Depuis la suppression de la peine de mort, la
clémence de la Justice progresse à grands pas ; bientôt les fessées seront
interdites en France, comme elles le sont dans d’autres pays d’Europe. De
nouvelles possibilités s’ouvriront à des enfants (dûment conseillés) de traîner
leurs parents devant les tribunaux. Cela renforcera probablement l’autorité
parentale qui en a tant besoin. Dans les écoles et les collèges, les
enseignants, consternés par la montée de l’indiscipline, de la violence juvénile
et de l’absentéisme, savent déjà à quoi s’en tenir. Pour que les braves petits
(et plus grands) fassent plus régulièrement acte de présence, des cerveaux ont
imaginé qu’il serait motivant de donner des primes, des récompenses aux assidus
et à leurs classes. S’instruire (à peu de frais) est à l’évidence une corvée, un
sacrifice, et non un immense privilège, dont de très nombreux enfants du monde
sont privés. Fort heureusement, l’expérimentation a fait un flop. Mais le seul
fait qu’une telle proposition ait été prise au sérieux et testée est révélateur
de l’état d’abandon, de démission, de résignation, de détresse, de décrépitude
dans lequel se trouvent notre système scolaire et ses principaux décideurs.
L’affolement s’est installé dans la conception et la gestion des relations entre
les élèves, le corps enseignant et les parents, en particulier, ainsi qu’avec
les administrations locales et nationales.
Voilà une prometteuse préparation de l’avenir. Les
missions du système scolaire ne sont-elles pas trop ambitieuses, imprécisément
définies et circonscrites, contribuant à créer ou à amplifier les problèmes.
Ainsi, par exemple, la scolarisation des bambins dès l’âge de trois ans, bientôt
de deux ans, comporte, certes, des avantages pour les parents libérés de gardes
de leurs enfants jugées contraignantes, stérilisantes et/ou coûteuses. Elle
évite aux parents de recourir à des puéricultrices. Certains lui attribuent le
grand mérite de socialiser, ou « socialiser », les enfants de plus bonne heure,
comme si la majorité d’entre eux étaient naturellement asociaux. Et ces «
classes » pour tout petits s’apparentent à des garderies où ils sont occupés
(jeux, découpages, coloriages, collages, etc.) autant que possible. Mais, ce qui
manque le plus aux enfants pendant ces premières années de leurs vies, c’est la
présence, l’affection et l’éducation de leurs parents. « L’école » dès deux ou
trois ans éloigne les enfants de leurs parents. Et le mouvement s’amplifie au
cours du primaire puis des études secondaires. Le soin d’éduquer les enfants se
trouve délégué de fait aux enseignants, qui ne sont pas en mesure de faire autre
chose que d’essayer d’instruire leurs élèves suivant les programmes fixés.
On peut ainsi déplorer de graves lacunes dans
l’éducation des enfants et des jeunes, l’insuffisance de repères et
d’orientations permettant de vivre en harmonie avec les parents, avec les
proches, la société, de respecter les autres et les biens d’autrui, d’être
conscient de ses actes et de leurs conséquences possibles. Bref de comprendre le
sens des valeurs (y compris morales) qui sont à la base de notre société et
accepter ces valeurs. Qui d’autre que les parents peut, dès le jeune âge,
inculquer ces valeurs en les rendant vivantes, par l’exemplarité, en
particulier, car avec l’explication et la recherche de l’adhésion, celle-ci
constitue un des moteurs principaux de l’éducation.
Evidemment, « revenir aux pratiques passées » n’est
pas envisageable. Il convient cependant d’impliquer davantage les parents, de
les réintégrer dans le système éducatif, car la poursuite du chemin emprunté
écartant les parents de l’éducation de leurs enfants ne fera qu’aggraver
l’insociabilité, l’irascibilité de jeunes, et futurs adultes, voir leur
marginalisation, et à approfondir le fossé entre les
générations.
En permanente évolution, l’enseignement d’aujourd’hui
se différencie toujours plus de celui d’hier, tant dans le contenu, que par les
niveaux atteints et par les méthodes pédagogiques, qui intègrent (progrès
indiscutable) chaque jour d’avantage l’usage de l’informatique, d’Internet et de
la vidéo communication. Des changements des modes de pensée et de « réflexion »
s’opèrent. On réfléchit ou on raisonne moins et on sollicite moins sa mémoire
puisque les réponses aux questions se trouvent sur Internet et qu’on peut les y
trouver en quelque clics. Les parents et les aïeux n’ont pas les mêmes réflexes
et ont rarement eu les formations (et les motivations ?) appropriées.
Ces différences d’approche ne favorisent pas la
compréhension mutuelle et les échanges intergénérationnels. Secoué, le
vocabulaire lui-même bouge. On ne finit plus, on ne termine point, on n’achève
pas, on finalise. On ne regarde plus, on n’observe plus, on scrute encore moins,
on visualise. On ne confirme plus, on valide. On clique, on zappe, on connecte,
on surfe, etc. Les adultes, jeunes ou vieux, se doivent d’apprendre pour ne pas
être déconnectés.
À côté de cela, une grand médaille du mérite est
toujours décernée à Internet et à toutes les ouvertures qu’il offre :
téléchargements variés (y compris ceux qui sont illicites), accès aux jeux de
hasard et aux paris en ligne, aux réseaux sociaux (Twitter, Facebook…) et, bien
entendu, possibilités d’achats en ligne d’un peu tout, toujours très avantageux
et en pleine expansion (pub dixit). On est moins dithyrambique sur les
escroqueries et les falsifications que facilite la toile ainsi que sur les
risques de mauvaises « rencontres » (de prédateurs pédophiles, par exemple, de
violeurs potentiels ou d’autres malfrats) dans les réseaux, sur les « blogs » et
lors des « chats ». On semble aussi découvrir que l’anonymat permet de diffuser
des calomnies ravageuses, de désinformer et de répandre très vite n’importe
quelle propagande, de la faire pénétrer dans les familles. Le cas du jeune
auteur de « rapp » violent incitant à attaquer et à tuer les « keufs »
(policiers) est édifiant ; il appelle d’urgence une prise de conscience et des
réactions à la hauteur des risques qu’encourt notre société. Là encore, la loi
et la justice peinent à définir les infractions et à les sanctionner. Identifier
et localiser les auteurs des « méfaits » n’est, en outre, pas des plus
faciles.
Évolutions sociétales, protection de l’enfant et
éducation
Respectant l’esprit de l’UE, l’union libre ou
concubinage, le PACS et le mariage se concurrencent en France. Les deux
premières formules offrent aux partenaires plus de souplesse pour s’unir et se
séparer et de liberté que le mariage. Elles sont ouvertes aux homosexuels
désirant former couple. Le mariage, pas encore. Malgré les pressions des lobbies
intéressés et leurs soutiens artistiques, associatifs, politiques et
médiatiques. Tandis que le mariage recule, l’union libre et le PACS progressent.
Pourtant, la sécurité et la protection des enfants n’y gagnent pas. Au
contraire. En cas de séparation des couples (phénomène devenu banal, et envisagé
dès le jour de l’union), les enfants ne bénéficieront automatiquement de
l’attention et de l’assistance éventuelle du juge aux affaires familiales que
lors de la dissolution de mariages. Même lors de divorces par consentement
mutuel. Pourquoi cette différence avec les enfants d’unions libres et de PACS,
dont les situations peuvent être plus complexes et précaires. La société et la «
famille » évoluent vite, l’enfant a de plus en plus besoin d’être protégé. Le
droit peine à suivre.
L’adoption est un phénomène sociétal en expansion. En
France, sur environ 4.000 enfants adoptés annuellement, 3.000 proviennent de
l’étranger. La convention internationale signée à La Haye en 1993 ne semble pas
apporter les garanties nécessaires pour protéger les enfants (et leurs parents
biologiques) et normaliser les procédures d’adoption. Les médias ne nous parlent
plus des suites de l’aventure calamiteuse tchadienne, de « l’enlèvement » de ces
enfants dans lequel une ONG était impliquée et qui avait fait grand bruit. De
même, les vicissitudes qui avaient perturbé et entravé des tentatives
d’adoptions d’enfants haïtiens à la suite du cataclysme qui avait frappé leur
pays, ainsi que les révélations de trafics « familiaux » d’enfants sont déjà
presque sorties de l’actualité. Cependant, les problèmes demeurent. Les
conditions et les procédures à suivre varient aussi suivant les pays des
candidats à l’adoption. Dans certains pays, la possibilité d’adopter est
réservée aux couples infertiles.
En France, c’est plus embrouillé. Un couple marié
depuis plus de deux ans ou dont les conjoints ont plus de vingthuit ans peut
postuler à l’adoption. « Les concubins ou les pacsés ne peuvent pas adopter
ensemble un enfant, mais individuellement, c’est possible, y compris pour les
homosexuels » (Wikipédia). L’enfant n’acquiert, dans ce cas, qu’un parent (père
ou mère) légal, hétérosexuel ou non. Peut-on considérer que l’intérêt de
l’enfant est la priorité du législateur ou regretter que ce soit la satisfaction
des demandeurs et le goût du jour qui prédominent ? Ces particularités
expliquent sans doute en partie l’insistance avec laquelle certains réclament
l’institution du mariage entre des personnes du même sexe … qui constituerait un
grand pas vers la possibilité pour les homosexuels d’adopter ensemble des
enfants. Que de contorsions juridico administratives pour protéger les enfants
convoités ! En partie dues aux hésitations et à l’absence de position claire et
nette sur le mariage, normalement réservé aux couples homme-femme… tandis que le
PACS a été créé et agencé notamment pour permettre de sceller des unions entre
homosexuels. Dans ce domaine, cela ne devrait plus être à la jurisprudence,
variable dans le temps et suivant le lieu, de faire la
loi.
«
L’égalité parfaite » est un nouveau concept que nous devons aux commentateurs de
compétitions sportives. C’est la situation, en cours ou en fin de match, de
joueurs ou d’équipes qui ont marqué (ou non) autant de buts ou de points, selon
les sports pratiqués. Certains pourraient se demander si l’égalité imparfaite
existe. Ne serait-ce pas une égalité n’excluant pas l’existence de différences ?
Ces novateurs sont des habitués des confrontations qui opposent généralement des
sportifs de même sexe, hommes ou femmes, garçons ou filles, car il a été vérifié
que les potentiels, les prédispositions et les performances des concurrents
masculins et féminins n’étaient pas égales. L’égalité parfaite n’existe pas
entre les deux sexes. Force est de le constater. Il ne peut y avoir,
éventuellement, qu’une « égalité imparfaite ».
Les dirigeants de l’UE et les nôtres, les féministes
ainsi que les égalitaristes d’obédiences diverses récusent cette réalité.
S’obstiner à persuader les populations qu’égalité équivaut à identité en tous
points, en est synonyme et permet l’interchangeabilité, et à ancrer cette
conception de l’égalité avec ses conséquences et attendus dans notre droit ainsi
que dans l’organisation de la société se révèle être une erreur funeste. Elle
pousse, notamment, à ne plus réserver les statuts de mari et de femme, de père
et de mère à des personnes de sexes opposés… et complémentaires. Elle sème la
confusion, le désordre ; elle conduit à tourner autour du pot et à rechercher
des solutions juridiques et administratives emberlificotées pour répondre, au
cas par cas, aux situations qui se présentent.
Les enfants ne participent que rarement aux décisions
des nombreuses séparations des couples (mariés, pacsés ou en union libre) lors
de la « décomposition de leur famille » et au choix du nouveau partenaire lors
de la « recomposition d’une autre famille ». Ils ne choisissent pas plus le
«parent» avec lequel ils veulent aller ou rester. Par contre, ils sont le plus
souvent des victimes, attristés, déstabilisés, désespérés et contraints de se
soumettre aux « libres » choix de leurs « parents ». Ils paient le prix de cette
« liberté conjugale ». Evacuer le problème en disant que les enfants seront plus
heureux dans une « famille recomposée » (supposée sereine, attentionnée et
aimante à leur égard) que dans leur famille d’origine qui « se déchire » (ce qui
n’est pas toujours le cas, heureusement), parait bien léger, et inacceptable.
N’est-il pas temps de placer le bonheur et la protection des enfants devant les
désirs de changements de partenaires de leurs parents et d’être plus attentifs
aux situations et aux devenirs de ces enfants soumis à une forme d’adoption,
légalisée ou non ? Et il a été question de créer un statut de « beau parent »
pour les nouveaux conjoints de parents divorcés. Cela conduirait notamment à
accorder une autorité parentale au nouveau beau parent sur les enfants de son
conjoint dans la famille recomposée.
Une autorité supplémentaire s’imposerait alors
légalement à ces enfants, car il ne semble pas envisagé, pour le moment, de
déchoir un des parents d’origine de son autorité parentale. La situation en
serait-elle plus claire, plus simple, plus saine avec une telle multiplication
des autorités sur l’enfant ? On peut douter que cela améliore les relations de
l’enfant avec son nouveau beau parent. Et, les couples étant de plus en plus
éphémères, que se passeraitil lors d’une nouvelle décomposition et recomposition
de la « famille » déjà recomposée antérieurement ? Sans parler des énigmes
juridiques liées à la diversité des statuts des couples, surtout si on devait
rechercher des solutions « harmonisées » pour des couples mariés, pacsés ou en
union libre. D’un autre côté, il n’est pas certain que la possibilité pour les
enfants de porter plainte contre leurs « parents » et de les poursuivre en
justice soit un moyen préventif efficace pour limiter les maltraitances ainsi
que les conflits et rapprocher les générations. C’est un signe de la
désagrégation rampante des « familles » et de l’incapacité des services sociaux,
des écoles et des mairies de repérer les « cas sociaux » concernés et
d’intervenir.
On peut aussi douter que la sanction des parents pour
des fautes ou des manquements de leurs enfants, tels l’absentéisme à l’école ou
des délits répétés, soit une bonne idée pour responsabiliser les parents…et les
coupables. D’ardus et douloureux problèmes socio juridiques sont aussi engendrés
par la gestation pour autrui (GPA) par des « mères porteuses ». Interdite en
France, elle est admise dans d’autres pays, comme les États-Unis et, plus près
de nous, en Belgique et au Danemark. Aussi, des couples français font-ils appel
à des mères porteuses étrangères sur le sol de leur pays. Notre législation ne
semble pas l’interdire ou le condamner. Les enfants nés de cette GPA acquièrent
assez aisément la nationalité (américaine, par exemple) de leur pays de
naissance, et les parents (biologiques ou intentionnels) peuvent y obtenir la
reconnaissance légale de la qualité de mère et de père. C’est sur ces points que
les difficultés se concentrent en France. La retranscription d’actes de
naissance d’enfants nés de mères porteuses dans l’état civil français n’est pas
autorisée. Cela a été confirmé en décembre 2008 par la Cour de cassation qui a
invalidé un arrêt de la cour d’appel de Paris donnant satisfaction à des parents
demandeurs. Motif : contrariété à l’ordre public. Il ne faut pas encourager la
transgression de la loi.
Pour sa part, le Comité consultatif national
d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (plus brièvement, CCNE)
continue de s’opposer à la légalisation de la GPA au nom de l’intérêt de
l’enfant et de son équilibre psychologique. Le comité craint aussi que la GPA
puisse « porter atteinte au principe de dignité de la personne humaine ou à
l’image symbolique des femmes » (Internet : LESINFOS.com). Byzantin ? Ces
positions sont, nous le savons, contestées. Et compte tenu de la puissance du
phénomène d’imitation « progressiste » au sein de l’Union, et libertaire chez
nous, rien ne me semble garantir que ces positions seront durablement tenues.
Autant en emporte le vent des changements sociétaux tandis que la loi et la
Justice courent derrière les événements.
Un autre regard sur le vieillissement en
France
D’après les statistiques de l’INSEE, le «
vieillissement » en France ces trente dernières années peut être attribué pour
moitié à la relative faiblesse de la natalité. En effet, le pourcentage des
moins de vingt ans dans la population chute de 30,3 % à 24,4 % de 1981 à 2010,
soit de près de – 20 %. Les Hautes Autorités ne s’en émeuvent pas et ne cessent
de répéter que les performances en matière de reproduction sont bien meilleures
en France que partout en Europe. N’empêche ! Il n’y a pas de quoi parader et
nous rassurer. Cette désaffection montre (outre la diffusion de la contraception
et la persistance de nombreux avortements) un malaise tenace et le manque de
confiance dans l’avenir de nos « parents potentiels »… de moins en moins jeunes.
Les crises à répétition, les menaces de chômage, la difficulté de trouver un
emploi stable, ainsi que les insolubles problèmes de logement sévissent
évidemment.
La politique de population française (peut-il
réellement en avoir une avec l’UE ?) a peut-être aussi davantage besoin d’un
sérieux réexamen que de « coups de rabots sur les niches fiscales ». Bien sûr,
le vieillissement des vieux, avec les inépuisables centenaires, est mis en
exergue, expliqué par le miracle de l’augmentation rapide de l’espérance de vie.
On omet de préciser au grand public que presque la moitié (plus de 46 %) de
l’augmentation du pourcentage de l’ensemble des personnes de plus de 60 ans est
localisée dans l’étroite tranche d’âge des 60-64 ans. Le « baby boom » de
l’immédiat après guerre est à l’origine de ce gonflement dans les statistiques
démographiques. Il occasionne, nous l’avons presque oublié, une brusque
aggravation (qui était très prévisible) des équilibres démographiques et
financiers des régimes de retraite.
Cet « autre regard » sur le vieillissement incite à
relativiser les conclusions savantes et les certitudes qui sont assénées aux
citoyens. Réformer, aménager : oui. Mais en toute conscience et dans la
clarté.