les hausses périodiques des loyers des locataires en place à celles d’un indice de référence des loyers (irl). Longtemps, celui-ci a été l’Indice du coût de la construction (icc). Ce dernier a été relayé en janvier 2006 par un Indice composite faisant intervenir l’Indice des prix à la consommation (ipc) et ceux des coûts des travaux d’entretien et d’amélioration du logement à la charge du bailleur. Pas assez lent, sans doute, cet irl ! Alors l’idée a germé de prendre comme référence l’ipc seul. Ainsi, depuis février 2008, l’indice de référence des loyers dépend des prix à la consommation de produits locaux et importés. Logique, non ?

 

Malgré cela, de 1998 à 2009, l’Indice des loyers de marché a crû de + 44,8 %, c’est-à-dire sensiblement plus que l’indice de référence et l’ipc (+ 18,4 %). Pourquoi ? Parce que lors des relocations (changements de locataires), les bailleurs rehaussent les loyers sans mollir. La demande et l’aide au logement de la caf le permettent. La réglementation l’autorise, pourvu que des travaux aient été faits, pour rénover, aménager, agrandir ou se mettre aux normes de plus en plus diverses et contraignantes. Aussi, de 1998 à 2009, les loyers de relocation ont bondi de +93 %. Et, la proportion de relocations après travaux, qui avait fléchi de 1998 jusqu’à 17,4 % en 2006, s’est envolée depuis pour atteindre 34 % en 2009. clameur (Connaître les Loyers et Analyser les Marchés sur les Espaces Urbains), qui fournit les données permettant ces constats, observe une liaison entre les loyers de marché et la mobilité résidentielle des locataires. Plus la mobilité augmente, plus les loyers grimpent. À la recherche d’un pare feu, Des élus voudraient voir institué un dispositif de plafonnement des loyers dans le secteur privé encore dit libre. Pas de précipitation ! A l’approche des présidentielles, on peut tout craindre

 

 

Quelle rentabilité de l’investissement immobilier ?

 

Le Revenu d’octobre 2010 nous indique que sur la longue période de 1980 à 2010, le placement immobilier (logements à Paris, source notaires), avec une progression de + 665 %, a été nettement plus payant que le livret A (+ 260 %) et le lingot d’or (+ 205 %). Cependant, il est resté très loin derrière les placements en obligations (+ 1620 % pour l’indice Euromts des oat 10-15 ans) et en actions (+ 3570 % pour l’indice sbf250, dividendes réinvestis). Mais, les performances respectives de ces placements au cours des dix dernières années ont été bouleversées après la bulle financière de 1999-2001 et l’écroulement des indices boursiers.

 

Des chiffres présentés dans ce mensuel sur les prix moyens des logements, sur les loyers correspondants et sur la rentabilité dans 223 villes et arrondissements en 2009, il ressort que le taux de « rentabilité » (mesuré par le rapport loyer / prix) est très variable selon les localités, qu’il se situe dans une fourchette de 4,5 % à 6,5 % dans la majorité des cas, que les extrêmes sont de 3,4 % et 8,4 % (pour des logements parmi les moins chers, au prix inférieur à 2.000 € par m², d’ailleurs). Ce taux de rentabilité a tendance à être d’autant plus faible que le prix du logement est élevé. Le taux est ainsi compris entre 3,5% et 4,7 % lorsque ce prix au m² dépasse 6.000 €. Il s’établit, à 3,7 % dans le vie arrondissement de Paris, par exemple, où le prix moyen par m² est de 11.200 € (et le loyer mensuel de34,84 € par m²). Nous savons aussi que les prix au m² des petits logements (studios, deux pièces…) sont généralement supérieurs à ceux des plus grands. Notons également que ces indicateurs de rentabilité sont bruts, les frais associés à la mise en location par le propriétaire et la fiscalité n’étant pas pris en compte.

 

Ces taux de rentabilité peuvent être rapprochés des taux d’intérêt des emprunts servant à financer l’acquisition des logements. Très bas actuellement, ces derniers taux avoisinent les 3 %. Emprunter à 3 % pour une « rentabilité brute» de 5 ou de 6 % n’apparaît pas forcément motivant partout. Cela peut expliquer les coups de pouce que l’État s’est habitué à donner, en aidant les investisseurs et les locataires à la fois pour atténuer les prix et pour peser sur les loyers. En fait, il paraît clair qu’un des attraits saillants pour les investisseurs (promoteurs, sociétés et particuliers) est la plusvalue espérée. Ou au moins la préservation de leur capital en période de vaches maigres et d’incertitudes sur les marchés financiers. Une « valorisation » qui a été spectaculaire au cours de la décennie.

 

 

Des coûts de construction des maisons

sans rapports étroits avec leurs prix de vente

 

Les résultats d’une enquête annuelle sur les prix des terrains à bâtir du Service Observation et Statistiques (soes) du ministère de l’Équipement donnent une évaluation du coût moyen des maisons individuelles construites en France : 192.750 euros, au total, dont 132.500 € pour la construction elle-même (de 137 m² habitables) et 60.250 € (32 %) pour le terrain. Le nombre de ménages concernés (permis de construire délivrés) était de 178.500 en 2006, puis a diminué jusqu’à111.600 en 2009. D’après l’insee (et le sesp), sur les quatre ans de 2006 à 2009, le prix moyen des maisons neuves a varié entre 242.000 € et249.000 € (terrain compris)… en hausse de + 60 % depuis 2000 et de + 110 % depuis 1990. Le prix moyen des appartements, lui, a été de 3.246 € par m² sur les mêmes quatre années, en hausse de + 60 % par rapport à 2000 et de + 79 % par rapport à 1990. Sur le site internet de Maison solaire, il est indiqué que le coût de la construction d’une maison individuelle ordinaire est à peu près le même partout en France, soit de 1.200 à1.500 euros par m² habitable, selon les prestations choisies, plus ou moins luxueuses. En revanche, le prix des terrains à bâtir varie énormément, et ce prix a beaucoup augmenté ces dernières années en raison d’une demande forte tandis que de nombreux pos (plans d’occupation des sols) sont figés.

 

De ce fait, notamment, le coût complet et le prix de vente s’éloignent de plus en plus du seul coût de la construction. Le même type de raisonnement peut être appliqué à la construction et à la vente d’appartements. Aussi le choix qui avait été fait d’indexer les loyers suivant l’Indice du coût de la construction (icc) n’avait pas de support économique et était avant tout « politique ». Il visait à « modérer » l’évolution des loyers. Concernant le prix de revient (pr) de la construction proprement dite, le site consulté présente des données (provenant de la Fédération nationale des constructeurs) montrant qu’une même maison individuelle qui revient à l’acheteur 152.000 euros en France, revient à 81.000 euros aux États-Unis (eu). Les coûts des matériaux et ceux des salaires nets des ouvriers sont très voisins (de 70.000 €), mais les charges sociales, les assurances obligatoires, la tva, les taxes diverses et les frais administratifs ne sont que de l’ordre de 11.000 € aux eu, contre 82.000 € en France. À côté des assurances et des frais administratifs (près de20.000 € ensemble chez nous) aux coûts élevés, nous pouvons noter que les charges sociales, d’une part, et les impôts et taxes, d’autre part, dépassent les 30.000 €. Le prix de revient français apparaît très lourdement obéré par l’ensemble des prélèvements obligatoires (41,5 % du pr), les impôts et taxes seuls représentant 21,3 % du pr. L’État, qui prétend « lutter » contre l’hyper inflation immobilière, en tire largement profit. Pompier pyromane ?

 

 

Des comptes nationaux révélateurs aussi

 

Dans les comptes nationaux, le prix annuel total de l’investissement (fbcf = construction, acquisitions de logements neufs et gros travaux) des ménages n’a augmenté « que » de+ 42,3 % entre 1998 et 2008. Cette limitation de l’inflation est essentiellement due au fait que l’insee ne compte pas les terrains dans la fbcf… et que seules les valeurs des biens et des travaux sont prises en compte. La fbcf n’inclut pas, non plus, les logements achetés par des ménages à d’autres ménages (marché de l’occasion). Plus inattendue est la croissance très modérée de la fbcf des ménages en volume : + 26,5 % en dix ans, soit moins de+ 2,5 % par an en moyenne. Une si faible progression ne peut justifier l’emballement des prix des logements neufs observé sur le marché. Elle constitue aussi une confirmation de la prépondérance du marché de l’occasion dans l’explication de l’hyper inflation immobilière. Elle montre, enfin, que la faiblesse des taux d’intérêt n’a pas eu d’effets stimulants remarquables sur le volume de l’investissement des ménages… qui, lui-même, n’a pas remorqué l’activité et la production du secteur btp.

 

(1) DOULOUREUX MYSTÈRES IMMOBILIERS

 

 

 

 
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07.02.2011
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