EN FINIR AVEC L’UMPS

DE LA DÉNATURATION DU DROIT DE GRÈVE

ET DES QUESTIONS QU’ELLE POSE

 

par François Lardeau

 

Quand on cherche à identifier les principales menaces auxquelles seront confrontés nos pays dans l’avenir, la réflexion conduit immédiatement à constater l’existence pérenne, dans un monde que d’aucuns voyaient harmonieusement globalisé, d’entités géopolitiques ambitionnant chacune un leadership mondial. Ces ambitions, au stade actuel, ne conduisent pas encore à des conflits armés de haute intensité, sauf en périphérie par satellites interposés, mais elles développent des stratégies visant à accroître les vulnérabilités de tous ordres qui affectent la partie à soumettre.

 

De toute évidence, ce type de menace se trouve encore renforcé si cette dernière ajoute par elle-même à ses vulnérabilités. N’en déplaise aux dirigeants des centrales syndicales françaises qui, CGT en tête, dans le cadre de leur contestation de la réforme des retraites, ont appelé au blocage de l’économie nationale, leur action est venue - objectivement, qu’ils le veuillent ou non – ajouter ses effets pervers aux dites vulnérabilités et ce fut, en tant que telle, une mauvaise action dont ils n’avaient apparemment pas mesuré tous les risques de retournement contre leurs propres intérêts. Le temps n’est sans doute plus aux sabotages de l’époque où le Parti Communiste français se faisait l’auxiliaire dévoué des ambitions soviétiques au

 

détriment des intérêts nationaux, mais il reste, audelà peut-être du regret de cette époque chez certains militants, une culture de l’action subversive qui cherche à s’exprimer chaque fois que l’occasion s’en présente. Ce n’est pas réactiver les anciennes luttes que de mettre en garde ces militants contre de tels dévoiements, aux effets contraires aux causes qu’ils défendent, légitimement à leurs yeux. Plus dommageable à long terme est le recours à la grève lycéenne et collégienne par l’opposition, partis politiques et syndicats rassemblés. M. Chérèque avait bien dit que le recours à la mobilisation des lycéens et des collégiens serait un aveu de faiblesse, mais, bien que sachant que les casseurs y trouveraient là l’occasion de nouveaux actes de vandalisme fort coûteux pour la collectivité (destruction par incendie d’un collège au Mans), Mme Royale s’est empressée de les appeler à bloquer leurs établissements, demandant, avec son hypocrisie habituelle, que cela se fasse dans le calme !

 

Un tel appel a quelque chose de doublement criminel. D’une part, il s’agit de la manipulation d’esprits politiquement immatures dont la générosité se trouve ainsi abusée et détournée de tout rôle positif ; d’autre part, outre les risques physiques, cette mobilisation va à l’encontre des intérêts bien compris des lycéens et des collégiens en ce qu’elle saborde leur préparation à leurs futures responsabilités d’adultes. Quel responsable politique ou syndical peut en effet en toute honnêteté pousser à descendre dans la rue des filles et des garçons de quinze ans, l’âge du brevet, pour contester une réforme des retraites qui ne peut les concerner : eux-mêmes n’envisagent d’entrer dans la vie active qu’à vingt-cinq ans, leurs études terminées, ce qui, compte tenu des quarante annuités exigées actuellement pour une retraite pleine, reporte à soixante-cinq ans, donc dans cinquante ans, la jouissance de celle-ci ! Qui peut dire aujourd’hui ce que sera le régime des retraites à cette époque ? Faudrait-il, pour calmer leurs appréhensions, ainsi que le propose un esprit facétieux, faire passer ces jeunes gens directement de leur fin d’études à un régime de retraite afin de leur éviter toutes les pénibilités d’une vie professionnelle ! Plus sérieusement, il conviendrait d’en rester au devoir des adultes, responsables politiques et syndicaux, parents et enseignants, qui est de les préparer précisément à cette vie professionnelle afin qu’ils la vivent le plus positivement possible. Heureusement, contrairement à ce que les désordres actuels pourraient faire croire, beaucoup s’y préparent.

 

Que sortira-t-il, en définitive, de ces moments de grand désordre ? Un texte de loi d’application difficile et pourtant insuffisant au regard des contraintes extérieures de toutes sortes à affronter, financières, économiques, de concurrence, de compétitivité, etc. si ce pays veut encore avoir un avenir. Et surtout, la cohésion nationale ayant été mise à mal, un affaiblissement supplémentaire du pays au moment même où se confirment des risques d’atteinte aux personnes et aux intérêts nationaux les plus vitaux. Ben Laden a saisi aussitôt l’occasion… Ainsi l’affrontement franco-français ne conduit à rien, critique sur tous les plans. Les pertes pour l’économie se chiffrent en milliards d’euros. Le retour de la croissance qui s’amorçait ne peut qu’en être retardé.

 

Des marchés à l’exportation se trouvent compromis, le fournisseur français n’apparaissant plus fiable, en particulier en termes de délais. Autant de contretemps qui auront nécessairement des effets négatifs sur l’emploi. Pour ne prendre qu’un exemple, une grève semble avoir été particulièrement inopportune. Les surcapacités dans le raffinage des hydrocarbures étaient bien connues de tous et elles conduisaient déjà à envisager la fermeture d’un certain nombre de raffineries. Etait-ce la meilleure façon d’en préserver celles exploitées sur le sol national que d’en interdire l’accès ? Constatation dangereuse : le recours du gouvernement à des importations qui en a découlé a montré que l’on pouvait se passer d’elles … Et quand au large de Marseille des dizaines de bateaux se sont trouvés immobilisés du fait des grèves répétitives des dockers, leurs armateurs ont été tentés de les détourner sur les ports de Gênes et de Barcelone … Bref, pour une bonne part, les grévistes n’ont pas toujours été bien inspirés dans leurs stratégies, et ils ont souvent agi contre leurs propres intérêts, la réforme des retraites étant de toute façon incontournable.

 

D’une certaine manière, ils ont été abusés par les dirigeants des centrales syndicales et par ceux des partis de gauche qui ont choisi l’occasion de cette réforme pour faire un retour fracassant dans les palabres politiciennes. Conséquence de l’intention maintes fois exprimée par eux de « casser l’économie », le droit de grève s’en est trouvé dénaturé. Alors, puisqu’il s’agit d’un droit constitutionnel, peut-être faudrait-il demander au Conseil Constitutionnel de le redéfinir dans son objet et dans ses limites par rapport aux autres droits fondamentaux.

 
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09.11.2010

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