«
Il faut reconnaître pour nôtres ceux-là même qui diffèrent de nous.
»
J’affectionne cette belle parole
de Saint-Exupéry. Je l’adresse à la mémoire d’un homme qui vient de disparaître.
Son nom, André Schreurs, est sans doute peu connu des Français. L’ancien
directeur du palais des Congrès à Liège avait pourtant voué sa vie à la France.
De toutes les distinctions dont il était titulaire, celle dont il se prévalait
avec le plus de fierté était le diplôme de passeur « de Gaulle de Larminat ».
Âgé de quatre-vingt-trois ans, comme son père, Fernand, ce militant wallon
s’inspirait du combat de la « France Libre ». En tête de l’annonce mortuaire
figure la citation der Charles de Gaulle, « toute ma vie je me suis fait une
certaine idée de la France ».
L’idée qu’André Schreurs s’en
faisait, lui, l’amenait à vouloir la Wallonie « revenir » à la France. C’est en
cela que nous différions. Passionnément attaché à la France, à notre langue, à
notre culture, je ne renie pas la Belgique aussi difficile soit-elle à vivre.
Mais au-delà de ces opinions divergentes, je pense qu’il est légitime d’évoquer
dans cette Lettre le souvenir d’un homme au gaullisme si fervent. Le nom de
Schreurs est inséparable de l’histoire du mouvement wallon.
Le père du disparu, Fernand, fut
le secrétaire du Congrès national wallon en 1945. En 1950, lors de la Question
royale, il semble que ce soit chez lui que se réunirent les ministres d’un
gouvernement wallon insurrectionnel prêt à proclamer l’indépendance de la
Wallonie. D’après des documents en possession d’André Schreurs, « deux régiments
français étaient prêts, à la frontière, à prêter leur concours». L’abdication de
Léopold III mit un terme à l’aventure.
En 2008, André Schreurs présida
les États généraux de Wallonie qui, de loin, n’égalèrent pas l’audience du
Congrès national wallon d’après-guerre. Reste que la Belgique se disloque sous
les coups de butoir du nationalisme flamand et que, «ratachistes » ou non les
francophones s’en désolent et s’en inquiètent